échoué sur le porche
Je me retournais encore une fois, mes ailes battant en l'air en même temps que mon bâillement. Je passe le dos d'une de mes serres sur mes yeux pour me réveiller. Quelle heure est-il ? Je vais bientôt devoir vider la chambre... Il ne s'est rien passé ces deux jours. J'ai mangé, j'ai dérivé comme je le ferais la plupart des jours en mer. Je flottait sans but, mes ailes déployées, ma tête sous l'eau pour guetter une proie que je ne chassait que rarement, que je contentait d'observer passer avec mes yeux de prédateur. C'est les moments où en imaginant ça, je suis heureux. Mais je suis un oiseau. Un jour on m'a pris pour une proie, ce moment là où... J'aurais aimé ne pas m'en rendre compte. C'est les moments où quand je me souviens de la dernière personne qui a tenu mes mains, la seule personne qui a osé touché mes serres, qui m'a dit que je pourrais en faire quelque chose... Je suis triste. On n'a pas idée d'enfermer quelqu'un comme moi en ville, comme on enferme une orque dans une baignoire.
Je me lève et m'étire. Je remet mon déguisement pour sortir. Je me tord la cheville en mettant mes baskets. Aïïïe... Et les escaliers à prendre après... Mes ailes m'ont fait un peu moins mal, parce que je n'ai pas mis mon pull. Un risque, mais peu importe. Je ramasse mon sac, mes batteries, mes déchets. Je jette le premier sur une épaule après avoir mis les deuxièmes dedans, et je jette cette fois dans la poubelle les troisièmes. Je remet le miroir à sa place, remonte le volet et éteins la lumière. Prêt à retourner à la maison. Je quitte l'hôtel sans encontre, mais le port est bien occupé... Je me glisse sur l'enrochement, avant de rentrer dans l'eau, lentement pour que mes mouvements n'alertent personne. Alors qu'il ne reste que ma tête hors de l'eau, je prend une grande respiration, avant de plonger. Une fois assez profond, Je retire d'abord mon sac (waterproof, bien entendu), avant d'enlever mon manteau. Mes ailes libres vont m'aider à nager plus vite. je remet mon sac autour de mes épaules, garde mon manteau dans mes mains et commence à nager. J'ai une grande capacité en apnée, et je suis un excellent nageur. Je m'éloigne rapidement du port, l'eau commence à être plus claire et plus vivante. Je remonte brièvement ma tête pour respirer avant de replonger. Je passe à travers un banc de petits poissons avant de voir requin un me croiser de ses yeux fixes, s'écartant promptement. Le fond chute sous moi, signe que je me suis bien écarté des côtes. Je remonte. Il n'y a rien autour de moi, à part cette vaste étendue d'eau. Maintenant, il serait plus simple que je vole, pour être plus rapide, et un peu moins épuisant pour mes membres, qui a part mes ailes sont tous un peu fatigués. Je fais donc un dernier effort pour tirer le haut de mon corps hors de l'eau, battant des ailes le plus fort que je peux pour décoller. Une fois tout mon corps hors de l'eau, c'est facile. Je bascule ma tête vers l'avant et je suis reparti. Ah, je suis heureux de pouvoir voler à nouveau. Je me permet des petites pirouettes en l'air, avant que je laisse échapper mon manteau.
-oups!
Je plonge en piqué pour le rattraper, parce que si je le perds... Je vais payer cher pour un neuf. J'arrive à seulement plonger mes pattes arrières dans l'eau avant de remonter. Je suis maintenant très proche de chez moi. J'habite sur un rocher, enfin, dans un rocher. Il ressemble à un écueil inhospitalier, mais pour l'avoir creusé et aménagé depuis mon plus jeune âge, je sais à quel point il est confortable. Je me pose sur la face hérissée de pitons, pour que ce soit plus facile de m'y poser. Je reste un peu comme ça, pour sentir le vent contre mon visage. La mer est encore un peu secouée, chahutée de la tempête, mais elle se calme au fur et à mesure des heures, s'endormant peu à peu. Je marche jusqu'au sommet du rocher, avant d'empoigner une aiguille de roche pour me laisser tomber lentement vers la porte d'entrée de chez moi, devant une petite crique.
