Prologue
Dans les contrées lointaines du royaume de Kasparan.
Hadrian empoigne son épée tombée au sol et transperce le ventre de son adversaire. La bataille est rude, il est fatigué par l'effort physique que le combat demande à son corps. Une fois s'être assuré de la mort du soldat, il regarde à l'horizon pour trouver son Roi et son meilleur ami. Un nuage de poussière l'empêche d'apercevoir correctement les personnes face à lui. Alliés ? Ennemis ? Il ne saurait dire.
Il cherche avidement l'étendard du Roi – Représenté par une couronne en or entouré d'un rond rouge sang sur un fond noir — Il se dirige à tâtons tout en jetant un œil au sol pour éviter de marcher sur les cadavres qui jonchent la terre boueuse. Il réprime un haut-le-cœur pour se concentrer sur l'endroit où ses pieds atterrissent.
Hadrian connaît l'art de la guerre, il n'a pas peur de mourir, mais personne ne l'a mis en garde sur l'odeur que dégagent les cadavres. La guerre est terrible. Il n'a jamais aimé combattre, en réalité, il est même un piètre combattant, mais heureusement pour lui et grâce à son statut de dirigeant, il a pu suivre une formation intense qui lui permet de rester en vie aujourd'hui. Perdu dans ses pensées, il n'aperçoit pas le soldat qui s'avance dangereusement vers lui.
Au moment où son regard croise celui de son ennemi, il le sait, il est trop tard. Il ferme les yeux et alors qu'il se remémore un moment tendre de son enfance, le soldat face à lui s'écroule. Une flèche l'a atteint dans l'œil droit. Hadrian a un mouvement de recul, puis laisse échapper un soupir de soulagement... Il sait que c'est Ezri, son meilleur ami qui l'a sauvé. Personne ne tire aussi bien que lui. Il cligne des yeux pour améliorer sa vision et observe alors droit et victorieux son ami souriant. Hadrian a toujours admiré Ezri pour son franc-parler et sa capacité à ne rien prendre au sérieux alors que lui est de nature anxieuse, il réfléchit à chaque chose qu'il fait pour ne rien laisser au hasard. Un fin stratège, comme le dirait si bien son ami. Ezri secoue sa chevelure humide et s'approche de son ami.
— Tu célèbres déjà la victoire alors que nos ennemis ne sont pas encore tous morts ? Demande Ezri en riant.
Hadrian se redresse, balaie la poussière installée sur ses jambes et soupire.
— Je te cherchais, où est le Roi Joric ?
— Il n'est plus en état de se battre, je lui ai suggéré de se rendre aux campements. Il est en sécurité.
— Suggéré ? Il n'écoute rien ni personne, il est plus têtu que nous deux réunis ! S'étonne Hadrian.
Le Roi est malade, mais sa santé ne l'inquiète guère, il reste toujours sur le devant de la scène sans jamais prendre du temps pour déléguer... Il lui est impossible d'entendre raison. Ce fait agace fortement Hadrian.
— Il doit être en train de féliciter les soldats blessés de notre victoire.
— Comme ça... poursuit Hadrian, le Roi se fera admirer pour son succès et son incroyable courage sur le champ de bataille...
Ezri hausse les épaules et acquiesce. Hadrian ne rajoute rien, mais reste énervé par la situation. Ezri et lui sont les seuls qui mériteraient d'être félicités ! Sans eux, la guerre aurait été perdue... Mais comme toujours, ils doivent se contenter de soutenir publiquement le Roi... Bientôt, tout changera et Hadrian pourra enfin avoir ce qu'il désire depuis si longtemps. Le Roi Joric Payne étant faible suite à sa maladie soudaine, il a besoin de se montrer puissant et solide. Il est souffrant depuis des mois et son temps sur cette terre est limité. Un mois de plus serait un miracle. Cette pensée fait sourire Hadrian. Il sait qu'il va devenir le prochain souverain du royaume. Il a tout préparé depuis longtemps. Il ne peut compter que sur Ezri qui le soutient et l'aide dans sa quête du pouvoir.
