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Je courais malgré le tournis. La sueur m'envahissait le front et mes jambes refusaient d'aller plus vite. Un arbre, deux arbres, puis trois...
En sursaut, je me réveillai. Des gouttes de sueur perlaient le long de mon front. J'étais essoufflée, assise sur mon lit, une larme venant délicatement caresser ma joue. Mon front, lui, était trempé de sueur chaude qui venait envahir pratiquement tout le reste de mon corps. Ma respiration qui s'était accélérée se calma peu à peu, ainsi que l'emballement de mon cœur.
Encore une fois, le même rêve qui revenait fréquemment lors de mon sommeil. Ce rêve incompréhensible et monstrueux auquel j'essayais vainement d'échapper depuis tant d'années. Mais la seule solution que j'avais trouvée était l'insomnie, et ce n'était pas la meilleure pour une élève qui prépare son A-level*. Une vraie torture, j'avais dû apprendre à m'y faire. Et ça, depuis le décès de ma mère.
8h15, affichaient les aiguilles de mon horloge qui n'avait cessé de tictaquer.
— Huit heures quinze ? Et merde ! Je suis à la bourre !
Je me levai d'un coup, ce qui me provoqua d'horribles vertiges. Une fois que ma tête eut fini de tourner, j'enfilai mes chaussons pour me précipiter jusqu'à la porte de la salle de bain. Mais je fus coupée dans mon élan.
🎶"I'm about to give you all of my moneyyy"🎶
« Pitié pas ça » priai-je.
🎶 "When you get home just a, just a, just a, just a"🎶
Je frappai en furie contre la porte.
— ALEX ! JE VAIS T'ÉVENTRER !
— Yeahh Babyy ! continua-t-elle, en ignorant mon intervention.
— BORDEL !
Alex ne m'entendait pas et se la coulait douce sous sa douche pendant que je me tournais les pouces à l'entrée. Décidément, j'allais finir par la tuer.
C'est alors qu'Oncle Joseph fit son apparition dans le couloir. Il avait une petite mine, des petits yeux qu'il arrivait à peine à écarquiller et ses cheveux légèrement grisés étaient tout ébouriffés. Son apparence me confirma donc que je l'avais réveillé. Ou alors, sans doute la superbe démonstration d'opéra qu'Alex nous offrait.
— Oh Oncle Joseph, désolée je...
Il me coupa.
— Mais c'est quoi tout ce boucan à 8 heures du matin, dit-il en un bâillement. Bien dormi ma puce ?
Il me sourit et m'embrassa délicatement le front sur lequel je sentis les légers picotements de sa barbe. D'un pas maladroit, il descendit le grand escalier qui menait à l'espace de vie tout en chantonnant.
Mon oncle avait beau avoir le physique d'une brute, c'était un homme d'une douceur inestimable. Certes, sa carrure donnait la chair de poule, mais il possédait une extrême gentillesse et une douceur des plus apaisantes. Cette même douceur que possédait ma mère. Ce n'était pas son frère pour rien.
**
12 ans plus tôt.
Un beau matin, le soleil se levait et laissait apparaître ses rayons dans l'interstice des volets de la chambre de la petite Emy. Il était cinq heures du matin, et les bras de Morphée lui avaient joué un mauvais tour. Elle se réveillait d'un cauchemar.
Sa mère, caressait ses longues boucles brunes afin de l'apaiser, tout en veillant à ce que les rayons de soleil que laissaient apparaître les volets n'aillent pas plus loin qu'au pied du lit de sa fille, où elle était installée.
— 🎶"You are my sunshine, my only sunshine. You make me happy... "🎶
La petite Emy, curieuse, écarquilla ses grands yeux.
— Pourquoi sunshine maman ? demandait la petite Emy.
En esquissant un sourire, la jeune femme se pencha à l'oreille de sa fille pour lui chuchoter quelques mots, bien qu'elles fussent seules à vivre dans l'appart caverneux du pauvre quartier londonien de Newham :
— Tu es le seul rayon de soleil qui m'est bénéfique.
Les paupières lourdes, la petite Emy s'endormait de nouveau dans les bras de sa mère.
**
Après avoir récupéré un billet de retard à la vie scolaire, je marchais au pas de course dans le long couloir sombre et vide de mon lycée et mes chaussures faisaient un bruit de caoutchouc.
Génial
À cause des superbes aventures d'Alex dans notre salle de bain, je n'avais pas eu le temps de me doucher. Je m'étais donc contentée d'une rapide toilette et d'un peu de parfum. Je n'avais pas fait d'efforts concernant ma tenue et pour couronner le tout, j'avais relevé mes longs cheveux bruns en un chignon mal attaché. Je m'apprêtais déjà à recevoir les critiques de Stan. Les jours où je ne faisais aucun effort pour m'habiller étaient ses préférés et il trouvait toutes les blagues possibles à faire pour mépriser ma tenue.
C'était la quatorzième fois que j'étais en retard depuis le début du semestre. Et je songeais au fait que cette fois le proviseur n'allait pas me faire de cadeau.
J'accélérai le pas pour arriver en cours de sciences humaines, ce qui ne me manquait pas vraiment. J'arrivai alors devant la porte de la salle de classe, mais en tendant la main afin de pouvoir y toquer, je me souvins que j'avais oublié de récupérer mes affaires et Dieu savait que Mme Sparks ne me le pardonnerait sûrement pas.
