Bon réveillon !
Regardez qui voilà ! Ne seraient-ce pas nos bon vieux amis de Better's Game qui se ramènent ce soir ?
Allons, pas la peine de crier de joie comme ça ! C'est la moindre des choses, pour vous remercier de les avoir accompagnés jusque-là !
Vous voulez savoir comment se passait le réveillon de nos candidats avant le Better's Game ? C'est ici que ça se passe ! Plus précisément, voici les réveillons de Gabrielle, Juliette, Eliam, Adama et Corentin ! Je vous laisse tous les découvrir dans ce big chapitre de Noël ;).
(Les histoires ne se passent pas en même temps, elles sont espacées de quelques années et ne sont pas rangées dans l'ordre. Ce sont juste des brides rassemblées. Elles sont toutes à prendre individuellement, et à consommer avec modération !).
Attention, gare aux overdoses de mignonnerie, d'amour et de douceur... ce chapitre en est remplie ! Vous êtes prévenus !
Bon réveillon à tous.
Et puis bonne lecture !
ღ ღ ღ
Voleuse, mais avec un cœur
— Arvan ? Oh oui, il dort à poing fermé ! Je te jure, il n'a même pas voulu passer le réveillon avec nous, ce bougon !
Je lève le nez de quelques centimètres sous ma capuche, les yeux fusillant les alentours. Je tiens en joug le gros bonhomme qui crache ragots et vulgarités depuis le début de la soirée tout en se balançant sur sa chaise, c'est lui qui vient de parler. Sa chaise, c'est la troisième fois que je l'entends craquer.
Je soupire, puis inspire les effluves que ma tasse de rhum éventée fait parvenir à mon nez. La boisson est mauvaise mais chaude, c'est profitable dans la tempête de ce soir.
Bientôt, bientôt, songé-je en contemplant mon reflet à la surface jaunâtre du liquide. Il vient de le confirmer, ma cible est bien dans cette auberge. Je vais devoir me lever... pour faire mon travail. Les voleurs ne prennent pas de pause, même à Noël. Surtout à Noël, d'ailleurs !
Les gens sont moins soucieux, plus négligents par jour de fête. Ils font moins attention à leurs affaires. Pour les voleurs, c'est le moment de s'en mettre plein les poches !
Mais ce soir, j'avoue que je ne suis pas décidée. Le grésillement de la télé allumée dans un coin de l'auberge, les quelques rires qui proviennent du bar —ceux des derniers soulards qui n'ont pas de famille avec qui passer le réveillon—, l'alcool qui n'est pas assez fort pour me monter à la tête, et la neige qui commence à pleuvoir dehors. Tout ça m'endort.
Je serre les poings pour me remettre les idées en place. Mes cheveux blonds commençaient à tremper dans ma tasse. Je m'ébroue, abaisse ma capuche le temps de les nouer dans un vague chignon et me lève sans payer l'addition.
Si je finis vite, j'aurais peut-être le temps de passer les dernières heures de la nuit avec Noah. Et demain midi, nous aurons un repas tout chaud avec l'argent que je rapporterai. Que bonnes raisons pour me montrer efficace !
Ma cible dort à l'étage. Je monte, passe les portes en revue en collant l'oreille à chaque battants. Aucune n'est occupée ce soir, ça facilite mes affaires. Je repère rapidement la chambre de ma victime, et entre sans faire le moindre bruit.
Le jeune homme est allongé dans son lit, retourné contre le mur. Il est recroquevillé sur lui-même, serrant sa couverture contre lui comme un doudou. Une brise souffle dans la pièce, la fenêtre n'est pas bien fermée. Enfin ça, c'est surtout que la bâtisse n'est pas bien isolée.
Je fais le tour de la pièce du regard. Je cherche où il a pu mettre son butin. C'est une mission facile pour ce soir, ce gars est un jeune voleur qui fuit de villes en villes pour échapper à ceux qu'il a volé. Il ne doit pas être habitué à protéger son argent, et puis au moins, je n'ai pas à me sentir coupable. Voler à un voleur, ce n'est pas la pire faute d'un point de vue morale.
Il n'a pas rangé ses affaires, elles traînent un peu de partout dans sa chambre. Un sourire se forme sur mes lèvres. Ce garçon est vraiment stupide...
Je m'avance, marchant à pas de loups et fouillant la pièce avec efficacité et silence, comme j'ai toujours su faire.
... ce n'est donc pas de ma faute si il se réveille.
C'est la faute à la fenêtre qu'il n'avait pas pris la peine de verrouiller, et à la bourrasque de neige qui s'introduit à toute allure dans la pièce dans un coup de vent particulièrement violent !
Prise de court, je me rue à la fenêtre pour la fermer. Le vent fait tomber ma capuche, le froid attaque mes joues. Et quand je me retourne, ma cible s'est déjà relevée dans son lit.
Assis, les yeux à demi-ouverts, le jeune homme m'effleure du regard. Je tends naturellement la main vers mon poignard, prête à me battre. Mais le garçon n'esquisse pas le moindre geste, alors je n'en fais pas non plus.
Il est jeune, il doit avoir à peu près mon âge. Et il n'est pas menaçant. Je reste donc, comme je n'ai rien à craindre de lui. J'ai encore des choses à prendre ici !
— Tu es là pour me voler ? s'enquit-il enfin, d'une petite voix toute enrouée.
