6) Jeon Jungkook : Euphémistiquement parlant
Le choc avait été brutal, "être sur le cul" aurait été presque euphémistique. Non, je ne parlais pas du coup qu'elle m'avait infligée la veille, mais bien de cette jeune femme aux épaules solides et aux joues rebondies qui m'avait affronté en sortant du poste de police. J'avais inconsciemment imaginé comment elle aurait pu être en robe, d'après nos discussions avec Taehyung, mais la réalité avait largement surpassé mes attentes.
Ses cheveux encadraient ses épaules musclées et glissaient gracieusement sur ses omoplates bien dessinées. La transition entre sa mâchoire et son cou était presque imperceptible, et je maudissais ces insignifiantes pinces qui retenaient en l'air la chevelure des femmes. Si elle restait ainsi, même le colonel le plus impassible aurait perdu ses mots.
Sans m'en rendre compte, je continuais de l'observer de loin, comme si une part de moi était avide de découvrir d'autres aspects de cette petite poupée qui aurait pu se lover dans mes bras.
— Voici le commandant Jeon Jungkook !annonça le général Kim Namjoon avec un large sourire, parmi une assemblée de militaires parés de leurs uniformes les plus flamboyants.
Il rayonnait, ses gestes étaient amples, et chaque mot semblait être issu d'un discours minutieusement préparé. Comme je le disais souvent, c'était prétentieux à l'extrême. Je retenais tout commentaire désobligeant, gardant mes pensées pour moi.
— Bonsoir, messieurs, lançai-je d'une voix plus grave que prévu, captant le regard intrigué du soldat Joan un peu plus loin. J'espère que la soirée vous ravira. Nos équipes ont travaillé dur pour transformer cette salle en un véritable gala digne des stars, terminai-je, me recentrant sur la conversation.
Faire partie d'une unité de haut calibre demandait non seulement de la force, mais aussi du charisme et des relations à entretenir.
— Commandant Jeon, puis-je vous appeler Jungkook entre nous ? Allez, dites-nous tout. Qui sont les grands gagnants de cette année ? me chuchota un ancien soldat, curieux.
En réalité, je retirais ce que j'avais pu dire ; ce n'étaient ni les supérieurs ni les soirées mondaines que je méprisais le plus. C'était plutôt le fait qu'on m'appelle Jungkook.
Je gardai un visage impassible.
— Je ne vais pas vous gâcher la surprise, Monsieur... ?
Le général Kim intervint subtilement.
— Park, Park Yonjoo.
— Park, Monsieur Park, complétai-je. Cette année, ils ont tous surpassé les attentes, ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Mais plutôt que de parler de ça, pourquoi ne nous éclaireriez-vous pas sur votre situation, Yonjoo ? Puis-je vous appeler Yonjoo ?
Un sourire en coin s'afficha sur mon visage alors que le général toussait légèrement, tandis que Monsieur Park semblait sur le point d'exploser de colère.
— Ceci dit, reprit le général d'un ton plus sec, je compte sur vous, commandant Jeon, pour ne pas disparaître à la dernière minute. Les soldats risquent de vouloir faire la fête jusqu'au bout de la nuit, et je préfère les savoir tous en vie au moins jusqu'à demain matin.
— Oui, mon général.
Il s'approcha une seconde fois.
— Surveillez le soldat Joan. Elle pourrait être une proie facile pour des hommes ivres en quête d'affection.
Il me congédia d'un geste de la main et je profitai de cette opportunité pour m'éclipser rapidement.
— Hm hm. Le colonel Park Chanyeol venait de prendre la parole au micro sur l'estrade.
Il rassembla toute l'assemblée et commença un discours interminable, remerciant chaque personne présente. Il appela tous les candidats sur scène et demanda au général de lancer la cérémonie. Taehyung me rejoignit et nous nous plaçâmes de part et d'autre des candidats, prêts à leur remettre les médailles posées sur leurs petits coussins en soie.
L— e premier soldat à avoir l'honneur de rejoindre la prochaine brigade de l'ENFI sera... Le colonel a savouré chaque seconde, observant les jeunes candidats trépigner d'impatience. Lee Minho !
Les acclamations et les sifflements retentirent alors que Lee Minho s'avançait vers Park pour serrer sa main. Il vint ensuite vers nous, reçu sa médaille et nous adressa un large sourire. Après avoir serré la main de chacun, il se retira pour rejoindre le reste de l'équipe, attendant sur le côté.
Ce scénario s'était répété plusieurs fois, une séquence interminable à mes yeux. À chaque fois, c'était la même routine : annonce, applaudissements, poignée de main, médaille, sourire, attente. Et ça se répétait.
Je remarquais du coin de l'œil que le visage du soldat Joan se décomposait au fil du temps. Sept soldats avaient déjà été choisis, il ne restait que deux places.
