Partie 3
PDV : Jeon Jungkook
Je décidai de prendre soin de moi ce soir-là. Comme on le disait souvent « un esprit sain dans un corps sain ». Bon je n'étais pas très de ce que cette citation voulait dire mais je supposais qu'elle avait un sens proche avec les phrases du type « le positif n'attire que le positif » ou bien « sourie à la vie, elle te sourira en retour ».
M'enfin, ce n'était que cela qui m'enquiquinait. Je voulais juste faire ce qu'il fallait pour que je me sente mieux. Du moins, un peu moins mal. Je me demandais juste si les personnes comme moi avaient le droit de toucher du bout des doigts voir attraper à pleines mains ce que les gens appellent le bonheur.
Je passais par diverses étapes pour occuper mon esprit, un jeu de puzzle, des masques, des legos. J'avais même été jusqu'à allumer des bâtons d'encens dans mon salon afin qu'une odeur relaxante englobe la maison.
Je redoutais le moment de dormir. Je savais que c'était à ce moment que je serais le plus vulnérable puisque je ne serais pas occupé. Et que, par conséquent, mes démons me prendraient par surprise.
Il était vingt-trois heures quarante-sept quand je décidais de poser mon bouquin, mon alarme était programmée depuis bien longtemps pour sept heures le lendemain. J'allais juste faire un saut à la salle de bain pour me brosser les dents bien que j'avais pu le faire plus tôt puisque je n'avais pas pris la peine de dîner ce soir-là.
Machinalement je rinçais l'embout de ma brosse à dents, j'y déposais le dentifrice et apportais l'outil à ma bouche. Je les frottais contre ma gencive, ma langue et mes dents pendant trois minutes avant de rincer les bulles qu'avait formés cette pâte.
Après cela, je m'observais dans la glace. Mes traits étaient exténués. Les yeux étaient le reflet de l'âme. Et dans les miens, on n'y voyait rien. Je jetais un coup d'œil à ma peau, j'en avais pris soin toute la soirée mais cela ne lui avait pas permis de retrouver sa couleur.
J'allais me coucher sans faire quoi que ce soit pour pallier à cette pâleur. Je ne souhaitais pas perdre mon temps à tenter quelque chose qui demeurerait vain. Je l'avais déjà fait en accordant tant d'importance à ces amitiés qui avaient volées en éclats en quelques minutes à peine alors que leur construction avait nécessité plusieurs heures d'investissement.
Désormais il ne me restait plus que Jimin. Mais je sentais qu'il n'allait pas faire long feu, lui non plus. Je me dis que je ne devais pas correspondre au profil des gens qui avaient des amis. Non. Je ressentais souvent le besoin de me retrouver seul. Je ne ressentais pas le besoin de me confier. Mais surtout, je ne ressentais pas le moindre scrupule à me servir de mon entourage pour parvenir à mes fins.
Comme l'avait dit Nicolas Machiavel : « la fin justifie les moyens » et j'avais fait de ces quelques mots, ma devise.
Je me mis sous mes draps et éteignis ma lampe pour dormir. Je respirais profondément comme me l'avait souvent conseillé une amie, que j'avais maintenant perdue. Cela me permis de ne penser à rien si ce n'était le nombre d'inspirations et expirations que je produisais par minute. Et ce fut ainsi que l'on m'avait conduit au monde des songes.
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Trois heures trente-trois.
Ce fut l'heure à laquelle un de ces sursauts me prit.
Trois heures trente-trois.
L'heure à laquelle le monde des vivants se trouvait au plus proche du monde des morts.
Trois heures trente-trois.
Il était trois heures trente-trois quand je ressentis le besoin de me lever pour aller me rafraîchir en passant de l'eau sur mon visage. Quand une envie pressante se réveilla en moi.
Je sortis de mon lit contre mon gré mais la lune attrapa mon regard. Ayant oublié de fermer les rideaux la veille, la lueur de l'astre se répandait jusqu'à mon lit.
Je la détaillais quelques secondes. Si fièrement dressée dans sa position, renvoyant les rayons de son âme sœur le soleil.