Non, je suis venue pour lui apporter des cadeaux ! Mon dieu, il croit encore au père Noël, lui ?
Je décide de ne rien répondre. Je n'en ai pas envie. Un air de musique siffle dans le vent, dehors. C'est une chanson de Noël, une de celles qu'on chante souvent chez les Nuits en famille. L'histoire d'un ouvrier bien rangé, qui meurt en travaillant pour sa famille, un soir de Noël. L'histoire est belle, la musique est douce. Même si je ne l'avouerai jamais à voix haute, j'aime bien l'écouter. Elle me rappelle des souvenirs inoubliables...
Alors je me tais. Je regarder l'autre se pencher pour atteindre sa lampe à gaz au pied de son lit. Il l'allume, la porte devant son visage. J'ai enfin le loisir de contempler les traits de celui qui me fait face.
Chantent les écrous, tournent les engrenages. Pour ma femme d'amour, pour mon fils au jeune âge...
Le jeune homme a les cheveux noir du charbon, les yeux bruns du bois. Le bout de son nez est rouge, et ses joues sont maculées de larmes.
Cette vision me prend de court. J'abandonne ma prise sur mon poignard, le laissant reposer tranquillement contre ma ceinture, et m'avance de quelques pas vers l'étranger. Je ne crains vraiment rien d'un garçon en larmes.
— Toi aussi, tu es seule ? geint-il.
Je ravale ma salive, soudain gênée. Au loin, prise dans le vent, la musique continue de chanter :
... Un bout de tissu, un peu de bois. Pour mon petit garçon, je ferai le plus beau des soldats...
— Dis ? Tu veux pas passer Noël avec moi ?
... quand, seulement, je rentrerai ce soir. Si, seulement, il n'était pas si tard. Peut-être que j'aurais pu, si je n'avais pas fermé les yeux. Vous confier vos cadeaux, et voir le soleil se lever... une nouvelle fois sur Noël...
Le jeune homme tend la main vers moi, trois pièces d'or y brillent.
Je m'approche de lui, le dévisage un moment. Il cherche à m'acheter. C'est méprisable, mais sur le moment, je n'éprouve que de la pitié.
Personne ne devrait passer Noël tout seul.
— Viens, fais-je en lui prenant sa lampe des mains.
Il réprime un sursaut, surpris, me regardant de ses yeux sans teint. J'éclaire ses pupille, impatiente, et y voit une petite lumière s'y rallumer. Enfin, il décide de se lever pour me suivre.
Je lui fait quitter sa chambre et l'accompagne en bas, dans la taverne que les soulards n'ont toujours pas désertée.
— Ils sont-là, eux, grogné-je en faisant un signe de tête dans leur direction.
Le jeune homme les regarde de loin, interdit. L'un d'entre eux l'a appelé par son prénom tout à l'heure, ils doivent le connaître. Je peut le leur laisser...
Merde, je suis pas une nounou, moi !
J'abandonne les pièces qu'il m'a données sur une table. Ce doit être la première fois que le gérant du bar a sa paye de ma part. Puis je quitte l'auberge, et m'empresse de regagner la maison dans la tempête.
Il m'aura rendu mélancolique, cet imbécile. Je veux revoir Noah maintenant...
À la lueur de la torche, je regarde briller dans ma main la montre que j'ai récupérée d'entre mon butin. "Derish" y est inscrit, ça a l'air d'être un héritage familial volé. Autrement dit : ça peut me rapporter pas mal d'argent !
Au moins, demain, on aura un vrai repas de Noël !
ღ ღ ღ
Esprit libre
La fenêtre est grande ouverte, les rideaux couleur prune volent avec du vent et battent dans l'atelier. Inspirée, j'ajoute deux nouvelles touches de peinture violettes à ma toile.
Les embruns de la mer parviennent à mes narines, accompagnés de senteurs de froid et de fumée. Ça me fait penser à du blanc et à du gris, j'en rajoute aussi. De notre balcon, on voit la mer par delà les toits de la ville. J'ai peint ce paysage avec assez de couleurs pour en deviner les détails par-delà ma fenêtre, même en pleine nuit.
Je devrais d'ailleurs penser à dessiner ma ville de nuit ! Ca ne rencontrera sans-doute pas un grand succès, la nuit semble tabou dans ce pays. Mais qu'est-ce que je peux me foutre du succès du moment que je fais ce qu'il me plait !
Je décide de rajouter une touche de noir à mon œuvre. J'avais juste envie de noir, ça manquait. C'est comme ça, ça ne se décide pas. J'étais partie pour faire un champs de blé en plein été, et c'est devenu un champs de blé sous la neige. C'est comme ça que ma mère m'a appris à peindre : sans jamais me retenir de rien. Et ce serait lui faire honte de ne pas appliquer ses conseils pour peindre son cadeau de Noël !
— Juliette, tu as bientôt fini ?
Ma mère penche la tête à côté de son chevalet, des mèches de ses cheveux roux tombent de sa pince accrochée à la vas-vite comme une petite cascade de soleil couchant. Je tends dans sa direction ma palette brouillée de mélanges de couleurs en toute sorte et lui souris en coin, sans lâcher du regard ce petit coin que j'ai subitement envie de recouvrir d'un joli jaune clair.
— Tu me poses encore la question ? me moqué-je.
