𝟐𝟖


— Adoptés ??

Assise en tailleur sur mon lit, j'écoutais les potins que Stan avait à me raconter concernant la fête à laquelle j'avais échappé la veille. Il était installé au pied de mon lit tandis que je sirotais une autre poche de sang qu'il m'avait apporté. Je l'écoutais attentivement m'énoncer toutes les péripéties de cette soirée : le strip-tease de Lena sur le plan de travail, le joueur de l'équipe de cross qui avait pissé dans leur aquarium ou encore celui qui avait arraché le lustre en tentant de s'y agripper comme Tarzan. Mais ce qui m'avait le plus choqué, était la révélation qu'avait faite Kate à cause de l'alcool : elle et Cameron avaient été adoptés.

— Tout le monde ne parle que de ça, au lycée. Du fait que Kate n'ait pas arrêté de se venter du nom de ses parents alors qu'ils ne sont même pas ses vrais parents.

— C'est bizarre, dis-je en fronçant les sourcils. J'ai trouvé qu'ils avaient les mêmes yeux que leur père.

Mon ami haussa les épaules avant de prendre une chips du paquet qu'il avait sur ses genoux.

— Une coïncidence, sûrement, dit-il en haussant les épaules. Tu sais que Nora travaille chez Buckley Industries ?

J'ouvris de grands yeux.

— Suivre les traces de ma mère ? Très mauvaise idée. Les Buckley sont riches, mais ils sont radins.

Il croqua une nouvelle chips.

— Visiblement, ils avaient une dent contre elle, Nora est au même post que ta mère et... Crois-moi qu'avec son salaire elle peut mener plus d'une vie.

Je soupirai.

— Ce sont tous des enfoirés.

Une fois son paquet de chips vide, il en fit une boule, la balança sur mon crâne et je le fusillai du regard.

— Toujours pas de nouvelles de Cameron ?

Je levai les yeux au ciel à l'entente de son prénom.

— Oh que si, je n'aurais jamais autant reçu de message de sa part, ça vire au harcèlement.

Je pris mon téléphone sur lequel j'affichais les centaines de messages que j'avais reçus, puis je le tendis à Stan. Il le prit avant de tous les lire.

— Apparemment, il regrette, conclut-il.

— Heureusement, soupirai-je.

Stan se leva brusquement du lit avant d'essuyer son pantalon plein de chips.

— Bon aller, je retourne en cours. Quand est-ce que tu comptes revenir ?

Je réfléchis un instant puis je me rendis compte que je n'étais toujours pas prête à y retourner, la disparition de mon oncle ne cessait de me tourmenter l'esprit et mes insomnies devenait de plus en plus fréquentes.

— J'en sais rien, répondis-je pensive.

Il m'adressa un regard compatissant puis vint me faire un bisou sur le front avant de s'échapper a toute vitesse.

— À plus, Emy ! dit-il derrière la porte. À plus, Alex !

Je l'entendis courir puis la porte claquer.

Je me levai à mon tour afin d'ouvrir les volets, la lumière vint m'aveugler et je grimaçai. Je fis mon lit puis en sentant une douce odeur qui venait chatouiller mes narines, je devinai qu'Alex était en train de cuisiner. Je sortis alors de ma petite chambre afin de la rejoindre dans la cuisine.

En m'entendant débarquer, ma cousine se retourna avant de me lancer un regard craintif qui me fit rire.

— Je ne vais pas te croquer, t'inquiète. J'ai déjà mangé.

Son visage se détendit alors puis j'entendis un « ouf » de soulagement. Elle concentra de nouveau son attention sur la casserole dans laquelle bouillait une sauce rouge, l'odeur me confirma qu'il s'agissait d'une sauce tomate avec un arrière-goût que je n'arrivais pas à cerner.

— C'est dingue tout ce qu'on peut sentir quand on est un vampire, dis-je. Je pourrai deviner tous les ingrédients de ta sauce tomate.