Elle était pleine ce soir. Plus je la regardais, plus je la trouvais belle.
Mais je ne savais pas que quelqu'un d'autre, à l'autre bout de la ville, avait les yeux rivés au même endroit que moi. Et que des pensées similaires aux miennes traversaient son esprit.
Je me ruais aux toilettes pour me soulager avant que cela ne se fasse alors que j'étais dans mon lit.
Attends-moi, luna mia. Veille sur moi, je t'en supplie.
Après cela, je me rafraîchi rapidement mais je me rendis vite compte que je ne pourrais me rendormir de suite. Je n'avais plus rien dans l'estomac et celui-ci ne se gêna pas pour me le rappeler.
Il me mit en mode survie et m'emmena illico presto à la cuisine. Je fouillais dans chacun de mes placards et ne trouvais qu'un paquet de nouilles instantanées.
Je n'avais donc pas le choix, même si ces choses-là n'étaient pas bien consistantes. J'actionnais ma bouilloire quelque peu dysfonctionnelle et m'arrangeais pour qu'elle marche.
Pendant que l'eau chauffait, je me rendis dans ma chambre pour récupérer mon ordinateur portable. Je voulais rester le plus loin possible de mon téléphone. Je lançais une vidéo youtube et installais un setup rapide pour manger en paix.
Je fouinais sur la page d'accueil du site de streaming mais ne trouvais rien de bien intéressant à regarder. Mais, comme si le hasard avait traficoté mon ordinateur, je tombais sur une vidéo sur le démantèlement d'un cartel de drogues.
Je la mis en route et le temps qu'elle démarre à cause de mon réseaux internet lent, j'eus le temps de préparer mon bol et de m'installais confortablement sur ma chaise de bar.
J'étais si absorbé par la vidéo que je ne me rendis pas compte que ma main droite avait complètement lâché mes baguettes.
Cela était si fascinant.
Je me levais même pour prendre des notes.
Mais il fallait que je les adapte.
Que je trouve d'abord un moyen pour me sortir de l'addiction.
Ainsi, ce Kim Taehyung n'aurait plus jamais le moyen de me faire chanter.
Mais la vraie question subsistait.
Comment faire ?
Être dépendant d'une substance s'avérait très mal vu. Surtout que je pourrais perdre mon travail si cela venait à se savoir.
Je ne pouvais pas y arriver seul, je savais qu'il était terriblement difficile de se sevrer.
Cela demandait une grande énergie mentale que je n'avais pas.
Alors, je dus prendre une décision.
Au "+82 4 36 18 .. .." à 4h12 :
Je dois porter mes deux couilles dans ma main droite pour t'écrire ça. Mais il faut que tu m'aides à me sevrer. C'est urgent.
Maintenant, il était temps de me demander, si, après ce sevrage, je ressentirais l'envie de l'arrêter ou non. Si ma reconnaissance prendra le dessus sur cette philosophie qui guidait ma vie.
Sur ce, je retournais me coucher, l'esprit apaisé. Cette décision était celle que je devais prendre et j'en avais l'intime conviction. Je le savais puisque le reste de la nuit se passa immensément bien.
Lorsque mon réveil sonna le lendemain matin, à sept heures précise, je me sentis bien. Comme si j'avais eu le temps de terminer mon cycle de sommeil et que j'étais déterminé à faire ma journée de travail.
Du "+82 4 36 18 .. .." à 6h07 :
Bien, nous commencerons dès aujourd'hui.
Ce jour-là, je me préparais avec le plus grand soin. Je remarquai que j'avais pris l'initiative de me parfumer. Mais n'avais pas laisser tomber cette mauvaise habitude qui était de ne rien manger. Pour ma défense, mon bol de nouilles s'avérait bien plus consistant que je ne l'aurais pensé.
Alors que j'allais passer la porte d'entrée, une présence m'interpella. Je ne pensais croiser personne d'autre, et surtout pas Kim Taehyung sur le pas de ma porte.
— Tu vois, tu as besoin de moi, beauté.
