Une bonne semaine et demie s'était écoulée depuis le défi dansant entre le duo de Nin et les dix prodiges de Kyū. Même si la nouvelle défaite subite par les lycéennes avait laissé un goût amer, ce n'était pas ce qui occupait le plus l'esprit des deux jeunes filles. Ces dernières étaient d'accord sur un point : la famille des prodiges n'était pas nette, les marques, presque invisible maintenant, du bras de Talia étaient là pour en attester. La brune ne pouvait s'empêcher de frissonner lorsqu'elle repensait au regard dangereux du Sakamaki roux au moment où il s'apprêtait à ouvrir la bouche en lui enserrant violemment le bras.

Quoiqu'il en soit, les deux lycéennes s'étaient depuis évertuées à les éviter le plus possible tout en préparant un tout nouveau défi. Ce n'était pas une petite frayeur qui allait les arrêter dans leur quête de victoire.
Cette fois, comme souvent, ce fut Lilith qui proposa l'idée que Talia approuva dans la minute. Mais il n'était pas question de sport ou d'une quelconque activité qui nécessiterait un effort physique mais bel et bien d'un défi basé sur l'intellect. La blonde-rousse comptait faire face à son némésis personnel pour lui rabattre son caquet à grand coup de question-réponse pendant un petit quizz de culture général. Bien que l'idée ne soit guère déplaisante, Talia se demanda s'il n'était pas bête d'affronter celui qu'elle dépeignait comme le plus intelligent des dix. Seulement, le regard déterminé et machiavélique de son amie l'avait dissuadé de formuler ne serait-ce qu'une réflexion.

Ce fut donc remonté à bloc que le duo impatient attendit les dix prodiges, posté devant leur limousine. Elles étaient arrivées plus tôt cette fois-ci puisqu'elles avaient été, pour elles ne savaient quelle raison, dispensé de compte-rendu auprès du directeur de Kyū. Lilith profita donc de ce précieux temps pour relire et élargir ses connaissances sur tout ce qui lui passait par la tête tandis que Talia la regardait d'un air amusé.

Après quelques minutes, une partie de leurs rivaux sortit du grand bâtiment au plus grand plaisir de Lilith qui aperçut sa proie. Les deux jeunes filles se redressèrent, tout sourire et attendirent que Reiji, Kanato, Asuza, Raito et Yuma arrivent à leur niveau.

« Vous voilà enfin ! commença la brune avec entrain. Comment ça va depuis la dernière fois ?

- Ça allait il y a deux minutes, c'est-à-dire avant de vous apercevoir. grogna Yuma qui en avait assez d'être dérangé par le duo.

- Je ne te retiens pas Mukami-kun, ce n'est pas pour toi que nous sommes ici de toute façon. répondit la blonde en prenant le relais sur son amie qui serrait les dents.

- Pourquoi alors ? s'enquit le roux avec son habituel sourire narquois. On pensait que vous nous fuyiez à cause de la récompense que vous nous devez.

- Ce n'est pas notre genre voyons. Répondit Lilith d'un air faussement outré. Mais encore une fois ce n'est pas pour ça que nous sommes là. »

Lilith marqua un temps d'arrêt avant d'ancrer son regard dans celui du plus vieux Sakamaki présent. D'un simple regard, l'air s'était une nouvelle fois chargé d'une tension à couper le souffle.

« Cette fois-ci, c'est vous que je défie personnellement, Sakamaki-kun. déclara la blonde-rousse avec assurance.

- Vraiment ? Et pourquoi devrais-je accepter une telle demande ? répliqua-t-il avec un air ennuyé. Vous ne me semblez guère à hauteur de me défier pour quoique ce soit.

- Votre prétention n'a d'égal que votre rigidité. se moqua Lilith d'un air condescendant. On dit souvent que ceux qui se cachent derrière leur arrogance sont ceux qui ont le plus de faiblesse à dissimuler.

- Ce n'est pas mon cas. grinça-t-il.

- Prouvez-le moi alors. » répliqua-t-elle.

L'ébène réfléchit quelques secondes avant de finalement accepter en soutenant le fait que la battre serait un jeu d'enfant. La plus petite du duo se retenu de sauter de joie et se contenta de lui envoyer un sourire satisfait.

Après l'arrivée des autres Sakamaki et Mukami, ils décidèrent que le défi se passerait dans une salle de classe de Kyū pour ne pas perdre trop de temps. C'est donc à douze, ou plutôt à la moitié intéressée, qu'ils se mirent à déplacer les tables et les chaises de la salle pour en faire un véritable plateau de télévision. Il fut décidé que Ruki serait l'animateur puisqu'il était celui avec le plus de connaissance en dehors des deux participants, plus son impartialité dans ces histoires.

