Ezra ou Vincenzo ?
- Voici mes dissertations monsieur.
- Oh, très bien Alya. Bonne chance pour les examens de la semaine prochaine.
- Merci.
Après avoir remis mes copies à l'enseignant de littérature, je m'éclipse discrètement de la salle des professeurs. Les couloirs sont aussi bondés que d'habitude et mon esprit est toujours aussi perturbé qu'il y a quelques jours. Depuis l'épisode enflammé dans le laboratoire de biologie, je n'ai plus adressé la parole à Ezra. Parallèlement, j'ai subtilement conservé mes distances avec Vincenzo et avec tous les autres membre du conseil. Au bout de quelques semaines de cours, j'ai l'impression d'avoir épuisé une année de lycée et cette situation m'exténue. Tout s'enchaîne beaucoup trop rapidement et je crains que des éléments finissent pas m'échapper à la longue. Sur le plan académique, je n'ai aucune préoccupations. Je suis déjà convaincue de mon imminent succès scolaire.
Par contre, en ce qui concerne ma sérénité mentale, je me sens faiblir, pour une raison qui m'échappe encore. Megan Young m'a assuré qu'elle a détruit tous les documents qu'elle possède sur moi mais je n'ai aucune preuve de la véracité de ses propos. Bien au contraire, je suis persuadée qu'elle ne l'a pas fait, ou qu'elle a confié des copies des documents à d'autres personnes, dont son petit ami. Raison de plus pour déterminer la faille au plus vite. Pourtant, rien de ce que je sais ne me ramène vers lui. Au côtés de Megan, il demeure le seul membre du conseil non impliqué dans l'événement de l'an dernier. Aucun de mes efforts ne me conduit vers lui et cette situation m'agace profondément.
Alors que je birfuque d'un couloir pour un autre, j'aperçois Vincenzo, en train de discuter avec ses toutous en toute tranquillité. Lorsque ses yeux couverts de lentilles se déposent sur moi, un voile de rancoeur les recouvre aussitôt. Je l'ignore magistralement et longe le couloir comme s'il ne s'y trouve pas. Je n'espère pas qu'il me barre le passage, je l'implore intérieurement de ne pas le faire. La dernière chose dont j'ai besoin en ce moment c'est probablement une altercation avec lui. Depuis la dernière fois dans la bibliothèque, nous ne sommes plus reparlé. Les cours communs d'athlétisme n'ont pas suffit à renouer les liens qui nous unissent substantiellement. Mais surtout, mon échange peu catholique avec Ezra n'a fait que renforcer mon désir de m'éloigner temporairement de lui. Il me dévisage, tandis que je franchis la portion du couloir où il se trouve. Je le sens dans mon dos : il m'observe. Vincenzo ne compte pas me rattraper, il ne va pas non plus demander à un de ses toutous de me retenir. Tant mieux. Je me réconforte dans le fait qu'il ai compris que je ne voulais pas lui adresser la parole.
Je m'introduis très rapidement dans les premières toilettes pour filles sur lesquelles je tombe, sans oublier d'insérer un bonbon saveur orange entre mes lèvres au préalable. Mes mains sont légèrement moites et ma nuque tendue. J'ai la nette sensation d'avoir les muscles ankylosés alors que j'ai pris la peine de bien m'étirer après ma séance de jogging d'hier soir. Le contact de l'eau froide éjectée du robinet du lavabo sur la peau chaude de ma paume me fait délicatement frissonner. Je supporte mal les basses températures. Juste après, j'appose mes paumes humides sur mes joues et clos temporairement mes paupières. Chacune des parcelles de mon corps s'accapare lentement du calme des toilettes à cette heure de l'après-midi. Mon esprit lui, ne parvient toujours pas à retrouver le répit.
- Eh bien je me demande bien à quoi tu peux penser figée comme ça.
La voix cristalline de Daphné Roberts résonne en écho dans mon crâne et prudemment, je me tourne dans sa direction. Un sourire poli, si caractéristique de sa personne étire ses fines lèvres, tandis qu'elle termine de sécher ses mains. Depuis combien de temps m'observe-t-elle ? C'est à croire que nous devons inexorablement nous rencontrer dans ces toilettes. Cette fois au moins, elle n'est au bord de la syncope.