— Oui bon. Je le fais pour toi aussi, Taehyung. Je pars travailler, je suppose que tu dois faire quelques petites choses dans mon appartement. Il est possible que ces médicaments traînent un peu partout chez moi. Retrouve-les et jette-les.
— Tu sais que tu ne pourras pas arrêter cela d'un seul coup ?
— Parle moins et agis plus.
Je m'en allais travailler.
Ce fut une journée typique si on oubliait les nombreuses piques de Jung. J'avais toute la journée tenter de me renseigner sur ces médicaments. En fait, j'en consommais depuis le début de mes études supérieures mais je ne savais pas exactement en quoi cela consistait.
M'enfin, je savais qu'ils étaient réservés aux personnes neuroatypiques, ce que je n'étais pas. Mais lors d'une fête, j'en avais avalé par mégarde et je me rendis compte que quelques heures plus tard, pendant que je révisais pour un examen, j'étais bien plus efficace.
C'était donc ainsi que j'avais continué à en prendre régulièrement, jusqu'à ce que ça ne devienne comme aujourd'hui, indispensable au bon fonctionnement de mon cerveau.
La journée s'acheva tellement vite, mes recherches avaient toute mon attention et je me trouvais efficace quand bien même je n'avais pas pris de ce médicament.
Vers dix-huit heures je quittais le bureau mais fis un saut au supermarché pour remplir mon frigo puisque je me rappelai que cette nuit-là, il était presque vide.
Je valsais à travers les rayons de fruits, légumes et viandes. Je pris tout ce que j'aimais et m'offrit un petit plaisir. Un paquet de lait à la banane que je raffolais depuis tout petit. Ce serait comme une récompense à chaque jour que je passais sans sentir le manque de ce médicament-drogue.
Il n'y avait aucun mal à faire ce que je faisais, si ?
Je savais que ce médicament agissait directement sur la dopamine que mon corps produisait. Il rendait mon cerveau plus opérationnel et c'était la raison pour laquelle j'étais si efficace. Et si mes recherches s'avéraient correctes, il n'y avait là que l'addiction à cette dopamine que j'obtenais à chaque accomplissement.
Il me fallait donc une autre source de dopamine. Plus saine. Plus naturelle. Mais tout aussi addictive.
Je rentrais chez moi avec ces deux gros sacs de course. Je les déposais directement à la cuisine avant de retrouver Kim Taehyung sur mon canapé.
J'avais presque oublié que je l'avais invité chez moi. Que je lui avais limite ordonné de m'aider et qu'il avait accouru.
L'avais-je réellement perdu ?
Notre relation était-elle saine s'il revenait à la charge même si je le rejetais sans cesse ?
Le temps passerait et apporterait avec lui ses réponses.
— Bien, j'ai vidé ta maison de toutes traces de ces médicaments. Maintenant, ils sont en ma possession. Il faut que nous parlions des conventions. Tout travail mérite salaire, n'est-ce pas, Jungkook.
— Bien entendu, Taehyung.
— Bien, il est évident que je vais devoir loger chez toi afin de m'assurer que tu n'aies aucune rechute.
— J-je n'ai qu'un seul lit...
— Alors je dormirai avec toi, il est bien assez grand pour deux, non ?
J'étais certain d'avoir dégluti à cette remarque. Il voulait dormir avec moi ? Enfin c'était pas ce qu'il avait explicitement dit. Mais quand même, j'allais devoir dormir avec quelqu'un.
— Sinon, je p-prends le canapé. Ça me dérange pas, Taehyung.
— Tu sais qu'un sevrage ne se fera pas du jour au lendemain, Jungkook. Il faut compter au moins trois-quatre mois. Tu es sûr de vouloir ça ?
— Trois-quatre mois ? Mais c'est énorme.
— Fallait pas devenir accro. Ou bien trouve une alternative. Deviens accro à moi, je te jure que je suis bien meilleur que cette drogue de merde.
Tu m'as pourtant l'air d'autant plus dangereux, Taehyung.
