4) Jeon Jungkook : Un grizzly en colère
— Tu sais que les commandants ne doivent pas faire de traitements de faveur envers leurs subalternes Taehyung ?
Le dit Taehyung, détourna son regard du dos du soldat Joan qui venait de quitter le réfectoire pour aller je ne sais où et se planta dans le mien.
— Je sais merci. Je ne fais de traitement de faveur à personne. Et toi tu ne devrais pas être aussi froid avec les candidats. En plus, j'appréciais ma discussion avec le soldat Joan. C'est sûrement ton aura de grosse bête qui à dû la faire partir.
— Grosse bête ?
Je levais les yeux au ciel en gonflant le torse, légèrement fier.
— Ouai, un grizzly ou un pitbull, un truc du style en tout cas... Essaie au moins de faire semblant de l'accepter au sein de l'équipe.
— La faute à qui.
Il avait l'air très sérieux même si ça crevait les yeux qu'il mentait, essayant de détourner la conversation vers autre chose. J'avalais mon petit déjeuner copieux en discutant de la cérémonie de demain soir. Taehyung allait probablement remettre son costume de la cérémonie précédente. Il me demanda si je comptais venir, nostalgique.
— Vas-t-on avoir la chance d'apercevoir le commandant Jeon cette année ? Tu nous l'avais déjà mise à l'envers la dernière fois en prétextant une mission à l'étranger, ça va être quoi cette année ? Un attentat ? L'accouchement de la femme d'un millionaire dans un pays dangereux ?
Je souriais en l'entendant s'imaginer n'importe quoi. C'est vrai que j'avais été appelé à la dernière minute l'année dernière. Une aubaine au vu de l'immense emmerde qu'allait être la cérémonie. En plus de cela, je n'avais aucune envie de sucer gracieusement les anciens qui s'imaginaient méritants alors qu'il restait toujours d'anciens subalternes face à nous.
— Je serais là cette fois-ci. Le général m'a foutu la pression pour que je reste. Il parait que l'équipe doit être au complet cette année vu que le premier ministre vient. En plus ça risque d'être intéressant pour une fois...
— Sérieux le premier ministre vient ? T'as l'air ravi...
— Autant que toi.
On rigolait ensemble en imaginant déjà toutes les stratégies possibles qu'on pourrait trouver pour s'échapper en douce et aller se bourrer la gueule dans un coin tranquille. Peut-être que cette année Jimin finirait avec la cravate autour de la tête au lieu de l'avoir autour du cou ? Qui sait...
— Tu penses que le soldat Joan sera en robe ?
Je levais un sourcils en le regardant, sortant de mes pensées sordides. Il n'avait pas réfléchi avant de parler mais comme toujours, grattait sa paume de main, gêné.
— Je pense que j'en ai rien à foutre. Et tu devrais aussi. Je me raclais la gorge et repris. Tu sais que les règles interdises quoi que se soit entre soldats, homme femme confondu, alors arrête de raconter des conneries mon vieux.
— Je ne suis pas un soldat.
— C'est pire si tu veux mon avis.
Je finissais ma tasse de café en réfléchissant à son comportement et commença à me lever. L'image du soldat Joan en robe traversa mon esprit quand j'aperçut le soldat Yoongi, son acolyte de toujours, en train de rire aux éclats un peu plus loin.
— T'as peut-être raison.
— De quoi ?
Taehyung regarda là où je regardais, intrigué.
— Je suppose qu'elle sera en robe. Concluais-je en poussant la chaise.
Après cette discussion plus que niaise, il était temps de réveiller les troupes et de remettre de l'ordre dans cette pagaille. J'interpellais tous les soldats présents dans le réfectoire et ordonna un rassemblement devant le parvis. Taehyung se retira et partit dans la même direction que la jeune femme avait prit plus tôt.
La voix qui m'appela était comme un sursaut dans le calme de la salle.
— Monsieur Jeon ? dit-on.
— Commandant Jeon, rectifiai-je machinalement.
La tête souriante du soldat Min Yoongi se dressa devant moi. Jeune pour prétendre à un poste à l'ENFI, il incarnait la contradiction même : un bon soldat doublé d'une incapacité manifeste à se tenir près des femmes ou à respecter ses supérieurs. Des lacunes qui le cantonnaient inexorablement en bas de ma liste de candidats. Il avait un beau visage, lorsqu'il n'était pas maculé de boue et d'herbes. Une attitude arrogante, surtout en présence du soldat Joan, avait retenu mon attention depuis un moment. Lorsqu'ils s'étaient retrouvés dans une série avec moi, j'avais pressenti que ces deux-là ne seraient qu'une perturbation pour le groupe. Mais mes avertissements avaient été ignorés, et ce matin encore, ils avaient fanfaronné pour impressionner. Pourtant, malgré mes doutes tenaces, il avait brillamment réussi tous les tests d'aptitude.
— Je voulais vous demander de me réserver une place dans votre équipe si jamais je suis admis à l'examen demain soir. Je sais que je vous serais d'une grande aide et que vous sauriez m'apporter un entraînement et des conseils pertinents.
Sa détermination était louable, prenant les devants sans même savoir s'il serait accepté. J'appréciais ce trait de caractère, bien que cela ne devienne pas une habitude.
— Qui vous dit que vous avez été accepté, soldat ?
Il se redressa, lançant un regard complice à ses camarades plus loin, comme pour leur dire : "Vous voyez, je peux parler à un commandant aussi !" Un vrai coq au milieu des poules.
— Je le sais, c'est tout. Et puis, vous ne pouvez pas refuser un aussi bon élément que moi, monsieur Jeon.
— Commandant, grincé-je à nouveau.
