P Chapitre 24.
L'instant d'après, ils se retrouvaient au beau milieu de ces arbres sinistres. Le manoir était bien trop loin pour le repérer. Dipper était toujours dans les bras de Bill qui regardait droit devant lui, les lèvres esquissant un petit sourire sûr de lui. Il observa alors la mine déconfite de l'humain et lui offrit son plus grand sourire dévoilant toutes ses dents.
- Eh bien, Pinetree, ne me dis pas que le voyage t'a rendu malade !
Cette téléportation l'avait rendu confus, en passant d'un endroit à un autre en un éclair. De plus, il ne voyait pas du tout où ils se trouvaient. Il avait bien compris qu'ils avaient atterri quelque part au fin fond de la forêt mais il était toujours désorienté.
Bill le reposa au sol et épousseta ses gants en tapant énergiquement dans ses mains puis remit son col en place.
- Suis-moi si tu ne veux pas te retrouver coincé ici pour l'éternité.
Cette possibilité l'incita à obéir et il lui emboîta le pas, jetant quelques regards à droite, à gauche, de peur qu'une bête féroce ne vînt les attaquer.
Dans le monde des démons, il fallait s'attendre à tout.
Après plusieurs mètres à s'aventurer toujours plus profondément dans ces bois hostiles, Dipper commença à se demander ce qu'ils faisaient ici. Il finit par le lui poser la question de vive-voix.
- Qu'est-ce qu'on est venu faire ici, au juste ?
Bill, qui s'amusait à faire tournoyer sa canne, imitant à la perfection les jolies majorettes lors des défilés, tout en sifflotant des airs de fête, s'arrêta brusquement en jetant un coup d'œil amusé à son prisonnier.
- Je me disais qu'une petite balade en plein air pouvait nous faire du bien.
Dipper roula alors des yeux, comprenant parfaitement que c'était un mensonge.
- Plus sérieusement ?
Le démon reprit son petit jeu avec sa canne et modifia sa réponse.
- À cause de toi et de tous tes petits amis, je me suis retrouvé prisonnier de mes mouvements pendant six ans. Alors tu penses bien qu'une fois libéré, mes pouvoirs ont perdu de leur efficacité.
Il s'arrêta brusquement et se retourna pour faire face à son petit toutou qui le suivait en l'écoutant attentivement. Il passa le côté incurvé de sa canne autour de la nuque de Dipper et l'approcha vivement de lui. Celui-ci se retrouva très proche de lui, le cœur battant avec puissance. À si courte distance, les yeux plongés dans le regard de l'autre, les souvenirs de cette nuit infernale lui revinrent. Des milliers d'aiguilles transpercèrent sa peau, lui injectant une drogue qui le paralysa d'effroi.
Son corps tout contre lui, ses lèvres soufflant contre son oreille, son sexe le perforant comme s'il cherchait à le briser de l'intérieur.
Il eut envie de gerber.
- Alors j'ai besoin de voir un vieil ami qui vit terré dans cette forêt pour qu'il puisse accélérer ma "guérison", si je puis dire.
Il s'éloigna sans se dépêtre de son sourire cynique puis le libéra de l'emprise de sa canne autour de son cou et continua sa marche. Les pensées de Dipper étaient toujours embrumées par les mauvais souvenirs.
Ses dents dans sa chair, cette présence qui le torturait et qui n'avait rien à faire en lui.
- Et...pourquoi m'avoir emmené avec toi ? se risqua-t-il à demander.
Sa gorge était nouée, comme s'il sanglotait. Ils étaient seuls, au beau milieu de nulle part. Cela aurait été tellement facile pour Bill de le prendre contre l'un de ces arbres. Un frisson de terreur se propagea jusqu'à la racine de ses cheveux quand il remarqua le regard lubrique de Bill. Son esprit commença à s'imaginer les diverses options qui pouvaient se produire par la suite. Privé de ses mouvements, il se ferait peut-être de nouveau violer, à plat ventre sur le sol. Peut-être que cela prendrait cinq minutes, le temps d'assouvir ses pulsions animales ? Peut-être vingt minutes, pour profiter de son corps en s'inspirant de toutes les positions du Kamasutra ? Peut-être plusieurs heures, pour le torturer de toutes les manières plausibles ? La peur le submergea et il crut que ses jambes allaient le lâcher au lieu de l'aider à s'enfuir.
