Chapitre 6 Andrew : Le Goût de l'amitié -

Samedi 8h - Justin Black

C'était mon dernier jour de travail de la semaine, j'aurais dû être heureux. Voir la vie en rose, sourire au monde entier et me réjouir de retrouver mes amis ce soir au pub.

Ben non. J'étais très irritable et j'avais envie de mordre férocement le premier qui empiéterait sur mon territoire.

Premièrement : je n'ai pas eu de cookies ou de douceurs ce matin. Madame Follen était repartie et mon estomac commençait déjà à gargouiller. Mon envie de bouder grandissait proportionnellement à ma frustration.

Deuxièmement : ELLE était restée chez LUI. Toute la nuit. Enfin je crois. Je n'avais quand même pas couché sur leur paillasson comme un vulgaire chien de garde pour vérifier.

Troisièmement... non, la deuxième raison suffisait amplement à expliquer mon humeur.

Puis, il arriva. J'étais dans le jardin quand je le vis emprunter les escaliers. Comme à chaque fois qu'il venait, il allait les monter quatre à quatre, jusqu'au 10ème étage. D'ordinaire ce grand blond sportif ne me plaisait pas trop. Trop parfait, trop poli, trop calme aussi, j'avais toujours l'impression que rien ne pouvait l'étonner ou lui faire perdre son air gentil.

Je haussai les épaules et un sourire vengeur étira mes lèvres. Après tout, je ne l'avais pas croisé, je ne l'avais presque pas vu, à peine une ombre dans le couloir. Je n'étais donc pas sensé l'annoncer à Follen. Une visite surprise un samedi de bon matin, c'était chouette non ?

ooOoo

Andrew

Ma toilette est expédiée en quelques minutes. Hors de question de m'attarder dans la cabine de douche parfumée à la violette. Je prends dans le tiroir de gauche de la commode un jean que j'enfile rapidement et la chemise à carreaux que ma mère vient de m'offrir. Rien de trop classe, mais je tiens à être présentable pour mon invitée. Il est hors de question de traîner dans mon vieux jogging noir confortable aujourd'hui.

Avant de rejoindre la cuisine, je récupère Luna sur mon lit. Je préfère l'avoir dans mes bras que dans mes jambes pour descendre l'escalier. Elle ronronne de plaisir, me saluant comme tous les matins en se frottant contre ma joue.

- Désolé ma belle, j'ai quelque chose de prévu ce matin, lui annoncé-je, caressant la fourrure tiède avant de la déposer sur le sol carrelé de la cuisine.

Il n'y a aucun bruit au rez-de-chaussée, j'en conclus que Livie doit être retournée dans sa chambre après sa douche.

Le « miaou » vexé de celle qui partage ma vie m'indique qu'elle n'a pas apprécié que j'abrège notre rituel du matin. Pour me faire pardonner - un peu - et avoir la paix - beaucoup - je lui verse une bonne dose de sa pâtée préférée. Petite boîte ovale avec bandeau en carton fin autour. Le luxe quoi.

- Allez, ma Luna, tu manges et tu retournes ensuite sur le radiateur faire la sieste, j'ai de quoi m'occuper.

Ouvrant le placard, je déniche, à leur place, les ingrédients nécessaires pour rendre mon petit déjeuner attractif. Sans me vanter, le pain perdu à la "Andrew Follen" est imbattable et mes muffins au beurre de cacahuète n'ont rien à envier à ceux de ma mère.

Je sors le dernier litre de lait et je m'aperçois en déchiffrant le braille inscrit sur les autres bricks, que dans le placard, il ne reste plus que du jus d'ananas et de pêche.

Grimaçant à l'idée d'une sortie obligatoire au drugstore du quartier, je m'attelle au travail. C'est en sifflotant le dernier air d'Ed Sheran, "Put il all on me", que je fais frire doucement à la poêle mes tranches de pain perdu. La musique n'a jamais été mon point fort et devenir aveugle ne m'a pas miraculeusement transformé un prodige de la chanson à l'oreille absolue, mais j'adore fredonner pour moi tout seul.

L'odeur vanillée sortant du four me fait plaisir, je n'ai pas perdu la main. Concentré sur ma tâche, je n'entends pas Livie arriver et je prends conscience de sa présence en entendant son petit rire.

- Bonjour, Livie ! Tu as bien dormi ? commencé-je. Serais-tu en train de te moquer de moi de bon matin ?

- Bonjour Andrew !

