chapitre 23 Andrew : Affronter le passé
JUSTIN :
8h00 du matin
Des types bizarres qui veulent rentrer dans l'immeuble j'en ai déjà vu. Mais celui ci...
Je secoue la tête et suis du regard le type que je viens de renvoyer. Je veux m'assurer qu'il s'éloigne de l'immeuble et ne cherche pas à rentrer des que j'aurais le dos tourné.
Sale type. Sa haute silhouette baraquée est maintenant à une cinquantaine de mètres de moi mais il se retourne et me fait une petit sourire moqueur qu'il accompagne d'un geste de deux doigts vers son front.
Sale type. Cheveux blonds aussi sales que son jean . Sourire torve. Et des lunettes de soleil me cachant un regard que je devine vicieux.
Je le reconnaîtrais entre mille et il mettra plus les pieds ici.
Foi de Justin Black
Surtout pour chercher Livie.
Sale type.
ooOoo
- Tss Tss... Ma Livie, si j'ai envie de te parler, je le ferai. Maintenant que je t'ai retrouvée, tu obéiras comme tu l'as toujours fait.
Non mais il se prend pour qui ? Et surtout il pense parler à qui ce type ? Je respire profondément et serre ma canne comme si elle pouvait me retenir.
- Livie ? l'appelé-je.
Je déteste la nuance d'angoisse qui se mêle à la colère dans ma voix.
- Je suis ici Andrew, répond-elle immédiatement.
Je perçois la nuance de soulagement dans sa voix et sans réfléchir davantage, je franchis aussi vite que possible les quelques mètres qui me séparent d'elle. Je ressens la présence d'un homme que je contourne. Il me semble grand et ne bouge pas lorsque mon épaule le heurte volontairement ou non, mais je ne m'arrête que lorsque Livie pose brièvement sa main sur mon bras pour me signaler que je suis enfin à côté d'elle.
- Tu vas bien ? soufflé-je à son oreille, en saisissant ses doigts pour les porter à ma bouche. Je dépose sans réfléchir un bref baiser dans le creux de sa paume. Pour me calmer ou la rassurer, je ne sais pas trop.
- Ça va. Merci d'être là, répond-elle à ma seule intention.
- Bien.
Je me force à expirer lentement à plusieurs reprises et dirige mon regard dans sa direction, refusant de me tourner vers l'homme. Niant sa présence. Elle seule est importante.
- Alors c'est le type chez qui tu t'es réfugiée ? Le type basané en bas de l'immeuble a catégoriquement refusé de me laisser monter, reprend la voix traînante et moqueuse derrière moi.
- Cela ne te regarde pas Peter.
- Si. Tu es ma femme. J'ai tous les droits.
Son mari ?
Sa voix a claqué. Froide et décidée. L'arrogance de ses mots fait exploser en moi les dernières barrières d'incertitude par rapport à cette situation. Cet homme est dangereux. J'estime jusqu'alors qu'avec Alana, j'avais tiré le gros lot, mais ce type, ce Peter, est de la pire espèce. Je prie pour que Lisa respecte mon ordre et ne s'approche pas.
- Arrête de dire n'importe quoi, répond immédiatement Livie , nous sommes séparés depuis longtemps et le divorce à été prononcé il y a deux mois. Tu n'as aucun droit sur moi. Ni maintenant, ni même avant.
- Tu es rebelle maintenant ? C'est ce type avec une canne blanche qui t'apprend ça ?
Livie a répliqué avec détermination aux provocations de l'homme mais soudain, je sens qu'elle va perdre son calme. Je suis si proche d'elle que je la sens trembler. De fureur me semble-t-il.
De mon côté, je suis capable de rester calme. J'en suis capable. Surement. Il peut dire ce qu'il voulait sur moi. Être aveugle n'est pas une tare. Je n'interviendrai pas pour ce genre de vétilles. À moins qu'elle ne me le demande et alors la fameuse canne blanche risque de finir dans la figure de... son ex-mari. Cependant, le raidissement brutal de Livie, la crispation de ses doigts dans les miens, me préviennent de sa fureur grandissante.
Sans lâcher la main de Livie , je me retourne alors lentement dans la direction de ce Peter .
- Je n'ai rien à lui apprendre, dis-je, après quelques secondes pendant lesquelles je retiens Livie loin de lui.
Je le toise. Lorsque j'ai estimé la taille et l'emplacement d'un individu grâce à sa voix, j'ai appris à le regarder directement, ce qui impressionne généralement.
- Andrew ! Ne te mêle pas de cela s'il te plaît, me supplie doucement Livie d'une voix extrêmement tendue.