Reiji et Lilith se placèrent l'un à côté de l'autre devant leur pupitre respectif face aux autres qui s'étaient contentés des tables éparpillées un peu partout. Par manque de budget et par conséquent de buzzers, Ruki décida que le premier donnant la réponse serait le gagnant et qu'il jugerait de lui-même si les deux participants venaient à dire la réponse en même temps.
Sans perdre plus de temps, l'aînée Mukami se plaça devant les deux joueurs et commença à poser les questions.

« Le jeu se fera sur une vingtaine de questions. expliqua l'aîné Mukami. Commençons... Quelle découverte doit-on à Robert Koch ? »

A peine la question fut-elle posée que Reiji ouvrit la bouche sous le regard médusé de Lilith.

« - La découverte de la bactérie responsable de la tuberculose, Mycobacterium tuberculosis plus communément appelé bacille de Koch. répondit-il en regardant son adversaire avec un sourire supérieur.

- C'est exact. confirma Ruki.

- Wouhou, déjà un point, continue Reiji ! » s'exclama Raito, enjoué.

La plus petite du duo grinça des dents sous le regard désolé de son amie. Cette dernière se sentait complètement inutile pour le coup. Même si elle avait voulu, elle n'aurait même pas pu tricher. Une nouvelle question sur l'histoire du Japon fût posée, gagnée encore une fois par le Sakamaki.

D'un coup, prise d'une soudaine inspiration, la brune fila à travers la salle pour trouver du papier et un stylo.
Elle commença à griffonner frénétiquement sur sa feuille tandis que les questions continuaient à défiler sous le regard curieux de quelques personnes dans la pièce.

« - Combien font 58*69+36 ? continua Ruki.

- 4038. répondit presque instantanément le Sakamaki.

- Bonne réponse. Nous sommes donc à 5 points contre 0 pour Reiji. rappela le maître de jeu.

- Eh bien ma chère, vous me semblez dépassée. Regrettez-vous déjà de m'avoir provoqué en duel ? » la nargua l'ébène.

Au bord de la crise de nerfs, la jeune fille ne répondit rien. Elle préférait rester concentrée sur son défi pour faire taire son arrogant némésis, bien que la tâche lui semblait maintenant impossible.
Alors que Ruki allait poser la question suivante, Talia lui sauta presque dessus son papier à la main et lui murmura quelque chose à l'oreille. La blonde regarda son amie d'un air méfiant, elle n'avait guère apprécié sa surprise lors de leur dernier défi et elle ne souhaitait pas que ce genre de choses arrive à nouveau. Le Mukami hocha la tête et s'empara de la feuille. Il la parcourut des yeux et releva la tête vers les deux joueurs.

« - Comment s'appelle le directeur du collège Kunugigaoka dans le manga Assassination Classroom ? demanda posément Ruki.

- Gakuhō Asano ! hurla presque Lilith, des étoiles dans les yeux.

- C'est ça. confirma le Mukami.

- Quoi ?! Mais c'est de la triche ! s'indigna Ayato.

- Vas-tu donc cesser de crier à la triche à chaque fois que tu perds Sakamaki-kun ? répliqua la blonde-rousse en levant les yeux au ciel.

- Non je suis d'accord avec lui ! renchérit Yuma. C'est quoi cette question d'abord ?

- Une question portant sur les mangas, c'est un quizz de culture général. rappela Talia. Je ne vois pas pourquoi on passerait à côté de ça.

- 1 à 5, on enchaîne. » écourta l'animateur.

Les deux jeunes filles s'échangèrent un regard complice et les questions s'enchaînèrent. C'est ainsi que Lilith enchaîna les points grâce à diverses questions de l'actualité, des mangas, de série et de films culte. Elle réussit même à surprendre son némésis en répondant par deux fois à des questions sur les règles mathématiques.

Les deux ennemis étaient maintenant presque au coude à coude, avec 9 points pour Reiji contre 8 pour la blonde-rousse qui était plus concentré que jamais. Alors que Ruki l'animateur allait poser la 18ème question, la porte de la salle s'ouvrit à la volée sur le directeur de Kyu aux joues rougies par l'effort.

« Vous voilà enfin, je vous cherche depuis des heures messieurs Sakamaki ! dit-il en essayant de reprendre son souffle.

-Vraiment ? Nous devrions être chez nous mais ces jeunes filles nous ont... intercepté, répondit Reiji en toisant les deux jeunes filles du regard, encore.