- Tout un tas de choses.
- Tu ne devrais pas.
- Je ne devrais pas quoi ?
Elle devait s'attendre à ma réaction, à en juger par le petit rictus en coin quelle m'affiche, nichée dans son uniforme sur mesure. Je la dévisage, de la même façon qu'avec tous les autres membres du conseil. Mon regard exsude la méfiance et instaure automatiquement de la distance entre nous. Mis à part le fait que je sache qu'elle consomme de la drogue, Daphné Roberts demeure un véritable mystère pour moi. Grâce à tout ce que j'ai pu découvrir durant mes investigations, je sais qu'elle est liée au départ de Eleanor l'an dernier. Par ailleurs, je sais qu'elle est la personne la plus proche du président du conseil dans cet établissement. Mais les informations que je dispose à son sujet se limitent là. Passé ces données, j'ignore tout de la fille qu'elle est.
- Tu ne devrais pas t'immiscer dans le passé des élèves de ce lycée. Pire encore dans celui des membres du conseil.
- Pourquoi je ne devrais pas ? Qu'est-ce qui m'en empêche ?
Nier l'évidence serait tout bonnement inutile en cette circonstance. Elle a déjà découvert tout ce que je trame autour de leur groupe. Elle sait que je collecte des informations sur eux et elle se doute sûrement que je ne compte pas mettre un terme à mes activités. Alors pourquoi s'épuise-t-elle à aborder ce sujet avec moi ?
- Rien ne t'empêche de le faire pour le moment. Mais il s'agit juste d'un conseil. Tu pourrais découvrir des choses susceptibles de changer radicalement ton point de vue sur certaines personnes. Tu aussi pourrais t'exposer aussi à certains dangers.
- C'est une menace ?
Désormais, Daphné est adossée sur l'un des lavabos et me détaille avec minutie. La vice-présidente examine chacun de mes gestes avec attention et me scrute mystérieusement. Elle ne présente aucune trace de colère ou d'apathie envers moi. Son attitude est absolument normale, et ses gestes sont amenuisés, pour lui éviter de perdre trop d'énergie. Un charisme subtil se dégage d'elle lorsqu'elle parle, tout comme avec Ezra. Tout à coup leur grande complicité s'explique : ils ont tous des personnalités marquantes.
- Non. Un avertissement. Je n'ai rien contre toi mais je sais de quoi sont capables les membres du conseil. Tu tentes de voler trop près du soleil et tu risque de te brûler les ailes comme Icare. Tes performances académiques sont remarquables et tu représentes bien l'élève modèle stéréotypée par cet établissement. Tu n'as pas besoin de plus pour ton épanouissement dans ce cadre.
- Qu'en sais-tu ?
Pousser la provocation dans ses retranchements c'est probablement la chose que je fais le mieux. Daphné semble amusé par la sécheresse de mon timbre vocal. Elle se contente de balayer la pièce avant reporter son attention sur moi.
- Tellement plus que toi. Tellement plus que tu n'en sauras jamais.
À ce moment, son expression facile se métamorphose, passant de l'état d'amusement à une hostilité sans précédent. Mes prédictions s'avèrent être exactes : aucun des membres de ce foutu conseil n'a les idées correctement placées. Derrières leurs sourires accueillants et bienveillants sont dissimulés des personnalités fourbes et hypocrites. En riposte face à subit changement de comportement, je me rapproche d'elle. Suffisamment près pour que nos deux corps ne soient distancés que de quelques centimètres.
- De qu'elle garantie disposes-tu ? Qu'est-ce qui te convaincs que je ne possèdes pas déjà suffisamment d'informations pour voir faire couler un par un ?
- Je le sais. C'est tout.
- Eh bien tu ne devrais pas. Tu ne devrais absolument pas. Le mal peut surgir de n'importe quel côté, au moment où l'on s'y attends le moins pour frapper avec une intensité sans précédent. Je suis désolée pour votre petite communauté, mais quelques uns des vôtres ont commis une erreur. Une erreur dont ils vont malheureusement endosser les conséquences. Je n'ai rien contre vous de manière générale, je ne supporte juste pas l'idée que quelqu'un vienne perturber mon équilibre.
