M Chapitre 18.
Quatre jours s'étaient écoulés depuis l'apparition de Bill dans la chambre de Dipper pour abuser de son corps.
Dipper passait plusieurs fois sous la douche par jour pour se débarrasser de la crasse qu'avait laissé Bill sur sa peau. Il ne pouvait s'empêcher de revivre certaines scènes. Celle où il l'avait embrassé, quand sa langue avait enlacé la sienne dans une danse suave. Celle où ses lèvres avaient suçoté son cou, y laissant des marques de dents çà et là. Celle où il lui avait titillé les oreilles en léchant son lobe ou en soufflant dessus avec sensualité. Celle où il avait senti sa main lui caresser l'entrejambe et le reste du corps.
Celle où il s'était senti partir tandis qu'il l'étranglait.
Il s'empressa de frotter sa gorge avec force, cherchant à se décrasser de sa présence imprégnée sur sa peau. Il ferma les yeux. Il ne supportait pas ce sentiment contradictoire. Il le haïssait. Tellement qu'il était prêt à le tuer de ses propres mains. Et pourtant, ses mains sur son corps lui faisaient un tel effet qu'il en réclamait encore. C'était comme s'il connaissait tous ses points faibles, ses zones érogènes. Il savait comment le frustrer, comment le combler. Il se détestait d'en réclamer davantage mais il savait que ce n'était pas de sa faute. Le fautif était ce démon qui jouait avec ses nerfs. Il voulait lui faire mal, le détruire, l'anéantir, et à la fois le posséder, le conduire au plaisir.
- Ce démon n'a vraiment pas toute sa tête..., pensa-t-il en sortant de la douche, une serviette autour de la taille.
Il s'habilla nonchalamment, l'esprit ailleurs, toujours orienté vers Bill.
- À croire qu'il contrôle mes pensées pour me rendre fou...
Il rejoignit sa sœur dans le salon qui contemplait souvent les statues de ses oncles, le pull-over remonté jusqu'à son nez. Seuls ses yeux n'étaient pas camouflés. Il l'enlaça d'un bras, assis à côté d'elle, tête contre tête, observant religieusement les défunts.
- C'est dur de les voir mais de ne pas pouvoir leur parler.
Mabel n'avait pas levé les yeux en prononçant cette phrase. On aurait dit qu'elle était ailleurs alors qu'elle interagissait avec son frère.
- C'est vrai. Mais on trouvera peut-être un moyen de les sauver.
- Tu sais bien que c'est impossible.
Elle se cala davantage contre lui en se mordant la lèvre inférieure.
- On est peut-être deux contre un, mais lui, il vaut mille hommes. Comment rivaliser ?
Il aurait voulu la rassurer, lui dire que son pessimisme l'empêchait de voir que leur avenir n'était pas aussi désespéré. Mais il n'y croyait pas lui-même. Comment pouvait-il la convaincre dans de pareilles conditions ? Elle sortit la tête de son col de pull-over mauve et s'éloigna pour rejoindre les deux statues qui se trouvaient toujours au milieu du salon. Ils n'avaient pas osé les déplacer de peur qu'elles se changeassent en cendres. Elle prit les mains d'Oncle Stan et le regarda longuement avant de se détourner vers l'individu aux douze doigts pour lui sourire. Un sourire triste.
- Ils nous ont toujours protégés. Et on ne peut rien faire pour leur rendre l'appareil. Je me sens coupable.
- Il ne faut pas, s'empressa de renchérir son frère en se levant à son tour. Je suis sûr qu'on trouvera un moy-
- Arrête ! cria-t-elle en lui faisant face, les yeux humides. Arrête de croire que tout est possible ! Tout ne se règle pas en un claquement de doigt comme pourrait le faire Bill ! On n'a pas ses pouvoirs et il n'acceptera jamais de les ramener et de nous laisser en paix !
Elle s'approcha de lui en s'accrochant à son t-shirt sombre.
- Pour je-ne-sais-quelle raison, il a décidé de te faire porter le chapeau. Pour lui, c'est toi qui l'a condamné. Alors il compte te faire payer le quintuple. Et pour ça, il va tuer tous ceux que tu aimes.
Dipper savait tout cela. Mais l'entendre de vive-voix lui transperça le cœur.
- Wendy s'est pendue dans la forêt après la mort de sa famille. Soos a disparu et n'est plus jamais revenu. Nos oncles ne sont plus qu'un tas de pierre. Et Dandinou a été cuisiné.
Elle fit une pause, baissant la tête. Dire tout cela lui demandait un effort incommensurable. Ils souffraient mais c'était bénéfique.
