Chapitre 3

Kadhir se tenait à la fenêtre de la chambre de sa jeune sœur, toujours inconsciente. Il se demandait si cette femme n'avait pas rajouté une drogue pour que cette dernière ne se soit pas encore réveillée. Ignis veillait sur elle, mais aucun signe de réveil à l'horizon. Ses crocs grincèrent à l'idée qu'elle pourrait ne jamais se réveiller. Tout ça à cause de cette sangsue.

Cette vampire était différente de ce qu'il pensait. Il savait que ces maudits buveurs de sang possédaient cette condescendance imbuvable. Elle n'échappait pas à ce stéréotype, elle en était même la figure. Seulement, contrairement aux autres, elle pouvait se le permettre. Kadhir venait d'une lignée de sang pur, et il n'avait pas réussi à sonder proprement sa puissance glaçante. Il comprenait mieux l'avertissement du sorcier. Malheureusement, cela ne changeait rien pour lui. Il lui ferait connaître l'humiliation, la déchéance et le désespoir. Une douleur significative pour qu'elle n'ose plus jamais reposer un doigt sur sa meute. Son regard dériva vers le visage de sa jeune sœur.

— Je m'en occupe, Cassie, souffla-t-il.
— Tu sais qu'elle ne t'entend pas ? intervint le sorcier, en entrant dans la chambre.
— Pourquoi ne s'est-elle toujours pas réveillée ?
— Les loups réagissent mal aux morsures de vampire. Les endorphines qu'ils sécrètent ralentissent les fonctions motrices, ainsi que le système cérébral, plongeant les jeunes loups dans un sommeil profond. C'est un peu le sortilège de Maléfique dans la Belle au Bois Dormant. Cassie vient tout juste de passer son rite lunaire.
— Forcément, on n'a pas de prince sous la main, grommela Kadhir.
— Je ne sais ce qui est le plus pitoyable... que tu fasses du sarcasme sur un fait romantique et féerique ou que tu ne le penses qu'à moitié.

Ignis grimaça, en se concentrant sur la jeune louve. Cette dernière finirait par se réveiller naturellement, mais cela n'allait pas être de si tôt. La morsure d'un vampire était fâcheuse pour les autres espèces, sauf celles des humains. Ces derniers n'avaient pas de rejet violent, ou d'allergies. Les conséquences de ces morsures dépendait des espèces. Les sorciers devenaient fiévreux, alors que les elfes étaient envahi d'un froid paralysant. Les loups s'endormaient simplement pour plusieurs jours, surtout les jeunes loups.

— Contentes-toi de la soigner.
— C'est ce que je fais. Elle va se réveiller d'ici deux à trois jours, répliqua le sorcier.
— Pourquoi si longtemps ?
— Plus la dose d'endorphines est forte, plus c'est long à s'en remettre. Il faut aussi prendre en compte la puissance de ces dernières aussi. Je ne vais pas t'apprendre ça quand même, soupira Ignis.

Kadhir grinça des dents, se détournant de son ami. Il savait que Hellem était une ville dangereuse, et il n'avait pas été assez vigilant. Sa sœur risquait d'avoir une escorte pour ses prochaines sorties à l'avenir. Le loup se ressassa son plan de vengeance. Il venait à peine de débuter, mais toutes les étapes étaient claires dans son esprit. Aussi clair que son objectif.

Le premier contact avait été établi, la première phase pouvait commencer. L'aide d'Ignis avait été précieuse pour ce début. Sans lui, il n'aurait certainement pas pu la prendre par surprise. Le loup comptait d'abord la déstabiliser, la mettre en pleine confusion. Son premier objectif était de la rendre incapable de raisonner pleinement à son sujet. Le deuxième était d'envahir son esprit, de s'accaparer ses pensées. Il ne cherchait qu'une seule chose : être proche d'elle, le plus intimement possible afin de l'atteindre sans qu'elle ne s'en doute.

Un sourire malicieux s'étira sur ses lèvres, alors que ses prunelles d'ambre fixaient son reflet dans la vitre. Il avait un doux goût de triomphe pour cette première étape. La guerre n'était pas encore gagnée... mais bataille après bataille, il aurait raison d'elle.

* * *

Reïa s'était enfermée dans ce qui lui servait hypothétiquement de chambre. Un grand lit en baldaquin, datant de l'époque de Louis XIV, avec de lourdes tentures sombres brodées de fils d'or ; une somptueuse commode en acajou avec un plateau de marbre noir ; un immense miroir ovale en moulure d'or ; un lourd tapis venu d'orient. La chambre n'avait pas d'effets personnels, rendant cette dernière à peine plus chaleureuse que sa propriétaire. Il y avait aussi un plafonnier aux allures antiques, celui-ci ne servant que rarement, voire jamais.