La vice-présidente m'observe, silencieusement. Elle se mue dans un silence presque inquiétant et me scinde, à la recherche du moindre point de vulnérabilité. Mais elle ne trouve rien, je le sais, car juste après, elle clos ses paupières et se décale de mon chemin, en direction de la porte menant à l'extérieur. Je ne dis rien et attends qu'elle clôture notre échange.
- Très bien. Je t'aurai au moins prévenue.
Ainsi, elle ouvre la porte et s'extirpe de l'atmosphère tendue planant dans les toilettes, m'abandonnant à moi-même. Je n'ai pas peur et je n'ai aucune raison d'avoir peur. Rien ne viendra entailler mes objectifs et tous ceux qui s'évertueront à se dresser sur mon chemin écoperons de ma colère. Je ne suis pas une personne foncièrement mauvaise, bien au contraire. Je ne supporte pas juste l'idée que l'on veuille me faire du mal, peu importe le moyen employé. Et si ce que Daphné vient de me révéler s'avère vérifié, il ne me reste plus qu'une chose à faire. Chose assez simple, un véritable divertissement pour moi : prendre de l'avance sur mes potentiels persécuteurs.
Mes deux dernières périodes de l'après-midi sont libres. Avachie, sur ma table, je consulte mon fil d'actualités sur Instagram. Pendant ce temps, presque tous les élèves de la classe sont en train de réviser leurs notes. J'aimerai bien sortir pour diluer mes pensées, mais flâner à cette heure dans les couloirs me vaudrait une sanction. Johanna étudie toute seule, tandis que Rob est allé retrouver un autre garçon de notre salle. Alors j'insère mes écouteurs dans mes oreilles et dissimule ma tête pour m'endormir. Tout à coup, mon téléphone vibre suite au transfert d'un nouveau message. En guettant l'écran de l'appareil, je constate qu'il provient de Kali Sultana.
« Fais attention Alya. Ils savent tout.»
Je relis le message plusieurs fois, sans pour autant en saisir le véritable sens. Veut-elle dire qu'ils savent que je veux en finir avec Megan Young et son petit ami ? Ou alors qu'ils savent tout sur moi ? « Ils » est mis pour qui dans ce message ? S'agit-il des membres du conseil ? S'agit-il de Vicenzo et de ses toutous ? Ou alors « ils » englobe tout le groupe ? Pourquoi m'envoie-t-elle ce message ? Que savent-ils concrètement ? Kali me demande de faire attention, mais de quoi ? Serais-je en danger ? Megan compte-t-elle m'attaquer directement ? Seule ou bien avec son petit ami ? Ou alors Vicenzo compte-t-il intervenir lui aussi ? Mais surtout comment détient-elle cette information ?
" Qui me veut du mal ?"
"Le conseil."
Une grimace d'incompréhension vient déformer mon visage. Je dépose mon portable sur la table avant de balayer la salle du regard. Isaac est le seul membre du conseil présent en salle et il est en train de réviser d'après ce que je vois. Dans cette position, il ne représente aucune menace pour moi. Alors comment Kali peut-elle affirmer des choses pareilles ?
"Comment sais-tu ça?"
"Ils cherchent à t'expulser de la sélection"
***
"Nous espérons que les examens se sont bien déroulés pour chacun d'entre vous. Vous recevrez les résultats semi-trimestriels la semaine prochaine. Bonne continuation à tous."
La voix de la secrétaire du principal résonna en écho dans les couloirs de chaque pavillon. Les élèves trépignent de joie, heureux d'être enfin délestés du stress causés par les examens. Les vestibules sont bondés d'élèves avec un seul et même sujet à la bouche : la fête spéciale organisée par le conseil pour clôturer cette période d'examens. De manière générale, la quasi totalité des élèves inscrits dans cette école sont certains d'avoir validé leurs unités d'enseignements. De ce fait, ils ne peuvent qu'être soulagés à l'idée de clôturer cette semaine hautement éprouvante autour de verres d'alcool.
