Chapitre 19 Andrew : Petite soirée en amis


Lundi soir :

La soirée s'annonce space. Si Lisa est contente de me voir, les mecs par contre me font la gueule. James est toujours aussi calme dans l'ascenseur avec moi mais un truc bizarre, comme un courant hostile, court entre nous. Déjà le grand frère avocat, il n'a pas caché son incompréhension quand je lui ai dit que je les rejoindrai. Bande de snobs.

En plus, quand j'ai obtenu de Livie qu'elle m'embrasse, ses yeux se sont arrondis et un laser vert mortel m'a percuté. Ok j'exagère un peu. Mais à peine. Je hausse les épaules, s'ils ont peur de la concurrence c'est leur problème.

Pour l'instant, seul Andrew me tolère. En tout cas, il n'a rien dit. Probablement parce qu'il n'a rien vu. Dommage, je souris en imaginant sa tête. Le baiser de Livie était juste... mignon.

ooOoo

Elle s'éloigne avant que je ne puisse articuler la moindre réplique intelligente. Mon cerveau s'est arrêté au « jean trop moulant ». M'a-t-elle observé en douce tout l'après-midi ? L'idée est très intéressante mais troublante aussi. Je fais la moue. Non, je ne laisserai pas mon ego se réjouir de cette information. Elle et moi avons décidé que rien ne serait possible entre nous. Trop compliqué.

À force de me le répéter, je finirai bien par y croire. En attendant cet hypothétique moment, je m'avance vers l'entrée avec prudence. Quelques crayons ou autres babioles ont dû rouler sur le sol carrelé. Un craquement sous mon pied me confirme que j'ai raison. Je grimace, ce n'est ni très grave, ni dangereux. je ferai avec le désordre, tant que Lisa ou Drake ne jouent pas aux billes, tout ira bien. J'atteins et ouvre la porte sans autres difficultés.

- Bonsoir Andrew, je suis content d'avoir été invité, me salue James Williams en me faisant l'accolade, je suis content aussi de revoir Lisa. Salut ma petite Lisa ! Oh là là, je crois que je ne vais pas être très original, mais tu as sacrément grandi depuis la dernière fois. Je vais ranger le petite dans ma poche et la remplacer par ma belle... Qu'en penses-tu ?

- Salut Oncle James. Heureusement que j'ai grandi un peu, ça fait presque un an que je suis partie chez ma mère, répond Lisa en riant. Bonjour Justin. T'as vu j'ai été sage aujourd'hui, je ne me suis même pas sauvée pour descendre te dire bonjour.

Ah ils sont là tous les deux. Je crois que j'aurais voulu qu'il change d'avis et ne vienne pas.

- T'as intérêt à être sage. Tu peux descendre me voir quand tu veux, je serai content. J'aime parler avec toi, mais uniquement si ton père ou Livie savent où tu es.

Je les ai invités pour ma fille. Je dois donc suivre les conseils de Livie. James aime bien Lisa. Il la connaît depuis qu'elle est petite et nombre de nos réunions professionnelles se sont déroulées avec Lisa dans le berceau ou dans mon porte-bébé ventral, voire même dans Central Park avec la petite roulant autour de nous sur son vélo bleu à roulettes. James s'est adapté à ma condition de jeune papa écrivain, en mode monoparental. Je ne lui ai pas donné le choix, c'était Follen&Co ou rien. Il m'a soutenu dès le départ. De plus, entre Lisa et lui le courant passait bien. Autant je sais qu'elle fera des bêtises avec Drake car ils activent mutuellement le mauvais côté de l'autre, autant James et sa patience calment ma fille.

Quant à Justin, je ne sais pas quoi penser de leur relation. Avant, je le voyais comme un grand enfant qui jouait avec elle. Mais maintenant, avec l'attirance manifeste qu'il éprouve pour Livie, je ne le considère plus du tout comme un gosse un peu agaçant. Bon, on arrête là les pensées pénibles.

- Bonsoir Justin. Salut James, dis-je en avançant un peu plus. Asseyez-vous, faites comme chez vous. Vous vous connaissez tous je pense. Il ne manque plus que ma nouvelle voisine.

- Non non, elle ne manque pas, je viens d'arriver. La porte était encore ouverte, j'ai vu de la lumière alors je suis encore entrée sans invitation, chantonne la voix reconnaissable de ladite voisine.