- Il ne reste plus que moi...
Elle leva les yeux pour le fixer.
- Je vais mourir, Dipper. Aujourd'hui, demain ou la semaine prochaine. Mais je vais mourir. Et je ne pourrai pas y réchapper.
Ses mains se détachèrent de son t-shirt pour laisser ses bras l'encercler.
- J'ai peur de mourir. Mais ce qui me fait encore plus peur, c'est de te laisser seul avec Bill.
Dipper l'enlaça à son tour, grimaçant en envisageant cette possibilité.
- Je ne veux pas te perdre, Mabel...
- Moi non plus, Dipper. Mais Bill est cruel et insensible. Il ne se laissera jamais amadouer. Rien ne l'empêchera de t'anéantir.
Il serait seul, replié sur lui-même. Seul Bill deviendrait son phare dans l'obscurité de la solitude. Cette simple évocation le rebuta.
- Et elle a complètement raison, souffla une voix.
Elle semblait omniprésente. Les jumeaux se séparèrent aussitôt, aux aguets. Ils se dirigèrent vers la cuisine, observant les moindres recoins du rez-de-chaussée. Soudain, avec grâce, une silhouette se matérialisa au centre de la pièce en tirant sa révérence, haut-de-forme à la main. Quand elle se redressa, elle replaça son chapeau sur sa chevelure blonde tirant vers le noir et leur adressa un sourire entendu.
- Bonjour Pinetree et Shooting Star. Ça faisait longtemps !
Ils le regardèrent, terrifiés, l'horreur leur tordant le ventre. Mabel s'accrocha au bras de son frère sans quitter du regard la Faucheuse.
- Comme convenu, je viens prendre la vie de ta très chère sœur, Pinetree. J'espère que vous avez fait vos adieux parce que je n'ai pas tout mon temps.
L'instinct de survie prit le dessus sur le garçon et il balança son bras derrière lui sur le plan de travail, et saisit le manche d'un couteau tranchant, celui qui servait à couper la viande de sanglier que Oncle Stan chassait dans la forêt. Il tendit son arme devant lui, pointant le démon qui souriait toujours de son petit air suffisant, horripilant.
- Tu fais un pas de plus et je t'égorge, menaça l'adolescent, le regard assassin.
Mabel resserra sa prise autour du bras de son frère, coincée entre lui et le plan de travail. Elle sentait ses tremblements, elle devinait la terreur qui l'habitait. Au lieu de lui faire peur, cela amusait grandement Bill qui se mit à rire aux éclats.
- Tu penses pouvoir me vaincre avec ce jouet ? Ne fais pas l'enfant et accepte ton châtiment !
- Dans tes rêves, monstre!
Il tremblait même s'il se voulait valeureux. Il avait peur. Peur pour sa vie mais surtout pour celle de sa jumelle. S'il ne se battait pas, il allait la perdre. Et il en était hors de question !
- Comme tu veux.
Le marionnettiste claqua des doigts et Dipper perdit le contrôle de son corps.
- Qu... Qu'est-ce que...
Il tourna la tête vivement vers sa sœur qui était toujours agrippée à son bras. Soudain, il comprit et hurla :
- VA-T'EN!!!
Le couteau fendit l'air et se dirigea rapidement vers l'abdomen de sa jumelle qui eut tout juste le temps de s'éloigner. Elle le fixa, terrifiée.
- Di...Dipper... Qu'est-ce qui te prend... ?
- Éloigne-toi de moi tout de suite ! Je ne contrôle plus rien !
Il se rua sur Mabel, le couteau au-dessus de sa tête, prêt à l'abattre en plein cœur.
- Oh ! Vous voulez jouer au chat et à la souris ? Très bien ! Ce sera plus distrayant comme ça.
Bill assistait à la scène avec grand intérêt. Il paraissait amusé de la situation, de la panique qui émanait des jumeaux. Dipper se jeta sur sa sœur. Elle tentait de s'échapper par n'importe quel moyen. Ce petit jeu se prolongea durant une bonne dizaine de minutes. Mabel était épuisée. Elle haletait, la respiration hachée. Son frère aussi, mais il était plus endurant. Il n'allait pas tarder à l'avoir. Elle recula difficilement jusqu'à ce que son dos heurtât le mur, la pétrifiant sur place.
Elle allait mourir.
- Achève-la, ordonna Bill.
Il se précipita sur elle mais juste avant de la toucher, elle lui retint les poignets avec le peu de force qui lui restait. Ils se regardaient dans les yeux, fatigués.
- Mabel... N'abandonne pas... Je t'en supplie...
Elle lui sourit avec difficulté, les membres tremblants sous la force de son frère.