En ce qui me concerne, je suis persuadée d'avoir excellé lors de chaque épreuve ; le volet académique ne me stresse pas. Le plus difficile à été de ne pas me laisser submerger par le message de Kali au cours de cette semaine. Je me suis efforcée, du mieux que j'ai pu, à conserver un calme et une sérénité infaillible. En rentrant le soir à la l'appartement, je n'ai pas cessé de repenser au message de Kali. Pourtant, je n'ai pas osé lui en demander plus. Rien ne me garantit qu'elle n'est pas de mèche avec les membres du conseil. Car après tout, elle ne m'a pas révélé d'où elle tire ces informations. Tout ce que j'ai fait durant cette période c'est méditer, tentant incessamment de comprendre pourquoi ils comptent employer des moyens aussi radicaux pour m'écarter de la compétition. Cette situation m'inquiète, j'ai le sentiment d'être en insécurité. Comme si une l'on guette constamment mes mouvements avant de me couper les jambes.
Ni Johanna, ni Rob ne sont au courant de ce que je sais. Du moins je ne leur ai rien dit. Ils pourraient déjà détenir cette information, je n'en saurais strictement rien. Leur attitude ne laisse rien transparaître bien que nous traînons toujours ensemble et malgré le fait que Johanna semble moins enjouée que d'habitude. Depuis la scène avec Vicenzo dans le réfectoire, elle n'est plus la même. Toutefois, elle m'a rassurée qu'elle viendra à la fête organisée par le conseil. Là au moins, rien n'a changé, elle aime toujours autant s'amuser. Rob lui aussi nous a garanti qu'il sera présent ; cette fête représente un excellent moyen pour s'échapper de sa maison quelques heures.
Cette fois, c'est Kit Wesley qui organise
une fête. Il s'agit surtout d'un excellent moyen pour moi pour m'introduire sur son territoire. Il n'est pas fondamentalement question de m'infiltrer dans sa chambre pour y rechercher des documents. Mais cette option n'est pas à rejeter. Mais c'est plus une opportunité d'interroger ses proches. J'ai découvert qu'il a un frère cadet qui est scolarisé dans un autre établissement. Il se serait fait renvoyer du collège à cause de nombreux écarts de conduite. Peut-être qu'il pourrait me révéler des informations sur son frère aîné si je m'y prend bien. Cette fête est une occasion en or d'emmagasiner le maximum d'informations sur Kit Wesley.
- À tout à l'heure Alya, me salue Johanna, avec un sourire lumineux.
Je lui fais un signe de la main avant de m'engouffrer dans le bus en direction du Mall Center.
Allongée sur le canapé de notre salon, une main soutenant ma tête et l'autre occupée par la télécommande, je zappe les chaînes TV. Maman rentrera tard car elle doit sortir avec ses copines. Elle célèbrent l'anniversaire de l'une d'elles dans un club de striptease ; je préfère ne pas imaginer l'ambiance... Il est dix-neuf heures et la fête de Kit Wesley est sensée débuter à vingt heure. Je ne suis pas toujours préparée et je continue à manger en regardant une rediffusion d'un Talk-show, tout juste vêtue d'un short et d'un débardeur. Je veux sincèrement y aller mais je n'arrive pas à me détacher de mon carton de pizza. Mon corps est terriblement lourd et j'ai la sensation que le canapé est trois fois plus doux aujourd'hui. Dans ce cas, comment m'extirper de cette situation plus que confortable ?
19h33
Je viens de terminer la moitié du carton de pizza, allongée sur le dos, une jambe suspendue sur le dossier du canapé. Mon bras prend négligemment sur la moquette et je l'agite dans tous les sens à la recherche de la télécommande. Soudainement, la sonnerie de l'appartement retentit. La surprise me fait chuter du sofa et je m'écroule sur le sol dans un bruit sourd. Qui peut venir perturber les gens à cette heure ? Maman n'est pas supposée rentrer aussi tôt. Je me lève péniblement de la moquette avant d'avancer machinalement jusqu'à la porte. Lorsque je pose mes yeux sur la personne située de l'autre côté de l'encadrement, mes paupières se crispent automatiquement.