Mais à la place, le regard de Bill changea et une lueur narquoise traversa ses prunelles.
- Parce que j'aime quand tu es avec moi, mon petit Pinetree !
Cette déclaration aurait pu faire chavirer n'importe quel cœur en guimauve, mais pour le cas de Dipper, il éprouva un intense soulagement. Rien ne lui arriverait...
...tout du moins, pour l'instant.
Bill lui signifia alors qu'il ne devait plus bouger en pointant ses pieds de son index.
- Maintenant, attends-moi là.
- Tu vas où ?
- Je rejoins mon ami. Il n'aime pas les étrangers.
Il se pencha vers Dipper, passa une main dans le creux de son dos et lui vola un baiser. Le garçon n'eut pas le temps de réagir qu'il s'était déjà séparé de lui.
- Je reviens vite.
Un clin d'œil. Puis il disparut.
Dipper resta alors un instant hébété, n'ayant pas encore totalement assimilé ce qui venait de se produire. Quand il en prit enfin conscience, il frotta énergiquement ses lèvres du dos de la main, comme si cela allait effacer la trace de la bouche de son ravisseur. Les yeux fermés, sourcils froncés, il plaqua son dos contre le tronc le plus proche et pesta pour lui-même.
- Putain.
Il se passa les mains sur le visage avec lenteur, profitant de ce moment de répit pour calmer son corps.
Mason...
Il se redressa aussitôt, le cœur battant à tout rompre. Il regarda tout autour de lui avec crainte. Avait-il rêvé cette voix qui l'avait appelé ? Cela lui fit un drôle d'effet d'entendre son prénom que personne n'employait, à l'exception du corps enseignant et des médecins qu'il rencontrait.
Mason...
Il ne l'avait décidément pas rêvée.
La voix semblait si proche mais à la fois si lointaine. La peur commença à s'insinuer dans son organisme. Une fois, c'était peut-être une hallucination. Deux fois, c'était signe d'un mauvais présage.
Mason...
Il entendit un bruissement dans son dos et il s'éloigna d'un bond, faisant volte-face. Il constata avec horreur qu'il n'était pas seul. Une créature lugubre s'approcha lentement vers lui, contournant l'arbre sur lequel il s'était reposé quelques secondes plus tôt.
- Maaa...sooonnn...
Elle était hideuse, comme une ombre sournoise qui se décomposait continuellement. Des morceaux de ses cellules tombaient à ses pieds ce qui lui permettait d'avancer.
- Maaa...sooonnn...
- Maaa...sooonnn...
- Maaa...sooonnn...
Elle n'était pas seule. D'autres de ses compères la rejoignirent. Deux points rouges, s'apparentant à des globes oculaires, semblaient ne pas se mouvoir contrairement à la décomposition de leurs membres. Tout le reste de leur corps pourrissait et dépérissait sur le sol. Elles étaient une dizaine. Non, une vingtaine. Et elles s'approchaient du pauvre humain abandonné par son maître. La plus proche tendit une main dégoulinante vers Dipper et ouvrit sa large bouche difforme pour continuer ses psaumes.
- Mason... Maa...soonn... Maaa...sooonnn...
Le garçon tremblait de terreur. Qu'étaient-ce, ces créatures répugnantes !? Il recula d'un pas, horrifié. Puis d'un autre, avant de se retourner et de fuir à toutes jambes. Son souffle était erratique, ses jambes se faisaient plus légères, comme si l'adrénaline lui avait fait pousser des ailes dans le dos. Il devait leur réchapper. Ces créatures lui voulaient du mal, c'était certain.
Les yeux grands ouverts, il n'osa pas se retourner. Cela lui ferait perdre du temps. Il continua sa course effrénée, serpentant à travers les arbres avec agilité. Il n'y avait pas de feuillage ni de branches pour le freiner, mais cela signifiait qu'il était très facile pour ces monstruosités de le retrouver. Il n'avait aucun moyen de se cacher.
