Chapitre 25 Andrew . Déménagement
MERCREDI
Cher journal,
Mercredi soir, déjà.
Alice est très gentille. Avec elle, je ne me sens pas comme un bébé. C'est vrai que c'est pareil avec Livie. Toutes les deux me parlent comme si j'étais vraiment grande.
J'ai passé la matinée chez Alice. On a discuté pendant qu'elle me montrait sa collection de DVD ! Elle est encore plus fan que moi de Disney. Elle m'a promis de passer me chercher un soir pour que l'on passe une soirée entre filles. J'ai demandé si Livie viendrait avec nous ou si je devais vraiment la laisser seule avec mon papa. J'ai dû faire la grimace car à ce moment, Alice a fait un drôle de tête. Elle m'a fixée un petit moment avec ses grands yeux noirs, puis a haussé les épaules en disant : « Bah, je pense qu'ils peuvent rester un peu seuls, ils sont grands, ils se font du bien et se réconfortent mutuellement. Ça n'empêche pas ton papa de t'aimer. » ...avant de passer à autre chose.
Ils se réconfortent ? Moi je suis là pour réconforter mon papa s'il a besoin. Mais je ne suis pas très grande. Peut-être que Papa a besoin d'une grande. Je ne sais pas. Je vois toujours Alana avec d'autres hommes et je m'en fiche mais quand Papa touche l'épaule ou le bras d'Olivia ... je suis un peu triste.
Dans 4 jours je repars à Los Angeles. Je ne veux pas y aller.
Lundi Matin
Le soleil couchant mélange avec bonheur ses nuances ocre et fauve au rouge étincelant du demi-cercle plongeant dans le bleu sombre de l'océan. Nous marchons depuis de longues minutes sur le sable blanc et encore brûlant de la plage désertée, avant de nous asseoir sur la jetée en bois. Le temps lui a donnée une patine grise sur lequel s'estompe les couleurs du soleil. Elle se blottit dans mes bras et entouré de son parfum fleuri, je me contente du bonheur d'être avec elle, le nez enfoui dans les boucles brunes de sa chevelure à peine dérangée par la brise. Lorsqu'elle se retourne vers moi et m'offre ses lèvres, je croise son regard chocolat et le désir m'envahit.
J'ouvre alors les yeux et les couleurs m'abandonnent. Cependant, pour la première fois depuis un an, la fuite de mes songes colorés ne me serre pas le cœur. Le parfum fleuri flotte toujours dans l'air et la femme de mon rêve est réellement pelotonnée dans mes bras. Endormie, son visage est enfoui dans mon cou et sa main posée sur mon cœur, tandis que sa jambe appuie négligemment sur mon bas-ventre... très éveillé lui en revanche. Nous avons donc dormi l'un contre l'autre et elle a, comme souvent depuis une semaine, peuplé mes rêves.
Dois-je rester contre elle et attendre son réveil ? Sera-elle gênée de cette proximité ? Nous avons déjà vécu un éveil commun, mais les circonstances étaient très différentes. Hier soir, elle s'est confiée, nous avons dépassé sans réfléchir les barrières mises en place d'un commun accord. Je ne sais plus ce que je souhaite de ma relation avec Livie. Tout évolue trop rapidement entre nous. Elle ne veut pas d'intimité, moi non plus. Mais... ce que notre raison veut n'est pas du tout en accord avec nos corps. Le mien en effet proteste lorsque je bouge un peu. Je me crispe un peu en essayant de soulager la tension douloureuse bien plus liée, je le sais à la présence de ma colocataire préférée qu'à une simple érection matinale.
Doucement et avec beaucoup de regrets, je m'extirpe de cette douce et chaude étreinte, j'ôte ma main, qui a pris place sur son sein pendant la nuit et me lève sans bruit. En refermant la porte de sa chambre, je me demande si je ne commet pas une bêtise mais redressant les épaules, je prends le chemin de la mienne pour me rafraîchir les idées.