Je le vois sourire du coin de l'œil.
— On ne sait jamais, peut-être qu'un jour tu finiras avant moi ?
Je hausse les épaules, laissant le bout de mon pinceau parcourir ma palette avec impatience.
— Peut-être, peut-être... j'admets, non sans un léger sourire sur le bout des lèvres.
Ce n'est bien entendu pas prêt d'arriver.
Ma mère n'insiste pas. Elle se lève, abandonnant ses outils sur sa chaise et sa toile sur son chevalet pour descendre préparer la table.
Chez nous, nous sommes peintres de mère en fille —au grand détriment de mon père qui voulait faire de moi une musicienne. Mais, n'étant pas là la plupart du temps à cause de ses concerts, c'est ma mère qui s'est occupée de mon éducation. J'ai donc tout appris d'elle, même si je n'aurai jamais son niveau en peinture. La tradition de la famille, c'est d'offrir une de nos créations à l'autre le soir de Noël. Et nous, nous avons décidé de les faire ensemble, les soirs de réveillons. Toutes les deux dans l'atelier. Ma mère répète chaque année qu'elle aime mes peintures, c'est presque un plus beau cadeau que celle qu'elle m'offre.
Chaque année, elle finit par préparer la table et le repas seule. Quand je redescends dans notre petit appart, tout est toujours prêt et chaud. Sans mentir, peut-être qu'au fil des années, je prends un peu plus mon temps pour peindre et finir plus tard...
Je rajoute encore un peu de blanc à ma peinture, puis un peu de bleu. Je laisse ensuite mes affaires reposer sur le plancher pour approcher la fenêtre grande ouverte sur la nuit.
Le vent froid parcourt mes bras laissés nus. La brise se prend dans mon débardeur pour le faire danser avec elle, des ondulations de bleu naissent sous ma poitrine. Je regarde dehors, contemple les multiples teintes qui émergent de la ville illuminée. Le soir de Noël, à Avlhezia, ils n'éteignent pas les lumières de la nuit.
Je pense un instant au colis que j'ai envoyé en début de semaine. Où est-il ce soir, l'aura-t-elle bien à l'heure ?
Je sais que moi, en tout cas, j'aurai le sien bien à l'heure. Je l'ai vu traîner au pied du sapin tout à l'heure, dans son joli paquet vert tout soigné. Louise n'est pas comme moi, elle est prévoyante. J'ai l'impression que dans ses yeux défilent tout le temms l'emploi du temps bien rodé de sa journée. Et même si je suis censée fuir l'organisation comme la peste, je ne peux m'empêcher d'admirer ce spectacle à chaque fois que je peux la regarder réfléchir.
Que m'aura-t-elle offert cette année ? J'ai hâte de le savoir ! Sans doute de ses herbes médicinales aux senteurs de feuilles et d'air frais. Depuis qu'elle apprend la médecine, elle ne pense plus qu'à ça !
Je regarde la lune laiteuse de loin, m'imaginant que la même brille au dessus de son jardin. Puis je me détourne de la fenêtre pour aller rajouter de rouge sur ma peinture.
Pourquoi du rouge sur un champs de blé ? Disons que j'en avais envie. S'il il fallait vraiment chercher une logique à tout ce que je fais, on n'aurait pas finit de se prendre la tête !
Le peinture c'est la peinture, Noël c'est Noël. Et moi, j'ai finit mon œuvre !
Elle n'est pas laid, je dois bien le reconnaitre. Mais elle ne prendra de sa véritable couleur que quand elle se reflètera dans les yeux de ma mère, tout comme celle que j'ai envoyée ne sera complète que quand je la verrai dans ceux de Louise.
C'est ça, ma magie de Noël. Et tous les ans, j'ai toujours autant hâte de voir mes œuvres terminée !
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Des étoiles sur Terre
— Ath' Ath', regarde !!
J'attrape la manche de mon frère et le tire vers moi, le doigts pointé vers le grand sapin illuminé qui trône en plein milieu de la grande place de Baraven.
Mes yeux sont obnubilés par les guirlandes lumineuses qui serpentent sur toute la hauteur de l'arbre. Les ampoules s'enroulent dans ses épines, flattent son tronc quand d'autres brillent au bout de ses branches. Ma bouche bée sans que j'y fasse attention. Comme toutes les années, le ciel étoilé est descendu dans Baraven pour fêter Noël avec nous !
C'est trop trop beau !!
— El', maugrée mon frère en me ramenant à lui.
Je frêne net, revenant soudain sur Terre pour remarquer le garde que j'ai manqué de bousculer.
— Votre Altesse, s'excuse-t-il dans un souffle en s'empressant de reculer.
Je lève les yeux vers lui, l'observe, puis me retourne vers mon grand frère.
— Ath' ! Alors, t'as vu ?
— J'ai vu, j'ai vu, m'accorde-t-il, en abordant un léger sourire au coin des lèvres.
Ses yeux à lui aussi sont levés vers le sapin. Satisfait, je lâche sa manche et peux reprendre ma marche !
Je lève la tête vers les chalets-boutiques établis des deux côtés de la rue principale. Je dévore tous les présentoirs du regard, contemple les marchands et zigzag par pensée dans la foule rassemblée tout autour de nous. Ils sont tous emmitouflés dans leurs manteaux. Certains abordent des bonnets, carrément de Noël parfois ! Je m'en fais une quête. J'ai vu passer deux échassiers tout à l'heure, une marionnettiste et un vieux monsieur avec une grand boite à musique. J'aimerai bien les retrouver !