-Ce n'est pas grave. balaya le directeur d'un revers de la main. On m'avait prévenu. D'ailleurs c'est très bien que vous soyez là pour une fois jeunes filles, j'ai besoin de vous tous dans mon bureau tout de suite. »

Un petit silence s'abattit sur la pièce. Le duo féminin se regarda avec appréhension ne comprenant rien à la situation. La brune déglutit bruyamment et commença à se diriger vers la porte pour s'enfuir le plus vite possible de cette ambiance devenue lourde afin d'en finir rapidement. Lilith soupira et sauta de sa petite estrade pour commencer à se diriger vers le bureau du directeur. Reiji en fit de même, bien qu'avec plus de grâce, et se faufila à ses côtés.

« On dirait bien que j'ai gagné. lança-t-il, narquois.

-Le défi n'est pas terminé voyons, ce n'est que partie remise. » répliqua la blonde-rousse avec un sourire hypocrite.

Accompagnés du directeur, les douze lycéens se dirigèrent vers le bureau de ce dernier qui peinait à suivre la cadence rapide de la jeunesse. La blonde dû se retenir de lancer une réplique sarcastique et méchante à la vue de l'homme suintant de sueur face à elle.

« Entrez donc. » les invita l'adulte en ouvrant la porte.

Les Sakamaki et Mukami s'engouffrèrent dans la pièce sombre suivis d'assez loin par les deux lycéennes de Nin. Aussitôt fussent-elles entrées que le directeur ferma la porte, les laissant dans le noir complet. Lilith ne put réprimer un petit cri lorsque la porte claqua, ce qui eu le don de faire ricaner quelques personnes dans la salle. Par réflexe, Talia se plaqua contre le mur et chercha l'interrupteur du bout des doigts. Après quelques secondes incroyablement longues, elle le trouva enfin, illuminant la pièce.

Elles purent donc constater que leurs rivaux étaient déjà installés de part et d'autre de la salle, ne leur laissant même pas un siège libre. Mais ce qui les frappa d'une façon bien plus conséquente fut l'apparition du patriarche Sakamaki dans leur vision. Lilith hoqueta de surprise et recula instinctivement d'un pas, se plaçant à hauteur de Talia.

« Vous voilà enfin ! commença Karlheinz. Je vous attends depuis un bon moment déjà !

-Navré de vous avoir fait attendre, Père. s'excusa Reiji en s'inclinant légèrement. Ces jeunes filles nous gardaient occupés.

- Ne sois pas si formel voyons. J'ai une heureuse nouvelle à vous annoncer à tous ! clama l'adulte, tout content.

- Et quelle est telle ? s'enquit Lilith dont on avait piqué la curiosité.

- Patience jeune fille. la sermonna gentiment l'homme. Je disais donc, j'ai discuté avec mes femmes et j'ai... Enfin nous avons décidé que...

- Que quoi ?! s'impatienta Subaru en frappant son poing sur la table.

- Que nous allions vous marier avec ces deux magnifiques jeunes filles ici présentes ! lâcha-t-il comme une bombe.

- Pardon ?! s'étouffa Talia.

- Chouette des mariages ! s'exclama Kou, sachant pertinemment qu'il n'avait aucune chance d'être concerné.

- Et bien, nous allons marier Shuu et Talia ainsi qu'Ayato et Lilith. » expliqua Karlheinz simplement.

Les deux jeunes filles se regardèrent, puis éclatèrent de rire en même temps. Les autres les regardèrent sans comprendre la source de leur fou rire.

« Oh, excusez-nous, mais... expliqua Lilith en se tenant les côtes. On ne pensait pas que vous aviez un humour si développé monsieur Sakamaki. »

Le duo continua de rire pendant encore quelques secondes avant de finalement s'arrêter face au regard pesant des garçons devant elles. Talia lâcha un dernier rire nerveux avant de se racler la gorge.

« -Je suis content que vous preniez la nouvelle avec tant d'humour, mais sachez bien que ce n'est pas une blague. continua Karlheinz avec sérieux.

-Ahah, vous savez, les blagues les plus courtes sont... commença la brune.

- Talia. » l'interpella Lilith en lui donnant un coup de coude.

La plus grande se tourna vers son amie qui lui intima le silence. À l'annonce de la nouvelle, elle avait pris cette dernière avec humour, pensant à une bonne blague, mais maintenant, elle n'en était plus si sûre. Les visages fermés et agacés des Sakamaki l'avaient sortie de son fou rire et elle semblait prendre la situation avec bien plus de sérieux.

