Le corps inerte d'Elliot me donnait la chair de poule. J'étais en proie à des frissons incessants, les mains moites, le cœur battant la chamade, la gorge sèche et les jambes pétrifiées. Je ne parvenais pas à accepter ce que je venais de faire. Instinctivement, je reculais du bord du toit, recherchant désespérément un support sur lequel me reposer.

Tout ceci n'était pas réel, c'était impossible, non c'était tout simplement un rêve, rien de de tout ça n'est arrivé.

Pourtant mon rythme cardiaque ne décélérait pas, je ne sentais plus les gouttes qui perlaient sur mon visage, mon uniforme était devenu soudainement plus étroit, j'avais la sensation que les fibres du tissu se resserraient de plus en plus contre moi. Ma peau me picotait, mon corps était devenu beaucoup trop lourd pour que je puisse supporter son poids. L'odeur de pin n'arrangeait pas non plus l'affaire; toutes les conditions étaient précisément réunies pour décupler le stress qui s'emparait de mon être.

Eliott Krüger.

- Bordel qu'est ce que t'as foutu ?! Oh mon Dieu je vais aller en prison... Réponds-moi bordel tu m'entends ?!

Une boule rugueuse se forma dans ma gorge, aucun son ne s'y échappait désormais. Je ne distinguais plus que très vaguement ses mots. Qui c'était d'ailleurs ? Même ses traits se déformaient à présent sous mes yeux et chaque effort que je fournissais en espérant identifier cette personne précisément me valait des migraines.

J'oubliais tout.

Je venais de commettre un meurtre...

Meurtre.

Prison.

Comment en étions nous arrivés là ?

- Suis-moi, on ne doit pas rester ici !

Ne pas rester ici ? S'enfuir ? Pour aller où ? Ce genre d'histoires ne se termine jamais bien, en tout cas jamais bien pour la personne qui a commis le meurtre. C'est-à-dire moi...On me traquera, ici c'est inévitable, je n'y échapperai pas. Où devrais-je aller ? Cet acte que je viens de commettre ne me mets plus en sécurité nulle part.

J'ai les jambes flageolantes, mes membres semblent se liquefier après chaque mouvement ; j'étouffe sous mon uniforme. Je veux pleurer, de toute mes forces mais mes yeux eux demeurent totalement secs et beaucoup trop écarquillés.

Quand avons nous finalement quitté l'entrepôt ? Je n'en savais strictement plus rien. Birfuquant entre les caisses jonchant le chemin, nous nous retrouvons contre le mur de l'aile Ouest du bloc des laboratoires. Je suis rongé par la peur, mon regard oscille frénétiquement d'un bout de l'espace à un autre jusqu'à tomber sur le corps d'Eliott autour duquel s'étalait une grande flaque de sang. Très rapidement, je régurgite violemment le maigre contenu de mon estomac sur le gazon sans pour autant me tâcher.

- Non mais c'est pas vrai ! Faut qu'on bouge ! Non...merde ! Allons-y je reviens nettoyer tout ça. Il ne faut aucune preuve de notre passage ici ! Viens !

Comment arrivait-elle à garder son calme dans une situation aussi sanglante ? Pourquoi simulait-elle autant d'indifférence face à ce que je venais de produire !? Elliott est mort, après tout, par ma faute. Je portais désormais son sang sur mes mains et pour toujours et à jamais l'image de son visage écrasé contre le béton.

C'est définitif, je ne trouverai jamais la paix, pas avec l'acte que je venais de commettre, pour une raison stupide, poussé par un excès de colère et vengeance insensé.

Je venais de tout gâcher.