— Ath' ! Dena ! m'exclamé-je soudain. Je peux aller voir là-bas ?
Je viens de repérer un superbe stand au milieu des autres. Les sculptures de bois qu'il propose sont toutes belles et toutes colorées, il m'en faut absolument !
— Encore... grogne mon frère.
— Vas-y ! acquiesce Hydena.
Je hoche vivement la tête pour la remercier et pars en courant vers le chalet.
J'ai eu raison d'y aller. De près, les sculptures sont encore plus belles ! J'achète deux lapins jaunes et verts, un cheval à bascule, une oie rose, deux ballerines en pleine danse, et déniche même un paon aux plumes bleues serties de saphirs que je destine d'office à ma sœur. Je suis l'un des seuls à savoir que le bleu est sa couleur préférée, alors j'en profite !
Ça lui fera plaisir, m'enthousiasmé-je en les rejoignant. Et sitôt les je les retrouve, sitôt mon regard est encore attiré ailleurs.
— Regardez ! Regardez ! Je veux une pomme d'amour !
— Vraiment ? s'exclame mon frère. Tu as encore faim après tout ce qu'on a mangé !
Je lève le menton vers lui, mon ventre grommelle. C'est vrai que le repas du réveillon me pèse encore un peu...
— Tu es un vrai goinfre, se moque notre sœur.
Je lui fait un grand sourire pour confirmer. Amusés, les deux finissent par m'emmener au stand.
Je demande un sachet pour la pomme au vendeur.
— C'est pour plus tard, affirmé-je à mon frère en rangeant soigneusement le produit dans mon sac bien rempli.
Athelios sourit.
— C'est pas une mauvaise idée, concède-t-il en haussant les épaules.
Je lui souris de toutes mes dents, puis repars à ma chasse au trésor.
— Regardez regardez ! m'exclamé-je, aussitôt notre rythme repris.
— El'...
— Des boules en cristal !
Mon frère s'arrête net de répliquer pour m'accompagner jusqu'au stand tandis qu'Hydena s'envole ailleurs. Ahah ! J'ai touché la corde sensible ! Je sautille à côté de mon frère, ravi, et achète au stand trois boules de jolies couleurs.
Nous faisons encore halte à un stand de peluches. J'en achète quatre, dont un lapin blanc avec un gros nœud papillon que je destine à notre mère. Elle et papa sont restés au château, comme chaque soirs de réveillons. Et nous, nous parcourrons encore le marché de Noël de Baraven jusqu'aux dernières heures de la nuit, rien qu'entre frères et sœur.
Mon sac devient bientôt difficile à fermer... j'ai amassé trop de jouets. C'est dommage, le marché regorge encore de plein de trésors que j'aurais bien aimé acheter !
23h finit par sonner à la grande horloge. Athelios lève les yeux vers le cadrant astronomique qui domine tout le centre-ville de Baraven, puis il frappe des mains.
— Il se fait tard. Rentrons !
Je me retourne vers lui, la mine triste, puis échange un regard complice avec Hydena qui s'arrête à quelques pas de notre frère.
— Ath' ! J'ai trouvé un superbe marchant de sacs par là-bas ! s'exclame-t-elle alors en claquant bruyamment des talons sur les pavés.
Elle s'empare du bras de notre frère et tire de toutes ses forces dessus pour l'entraîner avec elle.
— Mais... Dena... bredouille-t-il.
Je n'attends pas plus longtemps. Je me retourne et pars en courant, me faufilant entre les gardes pour gagner des ruelles annexe et me cacher dans la pénombre.
— El' ? j'entends demander au loin.
Je ne me retourne pas, n'attendant pas que les gardes se mettent à me poursuivre pour m'enfuir. Il est trop tôt, et ma deuxième famille m'attend !
Heureusement que je compte ma sœur pour alliée ! Quand je lui ai raconté pour mes amis, plus jeune, elle m'a fait juré de n'en à personne. Sinon, on m'en séparerait. C'est elle qui m'a placé sous la protection de Gagnok, son plus fidèle serviteur, et qui s'évertue depuis ce jour à protéger mon secret. Maintenant que je suis un peu plus vieux, j'ai tout compris. Et je lui suis très reconnaissant pour ce qu'elle m'a appris.
Selon elle, les membres de notre famille doivent toujours avoir ce qui leur plaît. Et sans aucune concessions ! Alors, c'était naturel de m'aider.
Mon sac est lourd, il handicape ma course. Dommage que Gagnok ne vienne pas m'aider ! Mais je suis grand, je peux me débrouiller seul maintenant ! Et vu que je connais la ville comme ma poche, je prends des raccourcis qui échapperont aux gardes, m'assurant malgré ma lenteur que je ne serai pas rattrapé.
Je rejoins les petites rue, retrouvant au détoure d'une auberge Moineau. Bras croisés, elle attend de pied ferme, comme toujours.
— Tu en as mis du temps ! râle-t-elle en me voyant arriver.
La jeune fille, de cinq ans mon aînée, aborde comme à son habitude son bandeau cousu d'un loups gris dans les cheveux. Son sourire est contagieux. Dès qu'elle l'esquisse en me voyant arriver, je ne peux pas m'empêcher d'y répondre.