Sa voix est joyeuse, son ton léger et mutin. Bon signe. Elle fait deux pas de plus vers moi. Une bouffée de violettes, qui menace de devenir ma drogue favorite, m'assaille et l'instant suivant ses lèvres effleurent ma joue gauche.

Baiser amical le soir puis baiser amical le matin. Une habitude qui me fait regretter de ne pas l'avoir eue comme amie plus tôt. Elle paraît plus sereine et accessible que la veille.

- J'ai très bien dormi. C'est confortable et reposant chez toi. Merci et sache que je ne me moquais pas, je n'oserais pas mais... ton tablier est... enfin... il te va bien je trouve.

Elle hoquette de rire, cherchant à peine à dissimuler son amusement.

Faire abstraction de la main qu'elle a posée sur mon biceps, juste avant de m'embrasser, est difficile. Je parviens toutefois à me souvenir que j'ai attaché autour de ma taille le tablier offert par Drake, mon frère, deux ans plus tôt, pour fêter mon 5ème succès en librairie. C'est un tablier classique de soubrette, noir et blanc avec petits volants, portant une belle inscription « Pour les plaintes, adressez-vous au Maître ». Enfin une phrase de ce style, d'après mes souvenirs. Son humour subtil, je n'y fais plus attention depuis longtemps : Drake reste mon frère malgré ce gros défaut.

Je réplique avec humour :

- Comment ? Les goûts de mon frère ne te plaisent pas ?

- Si, si, j'aime beaucoup.

Elle glousse, retirant sa main, malheureusement, pour étouffer son éclat de rire.

- Je te l'offre si tu veux. Je suis sûr que les volants t'iront mieux qu'à moi. Et puis le « boss » c'est moi de toute façon.

- Je peux aider le « boss » à faire quelque chose ? Ça sent drôlement bon !

- Non, Livie, pas aujourd'hui. Tu t'assoies sur un des tabourets pour me tenir compagnie si tu veux ou dans le salon pour te mettre à l'aise, mais la cuisine est à moi ! Rien qu'à moi. Tu as juste le droit de mettre de la musique si tu le souhaites.

Tout en parlant, je sors mes muffins du four avant de placer les boissons sur le plateau déjà prêt. Avec l'habileté que confère une longue habitude, je démoule les gâteaux, même s'ils ne sont pas encore assez tièdes et les place dans l'assiette ovale qui leur est réservée. L'odeur de cacahuète et de vanille n'en est que plus appétissante.

- Le chat est superbe. C'est le tien ? Tu l'as depuis longtemps ? me demande-t-elle.

- Une grosse boule de poils gris et blanc un peu angora, sûrement posée sur le radiateur ou le canapé ? C'est Luna, j'habite chez elle depuis 5 ans maintenant.

- Elle me regarde curieusement, ajoute Livie après un petit silence.

- Si elle te regarde, c'est déjà bon signe. Tu dois avoir ses faveurs. Elle a longtemps ignoré mon éditeur et ma mère avant de consentir à s'approcher d'eux. Bon, eh bien, la séance « séduction du fauve » attendra un peu, car mademoiselle est servie.

Elle s'est assise derrière le comptoir donc, j'y dépose mon plateau et mon assiette avant de m'asseoir devant elle côté cuisine. Un peu comme la veille.

- Tu déjeunes comme cela tous les matins ?

- Non, juste les week-ends. Ma mère nous a appris à cuisiner à Drake et moi. Même si je pratique moins, je m'y suis remis depuis quelques mois. Pour me repérer. Me contrôler. C'est un bon exercice. Je te laisse te servir. Et s'il te plaît, tu fais comme chez toi.

- Chez moi, d'habitude, le petit déjeuner, c'est plutôt un mug de thé et des céréales dégoulinantes de lait froid, juste avant de partir au travail en courant. Cela fait une éternité que je n'ai pas mangé de gâteaux sortant juste du four... Mmm... oh, Andrew !

Le gémissement de plaisir qui lui échappe témoigne de la réussite de ma recette, ou alors d'un plaisir très particulier. Je ne peux faire comme si je n'avais pas entendu.

- Livie, je te rappelle accessoirement que je suis aveugle et je risque de mal interpréter certains sons.

Elle me tape sur le bras, réagissant positivement à ma plaisanterie idiote.

- Ça suffit ! Tu cherches des compliments ? Je te l'accorde, c'est délicieux. Je n'ai jamais savouré de muffins aussi fondants et parfumés. Je payerais pour que tu me fasses cela tous les matins.

