Chapitre 2
Christopher
Je lui ai fait capoter son mariage et pourtant, papa a tenu à ce que l'on dîne tous ensemble ce soir. C'est complètement aberrant. Et en même temps, ça lui ressemble tellement.
Vu que j'ai décidé tout seul, comme un grand, d'éjecter cette fille de la vie de mon père, je n'ai pas le choix ; je dois participer à ce foutu dîner pour poursuivre ma mission. Elle ne se mènera pas à bien toute seule. Et le plus vite sera le mieux. Je dois lui prouver, de n'importe quelle manière, qu'elle n'est pas faite pour lui. Qu'elle est trop jeune. Qu'elle en veut à sa fortune. Qu'elle ne l'aime pas pour ce qu'il est. Bref, il y a tellement d'arguments que je n'aie que l'embarras du choix.
Bien sûr, il y a peu de chance que cela se fasse en un repas. Mais je dois poser les bases dès maintenant. Montrer à tout le monde que je suis déterminé, que je ne lâcherai pas.
J'ouvre la porte qui mène au grand escalier du manoir pour les rejoindre dans la salle à manger, mais alors que je m'apprête à sortir, mon regard est attiré, comme aimanté par sa silhouette.
Ma future belle-mère descend les marches pour se rendre à la salle à manger, et je reste là, hypnotisé par elle, ses mouvements délicats et ses courbes harmonieuses. C'est une très belle femme, je ne peux dire le contraire. Même Tiphanie, mon ex, ne lui arrive pas à la cheville et pourtant elle a été modèle photo à plusieurs reprises.
Mais je ne sais pas, elle dégage quelque chose de magnétique, d'hypnotisant, je ne peux détourner mon regard d'elle. Et sa robe ne m'aide pas.
Un bout de tissu tout juste assez long et décolleté qui lui colle à la peau. Et sa couleur chair me perturbe encore plus. Elle est recouverte de paillettes, ce qui attire d'autant plus mon regard sur son corps.
Sa poitrine opulente est mise en valeur par ce décolleté vertigineux. Ses hanches donnent envie de les attraper. Ses jambes semblent interminables juchées sur des talons immenses. Ses cheveux blonds encadrent magnifiquement son visage fin.
Tous les hommes doivent se retourner sur son passage.
Mon corps ne reste pas indifférent devant ce spectacle. Je ressens une forte attirance pour elle. Une attirance physique c'est clair qu'il ne s'agit que de ça, mais une attirance quand même.
Ce n'est que lorsqu'elle sort de mon champ de vision que je récupère un peu mes esprits.
Samedi, quand j'ai mis fin à ce mariage, j'ai bien remarqué qu'elle était loin d'être désagréable à regarder. Que dans d'autres circonstances, je n'aurais pas été contre l'idée qu'elle finisse dans mon lit.
Sauf qu'elle doit épouser mon père. Plus malsain que ça, je ne connais pas.
Il ne faut surtout pas que je succombe ou même que je cultive cette attirance, sinon je vais me retrouver dans une situation ingérable. Je dois la garder muselée au fond de moi. Le plus simple pour y arriver est que j'évite le plus possible de la regarder, faut que je me concentre sur les points négatifs de sa personnalité. Si je m'en tiens à ça, tout devrait bien se passer.
Sûr de moi et content d'avoir un plan, aussi modeste soit-il, je me lance dans l'arène.
Je retrouve mon père avec elle dans le petit salon proche de la salle à manger. Elle est assise à ses côtés sur un canapé. Enfin non, elle est collée à lui alors qu'il a passé un bras sur ses épaules pour la rapprocher, le plus possible, de lui. C'est tellement dégoulinant de mièvrerie que c'en est écœurant.
En face d'eux, il y a James qui les regarde sans vraiment les voir. Perdu dans ses pensées, il boit gentiment son verre.
Je crois qu'il est dépassé par cette situation. Et à y réfléchir, j'en suis content. Au moins, j'aurai un allié dans cette mission. Car ça m'étonnerait qu'il approuve cette union. Depuis le temps qu'il côtoie mon père, il doit avoir les mêmes doutes que moi concernant cette jeune femme.
– Bonsoir tout le monde, je dis joyeusement en rentrant dans la pièce.
Betty se tend à mon entrée. James se tourne vers moi. Et mon père me rend ma salutation.
– Tu veux boire quelque chose ? me demande-t-il.
– Non, non. J'aimerais autant dîner.
Histoire d'en finir le plus vite possible.
Ma réponse surprend mon père. Pourtant, je ne vois pas ce qu'on aurait à célébrer.
La seule qui semble satisfaite de ma réponse c'est Betty.
– Moi aussi, j'aimerais passer à table, dit-elle simplement.
Clairement, elle ne doit pas être spécialement ravie de se retrouver en ma présence. Elle doit vouloir en finir au plus vite, comme moi.
A peine assis à table, mon père face à moi et James face à Betty, que Frida, notre gouvernante, nous apporte les entrées.
Durant toutes ses années, s'il y a bien une chose qui m'a manqué, c'est bien la cuisine de Frida. Mais depuis mon retour, je me rattrape. Même si me trouver à la même table que Betty devrait me couper l'appétit. L'odeur alléchante qui se dégage de ce plat me donne encore plus envie de le déguster.
Je m'attaque de bon cœur au contenu de mon assiette. Pas du tout perturbé par la tension qui règne entre les convives autour de cette table. Tout le monde attend que l'un d'entre nous entame la conversation. Qui sera assez fou pour poser la première question ?
Moi !
– Vous vous êtes rencontrés comment ? je demande à l'intention de mon père et de sa fiancée.
