Chapitre VII : Voyager et découvrir

Alester Astré

Auva - jardin floral du château

— Je suis tellement heureuse que tu sois parmi nous ! S'enthousiasma Thaïla en cueillant une petite fleur rouge pour en arracher les pétales. Et, oh si tu savais à quel point je le suis pour mon mariage !

Baignant sous la lumière du soleil, le jardin floral du château était l'un des lieus les plus prospères et apaisant de la capitale. De nombreux habitants aimaient s'y promener, se laissant emporter par les couleurs et les mille parfums de fleurs en tout genre. Bien sûr, seule une catégorie d'habitants était autorisé à poser le pied sur cette herbe verte. Alester se sentait comme un étranger dans cet endroit paradisiaque, ses habilles n'étaient que des guenilles en comparaison des magnifiques tenues portés par les nobles de la ville.

Il marchait en compagnie de sa charmante sœur, radieuse et tout sourire. Il marchait sous les regards narquois et effarés des vieilles commères.

— Je suis heureux d'être avec toi, rétorqua-t-il, pour une fois que ce n'est pas toi qui fait le voyage jusqu'à chez moi. En revanche, je le suis moins pour ton mariage avec Lidan Larelle...

— Oh regarde Alester ! Interrompit la jeune femme en s'accroupissant près d'une lignée de fleurs. Les sauvages sclarées sont en éclosion, mère les a fait venir d'Ormesel pour Artianne.

Alester poussa un soupir, il savait que sa sœur jumelle changeait volontairement de sujet pour ne pas entrer en conflit avec lui. Mais le jeune ingénieur devait émettre son opinion.

— Thaïla écoute-moi, Lidan Larelle est un homme sans vergogne, tu ne peux pas...

— Je l'aime ! Cria-t-elle se retournant vivement vers son frère avant de reprendre son calme. Et je sais qu'il ne me fera pas de mal, je suis une sorcière et ma mère l'est aussi en plus d'être la Reine. Je sais que tu repenses aux incidents du passé, mais les frères Larelle se sont excusés.

— Tu partiras à Ormesel.

— Et tu partiras à Batyse, là où ta promise t'attend. Amalica Loren, une âme pure qui te sera dévouée.

La fille du Seigneur de Batyse était la promise du démon Alester, et tous deux régneraient sur la ville une fois le Seigneur décédé. Mais Alester n'était pas de cet avis, sa liberté comptait beaucoup plus, sa vie dans les bas-fonds lui suffisait, son métier lui plaisait. Pourquoi la Reine voulait-elle le marier ? Il voulait à tout prix le découvrir. Même s'il était impossible de la convaincre de renoncer à ce mariage, Alester devait en connaître les raisons. La Reine Noire voulait faire de son fils un pion, elle voulait le faire entrer dans son jeu mesquin et le manipuler à sa guise. Sa vie allait basculer, enfermé dans une prison dorée, il n'était pas encore prêt. Bien sûr, il était curieux de découvrir le visage de sa belle promise, belle, car l'on disait que Amalica Loren était d'une beauté que l'on ne pouvait égaler. Mais elle était aussi une sorcière, et mis à part sa sœur jumelle, Alester n'aimait pas côtoyer les sorcières.

Perdu dans ses pensées, le jeune ingénieur n'entendait plus les paroles de Thaïla. Son esprit divaguait, il chancelait même. La jeune femme dû tapoter son dos afin de se faire entendre.

— Alester, voyons ! Tu ne m'écoutais plus.

— Désolé... Que disais-tu ?

Elle lui adressa un sourire tendre en posant une main sur sa joue.

— Les ingénieurs ont toujours la tête ailleurs... Tu me manqueras cher frère jumeau.

— Tu me manqueras aussi petite sœur jumelle, sourit Alester en posant une main sur la sienne. Mais était-ce vraiment de cela dont tu voulais me parler ?

La jeune femme se mit à rire en repoussant son frère qui riait aussi de bon cœur avec elle.

— Tu devrais rendre visite à Artianne, avoua-t-elle. En tant que sœur aînée, tu aurais dû lui faire tes adieux en premier.

Le sourire d'Alester s'éteignit aussitôt, redoutant de parler avec sa sœur aînée. Mais il acquiesça car il était coutume de faire ses adieux en premier lieu à l'aînée, bien qu'il soit lui-même en dehors des coutumes de famille. Après un soupir prononcé, il déposa un baiser sur le front de Thaïla et regagna les murs aux ornements somptueux du château. Les appartements d'Artianne se trouvaient au premier étage de château, la sorcière n'aimait point la hauteur selon les dires de Thaïla. Lorsque Alester arriva devant la porte de sa sœur, Tarlyn Vallas se mit en travers de son chemin.

— La Princesse à réclamer le calme, dit-il posément.

— La Princesse à demandé au capitaine de la garde royale de garder sa porte ? Se moqua le jeune homme.

— Il faut croire que votre sœur ne souhaite que l'excellence, tout comme sa mère.

Alester hocha la tête en esquissant un sourire, puis repris son sérieux.

— Je pars ce soir, je dois lui faire mes adieux, telle est la coutume mon ami.

Vallas ne pu répliquer, et obéissant au jeune homme, il frappa à la porte de la chambre d'Artianne. Alester attendit alors qu'on l'y invite. Il entrevit le décor luxueux de la chambre de la jeune femme, les rideaux tissés au fil d'or et l'épaisse fourrure qui recouvrait le sol. La chambre était sombre, les rayons du soleil peinaient à filtrer.

— Entre-donc, déclara Artianne assise de dos devant sa coiffeuse.