Mercredi matin
- Drake tu peux rouler moins vite s'il te plaît ? C'est mon déménagement mais je ne suis pas aussi pressée que cela. J'ai aucune envie de faire un détour par les urgences, lâche la voix crispée de Livie depuis l'arrière de la voiture.
Comme je m'y attends, Drake se contente de ricaner et je pense même qu'il appuie un peu sur l'accélérateur.
- Désolé Livie, Drake a eu son permis dans une pochette surprise il y a 12 ans et depuis il terrorise tout le monde. Fais comme moi, ferme les yeux et réfléchis à ta vengeance. Je te jure que c'est efficace, dis-je pour tenter de la distraire.
Efficace ? Pas tant que cela. La vitesse en voiture, même si j'ai une totale confiance en mon frère, m'est encore très désagréable mais je ne l'ai jamais avoué à mon entourage. Donc Drake conduit comme toujours, très bien, mais trop vite. Mon estomac et celui de Livie n'ont qu'à bien se tenir.
J'ai insisté pour les accompagner chez James ou plutôt, chez Macy Williams. La demi-sœur de James . C'est elle qui habite l'ancien appartement de Livie. Je suis curieux de rencontrer cette fille et de connaître un peu plus la vie de Livie. Son ancienne vie.
Elle s'est enfin partiellement dévoilée dimanche et sa solitude ainsi que sa façon courageuse d'affronter son passé, m'ont bouleversé. Lorsque je me suis réveillé le matin dans son lit, j'ai clairement eu peur. Peur d'aller trop vite, de la gêner... mais aussi de ce que je ressentais. Je refuse de me poser trop de questions. Cette situation ambiguë doit rester telle qu'elle est. Je ne veux pas, ne peux pas avancer dans une relation maintenant. Lisa, Alana et tout ça...
Andrew ne cherche pas. C'est pas le moment...
Cependant, je me demande encore deux jours plus tard si je mérite une auréole ou une claque pour mon geste chevaleresque de fuite silencieuse. Je lui ai permis de faire « comme » s'il ne s'était rien passé. Et avec la lâcheté qui caractérise beaucoup d'adultes c'est ce que nous avons fait. Nous ignorons consciencieusement la situation depuis trois jours. La technique de l'autruche quoi.
Nous n'avons reparlé de Peter que lorsque Drake est arrivé le lendemain. Il a pris le dossier du divorce de Livie avec le professionnalisme qui le caractérise et une injonction d'éloignement est en cours. Justin Black s'est mis en mode alerte rouge pour surveiller les alentours.
Hier soir, après le repas, Livie a lâché dans la cuisine, une mini bombe alors que j'avais les mains dans l'eau mousseuse de la vaisselle, j'en aurais dansé de plaisir. Elle a timidement suggéré d'aller chercher les quelques cartons qui lui restaient dans son ancien appartement. Elle est prête à s'installer chez nous. Avant qu'elle ne change d'avis, je me suis essuyé les mains et ai appelé Drake , qui nous sert présentement de chauffeur.
- J'ai essayé Andrew ! Je n'ai pas trouvé de punition assez forte pour Drake , mais je vais tenter quelque chose, glisse Livie à mon oreille.
- Drake ? reprend-elle plus fort.
- Oui ma belle ? répond immédiatement mon frère qui a pourtant clairement ignoré les plaintes de Livie auparavant.
- Quel est ton dessert préféré ? susurre Livie
- La tarte aux pommes.
Sa réponse fuse immédiatement. J'aurais pu répondre à sa place : Drake est fou de ce dessert... je suis plus tarte au citron mais Livie ne m'a rien demandé. J'attends avec curiosité de savoir où elle veut en venir même si j'en ai une petite idée.
L'estomac de Drake a parlé. Pas son cerveau. Quel dommage pour lui, je rigole d'avance.
- Bien. Si je suis vivante encore ce soir, je ferai une tarte aux pommes et mon père dit toujours que je fais les meilleures tartes aux pommes qu'il n'ait jamais dégustées.
