Mes pieds frôlent à peine le sol. Mes jambes me font souffrir le martyre, mais je ne m'arrête pas pour si peu. Je veux savoir ce que les médias vont en dire, ce qu'ils ont pensé de cette prestation incroyable de la part de Black. À lui seul, sans l'aide d'aucune arme, il a été capable de tuer ce mutant. Certes, cela lui a pris du temps, certes, il a détruit quelques habitations et véhicules, mais il en est venu à bout sans l'aide d'aucun poison. Cependant, il l'a tué. Et cette pensée me torture l'esprit. Ce mutant n'en a pas toujours été un. Avant, c'était un Parisien comme moi, qui est malheureusement tombé entre les griffes de ce fou furieux qui les transforme en créature sans conscience ni coeur.

La porte de la boulangerie se fracasse dans un courant d'air glacial, et je grimpe les marches jusqu'au salon comme une furie.

– Marinette ? C'est toi ?

Je continue ma course effrénée sans prendre le temps de répondre à ma mère. Je brandis la télécommande posée sur le meuble de la télévision, et tout en reculant vers le fauteuil, tape nerveusement le numéro de la chaîne qui ne devrait plus tarder à rediffuser les images capturées lors de l'affrontement entre le Mutant et Black.

Enfin, le titre tant attendu s'affiche à l'écran. Ma mère entre, un balai en main, prête à frapper un quelconque inconnu.

– Marinette ! Mais qu'est-ce qui t'a pris de rentrer si brusquement ?

Je lui fais signe de ne plus faire aucun bruit. Je ne veux rater aucune bribe de paroles. Je veux entendre chaque mot prononcé et chaque respiration prise, rien d'autre.

– Chat Noir serait-il de retour ? Ces images nous affirment que depuis des mois, Chat Noir est resté tapis dans l'ombre, sans jamais lever le petit doigt jusqu'à aujourd'hui pour venir en aide aux Parisiens. Mais son retour est-il une bénédiction, ou fera-t-il d'autres victimes en plus de celles causées par la team de Ladybug ?

J'éteins aussitôt la télévision. J'en ai assez entendu. Je me lève, le cœur brisé en un million de morceaux. Fera-t-il d'autres victimes en plus de celles causées par la team de Ladybug ? Un sentiment d'incompréhension flotte autour de ma mère. Je ne lui fais part d'aucune explication, et me contente de m'enfermer dans ma chambre pour pleurer la mort des gens innocents que j'ai tués.

Tikki se blottit contre moi, mais sa présence ne fait qu'aggraver le débordement de mes peines. J'en ai marre de toujours recevoir le couteau en plein cœur, alors que jamais je n'ai voulu le lancer et blesser quelqu'un avec.

– Marinette, que se passe-t-il, cette fois-ci ?

– Je suis un assassin. Je ne suis pas une héroïne. Je ne sais plus quoi faire. Je ne supporte plus toute cette haine que l'on a contre les super-héros. Je... Je suis perdue, Tikki. Que dois-je faire ?

Elle se blottit si fort contre mon visage, qu'elle pourrait s'enfoncer dans ma joue.

– Les Parisiens vous détestent parce qu'ils ont peur. Mais je t'assure que dans le fond, ils sont heureux qu'il y ait des gens aussi courageux que vous pour risquer leur propre vie pour en sauver d'autre. Soit fière, et garde toujours la tête haute, peu importe ce qui peut être dit. D'accord ? Vous êtes les héros dont a besoin Paris.

***

Mon corps encore douloureux traverse l'air de la nuit comme une ombre furtive, se balançant de cheminée en cheminée, survolant les toits comme une petite coccinelle en détresse. Il me faut dire au reste de l'équipe que nous devons trouver un moyen d'enrôler Black dans notre équipe. Nous avons besoin de ses connaissances dans l'art du combat.

Maître Fu ne nous a jamais enseigné cet art, bien qu'il soit capable de se défendre. Il nous a un jour avoué que la façon dont il se battait n'était pas celle que nous devions adopter pour vaincre ces mutants. D'une part, car l'enseignement s'étale sur des dizaines d'années, hors nous n'avons pas ce temps. D'autre part, il n'est pas toujours efficace contre ce genre d'ennemi.

J'atteins enfin, dans la gueule ténébreuse de la nuit, le Repère. Je me faufile à l'intérieur dans la plus grande des discrétions. Je n'entends que le silence ; les Mutants sont étrangement calmes en cette soirée. Habituellement, on les entend griffer les parois de leur prison miteuse, ou pousser des petits grognements. J'entre enfin dans le salon. Mon cœur fait un bond tandis que mes yeux se posent sur les meubles qui ont tous été déplacés : quelqu'un a rangé le Repère. Ça ne peut pas être Chloé, elle n'accepte de salir ses mains que pour sauver des personnes, pas pour apporter une touche d'ordre dans cet endroit. Alya n'aurait jamais trouvé le temps, et Carapace ne vient que trop rarement pour s'adonner à un tel passe-temps.