Je préfère ne pas relever l'ambiguïté de ses mots et me réjouis que ma cuisine soit à son goût. Si le proverbe dit que le chemin du cœur d'un homme passe par son estomac, je sais pertinemment que le sexe féminin nous ressemble beaucoup sur ce point-là.

- J'aurais dû embrasser ta mère hier pour la remercier de vous avoir aussi bien élevés. C'est bien ta maman que j'ai croisée hier après-midi ? Avec le portier, continue-t-elle tout en se resservant.

- Si tu es la jeune femme brune au regard triste qu'elle m'a décrite, oui, tu as croisé ma mère.

Lui rappeler son état n'est pas forcément très adroit, mais nous devons mettre cartes sur table.

- Je me demande... Elle s'interrompt pour avaler quelque chose. Je me demande pourquoi j'hésite encore à accepter ta proposition. C'est vraiment un petit déjeuner fantastique pour moi. Tu promets de faire ceci tous les matins ?

- Pour être honnête, non. Pas tous les matins. Quand j'écris la nuit, je me lève tard, c'est une des raisons pour laquelle il faut quelqu'un pour veiller sur Lisa.

Nous sommes entrés dans le vif du sujet plus vite que je ne le pensais et elle n'est plus aussi catégorique dans son refus.

- Lisa... va habiter avec toi définitivement ? Ou est-ce pour les vacances ?

Son ton est redevenu sérieux et posé. Elle est réellement intéressée à comprendre notre situation.

- Pour l'instant, elle ne sera avec moi que pour 3 semaines, mais j'ai déposé une demande au tribunal pour retrouver mes droits de garde complets. Attends-toi donc à rester longtemps si tu le souhaites.

Pendant le silence qui suivit ce début d'explication, je n'entends que le bruit de la tasse qu'elle repose sur le comptoir.

- Si je reste, enfin si j'essaie de prendre soin de ta fille, je voudrais savoir exactement ce que je devrais faire. Comment me présenteras-tu à ta fille ? À ta famille ? Je n'ai pas l'habitude de ce genre de situation.

- Moi non plus. Personne n'a jamais partagé ma vie et cet appartement, à part Lisa et Luna. À vrai dire, je n'y ai pas vraiment pensé, commencé-je avant de faire une pause, en appuyant mon menton sur ma main.

Je réfléchis brièvement à notre situation un peu particulière. Je lui suggère alors :

- On peut établir ensemble nos propres règles ? Chacun édicte ses besoins et ses limites, dès maintenant. Ça te va ?

- Pourquoi pas. Je... j'ai réfléchi cette nuit. Tu sais que je ne voulais pas accepter. J'étais prête à refuser ta proposition, mais honnêtement, je n'ai pas trop d'autres choix.

Elle se tait quelques secondes avant de reprendre.

- Je me sens bien avec toi et c'est assez rare. Alors je vais essayer. Mais je ne te promets rien, Andrew.

Je sens un poids disparaître de ma poitrine. Elle a accepté. Elle va rester. J'ai réussi. J'aurai la possibilité de tenter de décrypter cette femme et de l'aider si elle me laisse l'approcher un peu. Ma main s'aventure à la rencontre de la sienne. Je serre ses doigts fins sur la table pour la remercier.

- Merci de ta confiance, Livie. Je comprends. Nous ferons de notre mieux. Pour moi, la première règle est que Lisa soit notre priorité. Ton seul rôle est d'être auprès d'elle, de veiller à ce qu'elle ne s'ennuie pas trop. Moi, je n'ai nul besoin d'une infirmière, ni même d'une assistante pour mon travail. Une amie qui prend soin d'elle quand je travaille, c'est ce que tu peux être.

- Je vais essayer, répéte-t-elle, comme si elle cherche à se convaincre elle-même. Tu... m'as posé peu de questions sur mon passé, c'est étonnant, tu me confies ta fille sans savoir qui je suis, je pourrais être folle ou totalement inapte.

- Le passé est une chose qui nous aide à nous construire. À faire mieux, à avancer. Ce n'est pas nous. Te souviens-tu hier, par deux fois je t'ai demandé de ne pas me poser de questions ? Réciprocité, j'estime que je dois agir ainsi avec autrui. Si tu veux me raconter, j'en serai heureux, mais notre passé est définitivement derrière nous. J'ai dû faire une croix sur pas mal de choses. Je pense qu'il en est de même pour toi. Nous avancerons chacun à notre rythme. Et puis une folle ne prendrait pas le risque de me dire « non ».