Elle me fait sourire. Cette femme a une espèce d'aura pétillante incompatible avec la mauvaise humeur. Un bon point pour son boulot. J'aurais presque envie de m'en faire une amie, si elle n'était pas psy.

- Alors sois la bienvenue Alice. Je peux t'appeler ainsi ? C'est une réunion totalement informelle et nous serons amenés à nous côtoyer quelquefois, même si Lisa ne fuit plus chez toi.

- Bien sûr, Andrew. Sauf quand tu viendras me voir au cabinet. Là, même pour toi, je serai le Dr Barnett, plaisante-t-elle.

Je ne relève pas car j'ai décidé, en mon for intérieur, de ne jamais faire appel à ses soins. Plus de psy. Ma tête va très bien, merci. Je m'éclaircis la gorge et me dirige vers le canapé où le bruit discret d'une conversation entre James et Drake me permet de les localiser.

- Alice, tu connais Lisa bien sûr, ainsi que Justin et Livie. Je vais donc te présenter les autres invités. C'est assez simple, il doit y avoir quelque part sur ce canapé, près de Lisa, un grand brun, mon frère Drake Follen, et un blond, James William, mon éditeur.

- Enchantée de vous rencontrer messieurs. Lisa, j'ai un petit cadeau pour toi. C'est juste un cahier. Pour écrire ce qui te passe par la tête. On en reparlera plus tard si tu veux bien.

- Merci Mademoiselle Barnett.

- Alice ! S'il te plaît, appelle-moi Alice comme tout le monde.

Le baiser bruyant de Lisa sur la joue d'Alice me surprend un peu. Lisa a toujours été très sociable mais je n'ai pas pensé qu'elle serait aussi proche de notre voisine, alors qu'elle n'a eu aucun mot ou geste gentil pour Livie.

- Bon sang, j'ai oublié !

Le cri de mon frère me fait sursauter. Fronçant les sourcils, je m'inquiète une seconde avant de comprendre. Il aime faire le spectacle. Le cri mélodramatique de Drake a évidemment appelé les curieux. Je décide de jouer le jeu, le show peut démarrer.

- Quoi oncle Drake ? Qu'est-ce que t'as oublié ? demande la voix curieuse de Lisa.

- Ton cadeau, ma belle !

- Un cadeau ? Tu m'as acheté un cadeau toi aussi ?

Elle semble surprise, la petite note d'espoir dans sa voix me fait mal. Même si elle a sûrement compris ce qu'il s'est passé avec les cadeaux de l'année écoulée, même si nous en avons longuement parlé encore ce matin, Lisa a encore du mal à croire tout cela.

- Évidemment ! Tu es ma nièce préférée, dit Drake d'un ton indigné.

Je souris, connaissant la réplique suivante par cœur, c'est un jeu entre eux.

- Pff ! Je suis ta seule nièce.

- Raison de plus pour que tu sois ma préférée.

- Ok, j'attends de voir ton cadeau avant de décider si tu es mon oncle préféré.

- Oh ! Tu n'as pas d'autre oncle que je sache, jeune fille, réplique Drake, semblant vexé des paroles de la petite.

- Ben si, Onc' James est presque mon oncle.

- Presque c'est presque ! Je suis le seul et unique, râle Drake.

Le duo infernal reprend, ils adorent s'asticoter. J'entends les autres autour de moi s'agiter en rigolant.

- Bon Drake, ce fameux cadeau où est-il ? demandé-je, sourire aux lèvres, mettant un terme provisoire à leurs gamineries.

- Dans le couloir. Comme il est encombrant et que je voulais lui faire une surprise, je l'ai laissé sur le palier.

- Allez le chercher et revenez tous les deux avec ce gros cadeau, que tout le monde le voit avant que les voisins du dessous ne portent plainte à cause de tes cris enthousiastes, Lisa.

Un cadeau encombrant ? Une autre peluche pour remplacer le nounours ? Fronçant les sourcils, je suis Drake et Lisa dans l'entrée. Elle est déjà sortie en courant et elle trépigne de plaisir.

Je ne suis pas au courant pour le cadeau et suis curieux de savoir ce que mon frère a mijoté. En tout cas, elle est folle de joie. Ils n'ont mis que trente secondes et les cris de plaisir de Lisa m'indiquent que le choix de Drake est bon.

