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Dire que ce n'est pas la pire idée qu'il me soit venue...
C'est à peine si j'arrive à me déplacer convenablement. Et quand bien même je parviens à quelque chose avec ces vêtements, il me faudra les brûler. Et encore, détruire les preuves qui lient Marinette à Ladybug ne m'assurera pas une sécurité certaine. Certains feront le rapprochement, je ne peux pas le nier. Mais retourner auprès d'Adrien, pour ne repartir qu'avec mon sac serait d'avantage dangereux que cette situation.
Résonne soudain dans les tréfonds de mon esprit embrumé par toutes ces folles idées qui m'assaillent de tous les fronts, une petite voix, sage et timide. Celle qui nous crie souvent ce qu'il y a de mieux à faire, mais que l'on préfère ignorer, parce qu'elle paraît mille fois plus risquée que le reste. C'est pour cela que je me risque en lui accordant ma confiance.
Perchée sur le haut d'un toit, même si mon corps trémule d'indécision, et que mon esprit est distillé par les multiples choix qui se présentent à moi, je me rassure, et me suspends au bout de mon yo-yo, pour traverser la vitrine d'un magasin de sport.
J'ose un regard, apercevant du coin de mes yeux quelques bouts de verres effleurer le masque qui s'est ancré dans ma chair de poule. Mon pouls est si rapide que je peux entendre mon cœur haleter, et me supplier de le laisser s'enfuir pour des contrées plus paisibles, où il pourrait librement battre, sans risquer de s'écraser contre mes os.
Les traits de visages singuliers s'étirent en une expression de terreur, et la plupart des clients qui ont trouvé refuge ici après l'alarme s'agglutinent dans le coin le plus éloigné de moi. Je ne peux pas leur en vouloir : partout où je vais, des corps tombent dans l'inertie. Si je le pouvais, cela ferait longtemps que je me serais fuie.
Tandis que mon yo-yo s'enroule pour revenir se loger entre mes doigts crispés, je cherche des yeux des habits plus amples, qui m'offriraient plus de libertés de mouvement. J'opte pour des survêtements, une taille au-dessus de ce dont j'ai l'habitude de porter. Je pénètre une cabine, arrachant à certains rescapés un cri d'effroi.
Lorsque, enfin, j'ai enfilé le survêtement d'un gris morose, je m'accorde quelques secondes pour m'observer dans la glace, ne serait-ce que pour m'assurer de l'absence d'autres éléments pouvant trahir la personne qui se cache sous ce masque, et ces longs cheveux séparés en deux couettes. Mais la seule chose que j'observe, c'est que même si mes cernes ne sont pas visibles, ma mine paraît terriblement épuisée. Mes traits sont creux, ma peau livide, et ma mâchoire ressort d'avantage sous cette mince couche de peau, si fragile. Je n'avais même pas remarqué que j'avais maigri. Certes, j'ai beaucoup observé mon visage, mais étrangement, je n'ai jamais réellement prêté attention à mon poids.
Un couinement se tarit au fond de ma gorge, mais mes paupières closes ne parviennent pas à empêcher l'écoulement de larmes, même les plus importantes. Elles s'écrasent à mes pieds, et, aussi insensé celui puisse paraître, j'aperçois ce cadavre parlant, qui n'a de cesse de verser du sel sur les plaies qu'il inflige. Un mort-vivant. Voilà ce que je suis devenue. Pire encore qu'un monstre, puisque je ne ressens aucune empathie ou sympathie pour ceux qui m'entourent. Ils sont là, mais je m'en contre-fiche.
Je secoue la tête, me libérant un instant de cette pensée atroce, pour me concentrer sur mon seul objectif dans l'instant présent. Tu as une chance de réduire le nombre de défunts, ne la laisses pas te glisser entre les doigts, elle aussi, pensé-je.
J'inspire profondément, avant de rouler en boule les vêtements de Marinette, et le coincer sous mon bras. Je ne salue, ni n'adresse le moindre regard à ceux qui me dévisagent d'un air hautain.
Alors que j'esquive prudemment les bouts de verre que j'ai éparpillé lors de mon intrusion, mon échine se couvre de fourmillement, comme si mon subconscient essayait de m'avertir d'une chose. Mais lorsque je prends conscience de cette chose en question, l'obscurité enveloppe les alentours dans sa gueule asphyxiante.
Je me débats comme je le peux pour me défaire de ce vêtement, mais deux mains viennent agripper les miennes, et les attachent l'une à l'autre à l'aide d'une corde qui déchire mes poignets. Mes cris de protestation meurent sous le tissu trop épais, qui m'empêche de respirer comme il se doit.
Je mords l'intérieur de ma joue, laissant un goût métallique envahir ma bouche. Et dans un bond grotesque, me défait de l'étreinte asphyxiante de mes assaillants. Je me remue tel un ver pour me défaire du vêtement, mais avant qu'il ne soit remonté jusqu'à mon menton, je retombe brusquement, sens quelques bribes de vitre s'enfoncer dans ma cuisse. Des murmures m'alertent de la présence d'au moins d'une dizaine d'individus, qui se rapprochent dangereusement. Dans une ultime tentative, je recouvre enfin l'usage de ma bouche et de mes yeux.
— Choper la ! ordonne une voix gutturale.