- Tu ferais cela vraiment ?
Il salive déjà. Ferré le grand avocat.
- Bien sûr. Si tu fais passer l'aiguille du compteur de vitesse en dessous de la zone rouge. Immédiatement et jusqu'à notre retour !
Elle a brutalement une voix sèche et autoritaire qui me rappelle l'infirmière en chef de mon centre de convalescence. Celle qui m'obligeait à aller faire de la rééducation à la piscine et à courir sur le tapis d'entraînement.
- Hey, mais c'est du chantage ça !
Drake est indigné et cela s'entend.
- Ouep, porte plainte.
Livie est géniale. Si je n'avais pas eu la mauvaise idée de m'asseoir sur le siège avant, j'aurais pu l'embrasser. Drake ralentit et je respire alors nettement mieux, décrochant ma main droite de la portière.
- Tu me le payeras Andrew, me lance un Drake frustré qui roule enfin à une allure compatible avec notre survie.
- Ah oui ? Et pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
- Tu m'as présenté ta petite copine sans m'avertir de sa cruauté.
- Tu dois le mériter. Elle n'a jamais été cruelle avec moi.
Je ne relève pas la façon dont il a parlé de Livie.
Quelques minutes plus tard, la voiture s'arrête.
- Nous sommes à destination jeune dame, commence Drake. Votre déménageur est prêt à vous servir mais il exige une méga-part de tarte.
- Pas de problème Drake. Je te remercie vraiment d'être venu. J'aurais pu me débrouiller seule ou attendre que James soit disponible.
- Tsss tais-toi. Ça me fait plaisir, les amis d'Andrew sont mes amis. Le pauvre, il n'en a pas beaucoup.
- Arrête de dire n'importe quoi, tu cherches juste des prétextes pour tarder un peu, je lui lance en ouvrant ma portière.
Il n'a certes pas tort mais je n'ai pas envie d'aborder le sujet.
Nous sortons du 4x4 de Drake et Livie accroche mon coude avant de se diriger vers ce que je suppose, être l'entrée de l'immeuble.
- Il y a trois étages sans ascenseur, précise-t-elle.
- Dommage, mon frère aime bien les ascenseurs, rigole Drake qui s'est collé, comme par hasard, juste à ma droite et à qui je lance un coup de coude afin qu'il se taise.
Trois étages plus haut, Livie ralentit le pas et s'arrête. Elle sonne puis se rapproche de moi pour me parler à l'oreille.
- Je suis contente que tu sois là. Ce n'est pas... évident.
Elle a la gorge serrée et je comprends que des souvenirs désagréables l'assaillent.
- Je te l'ai dit, je serai toujours là tant que tu auras besoin de moi.
La porte s'ouvre avant qu'elle ait eu le temps d'ajouter quoi que ce soit.
- Bonjour. Je vous attendais. Je suis Macy Williams. Livie Parker n'est-ce pas ? James m'a tellement parlée de vous que j'ai l'impression de déjà vous connaître. Entrez...
La voix de la jeune femme est accueillante. Agréable et ferme, elle indique une forte et fière personnalité.
- Bonjour Macy. Je n'aime pas déranger mais James m'a expliqué qu'il avait laissé mes quelques cartons dans l'appartement et que je pouvais passer les prendre. Je l'ai appelé hier soir et...
- Stop Livie , il n'y a aucun problème... Je m'ennuyais en fait et ta visite, votre visite tombe très bien. Il y a des jours où rien ne va comme on le veut et faire une pause est la seule façon de reprendre ensuite le travail calmement.
Je connais ce langage et le comprends parfaitement. Elle nous guide, enfin indirectement car je reste lié à Livie, vers une pièce qui me semble assez petite et encombrée. Je me cogne deux fois le genou et une fois la hanche avant de m'immobiliser dans un endroit apparemment sans danger.
- Je te présente deux amis qui m'accompagnent, dit Livie. Andrew...
