Essayer, malgré tout
J'voulais juste prendre un instant pour m'auto féliciter. Ouais, on fait ça dans ce livre.
Parce qu'aujourd'hui, après un exposé sur un poème de Hugo (A Villequier) ma foi plutôt bien mené bien que fini hier à 3h du matin et présenté avec moins de quatre heures de sommeil dans le sang, ma prof de TD, qui ne connaît pas encore les élèves, m'a demandé quelle était ma formation (bac L) et ce que je comptais faire plus tard.
Je lui ai dit : écrire.
Elle m'a dit : ce n'est pas un métier, ça.
Je lui ai dit : ça peut l'être.
Elle m'a dit : c'est trop aléatoire.
Je lui ai dit : ça l'est ; mais ça vaut le coup de tenter quand même.
Elle m'a dit : je ne suis pas vraiment d'accord.
Je lui ai dit : vous avez le droit ; mais ça ne change rien pour moi.
Cela s'est passé devant toute la classe. J'étais campée sur mes deux pieds, seule au tableau, et je n'ai pas bronché. Il n'y a pas eu la moindre hésitation.
Dans A Villequier, Hugo a une certitude un brin bancale que Dieu lui a repris sa fille Léopoldine pour une raison qui échappe à sa petitesse humaine. Moi, j'ai une certitude absolue. Plus forte que la foi en une force supérieure quelconque. Je crois en ma passion et au fait que si je n'essaye pas, quitte à échouer, eh bien je le regretterai bien plus que si je m'étais tout de suite réfugiée dans un rationnel plan B. Commençons par le plan A. Si ça rate... On avisera en temps voulu.
À ce stade vous le savez, j'écris depuis gamine. Mais si à neuf ans je déclarais sans mal que je voulais en faire mon métier, très vite, j'ai bifurqué : ce n'est pas un métier, il me faut quelque chose d'alimentaire. Je ne pourrai pas vivre de l'écriture, sauf si j'ai une chance énorme.
Alors : quoi ? Traductrice... Libraire... J'ai enchaîné les idées de professions me convenant plus ou moins, avec cette idée en tête que j'écrirais à côté. C'était même un critère : un métier pas trop prenant, pas trop fatigant, qui me permette de créer en parallèle.
Ce n'est qu'assez récemment que je suis revenue à mon plan A. Que je l'ai attrapé à pleines mains, serré fort, et refusé dès lors de le lâcher.
Et c'est presque un miracle, en un sens. Je le racontais dans le chapitre précédent : je me destinais avant de trouver ma licence actuelle à faire une prépa littéraire. Pourquoi ? Parce que, vous comprenez, au vu de mes capacités (je suis très bonne élève), il faut que je vise haut. Ce serait du gâchis, sinon. Qu'est-ce que j'irais foutre dans un DUT métiers du livre*, par exemple ? (car c'était l'un de mes projets d'orientation l'an dernier, et mes profs ont limite paniqué) De même, quand j'ai voulu partir en L, combien de personnes ont voulu me convaincre que c'était du suicide ? (ma famille et mes profs d'un même élan, mais heureusement pas ma mère ; je reviendrai là-dessus une autre fois, peut-être)
* je ne dénigre pas les DUT. mais la société dans son ensemble, malheureusement, si.
"Tu peux viser plus haut, alors vise plus haut. Ne gâche pas tout." Telle est l'injonction que je reçois depuis ... toujours ? Et particulièrement ces dernières années, où la question de mon avenir professionnel se fait plus pressante.
Et si je l'avais écoutée, cette injonction, à l'heure qu'il est je serais en prépa. Or, si ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, au risque de virer ésotérique : je sens que ce n'est pas ma voie.
Je sais les difficultés du monde artistique. Je suis la première à sortir des chiffres et des statistiques sur la vie pourrie des auteurices ; à rappeler que la sacro-sainte maison d'édition gardienne de la Littérature est (neuf fois sur dix) une façade craquelée derrière laquelle se cache une machine à sous qui vend des produits de consommation et non de la Littérature ; à dire que le fantasme de vivre de sa plume, seul un nombre effroyablement restreint de privilégié.e.s en fait une réalité. Je sais ces choses, depuis bien longtemps. Mais est-ce une raison d'abandonner ? Non. Personne ne réussit en abandonnant. Et moi, en dépit de tout, j'ai envie de réussir ce pari complètement fou.
J'ai cru, jusqu'à récemment, et on en trouve même des traces sur ce compte, être une personne sans ambition. Parce que quand on me disait : "va en S et aie un bon métier", "va en prépa, ça t'ouvre toutes les portes", moi je voulais juste avoir ma petite profession tranquille, style bibliothécaire dans une petite ville, avoir un toit sur la tête et à manger dans mon assiette et de quoi me vêtir. Et à côté de cela, écrire. Effectivement, à ce moment, je n'étais pas forcément la plus ambitieuse ; mais c'est parce que, paradoxalement, en m'enjoignant d'être ambitieuse, on tuait l'ambition qu'il y avait en moi.