— Les gars ! Notre p'tit Chat est là !
Je m'arrête devant elle, essoufflé. Les autres sortent de l'ombre pour m'approcher. Ils me souhaitent la bienvenue, attendent patiemment que je reprenne mon souffle pour m'accueillir en me frappant dans le dos et en ébouriffant mes cheveux bouclés dans des ricanements bienveillants.
Je finis par me dégager et ouvre mon sac en grand. J'en tire les restes de notre réveillon que j'ai réussi à chaparder dans les cuisines tout à l'heure, ainsi que tous les cadeaux que je viens d'acheter. Les autres s'approchent pour se partager la nourriture, puis ils prennent les jouets sous leurs bras et filent dans les ruelles alentours les distribuer à tous les enfants qu'ils croiseront là-bas.
— Merci pour tout, Chat ! m'adresse le dernier en partant, un fort gaillard qui se nomme Ours et qui arrive toujours à porter le reste des jouets que les autres laissent derrière eux. Passe un joyeux Noël !
Je lui renvoie son souhait, un grand sourire aux lèvre. Puis je salue Moineau avant de m'en aller.
— Bonne nuit, votre Altesse, souhaite-t-elle dans un murmure en souriant, attrapant ma main et y déposant un petit loup gris en bois qu'elle doit avoir taillé elle-même dans la journée.
Je l'accepte dans un merci confus, auquel elle ne s'embarrasse pas de répondre avant de filer. Je le regarde disparaître, songeant avec un fantôme de sourire qu'étant la seule au courant pour mon titre, c'est peut-être celle qui me témoigne le moins de respect de toute la bande ! Puis je repars d'où je suis venu, retrouver les lumières et le marché de Noël.
Je rencontre une petite fille sur ma route, allongée contre un mur. Je m'agenouille près d'elle, rencontre ses yeux éteints. Je lui tends la pomme d'amour soigneusement emballée que je gardais dans ma poche au cas-où, et lui fait un grand sourire.
— Joyeux Noël, lui souhaité-je.
Ses yeux s'illuminent un brève instant quand son regard rencontre la sucrerie. Je peux la laisser avec ça, les autres s'occuperont d'elle. Je lui fais un dernier clin d'œil avant de m'éclipser, aussi rapidement que je suis apparu, retrouver ma première famille qui doit encore être en train de s'inquiéter à mort.
— Je voulais ce nounours ! plaidé-je en tendant devant moi le gros ours en peluche que je viens d'acheter.
— El'... soupire mon grand frère, plus soulagé qu'en colère finalement. On est passé à ce stand tout à l'heure...
— Les désirs d'un prince sont exigeants, moralise ma sœur en se blottissant contre le bras de notre frère pour l'entraîner.
— Tout-de-même... maugrée-t-il en gagnant la voiture.
Je les suis distraitement, l'esprit ailleurs, caressant le bout du nez rouge de l'ourson et déclarant dans le vent, tout fière de moi :
— Je vais l'appeler Noël !
ღ ღ ღ
Fierté et entraide
— Quoi ? Non mais c'est pas vrai !
Je relâche net mes robes à froufrous, qui s'écrasent avec fracas à mes pieds. Je les enjambe de mauvaise grâce sans leur accorder un regard pour filer vers ma porte entrouverte et apostropher le domestique :
— Comment ça, malade ? Mais dites moi que je rêve ! Vous êtes sûr de vous ?
— Certain, mademoiselle, confirme l'homme d'une voie tremblante de l'autre côté de la porte. Veuillez l'excuser, madame Rose n'a pas pu quitter le lit de la journée. Elle...
— Elle pourrait faire un effort tout de même ! grondé-je en shootant dans un escarpin qui traînait au sol. C'est Noël, quoi !
Puis je rabaisse la tête, serre les poings et souffle un bon coup.
Voyons, Adama. Ce genre de réactions puérile n'est pas digne de ton rang !
— Bien, merci de m'avoir prévenue, accordé-je finalement au domestique en allant refermer ma porte.
L'homme s'excuse encore, je ne prends pas la peine de l'écouter en entier pour clancher la porte. Je n'ai que faire de ses excuses ! Restée seule, je tourne la clé dans la serrure et prends le temps de me calmer.
Adossée contre le mur, je regarde avec langueur la désordre qui règne dans ma chambre. Il y a mes robes qui traînent au sol, au milieux de chaussures éparses dont il va m'être bien impossible de retrouver les paires. Mes bijoux sont étalés sur ma commode, des jupons et des collants pendent par dessus mon miroir mais surtout, le plus grave de tout : c'est la pile de cadeaux pas le moins du monde emballés qui traîne dans le coin, là-bas.
Je me prends la tête dans les mains. Je suis décidément d'un bordélisme monstre ! Mais ça, au pire, Rose pourra s'en occuper demain. Je vais bien me débrouiller pour trouver une tenue convenable parmi ce fouillis quand même ! Par contre, je n'arriverai jamais à emballer dans le même temps tous ces cadeaux pour ce soir. C'est au dessus de mes forces, et puis je ne sais pas faire de paquets cadeaux !
Pourquoi Rose doit-elle m'abandonner le soir de Noël ? Cette bonne, quelle plaie ! Jamais là quand j'ai besoin d'elle !