- Andrew Follen je sais, la coupa Macy , je suis vraiment flattée de faire votre connaissance. J'ai apprécié vos livres. Votre style et vos intrigues me font tripper à chaque ouvrage.
Sa façon d'interrompre Livie ne me plait pas énormément mais lorsqu'elle saisit ma main pour la serrer chaleureusement, je comprends que c'est sa façon d'être, elle, Macy, franche et directe. Je lui souris.
- Le plaisir est pour moi Mademoiselle Williams . J'avais hâte de faire votre connaissance. Avec moi, James n'a pas été très bavard, il ne l'est jamais mais, le peu qu'il m'a montré de vous m'a enchanté.
- James parle trop. Comme il est hors de question que vous me fassiez rougir, on va changer de sujet M Follen.
- M Follen, c'est mon père ou à la limite mon frère ici présent. Moi c'est juste Andrew, s'il vous plaît.
Sa discrétion est à porter à son crédit là aussi. Suivant sa suggestion, j'abandonne le sujet malgré ma curiosité mais je devine que les questions de Drake et celles de Livie aussi, pleuvraient plus tard.
- Très bien, Andrew alors. Et ce grand jeune homme qui me fixe bizarrement est votre frère ?
- Sûrement. Drake Follen. Drake aurais-tu perdu ta langue en même temps que ta politesse ?
Je suis étonné, car il n'a pas encore prononcé une seule parole.
- J'ai quelque chose sur le nez Monsieur Follen ? Un peu de cambouis peut-être ? Je reparais la voiture de James il y a une heure...
- Non Mademoiselle Williams... Non vous êtes... parfaite, commence Drake d'une voix enrouée. Excusez-moi... Livie ? Où sont les cartons ? J'en prends un ou deux et je les amène à la voiture.
Il y a un bref silence suite aux paroles précipitées de Drake qui semble pressé de partir.
- Vous en avez deux ici, finit par dire Macy légèrement désarçonnée elle aussi.
- Bien.
J'entends Drake ahaner sous un poids, puis la porte d'entrée claque.
- J'ai dit ou fait quelque chose qui aurait froissé ou choqué votre frère ? me demande immédiatement Macy .
- Non, je ne pense pas... Ne faites pas attention, il est parfois très fruste et impoli.
- Andrew ! Ne dis pas de mal de ton frère.
Livie , qui s'est tu pendant cet échange curieux, vient d'intervenir.
- Je ne dis pas de mal. Il est comme ça avec moi. Il est vrai qu'avec les femmes, il est souvent beaucoup plus agréable.
Je plaisante pour alléger l'atmosphère mais j'ai perçu une intonation inquiétante dans la voix de Drake , lorsqu'il a parlé à Macy. Quelque chose comme de la peur... ou de l'admiration. Et mon frère n'a peur de personne, à part de ma mère, et n'admire que le Dr Martin Luther King. Pour un avocat, il a singulièrement manqué de mots. Je refuse de perturber plus les jeunes femmes en partageant mes pensées, mais Drake a vu dans cet appartement quelque chose, ou quelqu'un qui lui a fait perdre son audace légendaire.
- Dommage, j'aurais été... bref. Livie, tes cartons sont pour moitié ici dans le salon et il en reste deux je crois, dans la chambre. Ils ne sont pas trop lourds, nous devrions pouvoir toi et moi les...
- Bonjour à tous, désolé d'être en retard. Andrew, j'ai croisé ton frère dans les escaliers. Il semblait... comment dire... bizarre, réveur. Il est malade ?
Macy a été interrompue par l'arrivée de son frère. D'une tape sur l'épaule, James me signale sa présence. Je suis heureux qu'il se manifeste, n'ayant aucune envie de répondre à un interrogatoire sur Drake .
- Laissons le rêver. Comment vas- tu ?
- Moi, très bien et toi et ta diablesse de fille ? Elle n'est pas là ?