- Je t'emmènerai l'essayer demain en fin d'après-midi, commence Drake en revenant près de moi.

- C'est vrai ? Oh merci ! Tu restes mon oncle préféré, répond Lisa avec vivacité, dont j'ai réussi à caresser la tête lorsqu'elle passe devant moi à toute allure avec sans doute son cadeau.

De quoi parlent-ils ? Je suis légèrement agacé de ne pas comprendre et ma fierté m'empêche de poser la question.

- C'est un beau vélo mauve et gris. Le gros nœud argenté est superbe mais il faudra l'enlever avant de partir en promenade tous les deux Drake, précise alors doucement Livie, presque contre mon oreille.

Un vélo. Je me crispe et je dois pâlir car Livie s'approche un peu plus de moi, son coude droit effleurant ma hanche, comme un signal. Elle est là à chaque fois que j'ai besoin d'aide, comme si elle veillait autant sur moi que sur Lisa. C'est déconcertant.

- Ça va Andrew ? me chuchote-t-elle.

Je déglutis, incapable de répondre.

Un vélo pour Lisa. Son vélo à roulettes, resté au garage, est bien sûr trop petit. Nous avons parcouru des kilomètres ensemble, elle pédalant de toute la force de ses petites jambes, pendant que je courais à ses côtés. Nous avons sillonné les allées du parc presque tous les week-ends pendant plusieurs années.

Un vélo neuf à sa taille. C'est une bonne idée. Mais je ressens soudainement une grande tristesse. J'ai envie qu'ils partent tous. Qu'ils me laissent avec ma fille. Je suis capable de m'en occuper seul. Je le peux.

Non. Plus maintenant. C'est clair !

Sous le prétexte de refermer la porte d'entrée, je m'éloigne un peu de ceux qui voient ma fille, de ceux qui peuvent l'aider, la guider, la surveiller, faire du vélo avec elle. Comme moi avant. Il est hors de question que je montre à Lisa ou à Drake à quel point mon impuissance me blesse.

- Andrew ? Ce qui me plaît dans le cadeau de Drake, c'est qu'il épuisera ta fille durant leurs longues balades à vélo. Elle a tellement d'énergie à revendre que cela sera plus simple pour toi. Et pour moi de l'accompagner sur d'autres activités, moins physiques. Lisa a de l'amour pour chacun d'entre vous. Mais c'est ta fille. Elle t'aime plus que quiconque, même si tu ne fais plus certaines choses avec elle.

Elle m'a suivi et, à l'écart des autres, à sa manière, Livie me fait passer un message. Pendant qu'elle hésite à poursuivre, je réfléchis au bien-fondé de ses paroles.

- J'ai aussi quelques autres idées, de nouvelles activités que vous pourriez tenter tous les deux. Mais ce n'est pas le moment d'en parler. Lisa et les autres t'attendent.

De sa main posée sur mon avant-bras, Livie m'incite à me retourner vers elle, vers eux. Son commentaire est juste. Je ne peux plus faire de vélo avec ma fille, c'est évident. Cette idée ne m'a jamais effleuré. Je viens juste de commencer à prendre conscience qu'avec elle, beaucoup de choses seront différentes à l'avenir et'est douloureux. J'ai l'impression d'avoir été heurté par une locomotive. Je devrais laisser à mes proches le soin de certaines choses. Lisa grandit et je ne serai plus le centre de sa vie. Drake s'occupera des longues balades à vélo et je trouverai d'autres activités, je partagerai d'autres moments avec ma fille. Je prends une longue inspiration, je réfléchirai à cela plus tard. J'ai des invités.

- Tu as raison, comme toujours Livie. Drake a raison lui aussi pour ce cadeau, soupiré-je.

- J'ai raison pourquoi ? Enfin, je sais que j'ai toujours raison, mais tu ne le reconnais pas souvent. Je peux te parler frérot ? intervient mon frère en m'entourant le cou de son bras trop musclé.

C'est extrêmement désagréable, il est costaud cet homme-là. Il travaille beaucoup, mais il prend le temps de s'entraîner en salle au moins trois fois par semaine depuis l'université, entraînement que j'ai toujours refusé de suivre. S'il continue à m'attraper ainsi, je changerai d'avis rien que pour lui rendre la monnaie de sa pièce.

