12~ Petits choux

Un petit hérisson...

Je pose les doigts sur mes tempes, gênée par le brouhaha ambiant de la salle à manger qui m'empêche de me concentrer.

Puis je reprends du début. Le prince m'a souhaité bonne nuit, ce qui est en soit quelque chose d'extraordinaire. Mais je reste horriblement dubitative. Je ne sais pas quoi penser, des émotions contradictoires m'habitent.

Petit... c'est pour mignon ou pour ridicule ? Et hérisson... comment veut-il que je le prenne ? C'est un nuisible, ça grogne, ça pique.
Ce n'est pas très flatteur. Mais sa voix était si... douce ?

Rah je sais plus !

- Ielle ?

Je lève brusquement la tête pour me tourner vers Corentin, tout en me réprimandant intérieurement. Voyons Gabrielle, arrête de penser à ce pitre !
Sauf qu'il ne me facilite pas la tâche à toujours être dans mon champs de vision depuis ce matin...

- Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je distraitement à mon interlocuteur.

- Tu as prévu quelque chose pour aujourd'hui ?

Je plisse les yeux, toute accaparée par ce nouveau problème.
Aujourd'hui, ils nous envoient dans une ville du pays choisie au hasard pour tester notre réactivité face à des situations du quotidien. Cette aventure sera répétée toutes les phases, une expédition prévue le deuxième matin et la troisième après-midi des cinq jours. Et cette idée ne me met pas spécialement à l'aise.
Surtout que pour aujourd'hui, je n'ai strictement rien prévu avec tout ce qu'il s'est passé...

Arrête Gabrielle, tu n'as aucune excuse ! Une voleuse ne perd jamais son objectif de vue. Au diable les cheveux violets, les bains chauds ou les princes, tu dois te ressaisir !

- Pas grand chose... reconnais-je finalement.

- Alors tu pourras venir avec nous, propose-t-il d'un beau sourire.

Je tourne les yeux vers Louise et Capucine, qui hochent toutes deux amicalement la tête. Oh, merci petits anges gardiens !

- Avec plaisir, approuvé-je en esquissant un grand sourire.

Et ils retournent tous les trois à leur petit déjeuné. Eh bien, je ne sais pas ce que j'ai fais pour m'attirer leur sympathie mais ils sont adorables !

Puis mon regard se reporte inexorablement sur ce garçon brun à l'autre bout de la pièce. Bien entouré, comme à son habitude, il garde cet éternel sourire rieur sur les lèvres. Mais ça n'a rien à voir avec celui qu'il abordait la veille.
Quand il croise mon regard, il se contente de sourire poliment pour se détourner tout aussi rapidement, comme si il ne s'était rien passé. Alors je comprends qu'il a remis son masque.
Oui, disparu le Eliam argenté au visage doux. La lune doit bien être le seul astre qui sait ce qu'il est au fond.

ღ ღ ღ

- Pour cette sortie, vous disposez de cinquante Dayn chacun, annonce un militaire en distribuant les précieux billets. Veillez à en faire bon usage.

J'accueille ma paye en serrant les dents.
L'habitude reprend le dessus, me voilà à baisser les yeux sur mes pieds devant l'homme armé. Mais la secousse qui ébranle à ce moment le gros hélico envoie ma main frôler la sienne et un long frisson foudroie mon corps.
Oh, je n'aime vraiment pas les soldats !

Il ne remarque rien. Non, il se contente de se détourner et je souffle un coup avant de lever la tête.
Regarde les autres Gabrielle, tu es comme eux ici. Et eux, ils ne baissent pas les yeux devant les soldats. Alors fais pareil froussarde !

- Le repas ne vous est pas fournis, vous devrez vous débrouiller, rajoute l'homme de sa voix morne.

Le paysage cesse bientôt de défiler à l'horizontale à travers les vitres, l'hélicoptère entame sa descente.

- L'heure de rendez-vous est fixé à 17 heure, continue-t-il en s'approchant de la porte. Vous serez priés de ne pas être en retard, nous partirions sans vous.

Puis il fait un geste de la main pour nous demander d'approcher sur le sol tremblant.

Si les hélices ne cessent pas de tourner au dessus de nos têtes, les patins touchent maintenant le sol.
On descend ici.

- Sur ce, finit l'homme en ouvrant la porte d'un grand geste, bonne journée les jeunes !

Et il nous fait sortir.
Un à un, accompagnés de notre photographe, nous nous extirpons de la boite de fer pour déambuler maladroitement sur la pelouse. Ça fait bizarre de toucher le sol après une heure de vol.

Je secoue la tête pour recouvrer mes esprit, puis lève enfin les yeux au loin.
Le ciel est bleu, et les immeubles de la ville s'affichent au loin dans cette immensité dégagée. Je ne sais pas dans quel coin ils nous ont emmenés, mais c'est une grande ville. Et habitant dans une métropole pas trop éloignée de la capitale, je peux être sûre de n'avoir jamais été aussi loin de chez moi.

Je baisse à nouveau les yeux pour trouver mes trois compères un peu en contrebas de la colline. Je les rejoins rapidement, m'assurant au passage d'être bien suivie par Patrina, et nous partons ensemble explorer la banlieue.