- Qu'est-ce que tu fiches ici ?
- Ravi de te revoir Kerry.
- Va-t-en.
- Non.
L'aura de Vicenzo m'enveloppe aussitôt et un frisson parcours la totalité de mon corps. L'Italien est entièrement vêtu de noir et il m'examine entièrement avec son éternel expression mystérieuse.
- La sauce sur ton débardeur, c'est très esthétique, se moque-t-il en référence à la grosse tâche située sur ma poitrine.
J'examine brièvement mon haut avant de redresser les bretelles de mon débardeur. Nous continuons à nous observer en silence jusqu'à ce que je ferme la porte, l'abandonnant de l'autre côté de celle-ci.
Alors que je me dirige vers mon sofa, il sonne une seconde fois. Je rebrousse chemin et réouvre la porte.
- Je réitère : qu'est-ce que tu fiches ici ?
Mon ton est sec et ma voix plus serpentine que je ne le voudrais. Il m'adresse un sourire en coin, avant de retirer sa main de sa poche et de la passer dans ses cheveux qui se sont allongés au passage. Sous le faible éclairage de ce palier, ses cicatrices donnent plus de dureté à son visage. Il dégage tellement de noirceur, fascinant et effrayant à la fois.
- Tu me laisses entrer ou pas ?
Je soupire avant de me décaler sur le côté pour lui offrir le passage. Vicenzo pénètre dans l'appartement et vient se tenir juste derrière moi. En faisant un pas en arrière, je le percute involontairement mais me décale aussitôt de lui. Je dois resembler à une junkie à en juger par le regard amusé qu'il me jette. Après tout je porte un shot minuscule et un débardeur exagérément large, dépassant la moitié de mes cuisses. Mes cheveux sont en bataille sur ma tête et heureusement que j'ai pris la peine de nettoyer les contours de ma bouche avant d'aller lui ouvrir. Il guette la petite table et remarque la demi pizza restante dans le carton, accompagné de la canette de soda déjà entamée.
- Tu ne te rend pas chez Kit ?
- Si. Et qu'est-ce que ça peut te faire ? Dis moi ce que tu veux.
- Pourquoi m'évites-tu ?
- Parce que tu ne cesses pas d'attirer des ennuis autour de moi.
Je le toise, amèrement, impatiente qu'il sorte de chez moi. Mais avec le temps, j'ai fini par comprendre que Vicenzo est l'une des rares personnes que je ne parviens pas intimider. J'aimerai vraiment ne plus avoir affaire à lui mais ceci semble impossible. Il finit toujours par revenir vers moi de son plein gré ou pas. En embrasant Ezra l'autre jour, j'en ai encore eu la preuve. Alors que nous échangions un moment intime, le visage de Vicenzo s'est aussitôt immiscé dans mon esprit.
~Flashback~
Mon cœur pulse à un rythme insoutenable, Ezra vient enfin de me révéler la réponse que j'attends depuis ce jour dans la salle de bain. Pourtant, ce malaise est toujours présent. Je sens encore ce nœud amer au fond de ma gorge. En un instant, je vois le visage de Vicenzo s'insinuer abruptement dans mon esprit. Son aura malsaine m'enveloppe aussitôt, puis je vois ses grands yeux noirs me toiser. Aussi inexplicable que cela puisse paraître, j'arrive à sentir sa présence tout près de moi. Comme s'il se tenait juste dans mon dos, me rappelant sans cesse de lui revenir. De mettre un terme à cette mascarade avec le président du conseil.
Ezra m'observe mais je ne suis déjà plus là ; mon esprit est loin, très loin de cet habitacle, emprisonné par l'aura de l'Italien. Je me détache définitivement d'Ezra puis je me redresse. Il se lève à son tour et détourne le regard un instant, tandis que moi je ne cesse de l'observer.
Vicenzo, ne détournerai jamais ses yeux des miens.
