Chapitre 16

Ne jouis pas... C'était ce que m'avait murmuré Seth à l'oreille avant de s'envoler pour une semaine en Floride, où il devait superviser l'ouverture d'un nouveau « Black and White » à Miami et où je devais rester en feu pour lui. Il m'avait dit, de ne pas me donner du plaisir, de ne pas approcher mes doigts de mon sexe ou de mes seins, mais alors que j'avais réussi à résister à l'orgasme, mes mains s'étaient tout de même perdues plusieurs fois du côté de ma poitrine et de mon intimité. J'avais massé mon clitoris en serrant les cuisses et laissé la vague monter, jusqu'à ce qu'elle me permette de voguer, que je puisse sentir mon plaisir devenir tellement présent qu'il en était presque vivant, que je sois presque en mesure de le saisir et de le rendre visible.

Un mouvement après l'autre, je l'avais transformé en une créature capable de me toucher et de parler et alors que ma création était achevée, qu'il ne lui restait qu'à prononcer le mot qui m'aurait libéré, je m'étais arrêtée et l'avais vu s'évaporer. Je n'avais pas joui, parce qu'il me l'avait dit et parce que j'étais impatiente de savoir à quel point cette abstinence forcée renforcerait l'orgasme que je vivrais à ses côtés. Celui qui dès ce soir me serait certainement donné, car Seth revenait aujourd'hui de son long séjour dans le sud du pays. Dans peu de temps je le reverrais et pourrais regoûter une nouvelle fois à cette impression si particulière de triompher du monde entier, en se vainquant soi-même dans l'étreinte d'un autre être.

L'excitation et l'expectation, l'envie du corps et de l'esprit m'avaient exalté toute la journée. J'étais impatiente, mais également légèrement anxieuse et ce mélange si particulier de désir et d'appréhension mêlés se fraya un chemin dans chacune de mes activités, chaque petite chose que je mis en place pour me distraire de mes pensées. Après avoir travaillé la moitié de la nuit sur un livre rempli d'esprits, de bois hantés par de vieux sorciers et de héros bien décidés à faire triompher la justice et la paix, j'avais dormi la moitié de la journée, avant de faire des alfajores pour mon frère et de le retrouver dans un restaurant italien, pour savourer en paix un dîner bien mérité.

J'avais envie de calme et de sérénité, du visage gai de Noah et de cette sensation unique, qu'il me suffisait de le regarder pour savoir que j'étais aimée et protégée, qu'il valait toutes les familles du monde entier. Je ne voulais que lui et un monde sans questions et vérités trop lourdes à porter et pourtant ma curiosité réussie tout de même à triompher. Comme un dessert qu'on s'était juré de ne pas déguster, mais dont on finissait toujours par se délecter, je ne pouvais m'empêcher de la laisser l'emporter. De la nourrir de tout ce que je m'étais promis d'apprendre sur nos intérêts, sur tous ces mots que Seth n'avait pas prononcés, mais qui étaient restés entre nous d'une certaine façon. Même si j'avais choisi de ne pas tenir compte de son comportement, de ne pas réduire notre relation à un seul instant, je voulais tout de même voir plus loin, sentir battre dans ma main tout ce que je ne savais pas.

— J'aimerais en savoir plus sur nos affaires et sur le Black and White, demandais-je à mon frère alors que nous nous régalions de pasta a la gricia.

— Bien sûr ma chérie, quand nous aurons plus de temps, nous nous y plongerons longuement, me répondit-il d'un ton décontracté en continuant à manger.

— Vraiment ? Seth...

— Seth, veut te garder pour lui tout seul. Avec ta beauté et ton intelligence, il sait qu'il aura de la concurrence.

— Tu es sûre qu'il n'y a rien d'autre ?

— Que veux-tu donc qu'il y ait d'autre Ellie ? Un monstre à chasser de sous ton lit, comme quand tu étais petite fille ou peut-être un fantôme caché dans ton armoire ?

— Ne te moques pas de moi !

— Je n'oserais pas ma chérie. Veux-tu que je t'emmène chez Seth ce soir ou vient-il te chercher ? dit-il pour changer de sujet.

— Il vient à peine d'arriver, je lui ai dit que j'allais me débrouiller.

— Te débrouiller ? répéta Noah comme si ce mot était empoisonné.

— Je vais prendre un taxi, ce n'est pas bien compliqué.

— Je vais t'emmener, dit-il d'un ton ferme pendant que nous commandions deux parts de Sacripantina, l'un de mes desserts italiens préférés, mais aussi l'un des plus durs à trouver.

— Tu sais qu'au cours de mes vingt-cinq ans d'existence, j'ai déjà pris un taxi ? 

— Je le sais, mais je ne vois pas pourquoi tu recommencerais, alors que tu as un frère dévoué pour te servir de chauffeur.

— Noah...

— L'affaire est réglée, nous partirons à 19 heures, ainsi tu auras tout le temps de profiter de la soirée, trancha-t-il pendant que nos desserts arrivaient et que j'arrêtais de protester.

Lui, mes pieds ou un taxi, cela ne m'importait pas, tant que mon abstinence forcée prenait fin. Je voulais une nouvelle fois goûter à ce sentiment si particulier de tout posséder en laissant simplement tout aller. Comme l'avait voulu Seth, l'attente m'avait rempli d'envie et alors que je pénétrais dans son appartement, je ne pus m'empêcher de ressentir une pulsation familière entre mes cuisses.

