Chapitre 25
L'obscurité de mon appartement douillet, elle semblait être appropriée à l'instant que je vivais. À ce moment que la nuit étreignait et berçait avec naturelle et beauté, comme si elle était habituée aux drames et aux peines de l'humanité. La nuit était pourtant faite pour le sommeil, mais cela ne l'empêchait visiblement pas d'être un réceptacle de choix pour nos peines et nos joies. Quand le soleil déclinait dans le ciel, une autre vie semblait commencer sur terre, celle des repos et des rêves, mais aussi de l'activité d'une existence différemment rythmée, plus intime et plus cachée, mais aussi peut-être plus vraie, car la nuit désinhibait.
Elle libérait des masques et des faux-semblants de la journée pour enfin permettre aux heures de s'écouler avec vérité et intensité. Une expressivité dont j'avais en ce moment davantage besoin que de l'air que je respirais. Je pouvais en effet retenir ma respiration s'il le fallait, mais je ne pouvais pas laisser mon âme douter et le silence densifier le malaise que je ressentais. Cette sensation étrange que ma relation avec Seth était à un carrefour qu'il faudrait que nous passions à deux ou que nous laissions nous séparer à jamais. Que nous étions en train d'expérimenter un de ces moments importants qui testait nos sentiments. Rien ne serait désormais pour moi plus jamais comme avant et je l'avais accepté, mais Seth accepterait-il d'être dans l'après à mes côtés ? Dans ce monde où tout ne serait peut-être pas doré, mais où tout serait néanmoins vrai.
— Pourquoi n'es-tu pas en colère contre ton frère et moi ? me dit-il au bout d'un moment pendant que je reprenais ma respiration si profondément que j'eus l'impression d'avoir manqué d'air pendant des centaines d'années alors que cela ne faisait qu'un instant que j'avais arrêté de respirer.
— Qui te dis que je ne suis pas en colère ? lui demandais-je en haussant les sourcils.
— Mon coeur, je te connais assez bien maintenant pour pouvoir dire de quel côté tes humeurs inclinent.
— Et si je ne sais pas moi-même de quel côté je penche, comment pourrais-tu le savoir ?
— Tu es perdue, tu veux te venger et tu sais que le prix de la justice que ton âme réclame sera peut-être très lourd à porter, mais tu ne nous en veux pas, je le vois.
— Non, je ne vous en veux pas, murmurais-je en tremblant légèrement.
— Pourquoi ?
— Parce que si les rôles avaient été inversés, je pense que j'aurais aussi choisi le mensonge à la vérité.
— Tant mieux alors.
— Ne te réjouis pas trop vite, j'ai tout de même des questions à te poser.
— Pose-les. Maintenant que je ne peux plus te préserver de rien, je ne te mentirais sur rien.
— Bien parce que si tu me mens encore une fois, il n'y aura plus de toi et moi. Le bon comme le mauvais, tu me les dois désormais.
— Et je te les donnerais, même si je ne suis pas sûre que tu sois prête à les affronter mon chaton.
— Cela c'est à moi d'en décider. Mes bonheurs et mes peines c'est moi qui les choisirais.
— Alors choisit. Je te répondrais avec honnêteté puisque tu penses pouvoir le supporter.
Supporter l'honnêteté. Payer le prix de la vérité. Avant aujourd'hui cela ne voulait absolument rien signifier, car ce qui était vrai ne m'avait jamais vraiment rien coûté. Je ne m'étais jamais dit que les mensonges dont on donnait une réputation de laideur aux enfants étaient en réalité aussi agréables qu'un plaisir sucré, alors que la vérité faisait l'effet d'une substance empoisonnée. Elle paralysait comme un venin, immobilisant l'âme dans un entre-deux étrange que je détestais expérimenter. Une porte qui n'était ni complètement ouverte, ni totalement fermée et qui ne me permettait ni d'avancer ni de reculer. J'étais paralysée et pourtant tout en moi avait envie de bouger. De crier, de hurler, de frapper des murs et détruire des objets, de faire sortir de mon esprit tout ce qui ne serait jamais tout ce qui avait été beau par le passé et me brûlait désormais comme un brasier.
Je voulais me défouler, mais au lieu de me déchainer, je choisis simplement de parler à Seth et de canaliser le trop-plein que je ressentais dans tous ce qui pourrait faire de ma nouvelle réalité un océan plus familier. Une mer peut être différente, mais tout de même vivante.
— Pourquoi choisir ce chemin ? Pourquoi s'engager sur la voie de la criminalité alors que tant d'autres pouvaient être embrassées ? murmurais-je d'une voix que je reconnus à peine mais qui était pourtant mienne.
— Par héritage, honneur pour la mémoire des siens. Habitude aussi peut-être ou facilité, parce que le monde qu'on connait est toujours plus facile à domestiquer que celui qui n'est pas à soi et qu'on aperçoit de loin.
— Plus facile, répétais-je avec un sourire incrédule. Est-ce réellement plus facile ?
Vivre de la criminalité, beaucoup pensaient cela aisé. Il suffisait d'aller là où les autres n'allaient pas et de défier les lois, mais il fallait en réalité avoir des nerfs et un mental d'acier. Faire preuve d'assez d'intelligence pour être en permanence entouré sans jamais être cerné et pour qu'un monde difficile ne devienne pas une difficulté. Pour que les forces de l'ordre ne soient pas un problème et que la concurrence ne mette pas à mal nos affaires. Il fallait savoir jongler et même quand c'était le cas, des balles pouvaient nous échapper et le pire arriver.
— Non ce n'est pas plus facile, mais cela on ne le sait qu'après.
— Après quoi ?
— Qu'on se soit trop perdu pour se retrouver.
— Et comment te retrouves-tu désormais ?
— Grâce à toi mon coeur, grâce à la lumière dont tu baignes mon obscurité.
La lumière, elle ne pouvait pas briller dans l'obscurité et les ténèbres ne pouvaient être entiers sans une source de clarté pour les éclairer. Ce qui était en apparence opposée n'était en réalité souvent que les morceaux d'un tout unifié, tout comme Seth et moi ne semblions être que les deux faces d'une même pièce. Nous ne faisions qu'un malgré nos différences et nos respectives souffrances et j'avais envie que cette unité se concrétise de manière physique.
Je voulais qu'il me pénètre, bouge dans mon corps, nous lie d'une façon que je ne pourrais pas oublier peu importe ce que l'avenir me réserverait. Je voulais qu'au milieu de l'horreur et du malheur que m'avait fait voir ma mémoire, un bon souvenir reste à se rappeler, alors je l'embrassais sans demander mon reste ou davantage me questionner sur ce que demain donnerait. Je posais simplement ma bouche sur la sienne et laissais ma langue se frayer un chemin à travers ses lèvres. J'utilisais son goût pour me faire oublier celui du monde entier ou plutôt pour que Seth devienne la seule chose que le monde contenait. Celui qui se résumerait à une passion exaltée, car le moment était venu de sentir un homme bouger dans mon intimité. D'enfin perdre ma virginité...
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