Je soupire un bon coup à nouveau, baisse les yeux et regarde mes jambes nues avec dédain. Chaque chose en son temps : d'abord, je dois m'habiller !
Je m'élance vers la penderie, manquant de me prendre les pieds dans des robes que j'ai laissées au sol. Je fouille, farfouille, mais aucune de mes tenues ne sort du lot. Je les passe les unes après les autres, pour leur trouver à toutes des défauts ! Sans Rose pour faire de retouches, je n'arrive pas à me contenter de quoique ce soit.
Les robes délaissées s'entassent à mes pieds. Il faut que je me reprenne ! Ce n'est pas parce que Rose n'est pas là que je ne peux pas me trouver une jolie tenue, voyons ! Après tout, mon goût pour ce genre de choses est sans égale !
Sauf que je n'y arrive pas... jusqu'à ce que je tombe sur une de ces vielles robes tout au fond de la penderie, de celles prêtes à passer à la benne. Mon regard est attiré par son brillant. Je la tire de derrière les autres pour la regarder plus sérieusement.
Elle n'est décidément pas de la dernière mode. Mais à une époque, je faisais des pieds et des mains pour la porter à chaque réveillons. Ces paillettes dorées me replongent des années en arrière, du temps où même maman était encore là pour me dire à quel point ça m'allait bien. Cette robe, c'était tout ce qu'il me fallait pour le soir de Noël : la jolie tenue assurée !
J'inspire un grand coup, passant les coutures en revue. Elles me semblent intactes, et la couleur est à peine passée. La robe était un peu longue à l'époque, elle sera juste un peu courte aujourd'hui. Sans compter qu'heureusement, je n'ai pas beaucoup grossi. Avec un peu de chance, elle devrait encore m'aller !
Je m'habille tant bien que mal, sans aide depuis longtemps. Collants, col roulé, robe par dessus tout ça... quelle plaie ! Enfin, je ne suis pas la première personne sur Terre à devoir m'habiller toute seule, je suppose.
Je me trouve des escarpins noirs pour accompagner, et enfile mes bijoux sans difficulté. J'ai décidé de faire dans le sentimentalisme pour ce soir, alors je revêts une parure spéciale, une de celles que m'a offertes mon père malgré son mauvais goût pour les bijoux.
Par contre, pour la suite...
Je regarde mon reflet dans le miroir, tournant sur moi-même tout en cherchant une solution à mes problèmes. J'ai réussi à m'en sortir, pour l'instant. Mais une telle tenue sans maquillage, même infime, ce n'est décidément pas digne de moi !
Au fond du trou, j'en reviens à la même solution. Si je ne veux pas quelque chose de raté, la seule chose que je serais capable de faire avec mes deux mains gauches, je dois...
... demander de l'aide.
— Adama ? s'inquiète mon invitée dès que je lui ouvre la porte de ma chambre. Tu as besoin d'aide ?
— C'est ça, 'Lina, suis-je forcée d'admettre.
Je garde le menton droit, mais ce n'est que me retenir de baisser la tête devant elle. La terrible Catalina, parfaite en tout points... ma grande sœur.
Je ne voulais décidément pas avoir à faire à elle !
Mais elle est la seule à pouvoir me sauver la mise, là.
— Je suis au courant pour Rose, me confie-t-elle avec un sourire contrit. Tu aurais dû m'appeler plus tôt, tu sais ?
J'hoche dignement la tête.
— Je ne voulais pas te déranger dans tes préparatifs, affirmé-je.
— Donc tu nous a fait perdre un temps précieux pour nous forcer à nous presser maintenant ? assène-t-elle en m'inspectant du regard. Au moins es-tu déjà habillée... même si je dois dire que...
Je serre les dents, baisse la tête, dans l'attente de sa critique. En même temps, vu sa tenue flamboyante de rouge et de doré, soignée jusqu'au bout des ongles, je ne fais vraiment pas le poids.
— Tu as fait un choix original, finit-elle.
Je souris jaune.
— Je dois me changer ? m'enquis-je.
— Pas du tout, nie-t-elle en bloc. Original, ça ne veut pas dire laid ! Allez, viens ici, que je te coiffe.
Je réprime un soupire de soulagement pour la rejoindre devant ma coiffeuse.
Elle démêle mes cheveux, puis les attache en un joli chignon. Elle demande ensuite à sa suivante, Marira —à ses côtés en toutes occasions—, de s'occuper de mon maquillage pour s'avancer de mon tas de cadeaux.
— Attends ! m'exclamé-je alors. Il y a aussi le tien là-dedans...
— 'Dama, voyons, répond-t-elle en me lançant un regard amusé. Je sais très bien ce que tu vas m'offrir.
Je me mords la lèvre, me renfonçant dans mon fauteuil. En effet, je lui ai acheté exactement ce qu'elle m'a dit vouloir quand je l'ai interrogée. Mais tout de même...
Ma préparation finie, nous nous occupons des emballages. C'est laborieux. Malgré toutes ses innombrables qualités, ma sœur n'est pas vraiment plus douée que moi pour faire des paquets cadeaux. Nous gênons Marira plus qu'autre chose, à nous acharner comme ça...
Mais pourtant, nous ne nous arrêtons pas.
— Merci pour ton aide, confié-je enfin à ma sœur, quand nous avons fini.
Elle me fait un signe de tête, tout sourire.
