19~ Transe

Je sens le tissu caresser ma peau quand Nora me passe la combinaison. Les pants larges tombent jusqu'à mes chevilles pour les carresser doucement au moindre mouvement, c'est juste hyper agréable !

Un flash attire mon attention. Surprise, je me tourne vers Patrina qui n'a, comme à son habitude, pas pris la peine de s'annoncer.
C'est un fantôme avec un appareil photo cette femme, songé-je en la regardant en biais. Puis je lui offre un grand sourire avant de me laisser déambuler jusqu'à la psyché de la chambre pour me regarder de plein pied.

J'en reste muette.

Où est passée Gabrielle ?!

- Une vraie poupée, contemple Nora.

Je me dévisage un moment, lançant un regard critique à cette fille de l'autre coté du miroir.

Oh elle est belle, c'est sûr. Très belle.
Sa combinaison rivalise avec les plus grandes robes. Et à coté de ça, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi originale.

De longues jambes vagues sous le tissu ample, une taille marquée très élégamment, un bout de chaire apparent juste au dessus d'une hanche couvert de volants qui finissent de donner forme à la tenue. Des bras nus, pâles, et un décolleté très bien découpé. C'est juste magnifique.

Je me retourne enfin vers Nora, reconnaissante à m'en couper les cordes vocales.

- Oh merci, murmuré-je en la prenant dans mes bras.

Je la serre un instant contre moi puis me dégage, toute aussi surprise qu'elle de ma réaction.

- Et maintenant au maquillage, déclare finalement la domestique.

Alors je la laisse m'entraîner vers sa mallette, la laisse l'ouvrir et la laisse parfaire son œuvre sans rien rajouter. Mes pensées voltigent dans d'autres sphères.

Ils vont être surpris, les autres, en me voyant débarquer comme ça ! Je vois d'ici leurs regards admiratifs. Je vais faire sensation !

Et je ne peux m'empêcher de me demander plus particulièrement ce que va penser Eliam. Ah, il va vite réprimer ce rictus suffisant quand il va apercevoir ma tenue ! Il va voir, cet orgueilleux, que Gabrielle peut faire aussi bien qu'une robe sans la robe !
Oui, il va en perdre cette énervante arrogance... et peut-être le ferais-je enfin sourire pour de vrai ?

ღ ღ ღ

- Ielle !

Capucine vient juste d'ouvrir la porte de sa chambre. Pile au moment ou je dois passer devant curieusement.

- Tu es magnifique ! chantonne-t-elle en esquissant un pas de danse.

Ce qui m'arrache un inévitable sourire.

Elle aussi elle est belle dans sa robe rose et brillante !
Un voile transparent et froufrouteux pour le bas dans des tons pâle, contrastant parfaitement avec la couleur plus vive du haut. Puis des paillettes dorées dispersées en bande sur la tenue qui captent la lumière, c'est éblouissant.

- Toi encore plus ! m'exclamé-je admirativement.

Ses lèvres roses frémissent sous la flatterie.

- Merci ! pétille-t-elle avant d'esquisser une courbette.

Ce qui me fait rigoler. En voilà une de très contente !

La jeune fille finit par fermer la porte de sa chambre derrière elle pour partir avec moi, toute excitée. Elle insiste pour s'arrêter devant la chambre de Louise, qui paraît dans une splendide robe bleu argentée dès qu'elle entend frapper à sa porte. Des éloges, des sourires, et nous nous empressons toutes trois de nous diriger vers la salle de bal.

- Vous imaginez ? répète Capucine, au comble du bonheur. Un vrai bal ! Avec de la musique, des robes, des garçons, des danses...

Et la voilà qui s'extasie comme une petite fille.
Louise prend, elle, la question avec un peu plus de mesure. La jeune fille a eu l'occasion d'assister à des galas caritatifs avec son père, tout ceci ne lui est donc pas inconnu. Ce qui ne lui épargne tout de même pas une certaine fébrilité.
À force de l'analyser, j'arrive à trouver de l'agitation sous ses cils battants, dans le bleu de ses prunelles. La brunette a beau d'être un calme olympien à l'extérieur, je sens qu'elle bouillonne au fond.

Et moi... je ne sais pas dans quel état je suis. À vrai dire, je stresse plus que de raison.

Les filles m'ont acceptée pour ce soir, mais j'ai peur de croiser le regard de Corentin. De le voir s'attarder sur ma tenue, de le voir serrer les dents en me regardant m'approcher ou pire, de le voir détourner les yeux.
Ce n'est pas son genre... mais j'ai peur.

Et plus je me rapproche de la fameuse salle, plus j'ai aussi peur d'Eliam.
J'ai peur qu'il me regarde tout comme qu'il ne me regarde pas, peur qu'il me sourit tout comme qu'il reste de marbre, peur qu'il m'invite à danser tout comme qu'il me laisse dans mon coin...
Faut que j'arrête avec tout ça ! Je me fatigue.

- Prêtes ? nous demande fébrilement Capucine en ralentissant dans le couloir de la salle de bal.