J'ai conclu mon petit discours d'un sourire entendu.

- D'accord, pas de questions. Ça marche pour cette seconde règle. Je discuterai avec Lisa, la sortirai au parc ou ailleurs, je l'aiderai pour ses devoirs même. À condition qu'elle le veuille. Mais il reste un truc dont je voudrais te parler.

- Je t'écoute, réponds-je immédiatement.

Je suis tellement soulagé que j'accepterais n'importe quoi. Ou presque.

- Pour les repas. Je n'ai pas oublié ce que tu as dit hier soir, mais je refuse de rester sans rien faire. On partage le travail, ça me paraît plus juste. Puis comme tu dis, si tu écris la nuit, faut bien qu'on déjeune le matin, nous les filles.

Partager la préparation de nos repas ? Partager ma cuisine ? Comme un couple ? C'est à la fois terriblement tentant et effrayant. Je n'ai jamais fait cela. Je soupire, j'aurais tant voulu voir son visage, comprendre ses attentes.

- Pourquoi pas... mais là encore, il faut que je t'explique certaines choses. Chaque chose a sa place ici, dans la cuisine et dans les autres pièces aussi. Même si je m'adapte plutôt bien, j'aime que mon ordre soit respecté pour des raisons pratiques.

Je déteste parler de mon handicap et des conséquences qu'il a sur ma vie et celle des autres. Nous n'avons cependant plus le choix. Je fais la moue en plissant les yeux au souvenir du poulet au curry préparé par mes soins, juste après que ma mère ait, sans le vouloir, échangé la place du sel et du poivre dans le placard. J'ai inscrit en braille le nom des condiments sur l'étiquette, mais l'habitude fait que je ne la consulte plus. Dommage pour nos papilles gustatives.

- J'ai déjà remarqué que tu es très ordonné, par exemple, je t'ai vu remettre le sucre en poudre dans le placard de gauche, étagère du bas, juste après son utilisation. Je comprends cela. Je ferai de mon mieux. Mais comment envisages-tu les choses avec Lisa ? Elle est encore petite.

- Je ne sais pas trop. Je vais lui expliquer les choses pour commencer. Ensuite je m'adapterai. Elle aussi sûrement un peu.

Elle a été attentive à mes gestes et cela me surprend agréablement. En plus, elle pose les vraies questions. La réaction de Lisa à mon handicap et les conséquences que ses gestes innocents peuvent avoir sur ma vie quotidienne, sont les raisons pour lesquelles Richard et Sue m'ont convaincu de ne pas reprendre Lisa avec moi plus tôt. Je m'étais rangé à leur avis, car cela m'avait permis de reprendre ma vie en main, à mon rythme, sans pression.

Je me sais prêt maintenant. Les premiers jours vont sûrement être difficiles. Je souhaite que Livie soit auprès de moi pour vivre cela. Mais à quelle place exactement ? Ma mère se fait sans doute déjà des idées. Lisa est une enfant, vive et curieuse, il me faudra être clair et franc avec elle. Avec moi aussi. Je ne veux pas d'une petite amie. Cela ne m'intéresse absolument pas. Depuis un an ma vie affectiveet sexuelle est... au point mort. Mais Livie me plait. Comme amie certainement. Seulement ?

- Andrew ? À quoi penses-tu ? Tu sembles parti très loin ?

- Non, pas très loin. Je pensais à toi et à une de tes remarques.

J'hésite à poursuivre. La franchise peut parfois blesser ou faire peur.

- Laquelle ?

- Comment présenter ta « présence » ici à mes proches.

- Ah... Ton employée ? Non ?

- Non. Même si, concrètement tu travailleras pour moi, au même titre que le faisait Casey, et même si tu es rémunérée pour t'occuper de Lisa, tu es plus que cela. Une amie. Toute récente certes, mais une amie.

Elle veut prendre la parole mais je ne lui en laisse pas le temps.

- Non, laisse-moi finir. Lisa ne te fera pas confiance si tu es une simple employée. Et tu n'es pas que cela. Nous sommes tous les deux... de drôles de personnages, pas très liants j'imagine, mais entre nous, il y a, et n'y aura, que de l'amitié. N'est-ce pas ?

Je ne sais pas trop quelle est la question que je pose et encore moins la réponse que je souhaite entendre. Le tabouret de Livie racle légèrement le sol. Je m'inquiète de sa réaction à ma remarque. Elle marche de long en large.