Je ne lui dis rien, j'allais dans la cuisine pour préparer un semblant de repas uniquement pour m'occuper les mains plutôt que la cervelle.
Nous mangeâmes en silence l'un en face de l'autre et ce fut le seul bruit qui nous enveloppa.
— Tu cuisines très bien, me complimenta Taehyung soudainement. Où as-tu appris à cuisiner ainsi ?
— Euh, merci. J'ai appris seul.
— Jungkook, parle-moi de toi, veux-tu ?
— Il n'y a rien à dire à propos de moi. J'ai fini en plus. Je vais me doucher, ce sera ton tour après, répondis-je simplement, échappant naturellement à la discussion redoutée. Je détestais ce genre de questions.
J'avais surtout hâte d'échapper au contact de ses yeux qui fouinaient dans les profondeurs de mon âme, dévoilant mes secrets les plus sombres et les plus enfouis.
J'entrai dans ma salle de bain qu'il n'avait à priori encore jamais utilisée.
Nous allons partager la putain de même salle de bain alors que pas plus tard que la veille je l'envoyais se faire foutre, bordel.
Mais en observant le rebord du lavabo sur lequel était entreposé uniquement ma brosse à dent avec son gobelet et son dentifrice, je trouvais une autre brosse aux côtés de sa jumelle et tout un tas de crèmes ci et là.
Taehyung était donc un homme qui aimait prendre soin de son apparence. Il y avait des produits qui coûtaient bien la moitié d'un smic mais au vu de son métier il pouvait bien se le permettre.
Dans la douche aussi il n'avait pas hésité à s'y étaler. Il possédait deux fois plus de produits cosmétiques que moi et tous s'entassaient sur mes pauvres présentoirs à gel douche.
Je sentais ci et là, et je reconnais certaines fragrances qui se liaient les unes aux autres. Il y avait un vrai microbiote dans cet endroit. Le parfum de Taehyung n'existait pas réellement. C'était un mélange savamment pensé dont le dosage se devait d'être parfait pour que l'odeur soit agréable.
Je tentais de faire fi de ce que je voyais pour pouvoir prendre une douche en paix, mais cela s'avéra être une tâche ardue. En effet, je me surprenais à jeter des coups d'œil vers ces pots à l'effigie de toutes sortes de plantes, fruits et que savais-je encore en me demandant ce que cela ferait de les lui appliquer une par une sur sa peau. Comment de temps cela allait-il prendre ? Aimerait-il ce traitement particulier, en voudrait-il davantage ? Je ne saurais le dire.
Je me dépêchais de sortir de la salle de bain pour ne pas paraître trop suspect. Je me savonnai rapidement tout le corps avec mon produit « axe 3 en 1 », me rinçai, me séchai, me brossai les dents et pour finir lavai mon visage et sortis.
— Tu peux y aller, la salle d'eau est libre.
Je ne lui accordai pas la moindre attention préférant à la place me diriger vers mon lit. Je m'étalais toujours telle une étoile de mer mais je ne savais pas si c'était la meilleure chose à faire étant donné que je devais dorénavant le partager.
Alors je me levai, soulevai un pan de la couverture pour me glisser en dessous. Actuellement, je m'en voulais de ne pas avoir de seconde couette. Mais je ne m'en préoccupais pas davantage, j'installai la partie supérieure de mon corps sur mon oreiller avant de lire quelques pages de mon bouquin.
22h40 était marqué sur mon écran.
Il n'était pas si tard pourtant j'étais exténué. Était-ce si éprouvant de manger et prendre une douche ? Peu importait, je profitais de cette fatigue pour m'écrouler et passer la nuit la plus longue possible.
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Mon réveil sonna à sept heures pétantes, je me levai rapidement pour ne pas me laisser tenter par le retour du sommeil.
Je ne pris un petit-déjeuner, toujours vêtu de mon pyjama.
Pourquoi portais-je un pyjama ? Je dormais toujours en caleçon...
J'allais dans la cuisine pour me faire un café et me brossais les dents en attendant que la cafetière fasse son travail.