- Je reste avec toi. Tu n'es pas seule, me contenté-je de lui répondre.
Elle expire alors soudainement, comme si elle avait retenu longuement sa respiration et vient de laisser sa tête émerger de l'eau. Je reste face à l'homme et dans le creux de ma main je sens frissonner les doigts de mon amie. Tout son corps tremble, légèrement, contre mon flanc, et elle me serre toujours très fort mais je la sens moins tendue, plus résolue.
- Peter, comment m'as-tu retrouvée et surtout pourquoi ?
- On peut aller discuter quelque part tous les deux, tranquillement ? Je t'emmène boire un café.
Il parle calmement, comme s'il était certain de la réponse de Livie, mais je distingue enfin une sorte d'étonnement dans sa voix.
- Non, je n'irai nulle part avec toi. Dis-moi ici, ce que tu as à me dire.
- Comme tu veux. Quand j'ai frappé chez nous ce matin, une belle blonde m'a ouvert. Elle semblait furieuse d'être dérangée. James est alors sorti de l'appartement pour me dire que tu n'y habitais plus. L'imbécile a refusé, malgré notre amitié, de me dire où tu te cachais.
Il semble furieux et abasourdi, il le ressent comme une trahison. Il faut que je pense à remercier Williams lors de sa prochaine visite. Et Black aussi d'avoir correctement fait son boulot.
- Mais je suis doué pour trouver les gens tu le sais. C'est Parton, ton ancien patron, qui m'a dit où tu faisais suivre ton courrier de licenciement. Alors il a fini par te virer ? poursuit complaisamment Peter d'un ton moqueur.
- Oui et tant mieux. Tu veux quoi ?
- Pourquoi penses-tu que je veux quelque chose ? J'ai juste envie de bavarder avec toi c'est tout. Nous avons vécu pas mal de choses tous les deux. On peut en discuter.
- Et donc, tu te transformes en amoureux de la nature qui hante les parcs, pour bavarder avec moi ? Toi qui as toujours refusé la moindre balade en dehors de la tournée de tes bars préférés ? Tu perds ton temps, Peter. Il n'y a plus rien entre nous. Et depuis plus longtemps que tu ne le penses. Jenks a dû t'expliquer que je ne voulais plus avoir à faire à toi.
- Jenks est un putain d'avocat. Il exagère toujours tout, histoire de se faire du fric. On peut rester amis, Livie ! Ça fait plus de 10 ans qu'on se connaît toi et moi.
Elle frémit contre moi, mais garda le silence.
- On a eu des bons moments n'est-ce pas ? continua-t-il comme elle refusait de répondre.
- S'il y en a eu, je les ai oubliés. Andrew ? On peut partir s'il te plaît ?
- Bien sûr ! Va chercher Lisa tu veux bien, et commencez à rentrer à la maison. Je vous rejoins.
- Non, je...
Elle hésite à partir. Je me doute qu'elle ne souhaite pas me savoir seul avec ce Peter. Mais je veux qu'elle parte. Et Lisa aussi. Tout d'un coup je sais comment décider Livie à s'éloigner de lui.
- Va ! Pars avec Lisa s'il te plaît, je ne veux pas qu'il la voit, chuchoté-je à son oreille avant de l'embrasser sur le front.
J'en profite pour replacer machinalement une mèche derrière son oreille, après l'avoir portée à mon nez. Son parfum me rassure, me calme. En temps ordinaire.
Je lui lâche la main et entend ses pas s'éloigner, hésitants et lents.
- Peter, autre chose... tu ne te pointes plus jamais dans l'immeuble d'Andrew. C'est inutile, je ne te recevrai pas. Ni demain, ni jamais. Si tu passes outre ce conseil, je saurai faire ce que je n'ai pas fait il y a quelques mois.
C'est sur cette affirmation vibrante de colère et de menaces que Livie s'éloigne définitivement. Je reste seul face à celui qui a été son mari. Un type dont j'ignorais l'existence quelques minutes auparavant et dont Livie a peur. Les secondes se déroulent en silence. Les minutes aussi peut-être. Je suis sûr qu'il est toujours là.
- Peter ?
- Quoi ! aboye-t-il.
Tiens, le monsieur n'est pas content de la réaction de Livie !