« On doit vraiment se marier avec... elles ? se plaignit le Sakamaki aux cheveux rouges.

-Oui, et ce n'est pas discutable. répondit le père.

-J'aurais préféré la sportive... bouda-t-il.

- Hm, Succubus-chan a du charme tout de même... lâcha Raito ce qui eut le don de faire serrer les dents de l'intéressée.

- Cesse donc de te plaindre Ayato, tu feras ce qu'on te demande. le sermonna Reiji retenant comme un sourire satisfait.

- Oye Shuu, tu ne veux pas qu'on échange ? demanda Ayato en élevant la voix.

- Tais-toi, tu es bien bruyant. répondit simplement l'aîné Sakamaki, qui comme toujours était à moitié endormi.

- Pas de ça Ayato ! intervint le patriarche. Il a été décidé des couples ainsi et ils ne seront pas changé ! Ta mère a insistée. »

Le rouge grogna en se renfonçant dans son siège mais n'ajouta rien. Les jeunes filles n'avaient pas osé piper mots pendant la conversation. La plus petite regardait le sol, le cerveau tournant à plein régime tandis que son amie regardait fixement son « promis ».

L'adulte regardait désormais le duo en pleine réflexion, conscient qu'elles commençaient à prendre conscience de leur position. La blonde releva ces yeux vers l'homme aux cheveux blancs et le confronta du regard d'une manière impertinente.

« Avec tout mon respect monsieur, vous êtes puissant mais pas au point de forcer deux filles de familles modestes à se marier à vos fils. grimaça-t-elle.

- Détrompez-vous jeune fille, je suis bien plus influent que vous ne le pensez. démentit le père d'un rictus.

- Mes parents ne permettront jamais une telle chose, vous pouvez toujours courir ! gronda la blonde qui commençait à perdre ses moyens.

- Vos parents ne seront pas un problème. balaya-t-il d'un geste. Je leur en ai déjà parlé d'ailleurs et ils semblaient très emballés !

- Vous... vous êtes immonde, votre arrogance me dégoute ! cracha Lilith. Vous ne nous aurez jamais, plutôt crever ! »

Comme si elles étaient connectées, Talia prit la main de son acolyte et se dirigera en courant vers la porte dès qu'elle eut finit sa phrase. Sous le coup de l'impulsion, la sportive ne vit pas le Sakamaki roux devant elle qui lui agrippa le bras la séparant de son amie. Cette dernière était retenue par le Mukami blond qui s'amusait à la voir se fatiguer pour tenter de sortir de son emprise, en hurlant mille injures comme les marins.

« Et bien, vous n'allez pas nous quitter comme ça quand même ? se moqua Raito en serrant un peu plus le bras de sa prisonnière.

- Insulter Karlheinz-Sama comme ça, ce n'est pas très respectueux même si peu l'apprécie. » ricana Kou en regardant Lilith avec un sourire narquois.

Sans réfléchir, la brune envoya son genou en plein dans les parties du roux qui grogna de douleur. Il esquiva néanmoins le crochet qui suivit sous le regard écarquillé de Talia. Il n'avait même pas fait un mouvement lorsqu'elle l'avait frappé. Lilith observa aussi le phénomène avec des yeux inquiets, elle savait que les hommes étaient très sensibles ici, elle avait souvent utilisé cette technique sur des gros lourds de son lycée. Le prodige semblait ne même pas avoir été effleuré.

Le regard du Sakamaki se fit plus dangereux. La brune frissonna face au regard qui la hantait depuis plus d'une semaine. Cette faim bestiale indescriptible, elle avait peur de l'homme en face d'elle. Elle était terrifiée.

« - Assez. intervint le patriarche. Je pense que ça suffit pour aujourd'hui. »

Kou et Raito relâchèrent les deux jeunes filles à contre cœur et reculèrent jusqu'au reste de leur famille.

Le duo se regarda un instant et après un dernier regard mi-apeuré, mi-dédaigneux vers les garçons, elles sortirent rapidement du bureau. Elles ne daignèrent même pas accorder un regard vers le directeur de Kyu qui était resté dans le couloir tout ce temps. Sans un regard en arrière, elles se mirent à courir le plus loin possible du lycée Kyu et par conséquent de cette famille de timbrée.

Les deux jeunes filles se regardèrent sans pouvoir dire un mot. Elles se contentèrent de se prendre dans les bras avant de rentrer chez elles, se promettant qu'elles s'appelleraient le soir même. Lors du chemin, les filles en virent à la même conclusion, elle n'avait jamais été aussi angoissé.