- Nous sommes à Badel, finit par remarquer Louise. J'y suis allée cet été.

Puis son visage s'éclaire devant ses souvenirs.

- Oh, il faut à tout prix que je vous amène à la pâtisserie ! s'exclame-t-elle. J'ai jamais mangé meilleur choux à la crème de ma vie !

- Alors j'ai hâte d'y goûter ! réplique Capucine de cet enthousiasme si caractéristique.

Et les quatre photographes qui nous entourent ne ratent rien de la scène, les clichés pleuvent.

Puis j'acquiesce avec plus de retenue l'affirmation de Louise, sans faire remarquer que certain d'entre nous n'ont tout simplement jamais mangé de choux à la crème de leur vie. Mais je dois dire que je ne serais pas contre essayer.

Alors la jeune Crépuscule passe devant pour nous orienter dans les petites rues pleines de charme de la fameuse Badel.
Nous arrivons vite à destination, Louise a une bonne mémoire.
Elle s'engouffre ensuite dans la pâtisserie à la façade rose pour en ressortir quelques minutes plus tard, quatre choux à la crème dans un sac en papier.

- Cadeaux, affirme-t-elle en nous les tendant.

Et nous répliquons aussitôt.

- Rassurez-vous, ils me les ont offerts, rigole-t-elle en présentant le paquet devant son visages. Ils nous connaissent tous maintenant.

Et sur ses mots, elle désigne du menton des passants qui se sont arrêtés de l'autre coté de la rue pour nous dévisager.

Corentin s'empresse alors d'agiter la main dans leur direction, les laissant sous le choc. Puis ils se décident à lui répondre, et nous éclatons tous les quatre de rire devant leurs grands gestes.

- Ils sont gentils ici, ricane le garçon en tendant une main vers le paquet de Louise.

La jeune médecin s'empresse de lui offrir la viennoiserie.

- Venez, allons manger ça au parc, propose-t-elle.

Nous acquiesçons volontiers.

Alors Louise reprend son guidage, et nous sommes rapidement arrivés. On dirait qu'elle a vécut toute sa vie ici tant elle sait bien s'orienter. C'est impressionnant !

Le parc qu'elle nous présente est agréable. Des arbres touffus, des parterres bien entretenus, un parfum doux. Il est loin de ceux que je fréquentais à Hiberna.

Nous nous installons finalement sur un banc puis dégustons les pâtisseries.
Et si je ne suis d'abord pas emballée par cette consistance molle et collante, le goût me fait vite tout oublier.

C'est si bon !

Une explosion de crème se déverse sur ma langue quand je croque dans la pâte feuilletée, emplissant ma bouche d'une douceur extrême. C'est excellent !

- Humm, t'avais raichon, marmonne Capucine, la bouche pleine de gâteau. Chamais goûté quelque chose d'auchi bon !

Et si Corentin reste aussi silencieux que moi, son large sourire en dit long.

Puis la future professeur se lève, de bonne humeur, et fait quelques pas avant de nous appeler.

- Venez ! Je suis sûre qu'il y a plein d'autres choses géniales à faire ici ! nous enjoint-elle après avoir avalé entièrement sa pâtisserie.

Et je passe ma langue sur mes lèvres pleines de sucre pour la suivre, bientôt rejointe par les autres.

Alors nous déambulons tranquillement dans les rues, discutant et rigolant sans nous prendre la tête. Jusqu'à ce qu'un ballon nous tombe dessus au détoure d'une rue et que des demandes de jeunes enfants tendant les mains à travers un grillage fassent briller les yeux de Corentin et Capucine.

Le garçon s'empresse alors de renvoyer la balle en mousse tandis que la fille s'approche de la clôture, sourire aux lèvres. Et quand les petits viennent à sa rencontre, notre copine rayonne de joie.

Corentin va ensuite faire le tour de l'école pour demander à passer dans les classes, une idée que je trouve franchement bonne. Louise, quant à elle, rejoint Capucine avec une certaine réticence et je me retrouve bien obligée de faire de même.

Me voilà à sourire devant leurs glapissements, je suis bien maline. Mais les petits sont trop concentrés autour de Capucine pour me prêter vraiment attention.

Enfin, excepté une petite fille à l'écart qui s'approche lentement du grillage, visiblement tout aussi hésitante que moi à venir me parler.

Et malgré mes principes, je ne peux m'empêcher de tomber sous le charme de cette enfant timide.

- Pourquoi tu as les cheveux violets ? demande-t-elle finalement, camouflée derrière son rideau de cheveux blonds qui tombe jusqu'à ses hanches comme si ça pouvait la protéger de tout.

- Parce que j'aime bien le violet, lui répondis-je en m'agenouillant pour être à sa hauteur.

Ses yeux bleu me scrutent, ils sont bourrés d'un si grand plein d'émotions que ça m'attendrie. Puis elle finit par me faire un grand sourire.

- Moi aussi ! C'est ma couleur préférée.

Et elle se sauve dans la cours, me laissant bouche bée contre le grillage.

Eh bien Gabrielle, tu es touchée par une enfant maintenant ?

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