Comme celle-ci était longue, j'en profitai pour m'habiller afin de pouvoir partir dès que la boisson serait prête. Tout était calme chez moi.
Je me vêtis de mon pantalon ainsi qu'un pull léger par-dessus lequel je mettrais ma veste et je fis mon lit.
Tout l'appartement était silencieux, j'aimais ce silence qui accompagnait chacun de mes pas. Celui qui, jamais ne me trahirait. Il apportait un certain réconfort à mon quotidien morose. Comme un ami qui ne me laisserait pas tomber. Comme la certitude de ne passer plus aucune journée seul.
Parce que la solitude, la réelle solitude était mordante, stridente. Handicapante. Celle dans laquelle tu savais très bien qu'aucune épaule ne serait jamais plus mise à ta disposition pour pleurer dessus. Celle dans laquelle tu n'avais que toi pour seule compagnie. Celle dans laquelle, plus rien ne te retenait la veille mais rien ne te retiendrait le lendemain non plus. Celle dans laquelle, si tu partais, ta présence ne manquerait à personne. Ni aujourd'hui. Ni demain. Ni jamais.
Je sortis dans les rues, me diriger vers la préfecture, mon verre de café à la main. Je regardais les cieux autour de moi. Cela semblait très calme aujourd'hui, pas de gens affolés, pas de voitures par dizaines pour noircir les routes, pas de cris, pas de pleurs. Rien.
Cela me semblait presque anormal dans cette ville d'habitude pleine de vie. Je m'étais initialement installé ici parce qu'on la nommait « la ville qui ne dormait jamais » tout comme Paris, en France. Je marchais dans les petites ruelles à l'écart du monde, donc il était normal qu'il n'y avait pas tant d'agitation. Mais, même dans les routes principales, on entendait pas même les battements d'ailes d'un oiseau.
Ce ne fut que lorsque j'arrivais au commissariat que je la vis. Cette affiche qui interdisait à quiconque de sortir de chez soi. Un serial killer masqué y était représenté. Sa tête était mise à prix.
— Jeon, qu'est-ce que tu fais ici ? N'as-tu pas vu les affiches ?
Il paraissait vraiment surpris que je vienne au bureau. Comme si j'étais la personne qu'il ne voulait absolument pas voir. Son air paniqué, bien que léger était visible sur ses traits. Seules les personnes qui le connaissaient un minimum pouvait remarquer ce changement minime qui tirait néanmoins les traits de son visage.
— Chef, bonjour. Je viens de la voir, je suis désolé. Dois-je rentrer chez moi ?
— Non, Jungkook. Ne t'en fais pas, c'est trop dangereux. Je vais te raccompagner. Attends-moi ici.
— Euh, d'accord. Très bien monsieur.
Je me dirigeai vers mon bureau alors qu'il s'en allait vers le sien. Je profitais de ce temps tout seul pour regarder mes papiers. Je n'y avais pas touché depuis la veille seulement mais je ne me souvenais déjà plus de leur contenu.
Il ne me semblait pas avoir pu avancer sur ce projet « serial killer », du moins pas plus que Jung, or, je n'avais aucun mal à voir des pages et des pages de notes que j'avais griffonnées de ma main. L'encre datait d'il y a peu, ce qui confirmait l'hypothèse de la veille mais aucun souvenir ne me revenait en tête.
Je n'avais pas beaucoup de temps alors je pris tout cela et les mis rapidement dans mon sac avant le retour du chef.
Ses pas résonnaient fortement dans les couloirs comme à son habitude. Ses chaussures raclaient le sol comme pour le défier de faire une quelconque action qui pourrait lui nuire. Pour faire asseoir son autorité. Il y parvenait sans mot puisqu'à l'entente de ce son, chaque employé se levait afin de prédire son arrivée et lui dédier une respectueuse inclinaison lorsque son imposante personne se trouverait dans notre champ de vision.
— Bien, Jungkook. Tu es prêt à partir ?