Même si cela paraissait ahurissant, il avait envie de crier, d'appeler Bill pour qu'il vînt le secourir.
Quand on en vient à réclamer l'aide de son bourreau, c'est que la situation est vraiment désespérée.
- Masoooonnnn...
La voix était si proche qu'il se risqua à jeter un œil derrière lui.
Les créatures n'étaient plus qu'à quelques mètres !!!
Son cœur pulsa son sang avec frénésie. Comment avaient-elles fait pour arriver aussi vite alors qu'elles semblaient si lentes ?
Il comprit pourquoi quand il remarqua un peu plus loin que d'autres créatures sortaient du sol.
Elles pouvaient se déplacer de cette façon !
Il dut user de ses dernières réserves d'énergie pour accélérer ses foulées. Il manqua plusieurs fois de trébucher, mais sa volonté de survivre était plus forte et lui permit de rester en vie. Il prit à gauche, les yeux fermés pour se concentrer sur sa respiration haletante, et il accéléra davantage. Il devait les semer coûte que coûte.
"Bill... Je t'en supplie..."
Il se sentait minable de demander de l'aide à cet être ignoble.
"Sauve-moi..."
Soudain, le sol se déroba sous ses pieds. Son instinct prit le dessus et il ouvrit brusquement les yeux. Il venait de se jeter du haut d'une falaise !
Il se mit à hurler, la terreur électrisant tout son épiderme. Il n'y avait plus aucun espoir. Il allait mourir dans cette chute en ayant tenté de se sauver.
Son cri se prolongea encore quelques secondes. À la vitesse où il chutait, il avait trop peur de regarder le sol qui se rapprochait dangereusement, alors il ferma les yeux. Il ne préférait pas voir quand il allait mourir. À peine s'était-il dit qu'il n'y avait plus aucun espoir que deux bras forts le rattrapèrent en plein vol, le stoppant dans sa chute. Il ouvrit les yeux et rencontra le regard doré de Bill qui n'avait toujours pas perdu son sourire agaçant.
- On ne peut vraiment pas te laisser seul deux minutes, n'est-ce pas, Pinetree ?
Il jeta un œil sous ses pieds. Il n'y avait que le vide. Bill venait de le secourir en plein vol. Le démon les téléporta sur la terre ferme et reposa Dipper à ses côtés.
- Maaasooonnn...
L'humain frissonna quand il entendit de nouveau cette voix spectrale l'interpeller. Bill se retourna, la main toujours sur l'épaule de Dipper, le serrant contre lui. Il avait le regard sombre, guettant les mouvements lents de ces monstres apocalyptiques.
- Quittez ces terres, viles créatures ! ordonna le démon d'une voix impérieuse.
Aussitôt, ces horreurs obéirent et s'engouffrèrent sous terre tout en gémissant comme des zombies agonisants.
Le calme revint, mais Dipper n'osa toujours pas s'éloigner du blondinet qui venait de le secourir. Il restait accroché à son veston pour s'assurer de sa sécurité.
- Bill... C'était quoi ces choses... ? demanda-t-il, la voix tremblante.
- Des damnés. Des démons qui ont tenté de prendre la place d'Axolotl, une entité suprême de notre monde. Ils sont condamnés à errer dans ces bois, obligés de supporter le poids de leur péché en souffrant pour l'éternité.
Il posa un regard lourd de sens sur son prisonnier qui avait failli y rester.
- Pour être libre, ils doivent manger une âme humaine. J'aurais dû y penser avant de te laisser seul avec eux dans les parages.
La terreur laissa place à la colère. L'adrénaline n'étant toujours pas retombée, Dipper ressentait toutes ses émotions de façon décuplée. Il était très remonté contre Bill et il ne se cacha pas pour le lui faire savoir.
- Mais t'es complètement inconscient !? Si jamais ils m'avaient attrapé, tu serais mort, toi aussi ! Mourir aussi con t'aurait peut-être fait redescendre de ton statut de toute puissance !