À ces mots, elle retourna brusquement sa tête dans ma direction, son visage affichait alors une expression qui m'était indéchiffrable et je fronçai les sourcils.

— Quoi ?

Elle ne répondit pas puis continua de touiller sa sauce.

— Ça va ? demandai-je. Bien dormi ?

À mon grand étonnement, Alex la pipelette ne répondit pas, concentrée dans la concoction de sa sauce.

— Ben Didon, t'es drôlement silencieuse aujourd'hui. Je ne savais pas qu'il fallait autant de concentration pour faire cuire une sauce tomate.

Aucune réponse.

— Tu sais, si c'est par rapport à Oncle Joseph, je ne pense pas que rester silencieuse soit la meilleure solution.

Toujours aucune réponse.

Je lâchai l'affaire et me dirigeai vers le canapé. Je ne savais pas ce que j'avais fait, mais visiblement, elle ne voulait pas me parler.

— Attends, fit-elle enfin d'une voix étrangement rauque.

Je me retournai afin d'écouter ce qu'elle voulait me dire.

— Dis-moi si ma sauce est bonne, s'il te plaît.

Je m'approchai alors d'elle afin d'accueillir la cuillère de sauce tomate qu'elle dirigeait en ma direction.

— Pourquoi est-ce que tu tiens tant à cette sauce ?

— Goûte, vu que tu as le goût surdéveloppé tu pourras me dire ce qu'il manque.

Je pris en main la cuillère de sauce tomate puis soufflais dessus avant d'en ingurgiter le contenu.

Une fois le liquide en contact avec mes papilles, je les sentis me brûler légèrement, je fronçai alors les sourcils.

— C'est fort, qu'est-ce que tu as mis dedans ?

Mes papilles continuèrent de me brûler, de plus en plus violemment, jusque dans ma gorge ce qui m'empêcha de respirer correctement.

Oh mon Dieu...

— De... De...

De l'ail.

Aucun mot de plus ne sortit de ma bouche, tout simplement parce que je m'étouffais devant les yeux de ma cousine qui ne bougeait pas d'un pouce.

Elle se contenta de m'observer. Elle croisa les bras et un sourire diabolique vint dessiner ses lèvres. J'apportai une main à mon cœur qui se mit à frapper violemment contre ma poitrine. La douleur vint se propager dans l'entièreté de mon corps tandis que j'observais Alex en retour.

— Oh... fit-elle. Je pensais que tu aimais l'ail...

Elle ferma les yeux, son sourire toujours figé sur ses lèvres, puis quand elles les rouvrirent, mon cœur battit encore plus fort. L'entièreté de ses globes oculaires avait viré au noir.

Nom de Dieu...

Impossible pour moi de respirer correctement, je tombai au sol. Son visage devint plus pâle que jamais, elle resta silencieuse et d'immenses flammes violettes vinrent l'entourer. Elles s'étendirent le long de son corps, puis du parquet. La cuisine était maintenant en feu. Ce fut ensuite au tour du tapis du salon, puis bientôt, l'entièreté de l'appartement serait plongé dans les flammes. L'habitat prenait feu, tandis que j'agonisai et qu'Alex observait le spectacle auquel elle était à l'origine.

L'incompréhension s'empara de moi pendant que je m'étouffais à cause du piège qu'elle m'avait tendu. Il était impossible pour moi de réfléchir et je me sentais peu à peu perdre connaissance.

Impuissante.

Les mots ne sortaient toujours pas de ma bouche. Je ne respirais presque plus.

J'ai besoin d'aide.

Mes paupières devenaient de plus en plus lourdes et mon corps continuait de me faire mal.

Je m'affaiblissais puis ma vision devint de plus en plus noire.

Je n'avais aucune force, mais d'un coup, je sentis mon corps prendre de la hauteur. Trop impuissante pour ouvrir les yeux, je sentais des bras puissants qui s'étaient emparés de mes jambes, puis de mon dos.