- Livie ?

- Tu as raison. On peut dire que je suis ton amie. Depuis peu. Une récente... collision nous a rapprochés. Je n'ai besoin que de cela moi aussi... un ami. Nous sommes donc d'accord sur tout, pas de questions sur le passé, partage de la cuisine et je prends soin de Lisa lorsque tu le demandes en échange d'un toit et d'une amitié.

- On scelle notre accord ?

- Bien sûr !

Elle s'approche de moi et me serre la main. Je ne m'attendais pas exactement à cela.

Je lui rends sa franche poignée de main, mais ne la lâche pas.

- Livie, tu es mon amie ?

- Apparemment oui !

- Alors... comme ça, c'est mieux.

Je la force doucement à faire un pas de plus vers moi et la serre un peu dans mes bras, passant ma main derrière son dos. Mes doigts rencontrent le tissu doux d'un vêtement en coton puis la tiédeur de son cou. Je me baisse alors et pose mon menton sur sa tête un court instant, m'enivrant pleinement de sa senteur de violette avant d'embrasser doucement sa joue. Je ne suis plus dans la gentille provocation de la veille, ni dans la camaraderie de ses baisers du matin. J'embrasse mon amie avec une sincérité et une douceur rares.

- Merci Livie, chuchoté-je près de son visage, toi et moi on va réussir à s'entraider, j'en suis sûr.

Elle ne bouge pas, pas vraiment blottie contre moi, mais si proche que je peux sentir son souffle dans mon cou.

- Moi aussi, Andrew.

La voix de Livie me parait changée, un peu hachée, comme essoufflée.

Je la relâche soudain, ne comprenant pas vraiment ce que je souhaite faire. Je reprends plus légèrement lorsqu'elle recule.

- On va commencer par aller vadrouiller dans les magasins pour remplir mes placards si tu veux bien m'accompagner ?

- Pourquoi pas ! Tu me laisses le temps de me changer ? Je ne suis pas présentable.

- Comment es-tu habillée ?

Je suis curieux et elle me donne l'occasion de lui poser la question qui me brûle les lèvres depuis un moment.

- Hum... Ma vieille tunique en coton violette et un pantalon de jogging noir. Rien de très seyant pour sortir. Je n'en ai pas pour longtemps.

Je sens qu'elle s'éclipse très vite, mais j'entends son détour vers le comptoir.

- Par hasard, Livie, tu n'aurais pas pris le dernier muffin en passant ?

- Qui moi ? Non ! Jamais je ne ferais cela !

Soit elle pouffe de rire, soit elle s'étouffe en mangeant le fruit de son vol.

- Désolée, mais c'est de ta faute, ils sont trop bons.

Je l'entends ensuite grimper à l'étage. J'en profite pour commencer à ranger la vaisselle et les reliefs de notre repas. C'est rapide et je m'assois ensuite sur le canapé pour envoyer un message vocal à ma mère, l'informant du retour et de la décision de Livie. Elle sera tranquillisée.

Je consulte ma messagerie. J'ai reçu à l'aube un texto de la mère de Lisa. Furieux, j'écoute le sms vocalisé par mon Smartphone.

« Loupé l'avion ce matin. Lisa arrivera à JFK 15h18 dimanche. T. »

Et merde ! Je suis furieux. Elle n'a même pas pris la peine de m'appeler. Comme si je devais consulter ma messagerie continuellement ! Elle n'a pas changé, toujours aussi indifférente à tout ce qui n'est pas elle.

Il est presque 9 heures, à peine 6 heures du matin à Los Angeles, je choisis donc de laisser un message à ma fille qui doit encore dormir. J'ai insisté, appuyé par mes parents, pour que je puisse contacter ma fille quand je le souhaite avec le portable que je lui ai confié. Elle habite à plus de 5000 kilomètres et je ne veux pas d'intermédiaire entre nous. Je lui confirme simplement que je serais là pour la recevoir à l'aéroport dimanche. Et que j'ai hâte de la retrouver.

Je viens de terminer, lorsqu'on frappe à la porte. Étonné, en fronçant les sourcils je me dirige vers l'entrée et appuie sur l'interphone. Justin doit avoir pris son poste. Il ne manque jamais de me prévenir d'ordinaire.

- Oui ?

- C'est moi, ouvre s'il te plaît.

Réprimant un soupir en reconnaissant la voix de mon visiteur, j'ouvre la porte, contrarié...

– Salut James. 

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