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Cette semaine est passée vite. Mais pas assez en fait. Les jours se sont ressemblés, encore, comme si chaque pas, chaque parole ou chaque geste n'était que répétitif. Et puis, pour couronner le tout, je me suis encore disputée avec ma mère. Une dispute qui est vraiment partie de rien du tout...enfin presque rien. Ça commence à devenir une vilaine habitude. Je sais qu'il faudrait que j'arrange ça un jour ou l'autre mais pour l'instant, déchiffrer les notes de Noémie est mon seul et unique problème.
- Et ça c'est quoi ? Je demande en pointant du doigt un gribouillis.
Elle souffle et me lance un regard noir.
- Tu sais pas lire ?! S'écrie-t-elle en chassant ces mèches blondes de son visage. Tu commences à me fatiguer à poser toutes ces questions sur mon écriture !
- Après No, je suis un peu dyslexique, je réplique d'un ton trop calme. Alors excuse moi de pas savoir lire !
Elle me tourne le dos. Je sais qu'en vérité elle est toujours fâchée contre moi, après l'avoir humiliée le jour de ses fiançailles. Je n'ai fait que balancer des commentaires absurdes sur les tenues des gens qui passaient. Je savais pourtant très bien que j'avais trop bu, cette soirée-là. Pourtant, l'alcool m'a fait oublié pendant un temps la nausée que je ressentais d'être autour de gens superficiels. Nous nous étions disputés, après la fête, et je l'avais presque fait pleurer. Moi, comme à mon habitude, j'étais restée de marbre. Aujourd'hui, une semaine après, j'y repense encore. Je lui touche le bras doucement. Elle ne bouge pas, les bras croisés, le regard dans le vague.
- No ?
- J'suis fatiguée, Anna. Répond ma meilleure amie d'une voix étouffée.
- Et en colère, j'ajoute impatiente.
Elle se redresse et se tourne vers moi.
- En colère ? S'étonne-t-elle.
- Pour tes fiançailles, je lui réponds précipitamment. Tu m'en veux encore.
Elle soupire et ferme son cahier. Ses boucles blondes lui retombent encore sur le visage, mais cette fois ci, elle ne les repousse pas. Je guette du coin de l'oeil sa réaction.
- C'est vrai, tu as raison. Mais tu es ma meilleure amie, je te connais Anna. Je te connais même mieux que personne, ajoute-t-elle en me donnant un petit coup de coude. Je sais que tu dis parfois des choses qui font mal, mais qui sont bien réelles.
Je baisse les yeux, attendant la suite.
- Mais parfois il faut que tu prennes sur toi, continue-t-elle en baissant la voix.
- Dis juste que tu veux que je me taise pendant que toi tu...
Elle se redresse vivement. Je préfère m'arrêter de parler.
- Et bien parfois c'est nettement mieux oui ! Fait-elle en colère. Au moins je sais que des gens ne repartiront pas en colère ou...ou tristes ! Tu les a blessé Anna !
Je passe la langue sur mes lèvres. Un silence s'installe entre nous, fossé entre nous deux. Je sais qu'elle a raison, mais je n'arrive pas à l'admettre. Combien de fois dans ma vie ai-je fait souffrir des gens juste en ouvrant la bouche ? Beaucoup trop à mon avis. Cependant, aucune solution semble jaillir de mon esprit encombré.
- J'y peux rien, je suis comme ça.
- Tu dois faire des efforts, c'est tout.
Ce jour là est très, très loin, ma chère.
- Je suis insensible, je chuchote comme un secret. J'y peux rien.
Elle secoue la tête lentement et pose sa tête sur mon épaule. Ses cheveux sentent le miel, comme toujours. Je reste figé sur place, n'osant plus bouger. Elle passe son bras derrière moi et me serre l'épaule. Je n'arrive toujours pas à me détendre.
- Tu es loin d'être insensible, sourit-elle, toujours la main posée sur mon épaule. Tu es ma meilleure amie. Et ça, ça compte beaucoup.
J'hoche la tête avec un petit sourire. Ses yeux bleus me réconfortent. Puis elle balance ces cheveux dorés en arrière et me regarde d'un air malicieux.
- Est ce que je peux t'avouer quelque chose ?
Je fronce les sourcils et hausse les épaules.
- Bien sûr.
- Je t'aime beaucoup trop, admet Noémie avec une voix affreusement rauque.
J'éclate de rire, imitée par ma meilleure amie, avec ses bouclettes blondes qui semblent danser à mesure qu'elle rit. Puis, après mon fou rire, je m'affale sur la table et murmure un petit "moi aussi", sans savoir si elle l'a entendue ou pas.
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Je n'ai plus cours et cela suffit à me désorienter. Ne plus être affalée dans une salle trop remplie, ne plus sentir les odeurs enivrantes des filles, ne plus écrire d'une main tremblante des bouts de phrases ; toute cette routine vient presque à me manquer. Les vacances. Un concept que j'aime et que je déteste à la fois. Tout ce que je voudrais c'est rester chez moi, emmitouflée dans mon pled à regarder des vieilles séries américaines. Mais ma mère tient encore les rênes de ma vie ; je suis encore une enfant perdue pour elle. Une enfant sans cœur, oui ! J'enfourche mon vélo, pour la quatrième fois de la journée et me laisse entrainer par le fleuve de conducteurs pressés.
Soudain, alors que je voulais rejoindre la piste cyclable, un skateur me barre la route. Je freine trop tard et le percute de plein fouet, faisant glisser son skateboard près de la bouche des égouts. Eh me*** ! Mon corps se détache du vélo et j'attérris quelques mètres plus loin, face contre terre. Un cri retentit et je ne sais pas d'où il vient. Je me relève lentement, les genoux écorchés, le nez en sang et la tête qui tambourine. Quelqu'un m'aide...je ne sais plus...je vois flou.
- Hey ?! Fais une voix. Tu veux qu'on appelle une ambulance ? Tu as mal quelque part ?
Je ferme les yeux et me dégage d'une paire de bras musclés. Mes oreilles bourdonnent. J'ai déjà vécu ça, mais en pire. Ma respiration est haletante, brisée. Quand j'ouvre les yeux, plusieurs personnes me regardent avec inquiétude. Bordel...
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