Chapitre 20
Tic. Tac. Tic. Tac. Tic. Tac.
Thomas regarda à droite, puis à gauche. Il mordilla nerveusement l'ongle de son pouce en effaçant la réponse qu'il avait rédigé, au crayon de bois. Il chassa les petits bouts accrochés à sa feuille du revers de la main, soufflant doucement pour chasser ce stress qui l'envahissait et comprimait sa poitrine.
Thomas regarda à nouveau sur sa gauche, pour pouvoir admirer Newt. Ce dernier avait les sourcils légèrement froncés, le visage figé dans une expression de concentration intense. Thomas le vit griffonner quelque chose sur son brouillon, avant de relever la tête vers lui, le faisant sursauter. Newt lui adressa un petit sourire avant de se replonger dans son travail. Thomas secoua la tête pour se remettre les idées en place et se concentra de nouveau sur son devoir.
Aujourd'hui, ils passaient l'épreuve de philosophie. Cela embêtait bien Thomas car il n'avait jamais réussi à avoir la moyenne durant toute sa terminale. Soit il répondait totalement à côté de la question... Soit le prof ne jugeait pas sa copie assez bonne et ses points descendaient en flèche. Seulement, là il ne pouvait pas se permettre de se planter. Son avenir en dépendait... Même s'il ne savait toujours pas ce qu'il allait faire plus tard.
Thomas soupira une énième fois et relu la question pour la centième fois, au moins.
Quelle est la place des préjugés (ou représentations) en pédagogie ?
En soit, cette question pouvait sembler très facile à aborder, mais pour Thomas cela était tout autre. En l'espace d'une heure, il n'avait fait qu'écrire, encore et encore, cette fichue question. Son cerveau était si paralysé par le stress, qu'il n'y comprenait rien. Et il se sentait affreusement seul dans cette galère. Dans d'autres circonstances, Newt aurait pu l'aider et ils auraient débattu sur cette question. Mais là, il ne pouvait rien demander, ne serait-ce même qu'un stylo.
Thomas passa nerveusement sa main dans ses cheveux, tirant sur quelques mèches qui passaient sous ses doigts pour contenir le flot de sentiments négatifs qui le submergeait.
Dans un geste de dépit et de résignation, Thomas posa son crayon de bois sur la table et laissa reposer sa tête sur sa copie de BAC, presque vierge. Seul son nom y figurait, et cela le rassura car il se dit qu'il aurait au moins un point pour l'avoir mentionné.
***
Thomas embrassa sa mère avant de quitter la maison, sous les encouragements de sa génitrice et de son beau-père. La boule au ventre, l'adolescent se dirigea vers le cabriolet de Newt. Il entra dans le véhicule et referma la portière. Newt l'attrapa directement par la nuque pour sceller leurs lèvres. Un rapide baiser fut échangé, jusqu'à ce que l'aîné le rompe. Newt enfila ses lunettes de soleil, sous le regard anxieux de Thomas.
- Ne t'en fais pas, Tommy, rassura-t-il, ce sont les vacances, on en a terminé du lycée. Tu vas avoir ton BAC car on a tout fait pour que tu le réussisses, et tu iras dans une bonne fac. D'accord ?
Thomas se contenta d'hocher la tête, la gorge trop nouée pour sortir le moindre mot.
Newt mit le contact et démarra la voiture. L'air frappait leur visage et leur faisait le plus grand bien. Il faisait plutôt chaud en ce début Juillet. Le vent les décoiffait et leur donnait des allures de rockeurs. Thomas esquissa un petit sourire quand Newt glissa sa main dans la sienne. Il plaça à son tour la monture de ses lunettes de soleil sur son nez.
Vive les vacances, vive l'insouciance...
Cette chanson devait résumer les deux prochains mois de sa vie qu'il allait passer aux côtés de Newt. Il caressa la paume de la main de son petit-demi-ami-frère de son pouce, en souriant plus largement.
Quelques minutes plus tard, Newt gara son cabriolet sur le parking. Thomas se demandait encore comment il avait fait pour se payer cette voiture qui avait du coûter une fortune. Les deux garçons descendirent et se dirigèrent, main dans la main, vers l'intérieur du lycée. Ils ignorèrent les quelques regards curieux qui se posèrent sur eux, pour rejoindre l'intérieur du bâtiment A où seraient affichés les résultats du BAC. Le stress nouait de nouveau le ventre de Thomas.
Le couple se fraya un chemin parmi la foule et Newt, qui était plus grand, regarda par-dessus les différentes têtes qui leur barraient le chemin. Il parcouru rapidement la liste des yeux, jusqu'à trouver son nom. Il se tourna vers Thomas qui attendait, une éternelle boule logée dans le ventre.
