D Chapitre 20.

Après avoir accepté son offre, Dipper demeura silencieux, gardant sa main dans la sienne. En revanche, le sourire de Bill s'élargit, et les flammes qui réchauffaient leur paume s'éteignirent. Dipper ne savait pas dire s'il venait de se faire avoir ou pas alors il attendit que le démon lui offrît plus d'informations.

Soudain, il entendit des pas au rez-de-chaussée. Son cœur se gorgea de sang et les poils microscopiques sur le cartilage de son oreille lui provoquèrent des frissons jusqu'à la base de sa nuque. Il lâcha la main de Bill et accourut jusqu'à la porte pour vérifier qu'il n'avait pas rêvé cette agitation. En arrivant dans le salon, il n'en crut pas ses yeux.

Stanley et Stanford faisaient un énorme câlin à leur nièce qui pleurait à chaudes larmes. Soos et Dandinou étaient là aussi.

Une joie immense s'empara de lui. Pour autant, il ne parvenait plus à bouger ses jambes, devenues trop lourdes. Quand les revenants se rendirent compte de sa présence, ils se jetèrent sur lui pour le cajoler dans leurs bras.

- Mon garçon ! Tu as réussi à nous sauver ! s'exclama Oncle Ford.

- Je savais que tu en serais capable ! ajouta Mabel en se mouchant presque dans l'épaule de son frère.

Ils se séparèrent, le sourire aux lèvres. Mais leurs sourcils se froncèrent quand ils remarquèrent que quelque chose avait changé chez le jeune adolescent. Les mèches qui recouvraient son front semblaient fluorescentes. Trop curieuse, Mabel leva la main vers celles-ci pour les écarter et constata avec stupéfaction que sa tache de naissance brillait d'une lueur dorée. Dipper contempla leur regard surpris, le visage figé. Il toucha son front, innocent, ne comprenant pas leur réaction.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait ? demanda sèchement Oncle Stan qui essayait de contenir sa fureur.

Le garçon baissa honteusement les yeux. Il avait fait une lourde bêtise en acceptant ce pacte et pourtant, il ne le regrettait pas. Il avait pu les revoir. Cette chance n'avait pas de prix pour lui.

Une main se posa sur son épaule, le faisant tressauter. Il leva les yeux vers Bill qui s'était joint à la discussion. Sa présence refroidit aussitôt l'assemblée générale.

- Nous avons conclu un marché. Vous voilà en vie, et en échange, votre petit protégé m'appartient.

Il le força à se coller à lui et Dipper ne fit rien pour se débattre.

Après tout, il avait promis...

- Tu n'as quand même pas fait ça, Dipper ? demanda Oncle Ford, sous le choc.

Il ne répondit pas. Il les avait déçus une seconde fois...

Enragé, prêt à sortir les crocs, Oncle Stan affronta Bill, bombant le torse pour paraître plus menaçant.

- Dipper n'aurait jamais accepté un truc pareil ! Alors arrête avec tes conneries et laisse-nous en paix !

Pouffant de rire, Bill sourit de son petit air effronté, plein de défi.

- Pinetree ? Embrasse-moi.

Cette demande cloua Dipper sur place. Une chape de plomb s'était abattue sur lui, l'assommant sans plus de sommation. Il n'allait tout de même pas lui demander des choses de ce genre jusqu'à la fin de sa vie ? Le garçon leva des yeux ahuris vers son "maître", refusant catégoriquement de consentir à cet ordre.

Mais avait-il le choix ?

Prenant son mal en patience, il se posta face à lui, enroula ses bras autour de sa nuque, étira le cou pour se retrouver à sa hauteur et posa ses lèvres sur les siennes, timidement au début puis avec ardeur, sachant pertinemment qu'un simple bisou ne lui suffirait pas. Il se haïssait de lui offrir si facilement ce qu'il voulait. Ce démon avait bien réussi son coup. Il disposerait de son corps comme il l'entendrait.

Et il n'aurait pas son mot à dire.

Alors qu'il chercha à s'éloigner, il sentit sa main lui palper la fesse, électrisant l'entièreté de son corps. Il eut un mouvement de recul mais il ne pouvait pas fuir. Le baiser se prolongea jusqu'à ce que la voix sévère et puissante de sa sœur leur parvînt aux oreilles.

- Si tu ne lâches pas mon frère dans les trois prochaines secondes, je te jure que je vais te faire ta fête !

Jouant les arrogants, sans se séparer de ses lèvres, Bill laissa couler un regard insolent. Elle en fut bouche bée, resserrant ses poings, prête à lui en coller une. Fébrile, Dipper cessa de l'étreindre et fit glisser ses mains sur son torse sans s'éloigner et regarda sa jumelle, désolé.