Sa gentillesse profonde contrastait avec ce physique intimidant. Du moins, il ne montrait cette facette de lui qu'à des personnes en lesquelles il accordait une confiance indescriptible. Il choisissait avec soin son entourage et n'hésitait en aucun cas à arracher les mauvaises herbes à la racine. Il ne gardait que les fleurs les plus belles et les moins susceptibles de faner. Il se chargeait de cela avant le processus naturel du tri par le temps. Avant que les plus beaux bourgeons ne fanent.
— Oui, monsieur. Merci beaucoup de me remmener en voiture.
— Ce n'est rien, Jungkook. Tu sais que tu es comme un fils pour moi.
Jungkook. Il avait pris l'habitude de me nommer par mon prénom lorsque nous n'étions plus sur nos horaires de travail. Il n'y avait aucun mal à cela, non. Sa barbe blanche et ses yeux plissés lui donnaient un air paternel. Je ne connaissais pas le passé du chef tout comme il n'avait connaissance de mes antécédents, mais, je savais qu'il avait été père de deux enfants, morts de la main de leur propre mère qui s'était par la suite suicider.
Je ne pouvais qu'imaginer la culpabilité qui l'avait habité, sûrement des semaines durant. Cela s'était passé durant mes premières semaines de travail en ces lieux. Il s'acharnait sur le travail pour que la boîte marche, et ne pouvait donc se diviser pour suffisamment satisfaire les besoins de la famille.
Les funérailles avaient été brèves. Sans larme, ni joie. Uniquement colère et incompréhension. Le sentiment de trahison de la part de celle qui partageait sa vie devait être si fort, si dur à encaisser. Mais ne pas savoir était pire que tout. Le pire châtiment que puisse subir un être humain.
— Jungkook, tout va bien ?
Je tournai les yeux son visage qui prononçait mon prénom.
— Oui, parfaitement bien monsieur.
Il m'avait à plusieurs reprises autorisé à l'appeler par son prénom, mais je n'avais jamais su m'y résigner. L'appeler Namjoon me paraissait bien trop familier.
— Bien, me répondit-il avec de la peine dans le regard. Nous sommes arrivés chez toi, tu peux y aller. Je te vois demain matin au bureau.
— Oui, monsieur. A demain, lançais-je en sortant de la voiture.
Je restais planté sur l'allée devant chez moi jusqu'à ce que son véhicule ne soit plus qu'un point dans mon champ de vision.
Il était encore terriblement tôt et je n'aurais rien à faire chez moi.
La curiosité prit le dessus et je retournais à l'endroit où était amassée la troupe ce matin, n'ayant eu vent de la cause de cette agitation. Si j'avais travaillé, aurais-je eu ce besoin de venir ? Je n'en avais aucune idée. Tout ce que je savais à l'instant T, c'était que je me devais de savoir ce qu'il se passait réellement pour qu'un tel attroupement se forme dans une ville comme la mienne.
Je marchais donc d'un pas étrangement pressé et arrivais rapidement sur les lieux du chaos. Il n'y avait plus personne, toute la foule avait disposé. Il n'y avait qu'une seule voiture.
Celle de Monsieur Kim.
Que faisait-il ici ? Était-ce pour cela qu'il avait été aussi préoccupé par mon retour chez moi ?
Je m'approchais de l'endroit et m'aperçus qu'il n'était pas là, alors je me permis bien plus de liberté.
Devant moi, il y avait une mare de sang. Ainsi que trois corps. Deux enfants et une femme adulte. Deux enfants et une femme adulte. Les deux enfants et la femme de monsieur Kim gisaient là en face de nous. Mais j'avais moi-même assisté à l'enterrement de ces corps.
— J'aurais dû opter pour une crémation. N'est-ce pas, Jungkook ? la voix du chef s'éleva dans les airs, sur un ton que je n'avais jamais entendu.
Non, celui-ci était empreint d'une douleur profonde que le commun des mortels dont je faisais parti ne pourrait décrire. Seul lui le pouvait. Car chaque souffrance ressentie était unique.
Chacune. De. Ces. Putains. De. Souffrances. Savait. Comment. Attaquer. Quelqu'un Pour. Que. Cette. Personne. En. Souffre. Le. Plus. Possible.