Bill l'observa, les yeux ronds. Il ne s'attendait pas à ce qu'il réagît d'une façon aussi virulente. Mais sa surprise se métamorphosa rapidement en amusement et il se rapprocha doucement de sa proie qui déchanta bien vite en se rendant compte de son erreur.
- Ce n'est pas une façon de parler à son maître, Pinetree. Tes propos me blessent sincèrement, tu sais ?
Il porta une main à son cœur comme un comédien qui exagère la situation lors d'une scène dramatique. Puis, l'instant d'après, il agrippa le col de Dipper et le fit reculer jusqu'à atteindre l'arbre le plus proche. Il le plaqua contre celui-ci et dévora sa bouche avec avidité. Sa victime chercha à se débattre, haletant sous le poids de la frayeur. Elle lui donna des coups de poing au torse et écrasa son pied avec son talon. Mais Bill n'éprouva aucune douleur, beaucoup trop irradié par le désir incandescent qui l'animait. Il souleva son t-shirt bleu, exhibant son ventre plat. Sa main caressa doucement son ventre qui se crispa à ce contact. Leur langue continuait de danser, l'une étant plus réticente que l'autre. Le bermuda glissa le long des jambes de Dipper qui continuait de chercher une issue de secours.
Mais tout le monde sait que l'insecte ne parvient jamais à s'échapper de la toile d'une araignée affamée.
Bill sépara ses lèvres de celles de Dipper pour goûter sa peau maculée de sueur salée.
- Non... Bill... Pardon... Je ne le referai plus...
Son corps se figea dans le marbre. Il n'était plus qu'une poupée de cire, soumise à toutes les volontés d'un enfant joueur.
- Non non non !
Le pouvoir de Bill n'avait peut-être pas retrouvé toute sa puissance d'autrefois mais il demeurait très efficace pour que son propriétaire pût parvenir à ses fins. La veste et le t-shirt de Dipper furent retirés et il ne put rien faire pour les garder. Les larmes lui montèrent aux yeux rien qu'en réalisant ce qui allait lui arriver dans les prochaines minutes.
- Tu es si mignon avec ces yeux mouillés, Pinetree, complimenta le démon en caressant sa joue avec douceur.
Le corps tout entier de l'humain se mit à trembler d'appréhension. Il avait tellement peur d'avoir de nouveau mal.
- Par pitié... Bill...
Celui-ci ne le laissa pas finir qu'il passa son pouce dans sa bouche, tandis que de son autre main, il posa son index contre ses lèvres, lui intimant de se taire.
- J'ai envie de toi, Pinetree. Alors tu vas gentiment m'offrir ton corps sans faire d'histoire, OK ?
Révolté, Dipper serra les dents contre son pouce, prêt à lui rompre un os. Les larmes coulaient toutes seules. Il le fixa droit dans les yeux, effrayé mais déterminé. Il voulait lui faire mal avant que lui ne lui en fît.
L'immense sourire que Bill lui offrit au lieu d'une grimace de douleur le perturba. N'éprouvait-il donc rien d'autre que la satisfaction de le faire souffrir ?
- Il est normal qu'un chien se mette à mordre. Mais le rôle d'un maître est de le punir pour qu'il ne recommence plus.
Il le fit tourner. Dipper se retrouva face à l'arbre, aussi raide qu'un pantin en bois. Son caleçon l'abandonna à son tour et il sentit deux mains lui maintenir les hanches. En réponse, il se mit à crier, à le supplier d'arrêter, à demander à quelqu'un de le sauver.
Mais les miracles n'existent pas. Encore moins dans le monde des démons.
À nouveau, cette même présence s'inséra en lui, le faisant râler tel un animal blessé. Il se mordit la lèvre inférieure, préférant rediriger la douleur vers un autre endroit que ses fesses.
Encore une fois, la honte le submergea.
Encore une fois, la douleur s'insinua par tous les pores de sa peau.
Encore une fois, il se mit à pleurer.
Encore une fois, il se trouvait à la merci de ce démon cruel.
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