I Chapitre 25.

Dipper se réveilla sous les épaisses couches de couverture. Il n'avait pratiquement pas dormi car ses fesses lui lançaient des signaux d'alerte s'il avait le malheur de s'allonger sur le dos. De plus, tous les événements de la veille lui revenaient dès qu'il sentait ses paupières s'alourdir, lui coupant net l'envie de sombrer alors que son violeur se reposait à ses côtés.

La scène dans la chambre avant de partir en forêt, là où il avait connu la peur de sa vie avec ces ignobles créatures. Puis, bien évidemment, son deuxième viol, qui l'avait d'autant plus traumatisé que le premier. Il s'était finalement rendu compte qu'il ne pouvait vraiment rien faire si Bill avait pour projet de le pénétrer. La première fois, il avait été libre de ses mouvements. Il avait pu tenter quelque chose même si ses efforts demeuraient vains. La seconde, par contre, son corps avait été paralysé sous l'influence du pouvoir de Bill. Il ne pouvait strictement rien faire pour l'arrêter d'une quelconque manière que ce fût.

Cette situation l'abattait, comme une massue qui lui pèserait sur les épaules.

Il resta ainsi sans bouger, attendant que le temps passât. Il détestait cette impression de vulnérabilité qui lui compressait le cœur. Au fond de lui, il se disait qu'il n'avait pas le droit de se plaindre. Après tout, c'était de sa faute si Bill abusait de lui, car s'il n'avait pas accepté son marché, il ne serait pas obligé d'obéir à ses moindres désirs. Néanmoins, sa raison le rassurait, lui rappelant qu'il n'aurait pas pu savoir que Bill pouvait éprouver ce genre de désir. Mais sa honte balayait ce raisonnement, le rabaissant en lui disant que s'il était dans cette situation, c'était entièrement de sa faute. Il était tellement sévère envers lui-même qu'il ne parvenait pas à se dire que c'était de la faute de Bill s'il était dans le mal, et non de la sienne. Le désespoir le détournait de sa raison et il se focalisa sur son sentiment de honte et de dégoût envers lui-même. Et surtout sur son cœur brisé.

Tout à coup, une main se posa sur son épaule, ce qui lui provoqua un soubresaut. Il était allongé en boule, il ne pouvait donc pas prévoir les mouvements du démon à ses côtés. Il sentit une paire de lèvres se poser sur la base de sa nuque, le faisant frissonner, et ses oreilles se mirent à chauffer. Les draps se froissèrent et il sentit le torse de Bill contre son dos, ainsi que deux bras entourer sa taille. Son cœur se mit à résonner dans ses tempes et il eut l'impression qu'une boule d'angoisse s'apprêtait à s'extirper de sa gorge. Il était paralysé d'effroi, comme la veille, mais cette fois-ci, ce n'était pas dû à un quelconque pouvoir. Il avait tout simplement trop peur pour réagir.

- Je sais que tu es réveillé, Pinetree, dit le démon, la voix rauque.

Sa présence l'étouffait. Il manquait d'air. Il allait bientôt se mettre à suffoquer puis mourir d'une asphyxie. Il ferma les yeux, se concentra sur sa respiration pour ne pas céder à la panique. Mais Bill se fichait de ce qu'il pouvait bien ressentir. Il resserra même davantage son étreinte, profitant de la chaleur de son humain.

- Tu m'ignores ? souffla-t-il tout contre son oreille dans l'optique de le faire réagir.

Et cela fonctionna à la perfection car Dipper repensa instantanément à la scène dans la forêt de la veille. Ses baisers folkloriques, ses doigts pinçant sa peau, ses paroles désireuses contre son oreille, racontant tout ce qu'il aurait aimé lui faire, ses fantasmes les plus insolites. Mais encore une fois, ce fut les coups dans son intimité qui avaient été dévastateurs. Il avait été brisé une nouvelle fois. La reconstruction serait encore plus difficile.

