De l'autre côté


Oyé oyé : Je tiens à préciser que je conseil fortement, très fortement de lire l'intégralité de Ss si vous voulez éviter les spoilers ! Ce texte de 1640 mots a été écrit dans le cadre d'un concours et dévoile des choses que certaines personnes pourrait découvrir malencontreusement trop tôt. Il ne dévoile cependant rien de l'intrigue principal. 

Bonne lecture. ^^

***

Un rire hystérique s'échappe de mes lèvres alors que je regarde par la fenêtre. Tout n'est que fumée blanche opaque qui vous prend à la gorge et vous empêche de voir. Mes yeux cherchent tout de même à distinguer l'espace sphérique des ascenseurs se déplaçant sur les rails en hauteur, en vain, rien ne m'apparaît, je ne vois rien.

J'entends par contre, j'entends les bruits des grenades explosives, le son des flèches de sommeil alors qu'ont les décochent et les cris, les hurlements de douleur qui sévissent dans le Quatre, car c'est bien là que je suis. Dans le secteur Quatre, dans la Zone Ouest, en plein Royaume de Rose.

Un nouveau rire fou m'échappe et je ne sais pas quelle partie de la situation le fait naître, moi coincé ici, ou moi coincé ici à ce moment précis.

— Tu vas bien ?

Sa voix me fait une nouvelle fois l'effet d'un électrochoc. Je me l'étais pourtant imaginé des centaines de fois, mais l'entendre si concrètement me fait si drôle.

Je me tourne vers lui, son visage est barbouillé de poussière et sa tempe droite laisse s'écouler un mince filet de sang. Qu'il est gentil.

— Oui, grâce à toi. Merci.

Ma voix sort totalement cassée, la course m'a épuisé.

Il n'a pas hésité une seconde, quand il m'a vu dans cette rue, affolée et perdue. Il m'a agrippé le poignet et m'a hurlé de courir en m'entraînant à sa suite et j'ai bien cru que c'était mon asthme qui allait me tuer à défaut d'un blaster, quoique, cela aurait peut-être été pour le mieux.

Je le dévisage encore, alors qu'il jette un regard à l'extérieur, le visage pâle et les mains tremblantes, les yeux brillants de larmes qu'il cherche à contenir. Qu'il est bon, mon Alexandre.

C'est effrayant ce qui se passe dehors, s'imaginer ce qui se trame sous cette fumée opaque alors que petit à petit, les hurlements se taisent pour laisser place au son de la marche synchronisée des Paladins. Mon ventre se tord. Et s'ils venaient à rentrer dans l'immeuble !

— Ça va aller, m'assure Alexandre dont les grands yeux bleus me fixent.

La situation est trop grave et incertaine, pour que ses mots soient totalement sincères, mais j'apprécie le geste et hoche la tête comme pour me convaincre davantage de leurs véracités. Je suis morte de trouille.

C'est risible. J'ai l'impression d'avoir de nouveau quatre ans, moi qui aie construit ce monde et qui me suis arrogée le droit de vie et de mort sur tant de personne. Elle est bien différente, la réalité, n'est-ce pas, quand on est de l'autre côté ?

— On devrait continuer à monter.

Il acquiesce. On ne sait jamais, il ne faudrait pas que la fumée pénètre et nous prenne par surprise.

Je tente le plus possible de dissimuler ma trouille au plus profond de moi, loin de moi l'envie d'accabler davantage Alexandre. Le jeune Évolué doit tellement souffrir à l'heure actuelle, l'empathie dans son cas est à la fois une bénédiction et une malédiction.

Il m'emboîte le pas dans l'immeuble aux murs décrépis et poisseux, ça pue tellement ici que j'en regretterais presque de ne pas pouvoir ouvrir les fenêtres.

C'est lugubre ici et tout me rappel Elisa et l'horreur d'un autre genre dans laquelle je l'ai plongé.

— Comment tu t'appelles ?

J'hésite un instant à lui donner mon vrai prénom avant de me raviser.

— Tu peux m'appeler Chelsea.

— D'accord Chelsea, moi c'est Alexandre. Tu étais avec ta famille ?

— Oui...mais je suis sûre qu'ils vont bien...et toi ? Ta famille ?

Il inspire bruyamment et m'adresse un pauvre sourire par-dessus son épaule alors que nous continuons à nous élever dans les étages.

— On a été séparé quand les Blancs se sont mis à tirer.

— Je suis sûre qu'ils vont bien.

Une secousse ébranle l'immeuble et nous nous stoppons. Sûrement une grenade assommante. Les lumières déjà si tenues, faiblissent encore plus avant de nous plonger dans le noir.

Par réflexe, je cherche la main du brun et m'en empare. Je ne suis pas gênée, il y a une part de moi en lui et une part lui en moi. Il la serre et nous continuons notre ascension.

— La porte est fermée.

L'Évolué soupir et on se laisse tomber sur le palier du dernier étages. Dehors, un silence inquiétant s'est abattu dans les rues et la fumée des flèches de sommeil commence doucement à s'éclaircir, laissant deviner les toits des autres bâtiments. Je m'attends presque à voir Sarah, Lucas et leur mère passer sous notre nez, sautant comme des cabris.

Assis à ma droite, Alexandre jette des regards de plus en plus anxieux à son bracelet d'Identification. Mince ! Le bracelet, j'avais totalement oublié. Toutes personnes du Royaume sont supposées en porter un, c'est ce que je surnomme la laisse du Roi, l'objet qui lui permet de tout voir, tout savoir, enfin en théorie.