Son regard exprimait clairement son peu d'intérêt pour mes remarques. Avec Joan déjà dans mon équipe, il ne me restait que deux places à pourvoir. Ces deux derniers choix seraient déterminants pour ne pas me retrouver dernier lors de l'évaluation annuelle face aux autres commandants.
— J'y réfléchirais.
Il m'offrit un sourire éclatant et retourna vers ses amis, qui le félicitèrent comme s'il venait de défier la pire des tempêtes ou de terrasser un ours.
Un grizzly, en fait... Je pensais à Taehyung en débarrassant mon plateau.
Arrivant devant l'imposante bâtisse de l'ENFI, je fus frappé par la vue des trente candidats, tous impeccablement vêtus de leurs uniformes militaires. Leur présence jusqu'au bout de cet examen m'emplissait de fierté.
La journée était exceptionnellement radieuse, dépourvue du moindre nuage, un contraste saisissant avec la veille où les nuages avaient dominé. La fraîcheur du matin déclinait, cédant la place à une chaleur discrète propre au milieu de la journée.
— En garde !
La petite troupe se figea d'un geste vif et se tint droite comme des i.
Le bruit des pas sur le gravier résonna dans la cour, me renvoyant brusquement aux souvenirs du passé. Ces jours anciens où nous-mêmes étions des soldats en formation. Ces matins ensoleillés, l'urgence de ne pas être en retard, cette anxiété au creux de l'estomac face à l'inconnu, et les uniformes de travers.
Je me remémorais avec une clarté éclatante notre trio. Jimin, Taehyung et moi, inséparables et toujours embourbés dans les pires bêtises. J'avais les idées, Taehyung les concrétisait, et Jimin nous suivait. Peu importe les absurdités, Jimin aurait suivi les yeux fermés. Taehyung, à cette époque, n'avait pas d'amis à cause de son statut de "fils à papa".
Pendant nos permissions, nous investissions les bars à la recherche de tendresse après des mois imprégnés de testostérone. Mais là, Taehyung nous surpassait tous. Il charmait n'importe quelle fille, utilisant son statut de fils désespéré à la recherche de la reconnaissance de son père comme un atout. Nous savions tous que derrière cette carte se cachait une réalité, mais il préférait en tirer profit plutôt que d'en souffrir, et nous n'avions jamais jugé ce choix.
Jimin apparut sur le parvis pendant que je laissais mes pensées divaguer, tandis qu'il ajustait une pile de feuilles agitées par le vent. Debout mais appuyé sur sa jambe droite, il semblait ne pas remarquer cette habitude qu'il avait prise pour ménager son genou blessé.
Le commandant Park, lui, c'était le modèle de l'élève sérieux, incapable de fautes et toujours à lécher les bottes des supérieurs. Puis un jour, lors d'une mission commune, il entendit une gamine hurler dans un incendie volontaire et se précipita. À l'époque simple soldat, il n'aurait jamais dû agir seul, aurait dû nous alerter au moins. Les poutres du troisième étage, l'épicentre du brasier, s'effondrèrent, le piégeant sous l'une d'elles, la fillette dans ses bras. Deux mois plus tard, il sortait de l'hôpital, la jambe gauche brûlée au troisième degré et le genou complètement ravagé. La vision d'un camarade incapable de marcher correctement nous marqua tous profondément.
Le pire était qu'il n'avait jamais remis en question son acte, malgré nos réprimandes incessantes. Il avait agi selon sa conscience, sans anticiper les conséquences, et se retrouvait désormais bloqué au grade de commandant, incapable de progresser.
— Arrête de me fixer, Jungkook, tu vas finir par me faire croire que c'est moi que tu veux dans ton lit ce soir ! lança-t-il en me gratifiant d'un sourire.
— Quand tu veux, mon vieux.
Les soldats rentraient un à un. Mon regard se posa sur Joan pendant un moment. Elle suivait le mouvement, concentrée mais un peu en retrait par rapport aux autres. Un soupir m'échappa en remarquant qu'elle était la seule à avoir eu l'idée de chaussures adaptées pour la boue.
— Stop ! ordonna Jimin.
Les retardataires se placèrent en formation et il leur distribua des feuilles en expliquant leur importance.
— Vous devrez respecter un code vestimentaire pour la soirée de demain. Vous êtes tous conviés, donc pas de retournement de veste de dernière minute. De toute façon, on s'assurera que tout le monde soit là, n'est-ce pas, commandant Jeon ?
— Bien sûr, répondis-je.
Nos voix s'élevaient dans le silence habituel. C'était notre mode de fonctionnement : lui pour les instructions, moi pour leur application.
— Putain, mais tais-toi...
Une voix discrète s'éleva de derrière les rangs. J'aperçus, comme d'habitude, Yoongi en train de faire l'idiot avec Joan. Je ne distinguais pas clairement, mais elle semblait le rembarrer avec des insultes. Je me demandais comment j'allais réussir à gérer les deux s'ils finissaient dans mon équipe.
— Il y a de la place devant, coupai-je.
Ils se retournèrent pour me regarder. Le regard de Joan croisa directement le mien. J'attendais qu'elle vienne se placer devant, loin de l'autre soldat, mais elle ne bougea pas, pencha la tête pour voir de quoi je parlais. Elle ne voulait pas suivre mes indications alors que j'essayais de l'aider ? Très bien.
— Par deux, allez, on se dépêche. Minho avec Bangchan, et ainsi de suite vers la droite. On n'a pas toute la journée !
Je m'approchai des deux et me plantai face à eux. Joan allait être dans mon équipe, non ? Autant tester ça maintenant.
— Joan, avec moi.
Mon ton ne laissait aucune place à la discussion. J'étais en colère. En colère qu'elle n'ait pas saisi l'opportunité que je lui avais donnée et qu'elle affichait toujours ce calme apparent.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top