Je décidai alors de faire demi-tour afin d'aller les chercher. De toute façon une minute de plus ou de moins...
Une fois arrivée à mon casier, j'entendis le claquement d'une porte. Afin de savoir qui en était l'auteur, je me retournai, mais le couloir était toujours aussi désert et les lumières éteintes. Un courant d'air frais vint me caresser le visage. J'analysais le vaste et long couloir circonscrit par de nombreux casiers. En quête d'un quelconque signe de vie. Mais rien.
J'ai dû rêver
Je fus prise d'un grognement lorsque j'ouvris mon casier. Tout son contenu était tombé à la renverse, à mes pieds.
Il faut vraiment que je songe à ranger ce capharnaüm un jour
Je me baissai alors pour ramasser cette pagaille en tentant de chercher le livre de sciences humaines, sans succès. Je balayai du regard le sol autour de moi. Il se trouvait à quelques centimètres. Je m'apprêtai à tendre le bras, mais une main pâle fit son apparition et le ramassa avant moi.
Surprise, je me redressai sans pour autant lever les yeux vers la personne en question. Mais à défaut de m'être levée trop rapidement, je me pris brutalement la porte du casier dans le crâne. Ce qui m'arracha un second grognement et me fit jurer :
— Aïe ! Putain !
Sous le coup de la colère, je claquai brusquement cette maudite porte et me massai l'endroit où elle m'avait percutée. Je pouvais déjà sentir une bosse se former.
J'entendis une voix qui m'était étrangère, ce qui me fit sursauter :
— Tiens.
Je me rappelai que je n'étais pas seule et levai alors mon regard vers le mystérieux inconnu qui me tendait mon livre. Je ne l'avais pas entendu débarquer. Malgré sa taille et sa carrure, il avait l'air tout aussi discret que son apparition. Il mesurait au moins une tête de plus que moi et il fallut que je lève la mienne pour que mes yeux puissent se plonger dans les siens. Ils me paraissaient familiers.
J'écarquillai alors mes yeux ambrés quand je me rappelai ce garçon aux cheveux si noirs et au regard si vert. Un vert incroyable et tout sauf commun. Vert Jade. Cette couleur me fascinait beaucoup plus maintenant qu'il était en face de moi. Tellement que je pensai l'avoir fixé un peu trop longtemps.
— Euh... Je... Merci, bredouillai-je, étrangement intimidée.
En posant la main sur mon livre, celle du garçon attira mon attention. Il avait une tache de naissance, en forme de croissant de lune sur le pouce.
Original
Après l'avoir scruté, je récupérai mon manuel et le rangeai dans mon sac de peur que le mystérieux garçon ne me trouve un peu trop intrusive.
Je relevai la tête, puis un frisson m'envahit, ce qui me fit sursauter, bouche bée.
La proximité de son visage face au mien me surprit. Je le touchais pratiquement. Il était maintenant à moins de 3 centimètres. Le garçon s'était penché vers moi pour que sa tête ne soit plus qu'à ma hauteur. Je pouvais sentir sa respiration venir agréablement effleurer mes lèvres et restai sans voix. Ce qui m'avait le plus surprise, était la perfection de son visage et de ses traits fins, il était d'une beauté que peu commune, une beauté à couper le souffle.
Déboussolée par l'évènement, j'étais intimidée, mais trop obnubilée par son regard pour dire quoi que ce soit. Ses yeux étaient si proches des miens que j'eus l'impression de m'y perdre.
Il esquissa un sourire avant d'intervenir d'une douce et calme voix.
— Donne moi ton numéro, Princesse.
Son intervention, me ramena sur Terre. En un instant j'eus l'impression de me réveiller d'une sieste. Outrée, je fronçai les sourcils et reculai d'un pas. Il venait de tout gâcher.
— Mais... Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais ? Et puis t'es qui d'abord ? Si tu crois que c'est comme ça qu'on drague une fille, c'est super flippant ! Allez, du balai !
Il se redressa. Le sourire qu'il esquissait jusqu'à présent avait disparu de ses lèvres rosées et il fronça à son tour les sourcils comme s'il ne comprenait pas ce qu'il venait de se passer.
Non mais c'est qui ce bouffon ?
Je tournai alors les talons afin de changer de direction. Le tressaillement des hauts parleur du couloir me fit sursauter puis me stoppa lorsque j'entendis mon nom.
« Mademoiselle Evans est demandée au bureau du proviseur. Je répète. Mademoiselle Evans est demandée au bureau du proviseur, Merci. »
Je soupirai suite à cette annonce.
— Génial, ce n'est vraiment pas ma journée... Merci, "Monsieur je ne sais pas draguer", dis-je en me retournant.
Décidément, soit ce garçon était extrêmement rapide, soit c'était l'un des descendants de Dumbledore et il ne lui suffisait que d'un claquement de doigts pour pouvoir disparaître, car en me retournant, je remarquai par surprise qu'il n'était plus là.
Étrange. Qui était ce garçon ?
———————
*A- level : l'équivalent du baccalauréat en Angleterre. Ici c'est un lycée privé écossais très calqué sur le système anglais.
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