Il était là, calme et détendu devant moi et j'enviais la décontraction qu'il affichait, cette maîtrise qui me manquait tant, mais que j'aurais adoré posséder en cet instant. Je voulais rétablir l'équilibre des forces, alors après un premier baiser, je reportais mon attention sur les lieux qui m'entouraient. Un loft vaste, froid et impersonnel qui semblait avoir été fait pour tout donner, sans jamais rien livrer. Un foyer abritait en effet des traces de ce qu'on était, de petits indices qui disaient ce qu'on aimait, alors que son appartement ne semblait être rien d'autre qu'un luxueux magasin d'ameublement. Un showroom qui mettrait en scène les codes d'une maison pour vendre de belles pièces d'exposition, un lieu qui ferait croire à la vie, sans en avoir aucune en lui.

— Tu habites vraiment ici, demandais-je en étudiant les lieux.

— Mon loft ne te plaît pas mon coeur ? dit-il d'un ton malicieux.

— Il n'y a rien de...

— Personnel, finit-il pour moi. Ce mot est resté à San Francisco. Là-bas tu trouveras mes jouets d'enfant et des bibelots ayant appartenu à mes parents.

San Francisco, lui aussi il l'avait en lui. Il y avait grandi au côté de mon frère, jouait dans la maison de mon enfance avant même ma naissance. Il connaissait par coeur le paysage de mon existence et pourtant il n'en parlait jamais. Alors que ce qui était familier aurait dû constituer un sujet de conversation privilégié, il le gardait sous clés et rendait ainsi plus insoluble le mystère qui l'entourait. La raison pour laquelle au lieu de parler de l'anodin, il le taisait comme si un mot de plus ou un moins aurait pu changer notre destin. Dans tout ce qu'il taisait, il y avait quelque chose d'étrange que je n'arrivais pas à déchiffrer, mais je n'en étais pas inquiète, car j'avais choisi d'avoir confiance en lui. D'aller au-delà de mes interrogations pour vivre notre relation et laisser chaque question trouver sa réponse en son temps. Peu importe ce que j'ignorais, je ne pensais pas qu'il y avait quoi que ce soit de si terrible à découvrir.

Il n'y avait rien et tout ce qu'il ne disait pas était simplement un moyen de me protéger de ce que je n'étais selon lui pas prête à voir de trop près ou du moins c'était ce que je me répétais, le refrain dont je me berçais, pour permettre au moment d'être.

— Je t'ai manqué mon coeur ? dit-il alors en me prenant dans ses bras et en éloignant de mon esprit, tout ce qui n'était pas lui.

— Tu n'es parti qu'une semaine...

— Et as-tu été obéissante pendant cette semaine ?

— Oui, murmurais-je en détournant les yeux.

— Tes jolies mains ne se sont donc pas aventurées du côté de ton intimité, me demanda-t-il en passant son doigt sous mon menton, pour me forcer à le regarder.

— Je n'ai pas joui, murmurais-je comme si cela était suffisant, alors que je savais pertinemment que ce qui suffisait pour autrui, n'était pas assez pour lui.

— Bien, mais t'es-tu caressée en mon absence ? insista-t-il comme je l'avais prédit, alors que j'étais partagée entre l'envie de mentir et de dire la vérité.

— Ne me mens pas Elisabeth, dit-il comme s'il avait lu dans mes pensées. Peu importe la situation, ne me mens jamais.

— Je me suis caressée, laissais-je échapper en sentant mes joues et mon cou s'enflammaient.

— Où ? m'interrogea-t-il pendant que ses lèvres effleuraient les miennes et qu'une de ses mains se frayait un chemin sous ma jupe, pour se poser sur mon intimité.

— Mon sexe et mes seins.

— C'était bon mon coeur ?

— Oui, gémis-je alors que je sentais mon sexe dégoulinait sur sa main.

— Alors pourquoi n'as-tu pas joui ?

— Pour toi, balbutiais-je en sentant mon clitoris pulsait désespérément et en retenant une folle envie de me masser contre ses doigts.

— Tant mieux, ta jouissance m'appartient mon coeur.

— Seth, murmurais-je alors qu'il ralentissait ses stimulations et que je ne réussis pas à résister à l'envie de me frotter contre sa paume, sans aucune pudeur ou honte.

— Mon chaton est visiblement plein de passion dit-il d'un ton satisfait, tu aimes ça n'est-ce pas ?

— Hum, geignis-je doucement en accentuant mes mouvements, utilisant sa paume maintenant complètement immobile entre mes cuisses, pour me donner du plaisir.

— Je pense que tu en as eu assez pour le moment.

— Pourquoi, je, mais...

— Mais quoi Elisabeth, dit-il en m'embrassant tendrement le front. N'oublie pas que tu m'as désobéi et qu'il faut que tu sois punie.

— Tu vas me donner la fessée ?

— Non mon coeur, j'ai d'autres manières de te discipliner.

— Et laquelle vas-tu utiliser ?

— Tu le sauras bien assez tôt. Maintenant viens avec moi mon chaton. 

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