Je tire sur ma manche gauche pour dissimuler son absence a mon poignet. Voilà qui rajoute à ma situation...

— Tu penses que ça se passe comment dans les autres secteurs ?

La question me laisse perplexe un instant avant de me tirer un sourire. Il pense à Callie et Matthieu. Tente-t-il aussi de percevoir leur émotion d'ici ? J'essaye de me rappeler quand Elliot lui a donné le sérum, une semaine peut—être ? J'espère que le Rebelle a bien fait son travail.

— L'alarme a dû retentir si fort qu'ils l'ont forcément entendu dans les autres secteurs. Ils ont dû se mettre à l'abri avant que ça parte dans tous les sens.

Il passe une main dans ses cheveux.

— Par le Roi... Comment ont en est arrivé là !

Moi, je sais, c'est ma faute et je m'en veux.

— Les choses vont changer.

— Oui, mais dans quel sens ?

Je pose ma main sur mon épaule.

— Les gens sont fort ici. Peu importe ce qui arrivera, ils s'en sortiront.

J'ai fait d'eux des survivants.

— Tu es quelqu'un de très optimiste !

J'éclate de rire. Pas vraiment, mais j'ai l'espoir.

— Les rues sont dégagées maintenant, je pense qu'on devrait partir.

— Je pense aussi, espérons que les Paladins n'aient pas décidé de s'attarder.

La fumée ce balade tranquillement entre nos chevilles désormais et je suis étonnée de sentir que c'est glacée. J'ai toujours cru que ce serait chaud.

Je tends l'oreille mais le bruit des pas s'est éloigné. Nous prenons la direction opposée en étant aux aguets, sursautant à chaque sons différents de nos propres pas.

Étrangement, il n'y a pas de corps dans les rues, et je ne peux m'empêcher d'admirer l'efficacité des Paladins, ils ont dû les prendre au fur et à mesure.

Alexandre serait plus en sécurité chez les Rebelles, lui et les autres ne peuvent plus continuer à vivre ainsi, sous le joug d'un tyran qui n'hésite pas à tirer sur des foules car ils osent un peu élever la voix.

Le problème reste à savoir si les Humains et les Évolués arriveront à s'entendre pour le bien commun.

Mes réflexions sont interrompues par Alexandre qui me plaque contre un mur. Je ne l'ai pas entendu mais un véhicule s'avance dans notre direction, le hum caractéristique de ses suspensions magnétiques atteint enfin mes oreilles et je regarde la voiture léviter plus loin sans nous voir. Je ne suis vraiment pas prête pour se monde.

— Qui es-tu ?

Je sursaute. Alexandre me regarde avec méfiance, ses sourcils de fronces et il serre un peu plus mon poignet gauche. Mon poignet gauche ?

Je ferme les yeux et j'expire alors que je comprends. Le BI, je n'ai pas de bracelet.

— Tu es une Anonyme ?

J'ai un petit sourire.

— Non.

Je n'ai clairement pas ce qu'il faut non plus pour survivre au-delà du No Man's Land. Et quel Anonyme reviendrait ici après avoir goûté à la liberté de l'autre côté de Mur.

— Est—ce que tu connais Elliot ?

Nous y voilà. Je dois l'avouer la façon dont il évite de dire, connais-tu les Évolués, es-tu avec eux ? m'amuse un peu.

— Oui, je le connais.

La respiration du garçon s'accélère et il me lâche. On se fixe un moment. Je me sens tellement désolée.

— Qu'est—ce qu'on fait maintenant ?

Il demande ça sans me regarder. Il est en colère, ça se voit à la façon dont il crispe les poings.

— On rentre chez nous, je suppose.

—Ah oui, et comment tu comptes faire ça ? Elliot va venir te chercher ? Je suis désolé, mais je ne peux pas te prendre chez moi, mes parent sont suffisamment en danger comme ça à cause de moi !

— Ne t'inquiète pas, je rentre par la !

Je lui montre du doigt ce que je pense être un portail, la masse bleutée ondule légèrement et semble siffloter. Elle est apparu soudainement tout à l'heure et j'ai su à l'instant même que c'était là ma porte de sorti, tout comme ça avait été ma porte d'entrée.

— Qu'est—ce que...Non, tu sais quoi, je ne veux même pas savoir !

— Je crois que ça vaut mieux.

J'aimerais l'emmener avec moi, mais je sais que c'est impossible, il a un travail à faire ici, tout comme j'ai le mien à faire la—bas, l'histoire n'est pas fini.

Avant qu'il se détourne totalement de moi, je lui saisis la main et lui transmette tous les sentiments les plus positifs que je peux avoir en espérant que son don fasse le reste. Il frisonne et je sais que c'est le cas.

— Tout se passera bien !

Je lui martèle encore une fois ces mots, c'est à se demander qui j'essaye de convaincre.

— Merci.

Je secoue la tête.

— Non, merci à toi.

On se sépare, lui s'enfonce un peu plus loin en direction de là où il doit se rendre et moi, je cours vers le portail. Lâchement, j'ai peur qu'il se referme et me laisse ici, mais c'est hors de question.

Enfin, ça y est. Je suis de l'autre côté, encore terrifiée mais plus déterminée que jamais.

Je me saisis de mon ordinateur et pose les doigts sur le clavier. C'est l'heure.

Il est temps pour les choses d'évoluer.  

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