- Lisa va bien. Je l'ai laissé avec ma voisine, Alice, tu sais ?
- Alice.
Il a juste prononcé ce prénom, comme pour le savourer tout en soupirant. Y aurait-il de la romance dans l'air ?
- Oui Alice. Ça te pose un problème que je confie ma fille à une psy ?
- Non, euh... Macy et Livie on peut vous laisser un moment ? J'aimerais discuter avec Andrew.
- Tu peux nous laisser mais après occupe-toi de ces deux gros cartons à descendre, répondit Macy à mon éditeur qui ne contrarie pas sa sœur.
J'entends les deux filles s'éloigner, sans doute en direction de la chambre.
- De quoi voulais-tu me parler James ? Serait-ce d'une charmante petite brune qui n'a pas la langue dans sa poche ?
Depuis la fameuse soirée donnée pour ma fille, je me sens plus à l'aise avec lui, c'est un type bien et depuis plusieurs années, il ne m'a jamais fait faux bond, il n'a pas cherché à faire de la communication ou de la publicité avec ma cécité, comme d'autres l'auraient fait. Finalement, je m'aperçois que mes proches méritent mieux qu'un ours asocial comme moi.
- Charmante ? Brune ? Comment sais-tu tout cela ? essaie de plaisanter James . Mais il est évident qu'il semble gêné.
- Tu ne démens pas, je note, après tout, j'aurais pu me tromper. Tu voulais peut-être me parler de mon retard pour le prochain manuscrit... ou me demander encore mon avis sur "Dans les yeux du chat"...
- Bon, tu as gagné. Je ne te connaissais pas le don de deviner mes pensées mais il est vrai que j'aimerais en savoir plus sur ta voisine. Charmante et même un peu trop pour mon bien. Depuis 10 jours je n'arrive pas à me la sortir de la tête. C'est incroyable. Tu n'es pas euh... enfin elle ne te... tu vois ce que je veux dire ?
Il en bégaye et voir cet homme si calme et posé d'ordinaire perdre ses moyens me fait éclater de rire.
- Si elle me plaît à moi aussi ? C'est le sens de ta question ? Rassure-toi elle est très agréable et sociable mais ce n'est pas demain la veille que j'envisagerais la moindre relation plus qu'amicale avec une psy... Le milieu médical, j'en ai eu plus que la dose supportable cette année ! Si elle te plaît, accompagne-nous ou mieux, passe à la maison quand tu veux. Livie et elle sont devenues amies me semble-t-il, et elles sont souvent ensemble.
Il soupire.
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée mais je passerai vous voir ce soir et je sonnerai aussi chez elle. Si elle ne lit pas l'avenir, elle ne se sauvera peut-être pas.
- Pourquoi crois-tu qu'elle se sauverait ? Vous allez bien ensemble, je trouve. La brise et la tornade. La discrétion et la curiosité. Vous vous équilibrez mutuellement.
Il ne dit rien et je me mets à rire de nouveau.
- Et voilà que tu me transformes en conseiller matrimonial.
Je laisse passer un moment avant de reprendre sur un autre ton.
- James ?
- Oui ? répondit-il devant mon interpellation plus sérieuse.
- Elle te plaît ? T'intrigue ? Tu as envie d'en savoir plus sur elle et de prendre soin d'elle ? Tu rêves d'elle la nuit ?
- C'est exactement cela.
Tu connais les symptomes comment Follen ?
- Alors fonce. Je t'attends pour le café à la maison vers 17 heures.
- Merci Andrew.
Juste à ce moment, les filles reviennent en discutant.
- Tu as abandonné tes études de kiné pendant ton mariage ? dit Macy d'un ton outré.
- Oui on peut dire cela comme ça mais, je n'avais pas le choix, se défend Livie .
Je fais quelques pas dans sa direction. La sœur de James a en 5 minutes obtenu des réponses à des questions que je me suis posé pendant plusieurs jours, mais Livie ne semble pas apprécier l'interrogatoire en règle auquel elle est soumise. Même si j'apprécie Macy , il est hors de question qu'elle dérange Livie plus longtemps.