Quelqu'un me portait.

Ma tête reposait contre un torse et je perdis enfin connaissance avant de soupirer ces quelques mots inconsciemment :

Merci, Liam.

***

Un liquide chaud et délicieusement sucré vint, de la plus agréable des façons, me caresser les papilles.

Divin.

À mesure que cette substance circulait le long de ma gorge, je sentis mon corps et mes muscles endoloris se nourrir d'une énergie phénoménale. Je récupérai de la force à une allure incroyablement rapide.

Sans parler de cette sensation.

Divine.

Magique.

Parfaite.

L'objet de tous mes désirs.

De tous mes fantasmes.

Aussitôt, je me réveillai en sursaut et en prenant connaissance de ce que je pensais aux fins fonds de mon esprit. Je me retrouvai alors assise sur le siège d'une voiture, un bras couvert de sang sous la bouche. Ma respiration était saccadée et mes yeux écarquillés lorsque je me rendis compte que j'étais dans la voiture de Liam, à ses côtés, et que c'était le sang de son bras que je venais de boire. Je tenais violemment son bras qu'il me tendait, pour rien au monde, je ne voudrais le lâcher.

Bordel son sang est divin.

Mais il me l'arracha brusquement et s'empara d'un volant.

— Tu en as assez bu, dit-il froidement.

Je m'avachis contre le siège de sa voiture. Nous étions garés dans une petite ruelle qui m'était méconnue et je pus vaguement cerner dans son regard de la fureur mêlée à de l'inquiétude.

Il démarra afin de sortir de la ruelle, en prenant une direction qui n'était à mon avis pas celle de mon appartement.

Aussitôt, je me souvins des événements précédents et l'image des yeux noirs d'Alex me revint.

Tout avait pris feu, et Liam m'avait sortie de la.

— Est-ce que j'ai failli mourir ?

— Si je n'avais pas été là, tu le serais.

Je me pinçai la lèvre.

— Où est Alex ?

Il ne répondit pas, le regard toujours concentré sur la route, l'expression froide.

Je me rappelai alors de nouveau du visage pâle de ma cousine, de ses yeux noirs et des flammes violettes qu'elle avait réussi à faire apparaître.

— Oh, mon Dieu, est-ce que ma cousine est une sorcière noire ?

Il ne répondit toujours pas et je sentais que plus je persistais plus je l'énervais.

Je croisai alors les bras et m'enfonçai dans mon siège nerveusement.

Où est Alex ? Où est Laure ? Que s'est-il passé ? Pourquoi diable ma cousine avait-elle tenté de m'empoisonner ?

Plus nous avancions, plus il me fut facile de reconnaître les lieux. En revanche, je n'avais aucune idée d'où est ce qu'il m'emmenait.

— Où on va ?

— Chez moi, répondit-il aussitôt.

Je plissais les yeux en observant les alentours, nous n'étions pas chez lui actuellement, mais devant le bureau de travail de ma tante.

Je la vis sortir du grand immeuble dans lequel se trouvait son bureau, puis se précipiter à l'arrière de la voiture de Liam, la respiration saccadée. Une fois installée sur la banquette arrière, Liam redémarra en furie et je tournai la tête en direction de ma tante.

Son regard était rempli d'inquiétude, et dès que les nôtres se croisèrent, elle s'empara de mon visage, en folie.

— Mon Dieu, ma puce. Tu n'as rien ??

Elle se mit à tripoter mon visage pendant quelques secondes avant de soupirer.

— Je vais bien. Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je en regardant Liam puis ma tante.

Elle jeta un œil à ce dernier avant de reprendre la parole.

— Liam m'a appelé dès qu'il a senti que quelque chose n'allait pas. Il m'a tout expliqué pendant que tu étais dans les pommes. Nous allons loger chez lui pendant quelque temps.