- Ne fais pas ça, Mabel. J'étais conscient des enjeux. J'ai accepté ce marché en connaissance de cause. Je ne regrette rien.

Mabel, ses oncles et Soos le fixaient, une profonde tristesse dans le regard. Ils devaient se dire que c'était de leur faute s'il avait accepté le pacte avec le Diable. Ils s'en voulaient de ne pas avoir été là pour l'empêcher de commettre l'irréparable. Par leur faute et leur négligence, Dipper était devenu l'esclave d'un être démoniaque.

- On te fera ta fête, Bill ! Quand tu t'y attendras le moins, on t'emprisonnera à nouveau et on veillera à ce que tu n'en réchappes pas cette fois-ci !

- Si tu veux mon avis, mon cher Stanford, tu ne le feras jamais.

Il tapota l'épaule de son jouet sans perdre son sourire.

- Je te laisse le soin de leur expliquer dans quelle situation vous vous trouvez.

Dipper se racla la gorge et s'efforça de les regarder droit dans les yeux. Il ne devait pas se défiler. Il chercha une formulation claire et précise pour ne pas passer par quatre chemins.

- Si jamais vous venez à le tuer, la mort m'emportera à mon tour.

- C'était l'une des conditions de notre marché, ajouta Bill en jouant avec ses mèches brunes.

Ce fut comme s'ils avaient vécu la Seconde Guerre Mondiale du côté des Japonais, à Nagasaki. Un calme plat suite à une explosion chaotique ayant ravagé plusieurs kilomètres carré des terres guerrières. Comme s'ils se retrouvaient à la place de tous ces gens ayant tout perdu dans une catastrophe sans nom. Ils se rendaient désormais compte de leur impuissance. Ils ne pouvaient décemment plus rien faire pour secourir leur petit Pines qui avait cet aplomb dans le regard, cette force et cette détermination. Il avait été prêt à perdre la propriété de son existence simplement pour retrouver les êtres qui lui étaient le plus cher, pour ne pas les laisser de l'autre côté de la face du monde, là où la vie avait déserté.

- Pinetree ? Il est temps de partir.

- Où l'emmènes-tu ? interrogea Mabel, la voix écorchée par les sanglots qui lui lacéraient la gorge.

Il lui adressa un large sourire et répondit simplement :

- Dans mon monde, un univers parallèle au vôtre.

- Tu ne peux pas faire ça ! s'écria Stanford, n'en pouvant plus.

- Ne vous en faites pas, il vous reviendra de temps en temps. Je ne suis pas un monstre qui séquestre ses esclaves nuit et jour, tout de même !

Une touche d'ironie ponctua sa phrase, ce qui leur fit redouter le pire. Mais Dipper n'en resta pas là et se posta devant ce beau petit monde.

- Ne vous inquiétez surtout pas. Je reviendrai, il vous l'a dit. Profitez bien durant mon absence pour que vous ayez plein de choses à me raconter à mon retour !

Il s'efforça à leur offrir son plus beau sourire, même si un petit rictus lui fit crisper les yeux, ce que Mabel ne manqua pas. Il jouait les courageux, capables de braver toutes les péripéties, mais il restait un petit enfant innocent, tremblant de peur face au danger. N'y tenant plus, elle se jeta dans ses bras, le serra si fort qu'elle aurait pu lui briser les côtes. Ce geste si puissant le fit chanceler. Son cœur vacilla et sa bouche devint pâteuse. Il finirait par pleurer s'il ne prenait pas sur lui. Il accepta cependant de l'étreindre à son tour, enfouissant son nez dans son cou, humant son parfum fleuri qu'il aimait tant. Cette fragrance lui manquerait quand il se retrouverait seul avec le démon, dans un univers qui lui serait totalement inconnu.

Bill se mit à toussoter, faisant bien comprendre à son nouvel esclave de ne pas le faire attendre. Celui-ci comprit instinctivement le message et se sépara de sa sœur, un peu trop vivement à son goût. Elle avait les yeux larmoyants comme si elle le suppliait de rester. Mais il n'était plus maître de ses mouvements ni de son corps. Si elle voulait quelque chose, il fallait qu'elle s'adressât à son maître, son détenteur.

- On va y aller, maintenant.

Bill pressa sa main sur son épaule et, gracieusement, fit un arc de cercle avec sa canne face à eux et l'instant d'après, dans un écran de fumée, ils disparurent. Tel un magicien, il réussit à subjuguer l'assemblée qui en resta bouche bée, incrédule face à ce qu'il venait de se passer.

Leur précieux Dipper venait de s'envoler entre les mains d'un dangereux voleur. Le trésor qu'il avait tant convoité lui appartenait désormais.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top