- Macy ? Est-ce que je peux aider ? lui-demandé-je pour l'interrompre.
- Humm, Livie et moi allons descendre ces deux derniers sacs, j'espère que ton frère a une grande voiture. Reste ici Andrew, comme ça je peux laisser l'appartement ouvert. James tu descends aussi ?
- Bien sûr chef ! À tout de suite Andrew.
Il sort juste après sa sœur.
- Livie ?
Je n'ai pas pu me retenir de l'appeler. J'avais besoin de savoir.
- Tu vas bien ?
Elle s'approche de moi et avant de sentir ses doigts sur ma joue, son parfum frais m'entoure. J'aime la savoir près de moi.
- Je vais bien, arrête de te tracasser pour moi. Je ne peux pas dire que revenir dans cet appartement me réjouisse mais ça va.
- Et Macy ?
- C'est une sacrée fille ! Mais je sais me défendre. C'est grâce à toi que j'ai compris que parler peut être bon. Je dois descendre, ils ne vont pas déménager mes cartons sans moi.
Elle va s'éloigner lorsque je retiens son bras pour l'attirer vers moi. Sans réfléchir, je cherche son visage que je prends en coupe entre mes mains et doucement lui laissant le temps de réagir si elle le souhaite, je m'incline vers elle. Je pose mes lèvres sur les siennes, caressant doucement sa joue de mes pouces, savourant la douceur de cet échange, ne demandant pas plus. À regret, je m'éloigne et relâche mon étreinte sur son cou. Elle gémit un peu puis laisse échapper un mot à mi-voix, une interrogation.
- Pourquoi ?
- Je crois que je préfère ne pas me poser de questions, Livie. J'en avais envie. Tu regrettes ? réponds-je en chuchotant.
- Non.
- Bien. Nous en discuterons plus tard si tu le souhaites. Ou nous recommencerons...
Elle a, à nouveau, ce petit rire que j'aime tant, qui j'en suis sûr, doit faire briller ses yeux.
- On verra Andrew, dit-elle, toujours en souriant.
Quelques secondes plus tard, je me retrouve seul dans l'appartement où elle a vécu avec Peter. Le bonheur doux qui emplit ma poitrine suite à notre échange léger, s'efface doucement. Je fais quelques pas prudents, repérant une table, un fauteuil puis un mur que je longe jusqu'à une fenêtre. Ce n'est plus chez eux, chez elle. Les meubles ont dus être changés mais je me sens oppressé et j'ai envie de prendre l'air. La fenêtre s'avère être une petite baie vitrée qui me mène sur un étroit balcon dont je suis la rambarde du bout des doigts. Je respire mieux soudain. J'avance un peu et trouve très vite l'autre extrémité. Il mesure au maximum deux mètres. Je m'accoude à la balustrade. Le quartier est bruyant déjà à cette heure, mais j'entends en bas de l'immeuble, la voix de mon frère qui discute avec Macy me semble-il. Ils ont fini par faire connaissance ces deux-là. Je ne distingue pas leurs paroles mais la discussion est animée. Je suis curieux d'interroger mon frère sur ce qui l'a perturbé à son arrivée.
Soudain d'autres voix plus proches me parviennent, les mots sont très clairs et je ne peux m'empêcher de les entendre.
- Écoute-moi Livie, Peter est venu ici il y a quelques jours. Il était comme toujours, assez énervé de ne pas te trouver. Je voulais t'appeler mais Macy m'a conseillé de te faire confiance et qu'il ne pourrait pas remonter jusqu'à toi.
Mauvais conseil Mademoiselle Williams, chuchoté-je pour moi-même.
James doit être entré dans le salon avec Livie, qui donne aussi sur la terrasse et je décide de faire preuve de discrétion et signaler ma présence. Je ne bouge pas immédiatement cependant.