Soudainement, Bill s'éloigna mais ne quitta pas le lit. Au contraire, il enjamba le corps épuisé par sa courte nuit de l'humain pour se retrouver à califourchon sur lui. Aussitôt, Dipper commença à paniquer et resserra ses cuisses contre son ventre. En étant aussi crispé, Bill n'arriverait probablement pas à "forcer le passage", se rassurait-il.

- Ce n'est pas bien de ne pas répondre quand son interlocuteur nous adresse la parole.

Il glissa une main dans ses boucles ébouriffées des mauvais jours, joua avec une mèche qui encadrait son visage. Mais Dipper continuait toujours de détourner son regard du sien, de peur que cela lui donnât de mauvaises idées qui pourraient briser ses dernières barrières.

- Peut-être serais-tu frustré que notre séance dans la forêt se soit terminée si vite ?

Il se pencha jusqu'à frôler son oreille de ses lèvres et il susurra :

- Peut-être voudrais-tu qu'on reprenne sur le champ ?

L'estomac de Dipper se noua et il eut une intense envie de gerber. Pourtant, il n'avait quasiment rien mangé depuis la veille au matin, juste avant leur balade en plein air. Il ne vomirait donc que du vide, et peut-être un peu de son mal-être.

- Non... Arr...

Ses lèvres furent prises en otage, l'empêchant de finir sa complainte. Il se sentit alors sombrer. Sombrer dans les terreurs de son esprit.

"Par pitié, faites qu'il ne tente rien..."

Il n'en pouvait plus. Son corps n'en pouvait plus. Il ne pourrait pas supporter un nouveau round. Les larmes coulèrent toutes seules sans qu'il ne pût les retenir, comme à chaque fois.

- Oui... C'est ça que je veux voir...

Il le dévisagea d'un œil contemplatif, un large sourire aux lèvres. On aurait dit un pervers s'extasiant de la douleur de sa victime.

- Le désespoir dans tes yeux si purs.

Puis il se jeta de plus belle sur ses lèvres, lui dévorant la bouche avec avidité, comme s'il s'agissait du meilleur repas qu'il avait pris de sa vie. Puis tout s'enchaîna.

Le peu de vêtements qu'ils portaient vola à travers la pièce. Et comme le rituel le voulait, Dipper se retrouva à plat ventre sur le matelas, un bras coincé dans le dos, l'autre tentant désespérément de se redresser. Il serra les dents, ne parvenant plus à voir à cause de la barrière de larmes qui obstruait sa vue. Une rage mêlée à la peur se déchaîna dans son cerveau et il se mit à hurler telle une bête sauvage pour paraître plus valeureux et ainsi, faire fuir son prédateur. Soudain, son bras maintenu dans son dos lui fit atrocement mal. Bill s'apprêtait à le tordre pour le dissuader de se défendre.

- Eh bien, la bête a pris le dessus ? C'est pour me révéler ton désir que tu rugis comme ça ?

- Va te faire foutre !!! hurla Dipper, hors de lui.

Il était hors de question qu'il se laissât faire une troisième fois. Il refusait catégoriquement de revivre cette douleur infernale, ce sentiment de honte, de fragilité. Un nouveau râle le prit à la gorge quand son bras continua de se faire malmener par la poigne experte de Bill.

- Désolé, mais ce n'est pas dans mes projets, mon petit Pinetree.

Quand il sentit ses fesses se faire écarter, Dipper comprit que l'échéance n'allait pas tarder à sonner le glas. La peur prit le pas sur toutes les autres émotions qu'il éprouvait et il recommença à se tortiller d'affolement.

- J'vais te buter, connard !!! s'emporta-t-il.

- N'oublie pas que si ça arrive, tu mourras aussi.

Dipper n'eut pas le temps de renchérir qu'à nouveau, la présence qui le traumatisait s'infiltra en lui avec brusquerie. Il se mit à gémir de douleur et plaqua sa tête dans l'oreiller pour le mordre, cherchant à amoindrir sa souffrance qui se propagea comme des petites explosions tout le long de sa chair. Son corps était comme le No Man's Land lors de la Première Guerre Mondiale, entre les Allemands et les Français, sur le territoire de la Belgique. Des milliers de bombardement sur sa peau lui provoquaient la chair de poule. Et là où s'infiltrait Bill, des fusées nucléaires explosaient, le détruisant de part en part. Ses relations sexuelles avec son pire ennemi avaient la même connotation qu'une guerre pour le jeune humain, qui se sentait mourir un peu plus à chaque seconde.