— C'était un plaisir, 'Dama !
Je la crois. Moi aussi, j'ai bien aimé cette soirée finalement.
Je regarde ma porte se fermer, puis je jette un coup d'œil à mon tas de cadeau... pas vraiment parfait comme toutes les autres années.
Mais il y a les cadeaux pour mon père, pour ma sœur et pour mon oncle, et ils sont tous emballés. Je me contenterai de ça cette année.
Je vais m'allonger sur mon lit, prenant une pause avant d'avoir à affronter le dîner. Puis je songe à l'état de ma chambre, et me dis qu'avec les bouts de papier cadeaux qui se sont rajoutés au bordel, il va vraiment falloir ranger...
J'aiderai Rose demain. Tout comme je compte bien lui demander de m'apprendre à me débrouiller toute seule, pour les prochaines fois. J'ai une furieuse envie d'être plus indépendante, maintenant !
L'année prochaine, je saurai emballer mes cadeaux seule ! Mais je crois... que je rappellerai quand même 'Lina.
ღ ღ ღ
La famille plus que tout !
— Corentiiiiiin !
— Mariiie !
J'éclate de rire quand je vois débarquer la petite furie, des guirlandes voletant autour cou et des paillettes plein ses jolis cheveux en pétard. Je lance ma veste sur le porte-manteau de mamie et m'empresse de tendre les bras pour rattraper ma petite sœur qui se jette sur moi.
— Je suis contente ! Te voilà enfin !
Pourtant, je n'ai pas été si long ! manqué-je de lui faire remarquer. J'ai fait exprès de rentrer avant 20h ce soir, spécialement pour Noël ! Ma paye peut bien attendre pour cette fois.
Je ricane, la reposant au sol sans manquer d'ébouriffer ses cheveux au passage. Marie râle, se dégage en criant et court se réfugier dans les jambes d'Arvan derrière moi.
Mon ami recule de quelques pas quand je me retourne vers lui, chancelant, mi gêné, mi attendri par le comportement de ma petite sœur.
— Arvan ! Arvan ! glapit-elle en tirant sur son pantalon.
Le jeune homme riote, mal à l'aise, tout en portant maladroitement les mains vers la tête de ma sœur.
— Eh ! s'offusque-t-elle quand il la touche.
Elle le relâche brusquement, le faisant sursauter, et part en courant dans la maison tout en rigolant à gorge déployée et en beuglant :
— Doris ! Lola ! Rangez les domino ! On recommence la partiiie !
Je souffle un coup. Décidément, on est à peine rentré qu'elle m'a déjà épuisé !
J'esquisse un sourire gêné pour Arvan, qui hausse les épaules en souriant.
— On va leur mettre la raclée ? propose-t-il en serrant gentiment son poing.
Je souris à mon tour, enthousiasme à l'idée de jouer avec eux.
Comme à chaque réveillon, mamie nous accueille chez elle pour la soirée. Nous avons aussi convié Arvan cette année, ses parents ont décidé de travailler de nuit pour gagner plus ce soir. Ça ne pose de problème à personne. À vrai dire, ça me comble même de joie ! Je suis content de passer le réveillon en famille, et ma famille ne serait pas vraiment complète sans lui !
— Pose-le en vrac, lui indiqué-je en le voyant hésiter à ranger son manteau au porte manteau. Depuis le temps, tu devrais savoir que tu es comme chez toi, ici !
Mon ami finit par laisser son manteau et se retourne vers moi pour guetter mon approbation, gêné. J'hoche la tête, envoie valser mes chaussures d'un coup de pied, lui fait signe de m'imiter et file dans le salon pour retrouver les autres.
Mes deux sœurs et mon petit frère sont à genoux au sol, installées sur de gros coussins d'un vert délavé autour d'un jeu de domino. Au milieu de la pièce trône le grand sapin, soigneusement décoré de babioles amassées avec le temps, auquel s'empilent déjà à son pied quelques cadeaux qu'on ouvira demain matin. La maison n'est déjà pas grande en temps normal, mais avec l'immense arbre dont mamie a fait l'acquisition, elle paraît encore plus petite. C'est comme ça, Noël passe avant tout, chez elle !
Un agréable fumé provient de la cuisine. Mon ventre gargouille. Le soir du réveillon, c'est celui où l'on mange le mieux de toute l'année ! Mamie sait vraiment faire de bons plats, surtout quand elle est accompagnée de Paolo, notre chef cuisinier en chef qui nous a fait le plaisir de prendre un congé pour ce soir !
Francis, mon plus grand frère, et papa ne rentreront que tard ce soir, et maman s'occupe de dresser la table en chatonnant gaiment des chansons de Noël. Sa voix est très belle, et la comptine qu'elle fredonne me donne envie de chanter avec elle !
... Pour ma femme d'amour, pour mon fils au jeune âge...
Je chantonne l'air à voix basse, ne voulant pas rompre son chant à elle. Je suis ridicule, le feu dans l'âtre fait plus de bruit que moi ! Mais quelle importance ?
— Les gars ! rouspète Marie. Venez, on vous attend !
Je ricane, et ramène mes fesses sur les gros cousins entre Marie et Doris. Fidèle à lui-même, bougon en toutes occasions, mon petit frère ne m'adresse pas la parole. Ce qui ne l'empêche pas de me jeter un regard en coin qui me donne une furieuse envie d'ébouriffer ses jolis cheveux à lui aussi, même si il n'en a plus beaucoup sur la tête depuis que maman l'a rasé la semaine dernière.