- Ne te tracasse pas. Peter m'a retrouvée mais Andrew et son frère Drake ont pris les choses en main. Il... ne me fait plus peur. Rien ne nous lie dorénavant. Sauf... les souvenirs, achève Livie en soupirant.
- Il t'a retrouvée ? Comment ? Je ne lui ai rien dit !
- Mike, mon ex-patron a une curieuse représentation du secret professionnel.
- Ah ! Cela me gêne de dire cela de celui que je considérais comme un ami mais, fais attention à toi... Peter peut être dangereux, il te l'a déjà prouvé.
- Je sais. Mais...non seulement, je peux désormais l'affronter, et j'en suis la première surprise mais, je suis aussi bien entourée là-bas. Andrew est peut-être aveugle mais il est extrêmement ... protecteur et efficace.
La fierté que je ressens à entendre non seulement ses paroles mais le ton affectueux et rêveur sur lequel elle a parlé, me surprend presque autant que l'envie de l'embrasser qui m'a traversé quelques minutes plus tôt.
Oui, je me sens protecteur.
Oui, j'ai envie de l'embrasser parfois.
Mais je préfère ne pas y réfléchir trop. Je n'ai aucune envie de me lier depuis mon divorce et je ne vois vraiment pas pourquoi cela devrait changer.
- Et tout va bien là-bas ? Je veux dire avec Lisa ? Elle m'a semblé très distante avec toi l'autre jour.
- Distante n'est pas exactement le mot que j'aurais employé, dit pensivement Livie. Elle n'est absolument pas décidée à partager son papa. "Territoire privé" m'indique-elle par chacun de ses actes. Sa jalousie est un peu difficile à gérer mais, j'y arrive mieux que je ne l'aurais pensé.
Livie , tu as tellement raison ! Tu ne serais pas dans la pièce voisine avec James , je te prendrais à nouveau dans mes bras pour t'embrasser. Tu as raison pour tout et enfin je comprends pourquoi ma princesse devient une petite peste avec toi.
Je repense à tous les petits gestes, toutes les paroles dures que Lisa a eu et que je comprends enfin à l'explication éclairée de Livie . Une bonne explication avec ma fille devrait sûrement être la fin de cette tension entre elles. Si j'ai eu des scrupules à écouter cette conversation privée, ils ont disparu. J'ai obtenu une clé, une raison au comportement de ma fille et je m'en veux terriblement de ne pas avoir compris cela plus tôt.
- Je suis certain que tu peux gérer sa jalousie. Mais toi... comment te sens-tu ?
Je fronce les sourcils. La question me paraissait curieuse. Malgré la distance, j'entends le soupir de Livie.
- Je ne sais pas trop... j'essaie de ne pas avoir peur de mal faire, de ne pas la mettre en danger. C'est difficile à comprendre. Elle est grande, je ne m'inquiète pas autant mais je ne suis jamais tranquille, j'ai souvent peur d'être maladroite par mes gestes ou mes mots.
- Oh Livie, nous en avons discuté plusieurs fois, tu n'es coupable de rien.
James est tendu, presque en colère. Coupable de quoi ? Je ne comprends plus cette conversation.
- Je sais mais, les vieilles habitudes sont dures à perdre. J'ai fait pas mal de progrès... relationnels, dirons-nous, laisse-moi du temps.
Des progrès ? Avec moi ? Il me semble pourtant que, parfois nous avancions côte à côte dans une impasse, nous rapprochant parfois comme, au hasard, mais en refusant de penser à notre destination.
- C'est sérieux entre Andrew et toi ? demande soudain James, comme en écho aux pensées que je ne viens d'avoir.
- Comment ?
Livie semble choquée par la question. Ce qui me vexe. Cela m'apprendra à écouter aux portes;
- Il me semble, qu'il y a quelque chose entre vous. Ça fait presque huit ans que je le connais et c'est la première fois que je le trouve aussi... social, souriant. Même avant l'accident, il était assez sombre. Sauf avec sa fille bien sûr.
