Chapitre 4
Je n'aurais jamais imaginé être aussi heureuse de retrouver l'agitation new-yorkaise, qu'au moment où je quittais Black and White Tale. J'avais pourtant passé moins d'une heure dans le club de mon frère, mais mon corps et mon esprit avaient été tellement saturés, qu'ils accueillirent la ville comme un vieil ami. Un endroit capable de m'apporter la paix et l'oubli. Je pouvais en effet reprocher beaucoup de choses à New-York, l'accuser d'être trop embouteillée, grise ou bruyante, mais pas d'être dénuée de façons d'occuper.
Cette ville trouvant toujours un moyen ou à un autre, de vous faire voir différemment le monde. Davantage de boutiques que vous pouviez en compter, des restaurants qui proposaient des cuisines authentiques du monde entier et des musées dont les expositions permanentes et temporaires se mêlaient pour que vous ayez toujours des intérêts renouvelés. Il y avait de quoi faire à New York et même si la mer et le pont du Golden Gate me manquaient, je devais bien reconnaître que mon frère et moi passâmes tout de même de très bons moments ensemble. Nous commençâmes par m'acheter plus d'accessoires d'hiver et de vêtements, que je ne pouvais en porter, avant d'aller déjeuner dans un somptueux restaurant français où je mangeais le meilleur tournedos de boeuf Rossini de ma vie. Celui-ci constitué d'un filet de boeuf qui fondait dans la bouche était recouvert d'une magnifique tranche de foie gras poêlé, cuite à point et accompagné de pommes Anna.
Une merveille qui n'était constituée que de beurre et de pomme de terre et qui me faisait mille fois admirer la gastronomie française. Je mangeais bien plus qu'à mon habitude et l'estomac plein et le corps lourd, je n'avais qu'une envie, aller m'allonger dans mon lit. Nous étions à peine en début d'après-midi et pourtant j'avais l'impression d'avoir vécu, toute une vie, aujourd'hui. Il s'était passé tellement de choses, j'avais ressenti tant de sensations contrastées, que je me demandais, comment tant d'émotions pouvaient être contenues dans une même journée.
Le froid, le chaud, l'envie et la rébellion. Le fantasme et la nouveauté, tout ce que je ne désirais pas, même si je ressentais tout de même une étrange forme d'attraction et d'envie, comme si un magnétisme m'attirait vers tout ce dont mon esprit me détournait. Je voulais et je ne voulais pas et cela me donnait l'impression d'avoir à la fois les yeux ouverts et fermés. De voir sans regarder, de savoir sans parvenir à accepter cette connaissance dont mon inconscient ou peut-être simplement une part extrêmement éloignée de mon être me parlait. J'avais vécu beaucoup de choses aujourd'hui et je pensais que je n'en vivrais pas davantage, même si malheureusement une journée ne s'arrêtait jamais, quand on le souhaitait, mais quand elle le voulait. J'étais en effet en train de me laisser complètement aller à la gourmandise, en mangeant des profiteroles au chocolat, pour une fois authentiques, c'est-à-dire, constitués de choux fourrés non pas de glace, mais de crème pâtissière.
Des choux que la glace vanille accompagnaient bien évidemment tout de même, mais à sa juste place, à savoir dans un coin de l'assiette, pendant que le tout était recouvert d'une généreuse et agréable sauce au chocolat. Je mettais donc du chocolat et de la crème partout, pensant être tranquille et sereine pour la journée, quand mon frère qui n'avait jusque-là absolument pas évoqué ou posé de questions sur les événements s'étant déroulé dans son club décida d'entrer en action, ou plutôt de me pousser tête baissée dans la gueule de loup, comme si, je n'avais pas fait assez d'efforts pour éviter d'y plonger aujourd'hui !
— Tu as fait forte impression à Seth, on aurait dit qu'il voulait te croquer.
— Eh bien, il trouvera quelqu'un d'autre à dévorer, répondis-je en me souvenant de sa beauté et de son charisme.
— Et pourquoi ne pas lui donner une chance ?
— Excuse-moi ?
— C'est un homme bien, il pourrait t'apporter ce qui te manque.
— Il a les mêmes goûts que toi, rétorquais-je peut-être un peu trop vivement et rapidement, sans lui demander ce qui, selon lui, me manquait, l'imaginant sans avoir besoin d'y penser.
— Et alors ? Peut-être que cela te plaira, dit-il d'un ton trop convaincu pour moi.
— Tu sais très bien que je ne partage pas ce genre d'inclinaison, répondis-je en me demandant si je lui mentais ou si je me mentais à moi-même.