- Je n'y arriverai pas...
- Non... Ne dis surtout pas ça... N'abandonne pas...
D'un geste rapide, il claqua son pied contre la cheville de sa sœur, ce qui lui fit perdre l'équilibre et elle s'écroula sur le côté, par terre. Il ne perdit pas de temps et se plaça à califourchon sur elle, lui bloquant toutes issues de secours. Les yeux de Dipper reflétaient l'effroi qui le secouait.
Il allait la tuer.
Il leva le bras. Mabel le regarda, impuissante, les bras à la perpendiculaire de son corps. Elle avait abandonné le combat.
- Mabel !!! Non !!!
- Je suis désolée, Dipdip, s'excusa-t-elle en lui souriant tendrement. Je n'ai plus de force.
Les larmes s'échappèrent des prunelles brunes du garçon et chutèrent sur les joues roses de sa jumelle. Elle débordait d'amour pour son frère alors qu'au fond d'elle, elle était terrassée. Elle ne voulait pas mourir. Elle ne pouvait pas le laisser en vie avec ce type.
- Je t'aime, Dipper...
À peine eut-elle prononcé ces mots qu'il abattit son couteau dans sa poitrine avec rage.
Un bruit d'entrailles qu'on transperçât, un silence pesant le remplaçant, puis une quinte de toux sanglante. Mabel saignait. Elle allait mourir dans les prochaines minutes.
Et pourtant, le corps de Dipper continua son massacre. Il sortit la lame et la replanta quelques centimètres plus bas, visant le poumon gauche. Et il recommença. Encore et encore.
- Arrête ça, Bill !!! supplia-t-il, ne supportant plus de briser un peu plus sa sœur à chaque coup. ARRÊÊÊTE !!!
Il hurlait, pleurait, mais personne n'exauça son vœu. Il détruisait son dernier espoir de ses propres mains. L'obscurité se développa dans tout son être, le dévorant goulûment, l'entraînant dans les tréfonds du désespoir.
Le carnage se poursuivit encore deux minutes, massacrant le corps de sa moitié, sous le regard rieur du démon qui ne manquait rien à la scène spectaculaire que lui offrait son fantoche favori. Quand son bras cessa ses va-et-vient, il put enfin souffler. Les sanglots qui étaient restés coincés au fond de sa gorge se libérèrent et il explosa. Son agonie le rongeait de l'intérieur, lui brûlait les poumons, lui écrasait le cœur, le désintégrait. Il n'était plus que l'ombre de lui-même, pleurant dans les bras du cadavre qui se trouvait sous son poids.
- Comme quoi, Shooting Star portait bien son nom : elle a pu rejoindre les étoiles, ironisa Bill qui s'était approché pour mieux apprécier l'œuvre de son jouet.
Dipper leva des yeux débordant de larmes, dévoilant une rage foudroyante qui ne demandait qu'à s'animer.
- Toi..., souffla-t-il, impétueux.
Il voulut se lever, lui planter son couteau dans son unique œil puis lui faire connaître les plus infâmes tortures qui lui passaient par la tête. Mais il était comme cloué au sol, incapable du moindre mouvement.
- Merci pour le spectacle, Pinetree. J'ai enfin eu ce que je voulais.
Il s'accroupit à ses côtés pour passer sa main sur sa joue, effaçant les résidus du torrent de larmes, la glissa sous son menton tandis que son pouce effleurait sa lèvre inférieure. Il s'approcha doucement et l'embrassa avec ardeur, révulsant l'adolescent statufié. Sa haine grandissait au fur et à mesure que ce baiser se prolongeait.
- Salaud !!! cria Dipper quand ses lèvres furent enfin libérées.
- Allons allons. Fais taire cette jolie bouche, Pinetree. Ce n'est pas fort poli.
- Ma politesse, tu peux te la mettre dans le cul ! Connard !!!
- Oh, voyez-vous ça ! Et moi qui pensais que tu préférais recevoir plutôt que donner.
Cette allusion ne le fit pas flancher. Il n'était même pas troublé. Il n'avait qu'une seule envie : le tuer.
- Tu ne sembles pas de bonne humeur, je trouve. Je repasserai te voir dans les prochains jours. Repose-toi bien, Pinetree !
Et il disparut comme il était apparu. Le corps lourd, l'attention de Dipper se porta sur la masse sous ses jambes.
Toute trace de haine disparut et fut aussitôt remplacée par un déchirement qui le tortura avec violence.
Il se mit à ses côtés et la souleva en passant un bras sous ses omoplates, le regard voilé.
- Mabel... Ne me laisse pas...
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