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Le début des cours sonne enfin. Je rejoins Chloé et Adrien devant la salle d'Anglais, sans pouvoir poser le moindre regard sur ce dernier.

- Tu sais, murmure-t-il, je ne me moquais pas de toi.

Sa main frôle la mienne lorsqu'il entre en classe. Tous mes poils se sont hérissés, un courant électrisant parcourant tout mon corps. Mais le professeur me fait immédiatement remettre les pieds sur Terre.

La voix désillusionnée du professeur m'endort peu à peu, mais Chloé parvient à me garder éveillée. L'anglais n'a jamais été mon fort. De plus, cela ne m'intéresse pas beaucoup. Alors si on ajoute un professeur ayant abandonné depuis longtemps l'idée de rendre ses cours plus attrayants à mon manque de motivation, cela ne donne que très rarement de bonnes notes. En fait, je n'en ai jamais.

La seule matière dans laquelle je parviens à m'en sortir, c'est l'Histoire. Avec une amie millénaire, qui a traversé les époques en compagnie d'une Ladybug différente à chaque siècle, ce n'est jamais bien difficile de retenir quelques dates importantes, surtout lorsque ces dernières peuvent se rattacher à un événement important pour Tikki.

Cependant, lorsqu'elle me raconte ses incroyables aventures durant les siècles derniers, elle ne me parle jamais d'un Chat Noir. Je ne lui ai jamais demandé en fait s'il y en avait un, à l'époque. Mais maintenant que j'y réfléchis, je me souviens de ce que m'a dit Maître Fu au sujet des Miraculous de la Coccinelle et celui du Chat Noir. Ces Miraculous sont apparus en même temps. Mais peut-être que les premiers porteurs ne travaillaient pas ensemble, telle une équipe.

Ce mot me plonge dans une sorte de mal-être. Chat Noir et moi étions comme le mal et le bien, qui œuvrent pour maintenir l'équilibre. Mais en l'espace de plusieurs mois, tout cela a changé. Nous ne sommes plus le blanc et le noir du Yin et du Yang. Nous ne sommes plus que le Feu et l'Eau, deux éléments incompatibles. Je ne parviens pas encore à m'imaginer en compagnie de ce nouveau Chat Noir, à me battre contre ces mutants énigmatiques. La colère qui émane de cet être finira tôt ou tard par le plonger du mauvais côté.

- Mademoiselle Dupain-Cheng, s'agace Madame Dubois.

Je me lève aussitôt, éveillant les moqueries de certains de mes camarades. La professeur poursuit son dialogue en anglais, sans me quitter des yeux. Un sentiment de gêne se répand en moi, telle une maladie de peau dont on ne peut se défaire. J'ai beau posséder les Miraculous de la Chance, je n'en ai jamais réellement eu. Bien au contraire : il n'y a qu'à regarder ce qu'est devenu Chat Noir... Et toutes mes maladresses.

- Marinette ! m'interpelle Chloé dans un faible sifflement.

Elle me tend un petit papier plié en six, pour ne faire que la taille de la paume de ma main. Je jette un regard discret en direction de mon professeur avant de me mettre à la lecture de cette lettre :
J'ai discuté avec Alya au sujet du nouveau Chat Noir. Elle pense que nous devrions le garder à l'œil, après la réaction quelque peu démesurée de l'autre soir. Si tu es d'accord, rejoins-nous à la Tour Eiffel ce soir, à vingt-et-une heures.
P. S : je suis réellement désolé.

Je redresse la tête afin de m'assurer que Madame Dubois ne regarde pas dans ma direction, puis rappelle Chloé et opine du chef en guise de réponse à son invitation.

Le cours s'achève sur un avertissement de la part du professeur, au sujet d'un contrôle qui se fera en fin de semaine. Je note tout cela sur mon agenda, tout en me précipitant vers la sortie. Mais mes yeux, étant occupés à relire mes notes, ne voient pas Adrien, planté au milieu du couloir. Je m'étale de tout mon long sur lui, telle une otarie s'échouant sur une plage.

- Quelle grâce ! se moque-t-il en m'aidant à me relever.

- Je... Je suis vraiment lesodé.... Euh ! Désolé ! Je suis vraiment désolé.

Il rit de plus belle, cette fois-ci. Certains élèves regardent dans ma direction, un sourire narquois en coin. Même en détournant les yeux, je sens toujours leur regard moqueur s'appuyer sur moi. Une main se pose sur mon épaule, transformant mon visage en une véritable cerise poilue.

- Non, c'est moi qui suis désolé, s'excuse Adrien en détournant le regard, honteux. Pour mon frère, déjà, et aussi pour m'être moqué de toi.