- Je ne sais pas vraiment. Je suis bien avec lui. Nous discutons, c'est tout.
Ou presque. Elle l'a pensé si fort que je l'ai entendu, et James aussi apparemment.
- Ouais, si tu le dis. Sois prudente avec Andrew, il n'y a rien à espérer avec lui. Il n'est pas prêt pour la moindre relation durable. Son ex-femme était... il t'a parlé d'elle ?
- Non.
- Bon, ce n'est pas à moi d'en parler alors... mais elle n'a pas facilité les relations d'Andrew avec les femmes, ses fans étaient aussi un peu trop... collantes. Bref, il n'est pas prêt à se lier. Sans parler de son accident. Il ne t'apportera rien de bon.
De quoi se mêlait-il ce soit-disant ami ?
Pourquoi surtout, est-ce que je m'indigne de sa réflexion somme toute exacte. Je desserre mes doigts qui emprisonnent durement la balustrade et me force à respirer calmement.
Celui qui écoute aux portes, ou plutôt à la fenêtre, ne peut qu'entendre des vérités pas très agréables. Je dois faire avec. De toute façon, je ne souhaite rien apporter de particulier à Livie, sauf mon amitié. C'est ce que nous avions sagement décidé dès le départ.
C'est ce qui me convenait. Ce qui doit être.
- Et si tu t'occupais de tes affaires James ? Sors, lance-toi avec Alice et oublie-nous. Andrew et moi sommes adultes et faisons ce que nous voulons.
- Vous êtes adultes mais, il a une petite fille adorable et je sais que si pour toi c'est déjà compliqué avec elle, s'il se passe quelque chose entre Andrew et toi ce ne sera que temporaire... et ensuite qui souffrira ? Toi... et elle peut-être...
- Ne t'inquiète pas trop pour elle, déjà elle a beaucoup de répondant et ni lui ni moi ne la blesseront. Je vais me répéter James , je t'adore mais cela ne te regarde pas...
- Bien, nous en reparlerons plus tard si tu en as besoin. Je descends voir si Macy et Drake sont toujours là et en bon état. Je crois qu'entre ces deux-là, ça fait quelques étincelles.
Il a dû s'éloigner car aucun bruit ne me parvient de l'appartement. Je me retrouve dans la position délicate de rentrer dans le salon, sûrement face à Livie qui comprendra que j'ai entendu sa conversation. Une position pas très agréable. Je tergiverse donc un peu sur mon balcon en souriant de mon malaise.
- Andrew ? Tu vas bien ?
La voix intriguée de Livie qui s'est approchée du balcon, me surprend.
- Très bien, réponds-je. Parfois, je me dis que je suis vraiment aveugle et pas très intelligent. C'est tout.
- Si un grand écrivain comme toi le dit, cela doit être vrai. Je ne te demanderais pas ce que tu as entendu, ça serait aussi gênant pour toi que pour moi.
- Alors, ne me le demande pas, ça me paraît préférable. Je suis désolé, je n'avais pas prévu de vous espionner.
- J'espère bien. Sinon je t'en aurais donné pour ton argent et j'aurais avoué tous mes noirs secrets.
Elle plaisante, donc elle n'est pas fâchée contre moi.
- Viens par ici, j'ai envie de prendre l'air avec toi.
- Non, je ne m'approche pas de toi ici.
- Pourquoi ? Je te fais peur ?
- Humm, pas exactement, mais ton frère et ton éditeur ont le nez pointé vers nous et je ne souhaite pas leur faire voir ce qui a tendance à se passer quand Andrew Follen s'approche de Livie Parker.
- Moi j'aimerais bien le savoir.
- Ce soir peut-être, à la maison. Allez rentrons, Macy et Drake ont tout chargé et ton frère est pressé de partir, je ne sais pas pourquoi.
Ce soir. Peut-être. À la maison. Trois petites phrases qui résonnent comme une promesse
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top