Je ne lui répondis pas. A la place, je lui fis une accolade. Je le pris dans mes bras sans aucune gêne. Toute cette distance que nous imposait notre hiérarchie avait disparu et avait laissé place à seulement Kim Namjoon et Jeon Jungkook, dans la rue, seuls.
Je murmurais un faible « Je suis désolé » au creux de son oreille et ce fut la première fois que j'étais en sa présence lorsqu'il pleurait. Il ne s'en cachait pas non, ses sanglots emportaient avec eux chacune de ses peines, chacune de ses douleurs, chacune de ses peurs.
A la fin, il ne restait plus que la colère et l'interrogation dans ses yeux.
Pourquoi ?
Cette question restait en suspend dans son regard fébrile.
Moi aussi je me posais cette question.
Pourquoi ?
Je passais le reste de l'après-midi en sa compagnie, nous n'échangeâmes pas un mot mais je compris que mon soutien lui suffisait amplement. Et c'était ce qui m'allait le mieux puisque je n'avais pas compétences requises pour réconforter les humains.
Je ne me démenais pas pour accomplir une tâche et cela m'allait complètement.
Dès que la nuit commença à tomber, Namjoon me ramena -à nouveau- chez moi. Il ne fit aucun commentaire, mais me demanda tout de même si je souhaitais que l'on dîne ensemble ce à quoi je lui répondis que je préférais être seul. Pour ce soir.
Je franchis la porte de chez moi, exténué. Je posais directement mes affaires dans ma cuisine et actionnais la bouilloire pour me préparer une tisane. Par la suite, je filais dans la salle de bain et eus la surprise de voir qu'il n'y avait pas uniquement mes affaires entreposées sur le rebord du lavabo.
Pourquoi y avait-il deux brosses à dents ? Je n'ai qu'une seule mâchoire.
Je fis fi de cette information et poursuivis ma toilette en entrant dans ma douche. Je lavais rapidement sans faire spécialement attention au produit que j'utilisais. Je me savonnais avec autant de précaution que d'habitude et me vêtis de mon pyjama avant d'à nouveau rejoindre la cuisine.
— Alors, comment s'est passé ta première journée de sevrage ?
Taehyung était dans la cuisine en train de préparer le dîner. Il était dos à moi et s'affairait avec la casserole.
— Qu'est-ce que tu fais chez moi ?
— C'est toi qui me l'as demandé.
— Ah, répondis-je en prenant une pomme dans le panier à fruits. Bah fais comme chez toi.
Je me souvenais maintenant que je lui avais demandé de m'aider pour mon sevrage. Si mes souvenirs étaient bons, je n'avais pas été tenté de prendre quoi que ce soit et ce qui pourrait s'apparenter à des changements d'humeur que j'aurais pu avoir aujourd'hui était les légères pertes de patience que j'avais pu ressentir face à Namjoon.
J'avais rapidement appris à me canaliser en relativisant. C'était normal qu'il soit ainsi, il avait perdu sa femme et ses enfants et leur corps ne pouvaient même pas reposer en paix. Le destin était cruel, il s'acharnait sur nous et sans jamais ressentir de remord, il faisait voler en éclats, le semblant de sérénité que nous avions pris si longtemps à construire.
Je m'installais devant la télévision en attendant que le repas soit prêt. Il n'y avait aucune raison que je n'attende pas, si ?
Je zappais les diverses chaînes sans rien voir d'intéressant et m'arrêtais sur Danse Avec Les Stars. Je baissais le son un max pour ne pas qu'il sache ce que je regarde et m'immergeais dedans totalement.
Je débattais intérieurement sur le duo qui remporterait la partie, j'étais si doué à cela que si je le pouvais je m'inscrirais en tant que devin dans un centre de voyance.
— Tu sens bon, tu as utilisé mon gel douche ?
C'était donc ça l'odeur...
— On mange maintenant ?
— Bien sûr. Viens. Et crois-moi, tu ne pourras plus te passer de moi après, baby.
