Chapitre IX : L'île des cendres

Lame Runner

Forêt de l'Est - sentier de marche

«...La guerre fit rage à l'aube des festivités des dragons jumeaux. Reposant alors sous les tropics de la majestueuse île Torment, Adrayar le rouge entendit résonner les tambours de guerres au plus profond de ses entrailles. De son réveil tremblait la terre, de son souffle naissait les flammes et de son hurlement agonisaient les rebelles aux cœurs noircit. Le soulèvement de ses lourdes ailes écaillées arrachèrent à la terre l'océan, son envol assombri le royaume d'un noir spectral. La fureur du dragon rouge se manifesta lorsqu'à l'aube de ses festivités, l'ont vit ses flammes ardente jaillir de sa gueule, couvrant la végétation de l'île Eïone de cendres argentés... »

Appesantit sur la souche d'un arbre, Lame parcourait du regard pour la énième fois une vieille page de livre arrachée. Ses blessures encore sanglantes l'affublaient de millier de picotement et lui causait une fatigue incontrôlable. Le combat contre les Traqueurs n'était qu'une mise en scène, un piètre spectacle dont le but était d'avoir une idée claire et précise de l'identité, de la force et du nombre de leurs adversaires. Ils étaient forts, mais pas assez pour Lame. Si les Rescapés avaient eu plus d'hommes, ils auraient pu traverser Ormesel sans encombre.

Les dégâts étaient tout de même considérables, le chef des Rescapés avait le flanc perforé et seul un fin bandage imbibé de son sang empêchait la blessure de s'ouvrir davantage. Mais il ne fit guère attention à cela. La pluie commençait à se déverser, le feu de bois allumer un peu plus tôt s'affaiblissait. Lame replia la page arrachée et observa Lottie du coin de l'œil, elle était assise près du sentier et s'amusait avec une bestiole à fourrure noire. La créature ronronnait et miaulait à tout va, tandis que la fillette riait de bon cœur avec elle. Lame se releva en maintenant sa blessure, et sortit son épée de son fourreau. La lame était crasseuse, du sang séché s'écaillait sur le fer et la garde. Le chat se mit à le fixer sauvagement, sortant ses griffes.

Lottie senti quelque chose fendre l'air, quelque chose d'aiguisé, une arme meurtrière. Son cœur bondit et un cri s'échappa de sa bouche.

— Non ! S'il vous plaît !

Avant de trancher la tête de la bête, Lame stoppa tout mouvement pour écouter Lottie.

— Il n'est pas dangereux, poursuit-elle, il nous a suivi après la bataille.

— C'est un chat, rétorque le meneur, on nomme aussi cette bête sorcier non-humain. Ce serait un comble de le laisser en vie.

— Pitié, il n'est pas dangereux...

Le chat se réfugia dans les bras de la fillette, Lame grimaça de rage mais abaissa son épée. Il savait que ces créatures n'étaient pas dangereuses, mais elles symbolisaient tout ce qui le répugnait en ce monde. Il ravala sa colère, et questionna Lottie :

— Comptes-tu le protéger de moi par tous les moyens ?

Elle ne s'attendait pas à cette effrayante question, ses yeux s'écarquillèrent et ses mains se mirent à trembler. Elle bégaya quelques mots sans donner de réelle réponse, elle ne comprenait pas la question. Lame fit un petit rictus et rangea son épée.

— Cette nuit je te conseille de veiller sur lui, sinon au matin il ne restera plus que sa tête détachée de son corps.

Lottie afficha une moue de dégoût, Lame l'ignora et observa le ciel. La pluie était plus intense et le ciel voilé par les feuilles d'arbres s'éclaircissait lentement. Le jour allait paraître, il était temps de reprendre la route.

— En route ! Annonça-t-il. Nous avons encore un bon bout de chemin à parcourir avant d'atteindre la rive.

— Nous n'atteindrons pas tous la rive, intervint Meagon sur un ton narquois. Certains ne peuvent même plus tenir debout.

Il pointa du doigt un jeune Rescapé agonisant au sol, sa respiration était saccadée et par moment il se mettait à cracher du sang. Une large entaille redessinait son flanc gauche, les bandages ne suffisaient pas à arrêter le sang qui continuait de s'écouler. Lame s'approcha de lui avant de s'accroupir et de poser sa main sur sa blessure.

— Tu as été fort Alexander, mais tu ne l'as pas été assez.

— Je pensais être à la hauteur Lame... Murmura Alexander en grimaçant de douleur. Mais je veux repartir avec vous à Eïone.

Le meneur se releva et observa sa main ensanglantée.

— Dans trois jours environ nous seront à Eïone, panse ta blessure et nourris-toi. Si tu survis jusque-là, Begonia sera en mesure de te soigner.

Il ne restait plus que quatre chevaux, le reste avait été abattue par les Traqueurs et les tigres furtifs. On aida Alexander à monter sur l'un d'eux, et Lottie à monter sur un autre. Les deux derniers chevaux transportaient les vivres, le matériel et les armes de rechanges.

Les Rescapés marchèrent pendant de longues heures sur le sentier de marche de la forêt de l'Est, les chemins sinueux fatiguèrent les chevaux plus vite que prévu. Lottie s'inquiétait pour la vie de son nouvel ami, elle avait peur que Lame ne lui tranche la tête sur la route. Mais un bref miaulement parmi les railleries des Rescapés suffit à la rassurer. Lorsque la nuit tomba, Lame la fit descendre du cheval pour qu'elle puisse se reposer pour la nuit.

— Nous repartirons à l'aube, beaucoup de créatures se promènent dans les environs la nuit et aucun de nous n'est en mesure de les combattre pour l'instant.

    Un des Rescapés alluma un feu de camp, Lottie senti immédiatement la chaleur qui émanait des morceaux de bois. En voulant se rapprocher de la flamme, elle bouscula par mégarde Alexander qui poussa un gémissement de douleur.

— Pardonnez-moi ! Se précipita-t-elle de dire.

— Ça va aller, ne t'en fais pas...

Elle ne pouvait pas discerner l'expression de son visage, mais elle savait qu'il n'allait pas bien. Peut-être n'allait-il pas survivre. Elle posa sa main sur son épaule et alla chercher sa joue, elle était chaude, comme la chaleur qu'elle ressentait en ce moment.

— Tu survivras, c'est certain, lui dit-elle.

— Merci jeune demoiselle, rétorqua Alexander suivi d'un petit rire.

***

Le jour d'après, la marche reprit. Arrivés près de la rive il fallut abandonner les chevaux et déterrer les barques en bois cachés par les hommes de Lame Runner afin que personne ne les trouve. Lottie monta dans la barque tout en tenant son chat contre elle, sous le regard sévère de Lame. L'épaisse brume qui commençait à envahir les alentours était signe que le voyage touchait à sa fin. La fillette peinait à respirer, d'étranges copeaux s'écrasaient sur sa peau.

— De la cendre, déclara le meneur. Là où on va, tu en sentiras beaucoup.

Les barques échouèrent quelques heures plus tard sur une île jadis ravagée par le feu, l'odeur étouffante de la fumée en faisait vomir plus d'un. Des flocons de cendres semblaient tomber du ciel et recouvrait la totalité de l'île que l'on nommait Eïone.

— Bienvenue sur l'île des expulsés du Royaume, poursuivit Lame d'un ton macabre. Bienvenue sur l'île des cendres.

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