Mes fantasmes, les images que j'utilisais pour prendre du plaisir ressemblaient en effet un peu trop à tout ce qui habitait ce monde que je reniais. Un monde que je tenais peut-être à l'écart par faiblesse, mais faiblesse ou pas c'était mon choix. J'étais une adulte, avec sa vie, ses failles et ses envies et je n'avais pas besoin que qui ce soit se mêle de mon intimité. Mon frère était bien intentionné, mais ma sexualité ne le regardait pas.
— Tu n'as jamais essayé, comment peux-tu savoir ce que tu aimes ou pas, insista-t-il d'un ton doux.
— Je ne suis pas très attirée par l'idée de perdre ma virginité avec un homme qui veut m'attacher.
— Il n'aura pas besoin de t'attacher la première fois. Tu sais que ce genre de pratique ne se résume pas uniquement à des attaches et des liens.
— Je ne veux pas savoir, murmurais-je en rougissant et en me détournant violemment.
— Je veux juste ton bonheur petite sœur.
— Je peux le trouver ailleurs.
— Pourquoi aller chercher au loin, ce qui est devant toi ?
— Je ne veux plus parler de ça...
— Comme tu voudras... Ferme les yeux si tu le souhaites, mais n'oublie pas que tu peux les ouvrir quand tu le veux. Tu n'as pas à demander la permission de qui que ce soit, pour vivre la vie de ton choix.
— Je le sais.
— Et...
— Ne me dis pas qu'il y a encore un et ?
— C'est le dernier.
— Dis-le alors.
— N'oublie pas que je serais toujours là pour toi, peu importe tes choix.
— Merci, répondis-je en finissant de manger, heureuse d'en avoir enfin fini.
Tout ce que je craignais, tout ce que je cherchais à éviter d'entendre avait été dit et un poids m'avait soudain été enlevé de la poitrine. Même si rien n'était fini et n'avait même commencé, je pouvais être en paix. Noah et moi regagnâmes notre immeuble et après avoir mis nos achats dans mon salon et déposer un baiser sur mon front, il rentra chez lui, pendant que je décidais de me faire couler un bain pour me décontracter.
La chambre et la salle de bain étaient en effet les deux lieux de mon appartement que je préférais, même si j'adorais à vrai dire chaque pièce de cet endroit, que je n'avais eu aucun mal à transformer en un foyer protecteur et agréable. La bibliothèque dans laquelle, je pouvais lire ou travailler mes dessins et mes textes. Le salon où un gigantesque canapé strips d'Arflex, permettait de s'assoir ou de s'allonger, de se décontracter, sans les entraves auxquelles un salon habituelle soumettait, sans parler de ma cuisine, où j'adorais faire des biscuits ou concocter des petits plats, qui en plus de me régaler, faisait le bonheur de Noah. Toutes les pièces de mon appartement étaient pour moi parfaites, mais j'adorais prendre un bain et lire ou regarder un épisode de ma série préférée sur la télévision mobile, dont je venais de faire l'acquisition. Pratique, portative, belle et ergonomique, elle faisait mon bonheur, me permettant de l'utiliser où je voulais et débarrassant les autres pièces d'autres téléviseurs. Elle était parfaite et après deux heures, à l'utiliser pour me divertir en barbotant, dans de l'eau pleine de mousse, je décidais d'aller au lit. Je me lovais donc sous mes couvertures et sortis Jane Eyre de ma table de chevet, un livre que j'avais déjà lu, mais que j'adorais de temps en temps relire, pour mieux m'en nourrir. Je saisis l'ouvrage et fis bouger en passant, le petit vibromasseur que j'aimais tant. Petit, efficace, discret, il était parfait et en cet instant, j'aurais adoré l'utiliser. La journée m'avait après tout, à juste titre émoustillé et j'étais en droit de vouloir libérer la pression.
Je voulais me sentir molle et comblé, mais trop d'images défilaient dans ma tête, pour que je puisse y arriver. Les mots de mon frère, les sous-entendus de Seth, cette petite voix dans mon esprit qui me répétait sans arrêt que je me mentais à moi-même. Que je pouvais serrer les cuisses autant que je le voulais, sans que la vérité n'en soit pour autant modifier. Dans l'obscurité de ma chambre à coucher, c'était toujours les mêmes pensées qui m'excitaient, qui parvenaient à me donner tant de plaisir que je devais parfois même changer de petites culottes après la jouissance. Je savais, mais savoir ne voulait pas toujours dire accepter, alors je me contentais de me détourner et de lire, avant de rapidement m'endormir.
De sombrer dans les bras de Morphée, en priant pour qu'il me laisse en paix et que n'apparaissent pas dans mes rêves Seth, Black and White Tale, des cordes ou des chaînes...
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