La vampire était assise à même le sol, fixant le miroir où se reflétait sa silhouette translucide. Ses prunelles rubis ressortaient, laissant paraître clairement son état d'esprit. Elle était prise dans une grande confusion. Son esprit n'arrivait pas à se débarrasser de cette scène, qu'elle se repassait sans cesse. Elle ne supportait pas d'être dans l'ignorance, surtout lorsque cela pouvait la rendre vulnérable. Cette fébrilité passagère ne faisait que l'irriter et rendant son humeur plus sombre.

Elle était restée ainsi depuis son retour ; une statue fixant son reflet fantomatique. Reïa finit par se lever, s'étirant longuement pour reprendre possession de son corps. La noiraude n'aimait pas les énigmes et trouver les réponses était la meilleure chose à faire. Elle allait devoir appeler Desmond pour ses recherches, et elle n'aimait pas le faire. Elle appréciait son ami, lui faisait confiance, mais il risquait de le prendre personnellement et s'en mêler plus qu'il ne devrait. Lâchant un soupir, elle attrapa son portable et lui envoya un simple message pour mettre un rendez-vous. Ce ne fut pas sans surprise qu'elle reçut un appel quelques secondes plus tard, de la part du vampire.

— Est-ce que je dois m'inquiéter pour toi ? l'agressa-t-il presque.
— Est-ce que je dois te foutre une raclée pour que tu ais ta réponse ? rétorqua-t-elle, sardonique.
— Non, mais c'est bien la première fois que tu prends l'initiative de me voir.
— J'ai besoin de ton réseau d'informations, et comme je n'ai pas vraiment confiance en ces engins qui gouvernent le monde...
— Et pourtant ce sont de superbes outils quand on les maîtrise, souffla-t-il d'une voix presque enjôleuse.

La vampire lâcha un soupir, en levant les yeux au ciel. Desmond se mit à rire de l'autre côté du fil. Reïa n'avait jamais réussi à prendre en main pleinement la nouvelle technologie. Elle utilisait à peine ces dernières, et encore si le vampire n'avait pas insisté pour qu'elle soit à « l'air du temps », elle n'aurait jamais appris à les utiliser. Elle serait restée à l'ère médiévale ou encore à l'époque de la renaissance. La noiraude arrivait à suivre les nouvelles tendances vestimentaires, mais ne supportait pas les autres changements. De ce fait, elle n'utilisait que rarement les technologies actuelles. La créature nocturne n'usait pas vraiment de son portable, uniquement pour les messages et les appels. Le reste, elle pouvait s'en occuper à sa manière, à l'ancienne.

— On se voit tout à l'heure, claqua-t-elle, lui raccrochant au nez.

Reïa lâcha son portable sur son lit, avant de rejoindre sa penderie, qui devait bien faire deux fois le volume de sa chambre. Elle traversa les rayons de vêtements, sans même jeter un coup d'œil à quoi que ce soit, avant de s'arrêter devant une petite robe rouge bustière échancrée, lui arrivant à mi-cuisse. Elle choisit une paire d'escarpins argentés à bout ouvert, ainsi qu'un sac à main blanc. Elle se recouvrit d'un manteau en fausse fourrure blanche, et alla récupérer son portable pour le mettre dans son sac. En attendant l'heure de rendez-vous avec Desmond, elle comptait bien améliorer son humeur par une cession de shopping intense. Elle se dirigea droit vers sa porte, afin d'atteindre le sous-sol de son immeuble ; sa voiture l'attendait dans le parking souterrain.

— Quoi encore ? grogna-t-elle, en sentant la présence d'un intrus derrière sa porte.

Elle ouvrit cette dernière avec une telle violence, qu'elle avait failli sortir de ses gonds. Ses prunelles rubis détaillèrent avec dédain, la petite créature qui avait sursautée et recroquevillée de peur. Des cheveux platines ; une peau albâtre ; des prunelles rouges ; une silhouette filiforme. Un jeune vampire terrifié, faisant grincer des canines la noiraude, était venu jusqu'à elle. Un messager de la Cour. Elle ferma les yeux, avant de les rouvrir pour prendre une face neutre. Ses yeux laissaient transparaître tout son mépris. Elle avait horreur de la Cour. Une assemblée de vieux vampires qui cherchaient à l'enchaîner à eux, pour faire d'elle leur jolie poupée.

— Je...

Il eut à peine le temps d'énoncer son message, qu'il se retrouva congeler sur place. Elle tapota du bout de son ongle, et la statue de glace s'effrita en plusieurs cristaux épars. La vampire avait expédié ceci avec rapidité, préférant alléger son humeur plutôt que de l'alourdir. Elle avait autre chose à penser que des stupidités vampiriques. Elle repoussa ses boucles noires en arrière, tout en rejoignant l'ascenseur. Son shopping l'attendait.