Il paraît que je suis censé faire sa connaissance... Ça fait partie des choses que je devrais savoir. A mon intervention Betty se tend, une fois de plus. Elle arrête même de triturer, du bout de la fourchette, ce qu'elle a dans son assiette.
Bien, elle a un peu peur de moi.
C'est mon père qui finit par me répondre après plusieurs secondes de silence.
– Au country club.
Pourquoi je ne suis pas plus étonné que ça ?
Peut-être parce que c'est le terrain de jeu préféré pour les filles dans son genre, à la recherche d'un homme fortuné qui pourrait subvenir à leurs envies de grandeur. Typique.
– Ça fait des années que je n'y aie pas mis les pieds, je commente. Il y a toujours autant de femmes prêtes à tout là-bas ?
– Christopher, me met en garde mon père.
– Quoi ? C'est vrai ! Il est de notoriété publique que c'est là-bas que certains hommes font la rencontre de leur maîtresse, pour une nuit ou pour plus si elle est plus... enthousiaste que les autres.
James ne semble pas content de ma riposte, il émet un grognement de reproche à mon intention. Pourtant c'est la triste vérité. Ce n'est pas de ma faute, si elles se croient irrésistibles et qu'elles pensent finir leurs jours au bras d'un homme riche. Je suis sûr que Betty en est le parfait exemple.
– Betty, qu'est-ce que vous faisiez au country club avant de rencontrer mon père ? je me permets de lui demander pour rajouter un argument à mon analyse.
Elle jette un petit coup d'œil à mon père avant de me répondre. Il l'invite à le faire d'un hochement de tête.
– J'y étais pour le travail. A l'époque, je vendais des cigares.
Une travailleuse, c'est bien ma veine. C'est vrai qu'avec ce look, elle doit attirer les hommes et ils ne doivent pas rechigner à lui acheter ses cigares. Surtout si ça leur permet de rester un peu plus en sa compagnie.
– Vous ne travaillez plus ? je lui demande alors que Frida nous débarrasse.
Son « à l'époque » m'a interpellé. En posant la question, je connais déjà la réponse, pas besoin d'être devin pour le savoir.
– Non.
En même temps qu'elle répond, elle baisse la tête vers le plat qui vient de se matérialiser devant elle. Mais ce n'est pas par curiosité pour la nourriture qu'elle le fait. Non, elle est clairement mal à l'aise. Elle sait qu'elle me tend une perche que je vais m'empresser d'attraper. Je serais bien stupide de ne pas en profiter.
– Pourquoi ? je demande, un sourire narquois au visage.
– Parce qu'elle n'a plus besoin de travailler, s'exclame mon père à sa place, agacé par mon enchaînement de questions. Tu as fini avec ton interrogatoire ?
– C'est toi qui veux que je fasse sa connaissance. Comment veux-tu que je le fasse sans lui poser la moindre question ?
Je lui réponds, un air victorieux au visage. Ravi d'avoir touché mon père. Même si je sais très bien qu'il lui en faut plus pour le mettre à terre, ou même le convaincre. Il n'a pas dit son dernier mot.
– Certes ! Mais tu ne le fais pas avec la meilleure des intentions, et en le ressent dans tes questions, s'empresse-t-il d'argumenter.
Je ne peux le nier. Je cherche par tous les moyens à la discréditer. Je me doutais que je n'allais pas découvrir son plus gros secret, dès la première soirée, avec deux pauvres questions. Ce n'est pas grave, j'ai tout mon temps.
Je me contente d'hausser les épaules pour répondre à mon père.
Tout le monde mange en silence. Je crois que j'ai définitivement plombé l'ambiance. Déjà qu'elle n'était pas vraiment festive, j'ai fini de l'enterrer.
Malgré tout, je me permets de lui lancer un compliment.
– C'est une très belle robe que vous portez, ce soir, Betty.
– Merci, murmure-t-elle du bout des lèvres.
Elle ne doit pas savoir comment prendre mon compliment. Elle a bien raison.
– Elle vient de chez un grand créateur ? je poursuis.
– Christopher arrête, me dit James.
Je suis déçu de sa réaction. Moi qui le pensais de mon côté. Faut croire que je me suis trompé.
– Quoi ? Je n'ai pas le droit de l'interroger sur son travail, je n'ai pas le droit de l'interroger sur ses vêtements... je peux au moins lui poser des questions ?
– On ne peut pas dire que la subtilité soit ton fort, ce soir, rétorque mon voisin de table.
Brusquement, Betty se lève ce qui me surprend venant d'elle.
– Si vous continuez à me critiquer de la sorte, je ne suis pas sûre que vous puissiez me connaître au terme des six mois qui vous sont accordés. Il serait peut-être plus judicieux, pour vous, d'arrêter ce petit jeu puéril et d'apprendre à me connaître réellement. Surtout si vous souhaitez que vos arguments aient un minimum de pertinence.
Putain, c'est qu'elle a de la répartie !
Je ne m'y attendais pas du tout. Ce qui doit se voir sur mon visage, car Betty est contente d'elle. Fière de m'avoir coupé le sifflet. Ce qu'elle ne sait pas c'est que je suis avocat, et que pour m'arrêter il me faut bien plus qu'une belle tirade.
Ce sera encore plus jouissif de lui faire mordre la poussière.
– Ne vous inquiétez surtout pas pour ça !
J'ai plus d'une corde à mon arc.
Cette dernière phrase, je la garde pour moi. Il n'est pas nécessaire que je me dévoile trop vite. J'ai tout mon temps, six mois pour être exact.
– Christopher ! me réprimande mon père comprenant très bien où sont partie mes pensées.
Sans attendre plus longtemps, Betty tourne les talons et quitte la salle à manger. Je ressens un petit pincement au cœur en la voyant s'éloigner. Je me dépêche de le faire taire, il ne manquerait plus que je m'attache à elle.
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