Je hoche la tête en tremblottant, à l'identique de Louise. Puis toutes les trois, aussi excitées qu'apeurées, nous nous avançons dans la salle.

C'est l'explosion de lumière.
Je n'aime pas ça d'habitude mais là, ça me subjugue trop pour me révulser.
Des lustres en or éclatant, des tapisseries brodées de dorures montantes jusqu'au plafond haut de deux étages, d'immenses fenêtres aux cadres sculptés comme de la dentelle filtrant une nuit tombante dont le noir contraste formidablement avec l'intérieur.

Une énorme pièce où se rassemblent un buffet à l'opposée d'une scénette surélevée, une immense surface dégagée pour danser et une grosse dizaine de jeunes en tenues toutes plus belles les unes que les autres. Des robes, des costumes, des bijoux, de l'or, des diamants... ils resplendissent tous d'une splendide lueur.
... Mais qu'est ce qu'ils nous montrent à la télé ? Bordel, c'est un si pâle reflet de la réalité !

Je me sens suffoquer. Les filles rejoignent déjà Corentin qui attend, seul, près d'une fenêtre. Je sens mes mains trembler. Je ne suis pas prête, pas prête...

Le garçon rit en les voyant arriver. Il les complimente gracieusement, je vois leurs sourires de loin.
Puis il finit par poser ses yeux sur moi. Sur cette silhouette frêle engoncée dans sa tenue orangée. Sur cette fille qui cherche à se donner consistance alors qu'elle est tremblante de terreur.

Il me détaille un instant, le plus long instant de ma vie je crois, puis il finit par sourire.
Un doux sourire, un vrai sourire.
Et je lui réponds aussitôt, trop heureuse, avant de courir le rejoindre.
Mes éternelles sandales frôlent le marbre du sol sous mes pas, puis je termine ma course entre les deux filles, devant le visage doux du garçon qui me réchauffe la poitrine.

Comment a-t-il réussit à me rendre aussi heureuse de le retrouver ? Comment a-t-il pris une telle place dans ce cœur que je pensais de pierre en quelques jours ?
Oh merde, je n'en sais foutrement rien !

Il me dévisage encore, sans chercher à parler. Alors je le prends de vitesse.

- Ça te vas bien le costume, fais-je avec un sourire tremblotant.

Le sien s'agrandit.

- Et toi, c'est cette couleur, renchérit-il en me désignant de la tête au pied.

Je souris puis tends mes bras pâles devant moi. Les paumes vers le ciel, je lui offre ce qui pourrait s'apparenter à une révérence flattée. Mais c'est autre chose, plus profond, et il le comprend.

Ce n'est pas une excuse, ce n'est pas une supplication.
À vrai dire, je ne sais pas totalement ce que je fais. Mais ça signifie quelques chose pour lui comme pour moi, c'est tout ce qui compte.

Et le garçon finit par fuir mon regard.
Je rabaisse les mains.

Ce n'est pas de la déception, ce n'est pas de la tristesse, ce n'est pas du regret. Ce n'est plus que de l'acceptation.
Il nous faudra encore du temps, laissons-nous grandir.

- J'ai hâte que ça commence ! tranche alors Capucine.

Je frémis, sortie de ma transe. Corentin pose un regard si appréciateur sur la belle fille en robe rose que ma bonne humeur revient naturellement.

- On a vu ça, commenté-je avec un sourire en coin.

Je ne me détourner toujours pas de Corentin dont les yeux se reportent sur moi.
Mon sourire se crispe un peu, je n'arrive pas à déterminer ce qu'il pense. Mais son regard doux finit par me rassurer.
Pas d'excuses pour ce soir, de l'oubli.
Ça me va.

Alors un frisson parcours la salle. Une agitation fébrile, des murmurs impatients.

Corentin me quitte des yeux pour fixer un point dans mon dos, je dois me retourner pour voir de ce qu'il se passe.

J'en reste sans voix.

La gorge soudainement enrouée, les mains tremblante, je détaille les deux silhouettes se découpant dans la lumière dorée tels deux soleils dans la nuit.

Adama, dans une magnifique robe rouge tombant jusqu'au sol qui dessine un splendide nuage de velours à ses pieds. Des dorures sur les bras, pendues aux oreilles, ornant son cou et tombant sur ses yeux. On dirai une reine, c'est clairement une reine.

Mais mon regard ne cherche pas à s'y attarder. C'est un traître, ça aurait été plus simple d'admirer la jeune fille.

Sauf que le voilà bien plus attiré par cette belle silhouette élancée qui se tient à coté de l'Aurore.
Un garçon au costume ajusté, d'une teinte verte si sombre qu'elle en paraît noire. Les cheveux bien coiffés pour une fois, de l'or aux manches, sur les épaules, sans compter les véritables saphirs qui brillent dans ses yeux.
Eliam...

Et les murmures se taisent, et les regards convergent tous vers eux deux.

Les Aurores font leur entrée.

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