— Vous avez passé une bonne journée ? s'enquit Lola, tandis qu'Arvan prend maladroitement place à côté d'elle.
— Excellente ! répondé-je.
Je jette un coup d'œil lourd de sous-entendus à mon ami, l'incitant à garder sous silence l'incident de ce midi.
On l'a bousculé au self tout à l'heure et il a fait tombé son repas. Du coup, on s'est partagé le mien. Mais moi, j'ai trouvé ça très amusant, alors il n'y a vraiment pas de raison pour se plaindre !
Arvan acquiesce, avec un petit sourire en coin à mon adresse. Je sais que lui aussi ça l'a amusé ! Ce sera notre secret, un de nos très nombreux secrets !
La soirée se passe. Mon ami gagne la plupart des parties que nous lançons. Ma mère a beau nous rejoindre rapidement, elle non plus n'arrive pas à le tenir en échec. C'est que c'est une vraie tête, ce gars là !
Dommage qu'il soit né Nuit. Né Crépuscule ou avec ne serait-ce qu'un peu plus d'argent, il aurait très bien réussi ! Mais aujourd'hui, il doit gâcher tout son talent à l'usine...
Sauf que s'il était né ailleurs, nous ne nous serions pas rencontrés. Et bien que ce soit égoïste, cette idée me chagrine.
Je ne veux pas imaginer ma vie sans lui ! Il est mon frère !
Nous passons à table quand mon père et mon dernier frère rentrent enfin. Ils travaillent à la mine, et ils sont tous couverts de saletés. Enfin, heureusement, les paillettes que Marie s'empresse de faire pleuvoir sur eux les métamorphoses en de magnifiques princes rien que pour nos beaux yeux !
Nous mangeons joyeusement, les plats sont vraiment excellents ! On se sera saignés aux quatre veines pour ça, mais ça en valait la peine !
Les rires fusent, les discussions s'animent, les bougies flambent et les guirlandes scintillent. Le dîner s'éternise.
Puis vient l'heure d'aller se coucher.
Les lits manquent rapidement dans la maison de mamie, tout comme les pièces pour s'entasser. Mais moi, je trouve que c'est l'excuse parfaite pour dormir les uns sur les autres et veiller toute la nuit !
Cette fois, je finis dans le salon, avec Arvan et Francis. Mon frère sent encore la poussière, et il est tout épuisé. Demain après-midi, il devra repartir travailler. Les mineurs sont mieux payés le jour de Noël.
Nous le laissons donc à son sommeil. Devant les dernières braises du feu mourant, nous regardons silencieusement par la fenêtre le ciel étoilé, Arvan et moi.
Je sais que nous ne voyons pas grand chose d'ici : la pollution cache un bon nombre d'étoiles. Mais d'après papa, il y a de toute façon trop d'étoiles dans le ciel pour qu'on puisse toutes les voir, même quand le ciel est dégagé. Il paraît qu'elles appartiennent à d'autres galaxies, que ce sont toutes des boules de feu qui brillent encore plus fort que notre soleil de là où elles sont, et qu'elles sont si loin de nous que même en avion, il est impossible de ls atteindre.
Tout ça m'est bien distant. Je ne saisis pas grand chose de l'infinité et de la science. Je n'arrive pas à concevoir toutes ces choses loin de moi, alors que notre simple petit monde me paraît déjà immense.
Je préfère rester avec ma famille, avec ceux qui me sont proches. De toute façon, il n'y a qu'eux qui ne compteront jamais dans ma vie. Le seul infini que je connais, c'est bien l'amour que je leur porte !
— Dis, Arvan ? murmuré-je dans le noir.
— Coco ? s'enquit-il doucement.
— Tu repasseras Noël avec nous, l'année prochaine ?
— Je sais pas trop... ça dépendra de mes parents...
Je soupire, m'allonge, les yeux tournés vers les poutres irrégulières du plafond de mamie.
— Mais j'aimerais bien, confie Arvan à voix basse en s'allongeant à son tour.
Je souris.
— Moi aussi ! Je veux passer tous mes Noëls avec toi !
Il laisse planer un silence. J'entends sa respiration non loin de moi, j'aime bien ce son.
— Ce serait génial, finit-il par murmurer. Vraiment, vraiment génial...
Le silence revient. Moi, j'ai someil. Je baille largement et me retourne, prêt à dormir.
— À demain, souhaité-je doucement. Fais de beaux rêves, Arvan...
— Toi aussi, Coco. Et encore merci pour tout...
La nuit nous engloutit. Ne traîne plus dans l'air qu'un doux parfum de ragoût, de fumée et de sapin, ainsi que les dernières notes d'un refrain que tous se répètent depuis minuit, et se répéteront encore et encore à la même date, pour les années à venir :
Joyeux Noël.
ღ ღ ღ
Voilà voilààà !
Pfiouuu ! Que d'histoires et de nouveaux personnages !
Alors, c'était bien ?
Je me doute que vous lirez ça plus tard, mais je tiens encore à vous souhaiter un joyeux Noël ! Prenez soin de vous et de vos proches, reposez-vous bien, et profitez à fond de cette journée !
Quant à moi, je vous dit à la prochaine ! 😘
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