La vérité, c'est que je suis démesurément ambitieuse. J'ai envie d'écrire des livres qui changent la vie, j'ai envie de constituer une plateforme assez conséquente pour avoir un bien plus grand impact sur le monde dans lequel je vis, j'ai envie de monter des entreprises (oui, j'ai ce genre de projets), j'ai envie de danser peindre aimer rire pleurer sculpter et bien plus encore, j'ai envie de mener une vie écologique et saine et enrichissante, et je n'ai que dix-huit ans ! Quelles autres idées aurai-je encore plus tard !
J'ai des projets plein la tête et des rêves de grandeur à ne plus savoir qu'en faire. Oui, des rêves de grandeur. Simplement ma définition de la grandeur est souvent bien loin de celle qu'utilisent la plupart des personnes qui vivent dans notre société de consommation aux valeurs profondément erronées.
Bref, je veux écrire. (entre autres choses ; mais surtout ça) C'est un projet ambitieux. Qui a ses chances de complètement foirer. Mais je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça marche ; parce que ma passion est dans l'écriture, et que ça vaut le coup de parier. (et pourtant j'ai horreur des paris, croyez-moi)
Ne laissez pas les autres vous dire ce que vous avez à faire. Ne laissez pas leur peur (parce que c'est de peur qu'il s'agit) devenir la vôtre. Encore une fois : personne n'a réussi en abandonnant. Personne n'a réussi sans avoir au moins essayé.
Concrètement : mes études actuelles sont tournées vers l'écriture. Je me donne les trois ans de ma licence pour essayer d'enclencher quelque chose d'un minimum viable dans la direction de mon objectif. Eventuellement cinq ans, si je poursuis sur un master (il y en a notamment un à Toulouse, "métiers de l'écriture", qui a l'air passionnant ; mais ce serait trop m'avancer que de décider de ce que je ferai dans trois ans maintenant). Et si d'ici là je n'ai pas réussi ? On verra. Ce n'est pas comme si ma formation actuelle m'empêchait de faire quoi que ce soit d'autre qu'écrivaine/scénariste. Je peux travailler dans le domaine de la culture. Dans l'édition. Je peux être journaliste. Etc. Je ne suis pas sans ressources, et je saurai aviser en temps voulu.
Mais pour l'instant, il n'y a que le plan A. Parce qu'à partir du moment où on considère vraiment un plan B, on ne se donne pas assez pour le plan A. Et alors, il y a peu de chances que l'on parvienne à quoi que ce soit.
Peut-être que dans quelques années, j'aurai bifurqué. Peut-être que je serai prof de littérature, moi aussi. Mais si jamais c'est le cas, je ne pense pas que je dirai un jour à un élève : abandonne ton rêve, trouve autre chose de plus rationnel. Parce que ce serait tellement dommage, d'écraser le germe de ce qui pourrait être un immense baobab !
En conclusion : bravo à moi. Pour ma progression, pour ma résolution. Et puis, bon courage à moi pour la suite. Je me fais la promesse de vraiment considérer mon rêve comme mon plan U, U comme Unique. Et de travailler autant que possible dans cette direction. Je me fais la promesse de faire le possible maintenant - afin de ne pas avoir de regrets plus tard.
De même, je te félicite, toi qui es dans la même situation que moi, de t'accrocher à ton rêve peut-être un peu irrationnel dans cette société qui ne voudrait que des docteur.e.s et des banquier.e.s. Je te souhaite beaucoup de force et de courage, et surtout : le meilleur.
Quant à toi qui t'inquiètes de ne pas avoir de rêve / de passion bien défini.e pour le moment : il/elle viendra à toi ! Je comprends que l'incertitude est source d'angoisse, mais tu ne peux pas faire grand-chose d'autre que de croire en ton processus, personnel et unique comme toi. Expérimente des choses, sans laisser la quête de ta passion te dévorer et gâcher l'ensemble de ce que tu vis... Apprécie le moment présent, au contraire ! Autre point important à noter : la passion d'une personne est souvent trouvée dans un moment de désespoir. J'ai trouvé l'écriture dans l'une des deux phases les plus sombres de ma vie. Lorsque tu auras besoin de ta passion, tu la trouveras. (je n'ose pas affirmer cela à 100% ; mais disons, à 85% ?) Enfin : toutes les passions ne sont pas métiers. Par exemple, j'ai une tante qui est dentiste, et sa passion est le tango. Elle aime son métier sans qu'il s'agisse non plus de sa passion, et elle prend le temps de faire ce qui la passionne (le tango) à côté. Les deux ne sont pas liés, du moins je ne vois pour ma part aucun rapport entre le tango et les dents ! Donc il faut aussi considérer ce point.
Et je vous laisse ici ! Prenez grand soin de vous <3
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