– Enfin ! Je pensais que personne ne viendrait, ce soir. J'ai profité de votre absence pour réarranger mon Q.G.

– Je te demande pardon ?!

Je manque presque de m'étrangler avec ses paroles. Comment ose-t-il s'introduire dans notre Repère, celui que mes amis et moi avons battit, et en plus se l'approprier ? Malgré tout, je me dois de contenir ma rage si je veux obtenir de lui ce que je souhaite.

– Que fais-tu ici ? lui demandé-je calmement.

– Je suis ici pour récupérer vos Miraculous.

Je ne peux empêcher mes sourcils de creuser un pli entre eux deux. Là, il va beaucoup trop loin. Comment peut-il être aussi hautain ? Je voudrais tellement lui cracher au visage toute ma haine pour lui et sa fierté étouffante, mais ce qu'il a m'est trop indispensable pour que je le laisse filer entre mes doigts.

– Quoi ? Tu as déjà oublié ce que je t'ai dit cette après-midi, lorsque je t'ai sauvé des griffes de ce mutant ? Je sais que c'est toi, la jeune fille que j'ai sauvé, car vous avez toutes les deux ce même regard détestable lorsque vous me regardez.

Mes poumons se rétractent, et il devient difficile pour moi de respirer correctement. Deux personnes savent, à présent. Et si eux connaissent la vérité, comment puis-je être sûr qu'il n'en est pas de même pour cet aliéné qui transforme les habitants en mutants ? Je tombe encore plus bas, alors que je pensais déjà avoir atteint le fond lorsque Félix m'a lui aussi avoué qu'il a découvert toute la vérité à mon sujet. Mais est-ce pour cela qu'il ne veut pas que j'approche son frère ?

– Ladybug, il me faut ton Miraculous.

– Pourquoi ? m'indigné-je, terrifiée qu'il puisse connaître l'identité de mes parents. Toi aussi, tu as un vœux, n'est-ce pas ?

– Non. J'ai une mission. Celle de sauver Paris de l'emprise de ces monstres, que ton équipe et toi êtes incapables de vaincre. Vous n'êtes pas fait pour être des super-héros.

Il appuie ses mots en me tendant sa main, celle évidemment qui ne porte pas de Miraculous. Si lui connaît mon autre identité, pourquoi n'aurai-je pas le droit de savoir qui se cache derrière ce masque ?

Je n'arrive pas à croire qu'il pense qu'à lui seul, il pourra venir à bout de tous ces monstres. Il reste avant tout un Homme, qui a des limites. Un jour où l'autre, il sera dépassé par toutes ces interventions, et sera à bout de souffle. Un jour ou l'autre viendra où la fatigue sera tellement grande qu'il sera incapable de se relever et se fera écraser par la pression terrifiante qu'exercent ces Mutants sur la capitale.

– Non, réponds-je. Tu ne pourras pas vaincre à toi seul ces Mutants. Sais-tu combien y en a-t-il sous tes pieds ? D'autres, beaucoup d'autres, arriveront, et tu ne pourras pas tous les vaincre seul. Il te faut une équipe, et nous avons justement besoin de toi, Black.

– Attends... Il y a vraiment des Mutants sous nos pieds, ou c'est une métaphore pour dire que tu as enterré déjà beaucoup de Mutants ?

Il semble effrayé par cette pensée.

– Oui, il y a vraiment des Mutants sous nos pieds.

Sans même prévenir, il me saute à la gorge et me plaque contre le mur tout en m'élevant à quelques centimètres du sol.

– Espèce d'inconsciente ! vocifère-t-il. Voilà une des raisons pour laquelle je ne vous considérerais jamais comme de potentiels coéquipiers : vous prenez des risques inutiles. Si ces Mutants s'échappent, je te redonnerai volontiers ton Miraculous. Mais en attendant, donne le moi !

– Hors de question, parviens-je à articuler malgré son emprise étrangleuse. Tu as le Miraculous du Chat Noir, et moi celui de la Coccinelle, je ne peux pas te confier mes boucles d'oreilles.

– Je ne vais pas garder ton Miraculous, ou l'utiliser, je vais le rendre à Maître Fu, petite idiote !

Maitre Fu. Il le connaît, alors. Cela confirme mon hypothèse : Maître Fu sait ce qu'il est advenu de mon équipier.

~~~~~~~Note pour les ignorants de la série~~~~~~~

Toi aussi, tu as un vœux : La combinaison du Miraculous du Chat Noir et de la Coccinelle offre à son possesseur la possibilité de faire le vœux qu'il souhaite, c'est ce que voulait le Papillon également.

~~~~~~~Voilà pour vous !~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Et voici pour ce 20ème chapitre, alors, qu'en avez-vous pensé ? Si vous avez des suggestions ou autre, je suis toute ouïe !