Je ne sais pas ce qui me fait l'effet d'un coup de massue sur le crâne : le fait qu'il ait un frère, ou le fait qu'il se soit moqué de moi ? Peu importe, ces deux nouvelles me laissent abasourdies.

- Ton... Ton frère ?! m'écrié-je.

Il hoche le menton tout en retirant sa main de mon épaule, l'air confus.

- Mais... Comment ? Tu es si mignon et si gentil, alors que lui, il est terriblement froid et effrayant.

- Merci pour les compliments, fait-il en étirant son sourire, faisant apparaître des fossettes au coin de ses lèvres.

Je prends alors conscience de mes paroles. Je l'ai vraiment dit tout haut ? Malgré la paralysie que m'impose ce malaise, je parviens à trouver la force de m'enfuir pour trouver refuge dans les toilettes des filles.

- Idiote ! Idiote ! Idiote ! répété-je en frappant mon crâne de mes mains tremblantes.

De petites larmes m'échappent. Adrien doit probablement me voir comme une incapable, depuis le temps que j'enchaîne les catastrophes, et surtout les chutes sur lui. Je me blottis sous les lavabos, en espérant que personne ne remarque ma présence, pour une fois.

Alya finit par faire irruption dans la pièce. J'ignore vraiment comment elle fait pour toujours me retrouver. Je commence à croire qu'elle a installé une puce de géolocalisation dans mon téléphone.

- Devine un peu qui est venu me voir pour m'avertir qu'une douce jeune fille s'est réfugiée dans les toilettes après qu'il ait présenté ses excuses à cette dernière ? Hein, Marinette ! fait-elle en me tirant hors de ma cachette. Non mais il va falloir que tu apprennes à contrôler tes émotions : Adrien est persuadé que tu lui en veux !

- Quoi ? Oh non... Quelle gourde je fais...

Elle m'oblige à relever le menton, afin que je fixe ses petits yeux marron au travers de ses lunettes.

- Cours t'expliquer auprès de lui ! Tu n'auras qu'à dire que tu avais une envie pressante.

-Non, ça suffit ! répliqué-je en la repoussant. Je me suis assez mise dans l'embarra comme ça ! Je lui parlerais demain ! Ou quand je serais sûr qu'il aura tout oublié de cette journée. Mais non, qu'est-ce que je raconte ! Il n'oubliera jamais, et ne voudra jamais de moi comme petite-copine !

Alya ne peut s'empêcher de pouffer de rire devant mes lamentations désespérées. C'est vrai que tout cela est véritablement ridicule. Mais si on y réfléchit, il y a bien une part de vérité dans toutes ces paroles absurdes.

Mon amie m'aide pour me relever, et me tapote les joues, comme pour me redonner un air plus joyeux. Et puis, soudainement, sans prévenir, elle me tire brusquement hors des toilettes et me jette sur le jeune Agreste. Mon visage n'est qu'à quelques centimètres du sien.

- Je ne t'en veux pas ! crié-je d'une voix monocorde.

Il me repousse gentiment, mais ne me lâche pas, probablement pour éviter que je ne m'enfuis une nouvelle fois.

- Est-ce que tu accepterais de te rendre chez moi, après les cours. C'est pour l'Histoire. Alya m'a dit que tu faisais d'excellentes fiches de révision, alors je voudrais bien que tu m'apprennes.

Son tendre regard se plante dans le mien. Il vire aux pourpres soudainement.

- Enfin, si tu veux bien ! ajoute-t-il en frottant sa nuque avec sa main.

Aucun son ne parvient à quitter ma bouche grande ouverte. Adrien m'invite chez lui ! C'est presque un début de rêve qui se réalise.

- Oui, elle veut bien, lui assure Alya en me tapotant l'épaule. Ce n'est pas tout, mais nous, on doit se rendre à notre cours de Science !
Et elle me force à me remettre en mouvement. Mais mon cerveau, consterné par la proposition que vient de me faire Adrien, ne parvient pas à me faire avancer. Si bien que je suis traînée derrière Alya, tel un corps sans âme.

- Ne me remercie pas, surtout, fait Alya entre deux respirations.

- C'était ton plan ?!

- On peut dire ça comme ça, ouais.

Eh bien, c'était le meilleur plan que tu aurais pu avoir, songé-je. Pour la première fois depuis fort longtemps, je me sens totalement vide, abandonnée de tout sentiment d'angoisse ou de tristesse. Je n'entends que mon cœur battre, et plus ces sons agaçants qui envahissent les couloirs de l'établissement. La première fois depuis longtemps, je ressens la joie de vivre.

Et voilà pour ce treizième chapitre ! J'espère qu'il vous aura plu !

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