Plusieurs minutes s'écoulèrent et Bill finit par se lâcher en lui, le souillant de sa semence collante. Le démon quitta le lit, se changea dans la salle de bains et abandonna Dipper dans sa chambre pour reprendre ses activités. Puisque les jours n'existaient pas dans ce monde, Dipper était déréglé, et il avait l'impression que leur partie de jambes en l'air avait duré l'équivalent d'une journée entière. Qu'ils avaient commencé au matin et qu'ils avaient fini en fin de soirée. Pourtant, cela avait duré seulement sept minutes. Mais ces sept minutes avaient duré une éternité pour l'adolescent qui ne sentait plus ses membres inférieurs. Il resta allongé sur le ventre très longtemps, le regard livide et les pensées hagardes. Quelquefois, ses doigts tressautaient involontairement. C'était comme s'il avait fait une crise et qu'il ne parvenait pas à revenir à lui.

Mais avait-il réellement envie de revenir ?

Après plusieurs minutes à être resté immobile, il se décida à bouger. Il se leva faiblement, le corps lourd. Il était extrêmement fatigué mais il continua d'avancer vers la salle de bains. Il ouvrit la porte puis la referma derrière lui. Il s'avança vers le miroir et s'observa longuement. Il avait les yeux rouges, les joues striées, et ses lèvres étaient sèches. Il avait beaucoup maigri. Il n'était déjà pas bien gros, alors il remarqua facilement ses joues creusées et son cou fin, dévoilant ses clavicules bien plus apparentes. Il grimaça, le regard noir et, sur un coup de tête, il frappa un grand coup contre la glace qui éclata en morceaux.

Dipper eut un grand sursaut et recula de deux pas, effaré. Il n'avait pas souvenir que son cerveau eût demandé à son bras de frapper le miroir. Son corps avait agi de lui-même. Il regarda l'état de sa main droite. Écarlate. Quelques gouttes chutèrent sur ses pieds, ne le faisant cependant pas réagir. Il observa longuement cette magnifique couleur carmin.

Du sang. Son sang.

S'il en perdait une plus grande quantité, il pourrait partir.

Cela lui avait fait mal d'éclater son poing contre la surface polie, mais la douleur n'était pas comparable à ce qu'il vivait quand il se retrouvait à la merci de son bourreau. En mourant d'une hémorragie, il pourrait définitivement mettre fin à sa souffrance. Il baissa la tête vers les morceaux de verre qui traînaient au sol. L'un d'eux avait un côté tranchant. En l'utilisant, il mettrait fin à sa vie, mais aussi à celle de son violeur. Cette pensée le réjouit et il s'accroupit pour récupérer ce morceau. Il l'inspecta plus en détails. Il put voir son reflet. Dans ses yeux, il remarqua une détermination qu'il ne se connaissait pas. Mais il sentait au plus profond de son cœur que ce qu'il avait pour projet de faire lui faisait incontestablement peur. Il regarda son bras nu et approcha la lame de son poignet. Mais juste avant de frôler sa peau, son sentiment de peur s'intensifia et il lâcha son arme, complètement sidéré.

Il ne pouvait pas faire ça.

Il ne pouvait pas abandonner sa famille. Il voulait les revoir. Participer à leurs conversations abracadabrantes, jouer avec sa jumelle dans l'eau et la boue comme lorsqu'ils étaient enfants. Ils voulaient aspirer leur bonne humeur contagieuse, connaître à nouveau le bonheur.

Les larmes déferlèrent sur ses yeux rougis et il se mit à sangloter, se laissant tomber à genoux parmi les débris de verre. Il avait mal mais il avait besoin d'extérioriser sa peine.

- J'ai besoin de les revoir...

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