Alester fit deux pas pour entrer et referma la lourde porte en bois massif. Cloîtré à l'entrée, il n'osait bouger et s'exprimer. L'atmosphère qui régnait dans la pièce laissait entendre qu'il était moins que rien. Pendant de longues minutes, le silence et rien d'autre. Artianne, vêtu d'une robe de chambre ample, coiffait sa longue chevelure auburn, faisant briller chaque mèche. Alester voyait à travers le miroir le regard de mépris et de haine qu'elle lui lançait, ses énormes yeux bleus semblaient vouloir filtrer son âme. Lorsqu'elle eu fini de se coiffer, elle se tourna enfin vers lui.

— Je te fais mes adieux, dit-elle en dessinant un rictus. Tu peux partir maintenant.

L'air paraissait étouffer Alester, sortir au plus vite était une excellente idée. Mais une chose entourant le poignet de sa sœur le tourmentait.

— De l'ail des ours ? Interrogea-t-il en désignant la chose en question.

Artianne orienta son regard vers le petit bracelet de fleurs blanches qu'elle portait au poignet, elle acquiesça en souriant, et pour une fois son sourire était sincère.

— Tu es enceinte ?

— Tu connais bien cette plante dit-donc...

— Porté par une femme, interrompit le jeune homme, elle éloigne les forces du mal de l'enfant à naître. Mon maître m'a appris à reconnaître les plantes.

— Ce n'est pas très efficace, maugréa-t-elle.

— Pourquoi donc ?

— Tu es encore là, démon.

Le cœur d'Alester fit un bond, il était habitué à ce nom, mais l'entendre avec autant de haine et de dégoût le fit tresaillir. Il tenta de rester calme et imperturbable, Artianne aurait été trop heureuse de le voir faillir.

— Tu sais bien que les sorts et la magie ne m'affectent pas, très chère sœur.

Sans lui laisser le temps de répliquer, il rouvrit la porte et sortit sans demander son reste, sentant néanmoins le regard furieux d'Artianne dans son dos. Le Capitaine Vallas l'observa d'un air curieux, mais garda le silence.

— Quand devrais-je partir pour Batyse ? Demanda Alester.

— Demain, répondit Vallas, dès l'aube. Afin de finaliser votre promesse de mariage.

— Je n'assisterais donc pas au mariage de ma sœur... Conclut le jeune homme. Accordez-moi une faveur Vallas, emmenez-moi aux bas-fonds, je dois encore faire des adieux.

Le capitaine hocha la tête doucement, analysant le regard du jeune qui s'emplissait de chagrin. Il réalisait tout juste qu'il allait quitter définitivement son foyer et les gens qui lui étaient chers, pour les cotes de la ville maritime de Batyse. Pour l'air marin et l'odeur de poissons frais.

Chevauchant le destrier du capitaine Vallas en sa compagnie, il contemplait une toute dernière fois Auva, la ville qui avait fait de lui un démon. Ses hautes tours de pierres, sa grande place marchande, ses ruelles malfamées et son immense château reflétant la grandeur de la reine, positionné, dit-on, dos au soleil. Car sa Majesté ne s'accommodait que d'obscurité, pourtant elle demeure dans la ville la plus chaude du Royaume, mis à part les citadelles de l'île Torment.

La traversée jusqu'aux bas-fonds se termina lorsque Alester reconnut l'odeur nauséabonde de l'alcool s'échappant des nombreuses tavernes.

— Merci Vallas ! Je peux continuer seul désormais.

— Alester, interpella le capitaine avant qu'il ne s'en aille. Il viendra le jour où nous nous rencontrerons de nouveau. Batyse est une ville pleine de charme, mettez votre peine de côté.

Tarlyn Vallas parti ensuite au pas de course, laissant Alester méditer sur ses paroles. Les mots de l'ancien Roi avait été prononcé, des mots qui ne mentent pas selon les dires du capitaine. Le jeune ingénieur regardait son plus vieil ami partir tout en sentant un douloureux pincement au cœur, et pourtant un large sourire ornait son visage.

Remis de ses peines, il traversa l'allée des tavernes et entra dans l'une d'entre elles qui lui était bien familière. L'émanation agressive de la bière se faufila dans ses narines dès qu'il franchit la porte. Les braments des ivrognes s'amplifiaient à mesure qu'il avançait en direction du comptoir. Seule la lumière tamisée des bougies lui convenait.

Au comptoir, il aperçut comme il l'espérait, son maître et son ami Preath.

— Maître Senbi, salua le jeune homme en s'asseyant près d'eux.

Le vieillard au teint grisâtre ne répondit pas, préférant mordre dans un morceau de pain noir.

— Le message que tu m'as fait parvenir est d'une piètre utilité si tu viens de ta personne, finit-il par dire.

Alester compris que son maître faisait référence au pigeon qu'il avait lâché afin de le prévenir de son départ définitif pour Batyse.

— Je le sais, mais il me semble plus juste de vous faire mes adieux de vive voix. Et je dois avouer que je m'attendais à un plus d'émotions...

— Les Traqueurs ne montrent jamais leurs émotions, coupa Senbi, et saches que j'ai toujours l'âme d'un Traqueur, bien que mon rôle ait changé.

— Tu me manqueras à moi ! Sourit Preath en levant sa chope de bière vers lui. Je devrais me trouver un nouveau partenaire d'ingénierie.

Alester ne se retint pas de rire face à cette remarque qu'il jugea d'absurde.

— N'oublie pas mon fils, ajouta le maître, avant toute chose tu es ingénieur et cartographe. Batyse est la seule ville maritime de Norsque qui détient le passage vers l'île Torment. Il est temps pour toi de la cartographier, de voyager et de découvrir.

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