Je le suivis à la cuisine et je m'installais sur un des tabourets du bar. Je ne le remarquais que maintenant mais Taehyung était vêtu du tablier à rayures que j'avais dans ma cuisine. Fermement attaché à sa taille, je l'imaginais sans mal cuisiner pour nous tous les jours dans cet accoutrement.
— Mon tablier te va si bien, grand maître de la mafia.
— Je n'fais pas partie de la mafia, du con.
— Peu importe. T'as préparé quoi de bon ?
— Tu verras. Tu seras un bon garçon, tu mangeras tout, n'est-ce pas ?
— Tout dépendra de toi. J'y gagne quoi ?
Putain, cela faisait un seul jour qu'il squattait mon appartement mais nous nous comportions déjà comme un vieux couple.
— Le droit de dormir avec le grand Kim Taehyung.
— Comme si j'avais le choix, du con.
— Bon, ta bouche maintenant.
Il apporta sur la table les différents plats qu'il avait préparé. Il y avait tant de choses, du riz, des légumes, de la viande. Je ne savais même pas comment nous allions finir tout cela.
— Wow, tu t'es donné beaucoup de mal.
— C'est pour contrebalancer les effets de ton médicament que tu n'as plus.
— Genre quoi ?
— Pour faire bosser tes petits muscles qui ne faisaient pas grand-chose par exemple.
— Taehyung, tu t'calmes. Tu vois ces bras ? répliquais-je en lui montrant les baguettes qui me servaient de biceps. Eh bien, quand je veux j'te mets à terre avec.
Il ne répondit pas, non, il se contenta de rire si peu discrètement derrière son tablier de grand mère.
— Te fous pas de moi, ou tu le regretteras, Kim Taehyung.
Nous continuâmes de manger sans parler. Le silence devenait un peu trop lourd et je détestais cela. Même si j'aimais le silence, il n'était pas à ce moment-là mon meilleur allié. Mes yeux, bien trop inoccupés se permirent d'explorer des endroits qui ne m'étaient pas familiers.
Taehyung était attablé en face de moi, les yeux quelque part derrière moi. Il n'y avait rien qui ne m'empêchait de m'attarder sur ses bras qui tenaient ses couverts et dont les muscles bandaient à chaque mouvement.
Je retournai soudainement dans le passé, du temps où je profitais encore de ma jeunesse. Lorsque je n'avais pas encore cette pression immense sur les épaules. Et ces contacts me manquaient cruellement. J'avais passé du bon temps avec Jieun, mais je savais qu'elle n'était pas parvenue à combler ce vide énorme que je ressentais en moi.
Je sentais que le monstre se réveillait peu à peu.
Je sentais que je redevenais moi-même. Le Jeon Jungkook de 16 ans qui avait voulu grandi trop vite.
Je savais que ce n'était pas que de la faute de cette paire d'yeux qui sondait les profondeurs de mon âme. Elle avait son rôle à jouer dans cette histoire, mais elle n'était pas la seule fautive.
— Je vais me coucher. Fais comme chez toi, lui dis-je en posant mes baguettes dans mon bol vide. Je ferai la vaisselle demain matin, merci pour le repas.
Et je me dirigeai vers ma salle de bain pour me brosser les dents.
Je débattis avec moi-même sur le fait d'arranger les choses ou non. Mais je décidai qu'il s'agissait d'une mauvaise idée. J'allais mettre un temps monstre avant de sortir de la salle de bain et cela lui mettrais sûrement la puce à l'oreille.
Je sortis discrètement de la salle de bain après avoir fait ma toilette et m'en allais directement à mon lit pour me coucher.
Je tentais de trouver une position confortable, mais aucune ne faisait que la légère bosse de mon pantalon ne me gêne pas. Je ne faisais que de me déplacer de bout en bout, peinant à trouver le sommeil.
Je ne sus combien de temps je tournais sur moi-même mais tout cela ne me disait rien de bon. J'entendais Taehyung dans la cuisine qui faisait la vaisselle quand bien même je lui avais dit de ne pas la faire.
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