Quelque chose ne va pas... ou plutôt... Je sens quelqu'un ici. C'est un peu... L'odeur de l'océan... Mais sur une personne. C'est bizarre... Je saute sur le plateau qui sert de porche, et effectivement, il y a quelqu'un. Je vois une silhouette, aux vêtements malmenés. Le pauvre... Il a du se faire emporter quelque part et son cadavre échouer ici... Non, quelque chose ne colle pas. Ses pieds... Je ne rêve pas quand même... Il a les pieds palmés. Sa peau est légèrement verdâtre au niveau de ses orteils, et blanche sur le reste de son corps. Je m'approche doucement de sa tête. Sur son cou, il y a... Non mais je rêve... Il a des ouïes. Ses cheveux sont blonds, mais un peu verdâtres à cause des algues qui poussent dessus. Il a l'air d'être évanoui, mais ses doigts (eux aussi palmés) et crispés autour de sa gorge, légèrement rouge de sang, indique qu'il a lutté contre quelque chose.Probablement le manque d'eau, je pense. Si c'est VRAIMENT une créature marine, ceci dit. venant d'un homme à moitié oiseau, oui mais... Quand même, je ne savais pas qu'il existait... D'autres espèces comme moi. J'envoie une pichenette sur ses ouïes pour voir s'il est vivant. Ce serait super intéressant s'il était vraiment... Un home-poisson, à défaut d'autre mot. J'obtiens une réaction, il inspire de l'air. Le bruit grinçant qu'il produit me laisse d'abord perplexe, avant que je me tape la tête avec ma main : il a des branchies, c'est fait pour respirer sous l'eau ! Idiot... Je le prend dans mes bras- il fait le poids d'un humain normal. J'allonge son corps dans l'eau, ne sachant pas quoi faire d'autre. Il faudrait peu être un courant dans l'eau pour l'aider... Je plongeais à peine le bout de mes serres, qu'il y eut un mouvement de ses branchies, quelques secondes avant qu'il n'ouvre les yeux.
L'eau calme explose dans un sifflement furieux et je me retrouve plaqué contre le sol. Des mâchoires ornées de dents acérées passent si près de mon visage que j'envoie sans réfléchir ma patte arrière dans son ventre, avant que je remette sur mes pieds, les ailes dressées de fureur. Il trébuche, probablement surpris. Ses yeux bleu céruléens s'éclairèrent d'une petite flamme, avant qu'il émette une sorte de ronronnement. Il semblait indécis. Je me décidais à me calmer pour ne pas l'effrayer.
-je ne vais pas te faire de mal.
J'approche ma main doucement. Je l'arrête à mi chemin entre lui et moi. Je garde mes serres repliées contre ma paume pour ne pas lui faire mal s'il la prend. Il l'observe, lentement. Ses ouïes refont un bruit sifflant. Il n'a déjà plus de quoi respirer.
-va dans l'eau.
Il n'a aucune réaction. Il ne répond pas, peut être qu'il ne comprend pas. Il avance ses mains. La palmure de ses mains s'arrête à l'espace entre son pouce et son index. Il passa ses doigts sur les écailles, avant de se saisir de mon poing. Il ouvre d'un coup la bouche et plante ses dents dans ma main. Avec un cri, je tente de me dégager mais je crois que c'est trop tard. Il me tire en avant vers l'eau.
Je n'ai pas le temps de prendre une inspiration, que je suis déjà sous l'eau avec lui, qu'il commence à mordre dans mon épaule. Je commence à me révolter, envoyer des coups de serres et d'ailes en tout sens. Je commence à manquer d'air, contrairement à lui qui est en pleine possession de ses moyens. Un de mes coups de pieds fait mouche, et je ne sens plus sa prise sur moi. Je remonte haletant, mes ailes lourdes menaçant de me faire replonger. Merde, j'aurais jamais cru qu'il aie un aussi mauvais caractère ! Je sors complètement de l'eau et m'échoue devant ma porte, encore scellée. J'entends un deuxième bruit et une respiration sifflante que j'apprendrait à connaître à la moindre note. L'homme poisson s'est penché sur le rebord, il ne bouge pas. Avec prudence, je m'approche de lui. Sa respiration sifflante se mue en un sifflement me signifiant de ne pas m'approcher. Une petite mare rouge s'étend autour d'une de ses chevilles, qu'il peinait à bouger. Je me retape le front.
Je viens de briser sa cheville, et sans ça... J'ai un doute qu'il puisse repartir.
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