- Je l'ai ! Avec mention très bien ! lui apprit Newt, un immense sourire sur le visage.
Thomas le félicita en l'embrassant. Après quoi, la foule d'élèves se dissipa quelque peu et le garçon pu s'avancer. Il chercha son nom à la suite de celui de Newt, mais ne le trouva pas. Les larmes commençaient à monter. Il regarda sur les feuilles affichées devant les personnes effondrées de tristesse et se trouva rapidement.
Thomas Brodie-Sangster : 9,57. Rattrapage.
Deux bras l'enlacèrent, l'empêchant de s'écrouler par terre. Ses yeux fuirent, déversant une multitude de perles salées le long de ses joues. Il pleurait à chaudes larmes.
- Tu l'as presque eu, Tommy... souffla Newt à son oreille. Tu n'as du rater que deux ou trois matières, je vais t'aider à les revoir à fond, tu vas les repasser et tu vas l'avoir, ce fichu BAC. D'accord ?
Thomas hoqueta une réponse alors que Newt tentait de le rassurer comme il le pouvait. L'aîné l'entraîna hors de l'école, les faisant retourner à la voiture. Ils prirent la direction de la maison. Thomas s'était calmé petit à petit sur la route. Seulement, ses pleurs n'allaient pas tarder à reprendre, car en retournant à la maison, sa mère et son beau-père les attendait... Chacun un courrier dans les mains. Thomas eut un mouvement de recul.
- Ce sont les résultats du BAC ? s'enquit Newt.
Charles hocha la tête et se leva pour prendre son fils dans ses bras.
- Félicitations.
Sa belle-mère lui souhaita la même chose, en souriant. Seul Thomas était resté en retrait, les épaules voutées et la tête baissée. Sa mère s'approcha de lui et l'étreignit.
- Mon trésor... dit-elle. Tu l'as raté de peu. Tu as juste à repasser la philosophie et les mathématiques. Tu as presque eu la moyenne en maths, en plus ! Les dérivations ont du te sauver la vie.
Thomas adressa un regard brillant de larmes à Newt, en se souvenant que c'était la partie du programme qu'il avait expliqué à son aîné.
- Il pourra repasser les épreuves quand ? demanda Newt.
- Fin Juillet, début Août.
- Je vais t'aider, Tommy. Je te l'ai promis. D'accord ?
Thomas hocha la tête en soupirant. Si son petit-demi-ami-frère réussissait, il lui offrirait un beau cadeau.
Sa mère et son beau-père les regardaient en souriant, sans se douter de la relation qui les unissait.
***
Thomas inspira un bon coup, avant d'ouvrir son sujet. Il le parcouru en entier, avant de noter tout ce qui lui venait à l'esprit sur son brouillon. Il revoyait encore l'air extrêmement concentré et consciencieux de Newt sur lui quand il lui expliquait sans relâche les choses qu'il ne réussissait pas à comprendre.
Il devait y arriver. Il allait y arriver.
Parce qu'il avait tout faire pour, et il voulait rendre Newt fier de lui. Et sa mère aussi.
Il n'allait rien lâcher.
***
- Bravo, Tom !
Thomas n'arrivait plus à cesser de sourire. Ses zygomatiques allaient le faire souffrir, si cela continuait.
- Merci, maman, répondit-il.
Il serra sa mère dans ses bras, la pressant fortement contre son cœur.
- Je savais que tu y arriverais... souffla sa mère à son oreille, émue.
Thomas lui murmura un je t'aime, auquel elle répondit sincèrement.
Une fois les embrassades terminées avec sa mère et son beau-père, Thomas fonça dans la chambre qu'il partageait avec Newt en courant. Il ouvrit la porte à la volée et se jeta sur son copain, après avoir refermé le panneau en bois du bout du pied.
- Je... Te rappelle plus tard, marmonna Newt avant de raccrocher son téléphone.
Thomas ne perdit pas une seconde de plus et embrassa son aîné, avant de se reculer. Newt posa son portable sur la table de nuit et sourit à son petit copain. Il entoura sa taille de ses bras de crevette.
- Que me vaut un tel débordement d'amour ? interrogea Newt en riant.
Thomas frotta son nez à celui de son blondinet préféré en souriant également.
- J'ai eu mon BAC ! s'écria Thomas.
- Tu vois ! Je te l'avais dit !
- Je l'ai eu sans mention, mais j'ai eu 10,86. Presque onze !
- Tu as vraiment géré alors, sur la philo et les maths.