Ezra me plaît mais oserais-je le lui dire de vive voix maintenant ? Oserais-je lui dire que je n'ai pas cessé d'attendre ce moment ? Oserais-je répondre à sa déclaration ? Il a seulement dit que je lui plaît. Ce n'est pas grand chose. Pourtant je ne peux rien répondre. Au fond de moi, je sais que tout n'est plus pareil. Il me plaît mais qu'est-ce qui me fait croire que ce n'est pas encore une tentative de manipulation ? Il a bien fait la meme chose avec Eleanor l'an dernier. De quelle garantie je dispose ? Devrais-je briser mes remparts pour lui ? En vaut-il la peine ?
- Je dois retourner en cours.
Ces derniers mots mettent un terme à notre échange. Je ne lui accorde pas un dernier regard et quitte le laboratoire le cœur lourd.
~Fin Flashback~
- Maintenant tu veux me reprocher les cachotteries de tes amis ?
- Tsss. Toi ça te fait plaisir de blesser les autres comme ça ?
- Et toi alors ? Ça ne te fais pas plaisir ?
Mes poings se resserrent aussitôt et je suis tentée de lui assener mon poing en pleine figure. Mais je m'abstiens et me masse délicatement les tempes à la place. Vicenzo a raison, ce n'est pas moi qui devrait tenir des propos pareils. Je serais hypocrite avec moi-même. Comme d'habitude, il sait parfaitement jouer avec mes mots. L'atmosphère est hostile, nos conversations n'aboutissent à rien de positif depuis un moment. J'aimerai que les choses se déroulent autrement mais il ne me facilite pas la tâche.
- Tu n'imagines pas l'état dans lequel Johanna se trouvait après ton spectacle dans la cafétéria.
- Ne me tiens pas responsable des cachoteries de tes amis, rétorque-t-il froidement.
Je tressaille à ses mots et il le remarque. Il a raison, je ne devrais pas le tenir responsable de tout ce que Johanna me cache. Mais il n'avait pas le droit d'orchestrer ce spectacle. Je me défoule sur lui, tentant moi-même de soulager toutes ces questions qui me pèsent sur la conscience.
- Arrête dans ce cas ! Arrête de tout gâcher !
- Je ne fais que retarder l'échéance, tout finiras par se savoir. Tous ces secrets finirons par éclater au grand jour. Et toi, poursuit-il en réduisant la distance entre nous, tu ne seras pas épargnée.
Je recule instinctivement, n'osant plus l'affronter. Des flashs de mon passé resurgissent de ma mémoire et je revois le visage du meurtrier de mon père.
Non. Vicenzo n'a rien à voir.
Ma respiration devient tout à coup saccadée et mes mains légèrement tremblantes. J'aimerai lui dire de s'en aller une fois encore mais je n'y arrive pas ; les mots sont emprisonnés dans ma gorge. Notre proximité m'asphyxie, plus que d'habitude. Comment est-ce possible qu'il lui ressemble autant ? Vicenzo n'est pourtant pas le tueur de mon père. Ce meurtrier est en prison.
- Je... recule. Va t'en, Johanna arrive.
- Tu comptes continuer à me fuir c'est ça ?
- Je t'en prie. Va t'en.
Son visage se peint d'une expression indescriptible, mêlant colère et tristesse. Il réprime un juron et sort aussitôt de l'appartement en claquant la porte derrière lui. La main posée sur ma poitrine, je tente de reprendre une respiration normale. Lentement je m'assois sur l'accoudoir d'un fauteuil et joins mes deux mains sur mes cuisses dénudées. Une inspiration, une expiration pour me redresser les idées. J'arrive encore à sentir son parfum près de moi, j'arrive encore à sentir son souffle balayant ma nuque lorsqu'il était derrière moi. Je revois encore ses prunelles sombres sur son visage sévère.
Je ressens encore tout.
Pourtant rien ne va. Je ne suis pas en paix. Mes sentiments se chamboulent dans mon cœur. Ma poitrine se serre à chaque fois que je me retrouve seule avec lui. Pourtant Ezra me plaît. Je ne devrais pas me retrouver dans cette situation car j'ai déjà fréquenté de plusieurs garçons par le passé. Mais comment expliquer ce qui m'arrive ?
Vicenzo me trouble pourtant Ezra me plaît.
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