- Je vous laisse alors discuter entre hommes. Je vais sortir les plateaux pour les entrées. Ne traînez pas trop, dit Livie.

- Merci. J'écoute ce que Drake a à me dire et je reviens t'aider. Bon, que veux-tu ? demandé-je à mon frère après quelques secondes.

Je suis un peu sec, toujours sous le coup du « vélo surprise » et de la prise de conscience que cela a entraîné.

- Euh, pour le cadeau j'ai oublié de t'en parler. Je suis désolé Andrew. J'ai l'impression que ça te gêne... commence-t-il d'une voix embarrassée.

Je suis sûr qu'il se gratte la tête d'un air perplexe, comme quand il était petit et que maman le disputait. C'est difficile de rester fâché contre lui.

- Non, pas de problème, ça m'a juste obligé à réfléchir à certaines choses.

- Ah ?

- Laisse tomber. Je te demande juste de m'en parler au préalable quand tu voudras faire un cadeau à Lisa, s'il te plaît. Pour que je ne sois pas pris de court.

- Pas de problème. Je peux te poser une autre question ? Il y a autre chose qui m'intrigue.

- Vas-y, je t'écoute.

- Pourquoi Livie a embrassé Williams et Black quand ils sont arrivés ? Moi j'aurais juste eu droit à un salut de loin si je n'avais pas pris les choses en main. J'aurais cru que tu protégeais mieux tes arrières.

La soirée des surprises. Amer à l'idée d'avoir loupé quelque chose entre Livie et Justin, je refuse de relever la dernière remarque de Drake. Il prêche le faux pour savoir le vrai, comme s'il était en train d'interroger un de ses suspects. Je ne lui confirmerai jamais qu'il se passe un truc entre Livie et moi, il serait insupportable après. Ce type n'a aucune vie privée mais il adore s'occuper de celles des autres membres de sa famille, en l'occurrence, moi. Je soupire, je veux en savoir plus sur Justin et Livie, mais il me faut répondre pour cela à la curiosité de mon frère.

- Le monde est petit, il se trouve que James est un vieil ami de Livie. Je ne peux rien faire. Mais pour Justin, tu es certain qu'elle lui a fait la bise ?

- Affirmatif. Il s'est avancé vers elle, a attendu tranquillement et elle a fait le dernier pas vers lui pour l'embrasser sur la joue. Il avait l'air enchanté d'ailleurs.

Évidemment qu'il est enchanté, je sais qu'il la convoite. Je ne le laisserai pas faire. Même si rien ne peut se passer entre elle et moi, je ne veux pas qu'elle côtoie ce type. Je me redresse et rejoins rapidement mes convives. OK Drake va se poser des questions, mais c'est le dernier de mes soucis. Me plaçant au bout de la table, j'appelle ma fille.

- Lisa ?

- Oui Papa !

- Tu t'assoies en bout de table, juste ici, s'il te plaît. Je vais indiquer leur place à tes invités.

Elle sautille vers la place que je lui indique et sa chaise racle le sol. Je me penche et saisis son petit visage avant d'embrasser son front et de lisser les courtes mèches qui volètent autour de sa tête. Je désigne ensuite la chaise disponible à côté de Lisa.

- Justin, si tu veux bien prendre place à sa gauche ?

Sans attendre de réponse, je poursuis.

- Alice ?

- Oui Andrew ?

- Ça ne te dérange pas de t'asseoir entre Justin et James ?

- Non, ce sera un plaisir.

- Merci. Drake, si tu veux bien prendre place en face de James, avec Livie à ta gauche.

- Bien chef ! Toujours aussi directif !

- Disons que cela me permet d'être à côté de ma fille et de Livie qui m'aide pour te restaurer.

- Tu peux dire ça comme ça. Ton plan de table est formidablement pratique alors, rigole Drake qui a parfaitement compris que j'ai ainsi éloigné Livie du double « J ».

À ce moment-là, je suis persuadé que la soirée va être longue. Je m'assois et cherche sur la table le verre que Livie m'a rempli.

- Portons un toast à Lisa, qui est de retour parmi nous durant trois semaines.

- En attendant plus ! continue Drake.  


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