Reïa avait passé près de 3h à faire le tour des magasins, achetant en quantité massive. Sa carte bancaire avait beau chauffé, elle ne s'en inquiétait jamais. Elle entra dans le bar qu'elle fréquentait habituellement avec Desmond. Ce dernier n'était pas encore arrivé, comme à son habitude. La noiraude alla s'installer au comptoir, commandant un verre de sang, au nouveau barman. Ce dernier lui offrit un sourire avenant, en lui servant le verre à pied. Sa chevelure était brune ; une peau café au lait ; des prunelles bleues ; une taille moyenne. Un humain. Il était rare d'avoir un barman humain, qui n'était pas gêné de servir un verre de sang. Il était plutôt appréciable, que ce soit pour la vue ou pour la présence. La vampire souleva son verre jusqu'à son nez, fermant les yeux, laissant les arômes imprégner son odorat développé. Elle esquissa un petit sourire, avant de glisser sa langue dans le liquide vermeil. Le bout de sa langue lécha délicatement le rebord du verre, avec une sensualité enivrante.

— Appréciable, souffla-t-elle, en buvant une légère gorgée.
— Le verre ou le barman ? s'enquit Desmond, en arrivant derrière elle.
— Les deux, répondit-elle, alors que son homologue faisait le signe de lui servir la même chose.
— Il est pas mal, mais pas non plus des masses.
— Bien sûr... ton nom, exigea Reïa vers le barman.
— Ray, se présenta-t-il avec un sourire agréable.

La vampire étira un petit sourire, en remarquant le discret coup d'œil qu'il envoya au vampire à ses côtés. Desmond haussa un sourcil, avant de se tourner vers Reïa. Cette dernière semblait avoir flairé un nouvel amusement, et visiblement, il allait devoir supporter quelques suggestions dans les jours à venir. Il leva les yeux au ciel, prenant son verre pour le vider d'une traite et d'en demander un second. Le cuivré secoua la tête, en essayant de se concentrer sur le cas de sa vampire. Il n'était pas là pour faire une nouvelle rencontre, en particulier avec un petit humain. Il était là pour elle. La noiraude avait besoin de son aide, chose beaucoup trop rare pour qu'il ne s'en inquiète pas. La délicieuse vampire ne s'abaissait jamais à aller voir les autres. Elle se débrouillait seule, et il n'y avait rien d'étonnant. Personne n'irait à l'encontre de cette fabuleuse et dangereuse créature.

— Donc qu'as-tu besoin de savoir ? s'enquit-il, en glissant une main contre la sienne.
— Quelque chose de dangereux.
— Pour qui ? questionna-t-il, les prunelles s'assombrissant.

Un éclat sinistre traversa les prunelles rubis de la noiraude. L'air du bar se glaça une fraction de seconde, avant qu'elle détourne les yeux de son ami pour fixer le liquide rouge. Elle tourna son verre, alors qu'elle glissait ses doigts entre ceux de Desmond. Elle les serra délicatement, alors qu'elle but une gorgée de son sang. Le vampire attrapa son nouveau verre et en fit de même. Ses prunelles prirent un éclat rubis éclatant, alors qu'il retourna sa main pour raffermir leurs prises.

Qui ? questionna-t-il, télépathiquement.
Cela n'a pas d'importance. Je veux savoir ce qui pourrait rendre confus un puissant vampire.

Desmond grinça des canines, en serrant un peu plus fort la main de la noiraude. Cette dernière jouait avec son verre, une expression neutre sur le visage. Elle enfonça son ongle dans l'épiderme du cuivré, signifiant qu'elle n'avait pas besoin de cette inquiétude inutile, venant de lui. Le vampire relâcha son étreinte, gardant tout de même la main de son amie dans la sienne. Il allait devoir ravaler la colère qu'il vibrait au fond de lui. Il lâcha un soupir, en vidant son verre.

— Je m'en occupe...
— Mais ? poursuivit Reïa.
Je n'en resterai pas là. Si cela t'affecte autant, je ne peux pas laisser ça passer.
— Pour qui me prends-tu ? grinça-t-elle, en lui lançant un regard noir.
Tu es puissante, immortelle mais tu n'es pas invulnérable...

Reïa serra fortement la main de son ami, ses prunelles grenat émirent une lueur noire. Une brume glacée s'échappa de leurs mains liées, alors qu'une fine couche de gel commençait à recouvrir le poignet de Desmond. Ce dernier ne grimaça pas, laissant la glace progresser. Ils restèrent à se regarder dans le blanc des yeux, jusqu'à ce que la noiraude ne le relâche. Ses canines grincèrent désagréablement, alors qu'elle but d'une traite le fond de son verre. Elle se leva d'un bond gracieux, balançant ses boucles noires derrière elle. Ses talons claquèrent contre le sol, prenant la direction de la sortie. Elle glissa un dernier regard vers son ami.

— Préviens-moi lorsque tu auras ce que je veux. Je m'occuperai du reste...
— Reïa...
— À ma manière, précisa-t-elle avant de claquer la porte après son passage.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top