- Oui, et tout cela... c'est grâce à toi.
Thomas embrassa Newt avant de se redresser. Il s'assit à califourchon sur le bassin de son aîné, en rougissant un peu. Avec des gestes hésitants, il retira maladroitement son tee-shirt et l'envoya sur le sol. Newt parut surpris.
- Que... tu fais quoi ? questionna-t-il.
Thomas mordilla sa lèvre avant de passer ses mains sur le torse de Newt, sous son haut.
- Je t'offre un cadeau pour te remercier... souffla-t-il. Moi...
Les yeux de Newt se mirent à briller. Il se redressa sur ses coudes pour quémander un baiser à Thomas, qui ne le refusa pas. Les vêtements ne furent plus qu'un lointain souvenir assez rapidement.
Thomas passa le plus bel instant de toute sa vie. Instant qui fut encore plus merveilleux puisqu'il le passait en compagnie de la personne qu'il aimait.
***
Thomas se réveilla seul, le lendemain. Les souvenirs de la fin d'après-midi et de la soirée passées avec Newt lui revinrent en mémoire, le faisant sourire. Malgré une légère douleur lui tiraillant le bas du dos, il ne ressentait rien du tout. Même si une légère gêne était présente quand il se déplaçait.
Thomas plongea son visage dans l'oreiller de Newt pour respirer son odeur à plein poumons. Un sourire niais ne cessait d'étirer le coin de ses lèvres. C'en était presque risible.
Le garçon se leva pour aller chercher son portable, qui s'était retrouvé sur son matelas de fortune. Il répondit à un SMS de Gally avant d'aller faire un tour sur les réseaux sociaux. Après Instagram, il alla sur Facebook où une vidéo avait été aimée un bon nombre de fois, bien plus que ce qu'il aurait pu obtenir dans toute une vie. Par curiosité, il décida de la regarder. Surtout qu'elle avait été postée par Newt.
Finalement, il n'aurait peut-être pas dû...
Newt avait filmé tout leur ébat de la veille pour le poster sur Facebook. On voyait notamment, en gros plan, Thomas en position de dominé sous le corps de Newt. Le plus jeune prenait clairement du plaisir, ce qui le couvrait encore plus de honte.
Les yeux de l'adolescent se baignèrent de larmes, celles-ci débordants rapidement pour venir inonder son visage. Le cœur battant légèrement trop rapidement, il regarda la description de la vidéo. Il eut l'effet d'un coup de poignard.
Newt Brodie-Sangster : Matez-moi ça ! J'ai enfin réussi à me faire le coincé du bahut !
Thomas se sentait trahit. Purement et simplement. Sali et souillé du plus profond de son âme. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi la vie continuait de s'acharner contre lui, comme cela. Qu'est-ce qu'il avait mérité pour subir tout cela !
Dans un dernier élan de dégoût pour sa personne et celle de Newt, il décida de regarder les commentaires. Ce qu'il vit l'acheva : il n'y avait que des messages de haine envers lui, clairement homophobe pour la plupart, avec des railleries à son égard.
De la bile remonta le long de la gorge de Thomas, qui lâcha son téléphone pour courir à la salle de bains. Il eut à peine le temps de soulever la cuvette des toilettes, qu'il rendit le peu que contenait son estomac. Sa trachée le brûlait. Des larmes se mêlaient à ses haut-le-cœur.
Quand il termina de rendre ce qu'il avait à rendre, il se rinça la bouche et s'écroula sur le sol. Ses jambes tremblaient et avaient du mal à soutenir son faible poids. Il essuya ses yeux, même si cela ne servait à rien puisque ses larmes coulaient sans interruption.
Thomas repensait à sa vie. Elle était tout simplement nulle. A bien y réfléchir, il n'avait jamais vécu la moindre bonne chose. Sauf les derniers mois avec Newt. Mais étant donné comment cela avait fini... Ce n'était surement pas, ou du moins plus, une bonne chose pour lui. Il aurait du se méfier davantage de son demi-frère. Il aurait du se douter que quelque chose clochait. Bon sang, c'était évident qu'il ne pouvait pas changer de comportement du jour au lendemain avec lui !
Thomas se mit en position fœtale, pleurant de plus belle. Il n'en pouvait plus. Il était à bout moralement. Et de savoir qu'il avait donné sa première fois à un type comme Newt le répugnait au plus au point. Même si cela n'était pas de sa faute, il se dégoûtait carrément.
Aujourd'hui, Thomas était seul. C'était peut-être le bon moment pour prendre une décision. Peut-être la dernière qu'il aurait à choisir...
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