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J'ai fait une erreur. Une très grosse erreur. J'ai laissé partir celui que je veux protéger à tout prix, celui que je veux aimer. Adil s'est littéralement enfui, après que je lui ai dis ce que j'avais dans la tête. Mais ce qu'il y a dans mon cœur, bien profondément, j'ai jamais osé lui avoué. Mes sentiments se bousculent mais je résiste ; je ne pleure pas. Pas encore. Allongée sur mon lit, les yeux rivés au plafond comme si un trésor s'y cachait, je pense. Je pense et je me détend. Chaque membre de mon corps se lâche tout d'un coup. Je soupire et mes yeux se remplissent de larmes. Alors que je m'apprête à gémir, à pleurer et à crier, ma mère entre dans ma chambre. Je l'avais presque oubliée. Mon corps se contracte une nouvelle fois. Raté.
- Anna ? Fait-elle d'une voix basse. Quelque chose ne va pas ?
Je ne réponds pas. Pourtant l'envie ne me manque pas, c'est bien les mots. Elle s'assoit, au bord du lit, loin de moi et, pourtant, j'ai l'impression qu'elle me prend dans ses bras.
- Anna, je sais que je n'ai jamais été la mère que tu a toujours voulu. J'ai été trop dure avec ma propre fille comme je le suis avec moi même. Mais je suis ta mère et même si je ne te connais toujours pas aussi bien, je sais qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Si c'est ma faute, dis-le moi s'il te plaît...
- C'est pas ta faute cette fois-ci, je dis d'une voix étouffée à cause du coussin.
Je l'entends soupirer. Je me lève, dos tourné à ma mère.
- Je n'ai rien à te reprocher, maman. Moi aussi j'ai été horrible avec toi et les garçons. J'ai...je vous ai fait tant de mal, j'ajoute les larmes aux yeux.
Elle pose sa main sur mon épaule. Je me retourne vers elle. Son regard est doux et réconfortant. Je n'en peux plus. Je craque. Je pleure. Mes larmes coulent tel un torrent de honte, de chagrin et de soulagement. Tout s'enchaîne, tout se fissure. Elle me prend dans ses bras comme lorsque je tétais encore. Elle me caresse les cheveux pendant que je sanglote sur son épaule. Elle est là. Avec moi. Pour moi. A travers mes yeux brouillés, je le revois lui. Je m'essuie le visage, en vain. Les larmes continuent de couler le long de mes joues.
- J'y arrive plus.
- Anna, tu es forte et courageuse. Comment peux tu abandonner ?
Je me redresse et renfile. Répugnant. Elle me tient toujours dans ses bras, mais je ne sens plus son cœur battre sur ma joue.
- Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. J'ai des sentiments, des émotions mais je n'arrive pas à les faire sortir. Tout ce que je peux faire c'est faire souffrir, bordel !
Mes mains tremblent. Ma mère les serrent dans les siennes. J'inspire et expire profondément. Je ne préfère pas la regarder dans les yeux où je m'en voudrais encore plus de lui inspirer de la pitié.
- Je m'en suis même pris à...à l'un des meilleurs amis que j'ai eu.
Elle ne dit rien. C'est mieux comme ça.
- Je sais que ça fait pas longtemps qu'on se connaît, mais j'ai tout de suite eu le sentiment d'être en sécurité. Le problème, c'est que ses défauts sont bien trop visibles. Je n'arrive pas à...à le comprendre quoi. C'est trop dur.
- Et lui ? Qu'est ce qu'il dit ?
Je ferme les yeux pendant un moment. J'aimerais plutôt en parler avec lui.
- Pas grand chose mais...sa façon de me parler, de me regarder...Je sais pas trop, il a confiance en moi...je crois.
- Anna, repose toi. Quand tu seras mieux, va lui parler. Il vaut mieux que tu lui laisse un peu de temps.
Puis, sans en dire plus, elle sort de la pièce silencieusement. C'est la première fois depuis trop longtemps qu'on a une vraie discussion, sans cris et sans pleurs. Je me rallonge sur mon lit et ferme les yeux.
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Lorsque je me réveille, il est tard. J'entends des bruits dans l'autre pièce. Je n'ai pas envie de me lever. Ni de parler. J'ai juste envie de me morfondre dans mon lit, avec ma douleur et ma honte. Pourtant, je me redresse quand même, un peu dans les vapes cependant. Je prends sur les quelques forces qui me restent pour m'assoir, me lever, ouvrir la porte. Je me fige. Mes frères sont là. Mais c'est juste Léo que je fixe.
- Anna, ça va ? Me demande-t-il comme si de rien n'était.
Je repousse son bras sur le mien violemment. Puis je le gifle. Il recule, stupéfait. Mon petit frère me regarde avec des yeux ronds, tandis que ma mère reste le visage sévère et impassible. Je tiens d'elle, apparemment.
- Tout ça c'est ta faute, bordel ! Je m'exclame. Si tu avais fermé ta bouche, je n'aurais rien su et je n'aurais pas vexé pour toujours mon seul ami. Tu te rends compte de ça ou quoi ?!
- Je t'ai juste dit la vérité ! Réplique-t-il sèchement.
Je me tiens à une étagère et reprends mon souffle. J'ai la tête prête à exploser.
- Lui aussi il est sensible, comme toi. Je continue d'une voix plus posée en regardant Léo. Je ne peux pas l'attaquer sans conséquences. Il a souffert toute sa vie et lorsqu'enfin il trouve une personne qui l'écoute, elle le fait souffrir. A cause de moi, il va sûrement se remettre dans sa bulle. Il va sûrement retomber dans la dépression. Et il peut...
Je déglutis. C'est dur, très dur.
- Il peut avoir des pensées suicidaires, je murmure.
Tom se précipite sur moi et se balance à mon cou. Ses yeux, presque innocents me fixent chaleureusement à travers ses boucles qui lui tombent sur le front.
- Ne dis pas ça Anna. Ne dis pas ça...
Je l'enlace. Parce que j'ai besoin de lui, j'ai besoin de quelqu'un. Pour exister.
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