Chapitre 2

J'avais trop froid pour me débattre, tout ce que je pouvais faire, était rester là et accepter la proximité insensée de cet homme, dont les motifs étaient trop incertains, pour que je sois pleinement rassurée. J'étais assise sur ses genoux, ses bras m'entouraient comme des liens d'acier et au lieu de me rebeller, je réussis seulement à pousser un long et lamentable gémissement d'insatisfaction, qui ressemblait un peu trop à un tout autre type de gémissement. Les bruits qu'on faisait dans la douleur et le plaisir, avaient la vicieuse manie de se ressembler, comme pour mieux nous gêner, ou nous montrer que malgré toute la retenue qu'on voulait posséder, le corps ne pouvait pas toujours être contrôlé. Qu'à un moment ou un autre, il nous forcerait à nous abandonner.

— Je veux juste vous réchauffer, tout ira bien, ne vous inquiétez pas, me murmura-t-il alors à l'oreille avec la voix du diable.

Il était trop implacable, trop maître d'une situation, qui aurait perturbé les trois quarts des gens ordinaires, pour ne pas représenter un danger d'une certaine manière. Il était beaucoup trop de choses, mais alors qu'il saisissait mes mains avec les siennes et utilisait la chaleur de son corps pour me réchauffer, la sensation de revenir parmi les vivants, de retrouver enfin mes bras et mes doigts, était si agréable, que je ne m'en souciais pas. Maintenant que ma tête recommençait à fonctionner, je ne pensais pas que si cet homme avait pour objectif d'abuser de moi, il le ferait dans un lieu public, ni même qu'il attendrait tant de temps pour passer à l'action.

Je n'avais rien à craindre, alors je me laissais complètement aller contre lui, peut-être un peu trop aller même.

— C'est bien, n'essaye pas de lutter contre moi, dit-il d'un ton satisfait, pendant que je plongeais, dans un monde où seul existait le contraste entre le froid et le chaud. Entre l'hiver new-yorkais et ses bras qui m'entouraient.

Soudain l'air n'était plus froid, mais empli d'une odeur d'ambre et de liqueur et peut-être aussi de plante sauvage. Un parfum riche et musqué, qui n'était néanmoins pas trop affirmé, qui n'emportait pas les sens mais se contentait au contraire de les stimuler de manière implicite et sophistiquée. D'éveiller dans l'ombre, de l'envie et des émotions, un désir d'avoir plus, de savoir plus, de voir plus peut-être aussi, car j'étais obnubilée par l'idée de pouvoir mettre un visage sur une saveur et une odeur. Je voulais, que cet homme soit davantage qu'un corps, alors je me démis presque le cou pour pouvoir apercevoir un profil faute d'un visage entier. Pour saisir la couleur de ses yeux ou de ses cheveux, l'allure de sa bouche et de son nez, de la manière dont ses traits pouvaient être mis sur le papier. C'était un homme d'un peu moins d'une quarantaine d'année, beau et bien proportionné, dont le visage semblait avoir été taillé dans du marbre de Carrare, un de ces matériaux riches et purs, mais aussi d'une certaine manière plus inaccessible que du bois ou de la pierre.

Qu'un caillou qu'on ramassait enfant, en s'extasiant de ses formes et en l'utilisant simplement pour faire des ricochets, tandis que le bois n'avait pas besoin d'être touché pour parler, sa chaleur habitant toujours d'une certaine manière l'air. Il avait les cheveux noirs et les yeux d'un bleu si profond, qu'il était difficile de s'en détacher et de ne pas avoir l'impression qu'ils vous sondaient. Qu'ils pouvaient voir au-delà de tout ce qui était à voir, pénétrer l'âme et non s'arrêter simplement à l'aspect que pouvait donner un corps. Il était beau, c'était une incontestable vérité, mais ce n'était pas une beauté légère ou ouverte, mais exigeante et froide. Il y avait en lui quelque chose qui disait l'autorité et la volonté de l'employer et personne n'aurait jamais pu croire un instant en le voyant, que cet homme se soumettait aisément. Il n'était certainement pas soumis, mais dominant. C'était sa voix qui donnait des ordres, elle qui avait la capacité de vous mettre face à vous-même, en d'autres termes, c'était un homme dangereux dont il fallait que je m'éloigne le plus vite possible. L'intérêt que je ressentais pour lui, ne penchait déjà pas de mon côté et alors que j'étais maintenant pleinement réchauffée, il fallait que je m'éloigne le plus vite possible de ce qu'il me faisait ressentir. Un être trop longtemps privé de contact, joui trop facilement du plaisir que peut donner la sensation de deux corps qui se rencontraient, comme s'ils étaient depuis toujours destinés à s'épouser et peut-être était-ce le cas. Peut-être que cet homme et moi, étions en harmonie, peut-être que nous aurions pu prendre plus de plaisir qu'il n'était possible d'en écrire.

Nous aurions pu, mais toutes ses possibilités étaient tributaires de trop d'incertitudes et de peines, de tout ce qui faisait que mon fantasme était peut-être bien loin de la réalité. Cet homme me plaisait, mais qui était-il pour me plaire ? Je ne connaissais, ni son nom, ni son âme ou son passé. Je ne savais rien de lui à part cette attirance qui me paralysait et une attirance n'est jamais assez fiable pour qu'on puisse s'y fier.

Elle n'est pas raisonnée, mais elle est forte et vraie et cette force et cette vérité, j'étais incapable de les nier, puisque pendant longtemps, elles m'empêchèrent de bouger. Alors que je pouvais désormais parler, me détourner, reprendre le contrôle de ma réalité, je me contentais de profiter d'une seconde, d'une minute de plus à ses côtés, dans ses bras dans lesquelles, je me sentais si bien et que je savais que je ne retrouverais pas. Quand le moment serait passé, il n'y en aurait pas d'autres à inventer, mais malgré cette réalité, l'instant ne pouvait durer pour l'éternité, car même si mon âme se languissait, mon corps était réchauffé désormais et cet homme le savait. Son sourire satisfait et la tendresse qui habitait son regard et qui contrastait étrangement avec l'aspect qu'il donnait, me le disait, il savait parfaitement ce qui se passait en moi en cet instant.

— Si tu veux que je te fasse un câlin mon coeur, il va falloir que je te porte dans un endroit un peu plus intime. Je ne peux pas te faire crier de plaisir en public, me dit-il en confirmant en une seconde chacune de mes craintes.

Mon coeur...Cela sonnait bien, trop bien, mais je n'étais pas son coeur et il n'était pas le mien et il était temps de le rappeler, à lui comme à moi.  

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