Déstabilisé et furieux. Cela me convient très bien. J'avance vers lui. Encore un peu. Au point de sentir son parfum bon marché. Jusqu'à être à un pas de lui. Ma canne heurte le bout de ses chaussures. Je me rends compte que je suis sur le point d'exploser. En présence de Livie , je me suis contenu mais, à ce moment précis, les siècles de civilisation et de culture censés être présents dans mes gènes, et les années d'éducation de ma mère, ne pèsent pas lourd dans la balance. J'ai une envie, une seule. Briser la mâchoire et le plus possible d'éléments de l'anatomie de ce type. C'est la seule chose qui aurait pu me soulager. L'unique. Je ne me reconnais pas.
- Tu sais, je n'arrive pas à comprendre ce qui me retient de te faire ravaler tes paroles, sifflé-je entre mes dents. Je ne ferai rien. Pas cette fois. Mais si tu n'obéis pas au conseil précieux qu'elle vient de te donner, je n'aurai pas la même retenue. Elle t'a donné un avertissement. Je le double d'un autre. Ne l'approche plus. Jamais. Chez nous ou ailleurs. Tu l'as perdue. À jamais.
Avant de changer d'avis, je lui tourne brusquement le dos, sans attendre de réponse de sa part. je dois m'éloigner. La peur de Livie et sa colère contre lui, ont éveillé en moi des envies de meurtre. Quoiqu'il lui ait fait, il l'a blessée. Profondément. Je suis certain qu'il est à l'origine de la tristesse que j'entends parfois dans la voix de ma Livie .
- On verra Follen, on verra. C'est ma p'tite Livie, je te la prête un moment, mais elle me reviendra. Elle m'a toujours obéi, me lance-t-il quand j'ai parcouru deux ou trois mètres.
Je m'arrête. Hésitant encore sur la conduite à tenir. Je serre les poings. Je suis dans un lieu public, ma fille n'est peut-être pas très loin. Jouer au grand mâle dominant à ce moment-là, n'est pas la bonne option mais le fameux voile rouge de la fureur, je le « vois ». Il obscurcit mon raisonnement et mon instinct me dit de le broyer, de lui arracher la tête. Cet homme a parlé à Livie, de Livie comme si elle était son jouet , sa chose. J'inspire profondément essayant de faire exploser la barre de fureur qui m'étreint. Je me sens attiré en arrière, je veux faire demi-tour. Aveugle ou pas, je lui écraserais au moins mon poing sur le nez et lui ferais avaler ces paroles insultantes. Cela soulagera ma frustration.
- Livie n'appartient qu'à elle. Si tu n'as pas compris ça, tu n'as rien compris, lâché-je en serrant les dents avant de continuer mon chemin.
C'est comme une fuite pour échapper à ma colère. Droit devant moi. Quelle que soit la direction. Je marche un moment. Rapidement. Repérant de ma canne des lieux qui me sont inconnus et indifférents. Je dois retrouver mon calme. Je dois me retrouver.
Soudain, la pensée que Livie et Lisa sont seules et qu'il rôde dans le coin, me fait stopper dans ma fuite en avant. Je dois les rejoindre. J'aborde le premier passant à proximité et lui demande de m'indiquer le MET. En quelques minutes, j'ai atteint le lieu où nous nous étions arrêtés pour discuter et Livie m'appelle d'une voix nerveuse.
- Andrew ? Où étais-tu ?
Elle me rejoint et la petite main de ma fille se glisse dans la mienne tandis que celle de Livie remonte, hésitante, sur ma manche gauche. Je les saisis, l'une et l'autre dans mes bras dans une brève étreinte.
- Je revenais vers vous. Pourquoi n'êtes vous pas rentrées directement ?
- Papa ! commence Lisa d'une voix indignée, c'est Livie ! Elle ne voulait pas !
- Tout va bien, dis-je pour calmer son excitation et rassurer Livie à demi-mots.
Et c'était vrai. Elles vont bien. je vais mieux. Même si je ne peux pas serrer Livie dans mes bras pour la tranquilliser. La savoir auprès de moi, les savoir ensemble m'apaise moi aussi. Mon rythme cardiaque redevient normal et je peux à nouveau sourire. J'entends la voix de ma fille qui continue à pépier.
- ... et puis elle a raison. On ne pouvait pas te laisser tout seul ! Tu nous aurais accusées après d'être comme les méchants de Hansel et Gretel.
Je m'agenouille devant elle et la serre contre moi. Elle sent bon. Une odeur de miel et d'innocence.
- Jamais ma jolie. Jamais je ne t'accuserais d'une telle méchanceté ! Sauf s'il y avait les gâteaux de ta grand-mère au goûter... Là, je ne suis pas certain que tu ne m'abandonneras pas pour les déguster sans moi.
J'entends le petit rire de Livie dans mon dos qui fait écho à celui de ma fille et c'est le plus beau bruit qui puisse exister.
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