La lumière s'immisce douloureusement dans ma rétine, mais après quelques secondes, enfin le paysage s'esquisse sous mes yeux larmoyants. Fichue poussière ! Je bondis aussitôt, malgré la douleur que m'infligent les bouts de verre qui ont pénétré ma chaire. Je prends appuie contre un mur, afin de me propulser hors du magasin. Cette fois-ci, la vitrine ne m'aura pas épargnée. Elle trace une profonde entaille sur ma joue, dessinant derrière moi un filet de sang écarlate. J'étais pourtant prête à parier qu'il était noir ; comme les pensées qui me rongent.
J'atterris sur le dos, contre un lampadaire courbé lamentablement au-dessus de la route accidenté. Nul besoin de connaissances en ichnologie pour deviner à qui appartiennent ces traces de pas.
Je serre la mâchoire, inspire profondément, ne serait-ce que pour faire abstraction de la douleur, et me redresse péniblement, une main sur ma cuisse ensanglantée. Je jette un dernier regard en direction du magasin, et ma vue se brouille aussitôt de larmes.
Ils me dévisagent de leurs petits yeux luisant de colère, les poings crispés sur cet échec frustrant. Voilà où nous en sommes à présent. Je dois me battre contre ceux qui m'ont été donnés de protéger. J'étouffe un minuscule sanglot dans le creux de ma main, et m'éloigne. Car chaque seconde passée ici diminue les chances de survie de ceux qui m'entourent.
Mes pieds écorchent à peine l'asphalte craquelée, mon souffle faiblit au fur et à mesure que j"agrandis mes foulées, jusqu'à voler – ou presque – au-dessus des traces laissées par le mutant. Je n'en ai jamais vu d'aussi imposantes.
Mon cœur manque plusieurs battements, lorsque, enfin, je me trouve en face de la créature. Je voudrais fermer les paupières, ou ne serait-ce que détourner les yeux de ce corps mutilé, rendu inhumain par sa taille démesurée, ses biceps difformes, son regard vitreux, ou encore sa gueule écumeuse et édentée. Comment peut-on faire subir cela ?
Je suis arrachée à mes pensées par une main puissante, qui me tire dans une ruelle sombre, entre deux immeubles. Ses grands yeux de félin me considèrent sans dévoiler la moindre émotion. Il se contente de me fixer, laissant nos souffles s'emmêler, pour effleurer le masque de l'autre.
— Nous devons agir vite, dit-il de sa voix atone, toujours aussi gelée.
J'opine du chef, et il jette un coup d'œil dans la rue déserte, avant de se plaquer à nouveau contre le mur. Sa cage thoracique se soulève anormalement, mais son visage demeure impassible. Il remarque rapidement mon inquiétude, et se contente de détourner son regard.
— Pourquoi n'as-tu pas ton costume ?
Est-ce de l'énervement dans sa voix si calme habituellement ? Je voudrais prendre son visage dans mes mains, comme je l'ai toujours fait avec Chat Noir lorsqu'il paraissait inquiet, mais tout réside dans cette différence indéniable entre ces deux personnages. L'un m'aurait regardé avec tendresse, et m'aurait chuchoter un merci. Tandis que l'autre se contenterait de me repousser avec véhémence, et me fusillerait du regard jusqu'à ce que je m'agenouille pour lui demander pardon.
— Je l'ai laissé dans mon sac, rétorqué-je aussi sèchement que cela m'ait donné de faire.
Et bien que ce geste soit intentionnel, mon cœur ne peut s'empêcher de se crisper d'affliction. Je n'oublie pas ce qui s'est passé, quelques minutes auparavant. Ni sa promesse, ni tout ce qu'il m'a obligé à mettre en jeu. Mais surtout, je ne peux pas nier l'aide précieuse qu'il est. J'ai besoin de lui, alors je ne peux pas me permettre de lui rendre la monnaie de sa pièce, moins encore d'agir comme il le fait. Ça ne nous mènera nul part, et ça ne sert pas beaucoup. Autant le jeter du haut de la tour Eiffel ; le résultat sera le même.
Je lève aussitôt mes yeux larmoyants sur lui, qui ne cesse de faire des allers-retours entre la ruelle et notre cachette.
— Merci, murmuré-je.
J'espère sincèrement que la pénombre de la ruelle cache les larmes qui luisent dans mon regard. Mais puisque l'étincelle qui s'est allumée dans celui de Black ne m'échappe pas, je crains qu'il en soit de même pour mes larmes.
— Ouais, eh bien contente-toi de ne rien me faire regretter, réplique-t-il sèchement. T'as ton yo-yo ?
Je m'apprête à acquiescer lorsque mes mains tâtonnent les poches vides du survêtement.
... euh... Bonjours à ceux qui sont restés malgré cette longue attente que je vous ai imposés. Milles excuses pour cette attente infernale, je n'en doute pas un seul instant. Disons que la fin s'avère plus compliquée que ce à quoi je m'attendais. Il y a tellement de choses à dire... trop de choses à dire ^^'. Mais je vais y arriver, je ne baisse surtout pas les bras ! La fin vous sera donnée, j'en donne ma parole !
Oui, je peux me permettre de vous promettre la fin... cependant donner une date est un peu plus risquée, alors je préfère m'abstenir, et simplement espérer vous retrouver dans le prochain chapitre. Sur ce, rendez-vous au chapitre 32!...?
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