—Pardon ? fis-je.

— C'est le seul endroit sûr pour le moment.

— C'est hors de question, rétorquai-je. On peut très bien loger ailleurs.

Liam freina d'un coup sec puis se pencha de mon côté pour ouvrir brusquement ma portière qui donnait sur un trottoir vide.

— Alors vas-y, dit-il d'un ton sec. Dégage.

— Quoi ?

— Dégage de cette voiture et tu viendras pas chialer quand ils seront à dix sur toi. C'est soit tu te débrouilles, soit tu restes dans cette bagnole en sécurité.

— C'est une question de vie ou de mort ma puce, ajouta Laure. On a besoin de lui. Plus tu seras faible, plus tu seras une proie facile. On est en danger...

Furieuse, je m'emparai de la poignée de la portière pour la refermer brutalement et m'enfoncer de nouveau dans mon siège tandis que Liam hocha la tête avant de redémarrer.

– Crois-moi, me dit-il. Je vais avoir besoin de toute la force mentale du monde pour réussir à supporter ta présence chez moi.

– Oh... Tu veux dire chez le veuf que t'as buté ?

— La ferme ! nous ordonna Laure.

La mâchoire serrée, je m'enfonçai dans le siège inconfortable de la voiture.

En effet, nous étions en danger et continuer d'être loin de Liam n'arrangera rien. Plus les jours loin de lui passaient, plus je me sentais faible. Et depuis que j'étais à ses côtés, j'avais ce sentiment d'être dotée d'une force toute nouvelle. Mon corps me suppliait de ne plus jamais m'éloigner de lui, tandis que ma conscience me disait de m'échapper des pâtes de cet horrible monstre que je haïssais tant.

Pendant que nous roulions, je me surpris à observer Liam conduire. Son regard sévère était concentré sur la route tandis que sa mâchoire était comme à son habitude serrée. Je pus cerner dans l'expression de son visage que ses pensées n'étaient pas seulement concentrées sur la route. Il réfléchissait.

C'est en me concentrant un peu plus sur mon ouïe que je pus enfin cerner les battements de son cœur. Ils étaient réguliers et leur son était, à ma grande surprise, assez agréable.

Son regard de jade était radieux et son teint pâle y était parfaitement accordé. Des mèches de sa chevelure brune tombaient contre son visage aux traits parfaits. Je le contemplais pendant quelques instants avant d'en venir à la conclusion que la beauté de Liam était stupéfiante, mais qu'elle ne reflétait malheureusement que l'extérieur de lui-même.

Un magnifique enfoiré.

Je retournai immédiatement mon regard dès que ses yeux se posèrent sur moi.

En flagrant délit.

J'entendis alors légèrement son cœur s'emballer avant de revenir à un rythme cardiaque régulier. Je me demandai par la suite comment ils pouvaient se calmer si vite.

Est-ce qu'il est capable de contrôler les battements de son cœur ?

Sûrement.

D'un coup, je sentis la voiture de Liam freiner et c'est en revenant à mes esprits que je me rendis compte que nous étions enfin arrivés à destination. L' « incroyable » maison de Liam, que je vais malheureusement devoir supporter pendant quelque temps.

Nous sortîmes tous de la voiture afin de nous diriger vers sa demeure. Il verrouilla sa voiture puis sortit ses clés afin d'ouvrir sa porte d'entrée.

— Bienvenue en enfer, dis-je alors à ma tante avant de pénétrer sa maison en première.

Mais c'est en entrant que mon souffle se coupa.

— Et merde, entendis-je dire Liam.

Je faisais face à une grande blonde aux cheveux courts, son teint était blafard, ses yeux étaient cernés de noir par la fatigue et sa bouche était envahie d'un liquide rouge que je n'eus aucune difficulté à reconnaître.

Je restai figée lorsque je reconnus la personne qui se tenait devant moi.

— Valérie ??

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