— Encore un soldat très prometteur, plein d'assurance et de qualités, déclara le colonel en se tournant vers le groupe. Min Yoongi, bravo ! lança-t-il en regardant le soldat.
Min Yoongi fit une petite danse de victoire avant de se tourner vers la seule femme du groupe, lui offrant un grand sourire. J'étais sur le point de le virer...
La même routine reprit une huitième fois. Le visage de Joan était livide, j'avais peur qu'elle ne s'évanouisse. Il a joué le même jeu en s'approchant de nous.
— Commandant Jeon, j'ai hâte de travailler avec vous, m'a-t-il dit en me serrant la main.
J'ai serré la main de cet idiot tout en gardant un œil sur la femme qui luttait pour rester concentrée. Mais je savais ce qui se passait. Une étrange fierté m'a envahi quand le colonel m'a fait signe de préparer la dernière médaille. J'ai croisé le regard paniqué de Joan qui, je le sentais, était sur le point de craquer.
— Encore deux minutes.
L'instant était électrique. Mon ami murmurait à voix basse, mimant avec sa bouche tout en ancrant ses yeux dans les siens. Elle devait tenir.
— Et enfin, la dernière recrue de notre escadron d'élite... Le soldat Joan ! Bravo à elle ! annonça le colonel Park Chanyeol.
Un silence pesant envahit la pièce, elle ne lâchait pas mon regard. Puis vint la prise de conscience lorsqu'une partie de l'équipe la poussa dans le dos, la forçant à se retrouver sur le devant de la scène. Des encouragements et des cris de déception s'élevaient déjà autour d'elle.
Elle s'approcha pour serrer la main du colonel Park Chanyeol puis vint vers nous. Un sourire, une nouveauté que je n'avais pas encore eu l'occasion d'admirer, nous salua. Taehyung lui remit sa médaille et lui offrit une accolade méritée.
— Merci beaucoup, commandant Kim, lui dit-elle sans détourner son regard.
Puis, quand elle se tint devant moi, son visage redevint neutre et elle me serra fermement la main.
— Commandant Jeon, dit-elle simplement.
— Soldat Joan, répliquai-je, rendant son regard noir.
La soirée reprit son cours, les nouvelles recrues retrouvant leurs proches tandis que nous remercions ceux qui n'avaient pas réussi. Un peu plus loin, Taehyung m'attira à lui et passa un bras autour de mes épaules.
— Kook, regarde qui revient nous faire un coucou. Il pointait du doigt l'ancien pilote d'élite Kim Seokjin qui discutait avec le soldat Joan. Tu ne devineras jamais ce que je viens d'apprendre. Il avait un large sourire et semblait tout excité.
— Dis-moi tout.
J'appréciais sa familiarité, même s'il en était déjà à son troisième verre de champagne. Il était probablement l'une des rares personnes sur cette planète à pouvoir agir ainsi avec moi.
— Le soldat Joan et Jin, il lia ses deux index ensemble
— Ils sont mariés ? Je manquai presque de m'étouffer en fixant la jeune femme dans sa petite robe noire.
— C'est sa nièce. Il avait parlé un peu trop fort, attirant quelques regards vers nous.
— Bon, aller. Arrête de descendre le champagne et va surveiller les autres pour qu'ils ne finissent pas dans le même état que toi.
J'ai lancé ça à Taehyung, qui s'en est allé en titubant, et je me suis approché du duo de choc. Le soldat Jin était un souvenir très marquant, difficile à oublier en fait. Maintenant que je savais qu'ils étaient parents, Joan semblait encore plus mystérieuse. C'est à ce moment que quelque chose a commencé à se préciser dans mon esprit. Je ne comprenais pas cette femme. Pas du tout.
— Jin ! Mon ami était venu me saluer avec enthousiasme.
— Commandant Jeon ! Comment ça va, l'ami ? Il m'avait tapé dans le dos avant de rejoindre sa nièce qui nous observait avec curiosité.
— Tu es venu pour ta nièce alors, vieux fou ? N'essaie même pas de me faire croire que t'es venu pour voir nos beaux visages...
— Tu aurais dû me dire que tu l'avais mentionné quelque part ! s'était indignée Joan, lançant un regard réprobateur à son oncle.
— Moi qui pensais que tu étais parti dans la pampa. J'espère que vous la traitez bien, commandant ! C'est la prunelle de mes yeux et je veux qu'elle le reste. Une seule égratignure et je vous fous un procès au cul, déclara-t-il, accentuant chaque syllabe, ignorant superbement le commentaire de sa nièce.
La tension était retombée du côté de Joan depuis qu'elle savait qu'elle allait rester parmi nous un bon moment. Elle serait dans nos pattes pour quelques années de plus, je présume.
— Vous savez pourtant que ce n'est pas le genre de la maison, soldat, ai-je répondu ironiquement.
— C'est bien pour ça, oui, a-t-il dit en finissant son verre, me faisant un clin d'œil ou quelque chose dans le genre.
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