Ce royaume autrefois détruit, a été reconstruit par quinze familles puissantes. Ils se sont implantés dans des Régions divisées de manière équitable. Après plusieurs années, la Région Centrale appelée le Bocal a dominé les 14 autres Régions. Enfin 13, car une, résiste et reste depuis toujours indépendante des autres. La famille Payne domine le monde... C'est toujours la même chose, mais aujourd'hui Hadrian sait que sans descendance directe, et étant le plus fidèle ami du Roi, il va devenir le premier Roi du Continent à ne pas s'appeler Payne. Une grande victoire. Hadrian Hunter, Roi du royaume et de ce fait des 15 – 14 en réalité – Régions.
Depuis son plus jeune âge, Hadrian entend toutes sortes d'histoires sur les Payne et leurs ascensions aux pouvoirs. Au départ, les 15 familles régnaient chacune sur une Région dans une harmonie et une égalité parfaite. Un jour, l'ambition d'un membre de la famille -Silas Payne à la tête du Bocal- a bouleversé l'organisation du continent en se proclamant Roi de toutes les Régions. Il tua ceux qui ne ployaient pas le genou, sauf le cousin de Silas – Un Payne également- qui a su rester indépendant dans sa grande Région du Sud. Aujourd'hui encore, la tension est la même entre la Région du Sud et le Bocal...
Le soir tombe rapidement, les deux amis et les soldats ont terminé le travail. Malgré ça une insatisfaction règne dans les rangs. Lazare Payne a pu s'échapper. Ce Chef de guerre ennemi froid et puissant. Il s'en est fallu de peu pour qu'il renverse le pouvoir. Si Ezri n'avait pas eu l'idée de partir à leur rencontre, l'armée du Sud aurait pu choisir le terrain et ne pas connaître la défaite.
Lazare est reparti dans sa grande Région, celle-ci est inviolable et cernée par des remparts, le désert et son climat tueraient une armée venue du Nord. Ezri et Hadrian ont pu tuer ou emprisonner le reste des Chefs de Région ennemis avant qu'ils ne fuient. Ils seront remplacés par des nouveaux, soigneusement sélectionnés pour leurs loyautés.
Rien ne se mettra plus entre la couronne et Hadrian. À tout juste vingt-trois ans, il deviendra le plus jeune souverain du royaume de Kasparan. Une fierté pour lui, mais aussi un fardeau, car il sait que beaucoup voudront le défier, on lui reprochera d'être trop jeune et sans expérience. Heureusement pour lui, il a choisi lui-même les nouveaux Chefs de Régions ennemies et il est donc dorénavant sûr d'avoir des alliés fiables. Il en est autrement pour les Chefs des Régions du Nord, qui étant déjà fidèles au Roi Joric, ne sont pas remplacés. Ils vont remettre en doute ses aptitudes à gouverner et il devra se montrer fort pour gagner leur respect.
Une fois au campement, Hadrian et Ezri retrouvent le Roi confortablement installé sur un fauteuil une coupe à la main. Il fait signe aux serviteurs de ramener à boire à ses deux amis.
— Je tiens à lever mon verre en l'honneur de notre grand Roi, car c'est grâce à vous que nous avons gagné ! Au Roi ! Ezri saisit la coupe et boit son verre d'une traite.
Hadrian savoure une gorgée également. Joric est si heureux. Il pense vraiment qu'il a eu un rôle dans la victoire. Quelle jolie illusion.
— La victoire serait quand même plus belle si mon cousin faisait partie des prisonniers !
Joric grogne avant de reprendre une gorgée de son vin.
— Oui. Malheureusement, il a réussi à nous échapper et à s'enfuir, Ezri parle en baissant le regard.
— Qu'il est lâche ! Aucun honneur ! En tout cas, merci de m'avoir aidé mes chers amis à mettre une raclée à Lazare ! Buvons !
Le pichet de vin baisse rapidement et bientôt les trois amis discutent de choses plus légères. Depuis sa maladie, Joric aime se souvenir des moments passés, comme ses parties de chasse ou la victoire de bataille qu'il a menée... À tout juste vingt-neuf ans, Joric a du mal à accepter que sa fin soit proche. Il décide de reprendre la conversation sur un ton sérieux.
— Lazare ne retentera pas tout de suite un coup d'État. Il faut rester vigilant. La paix sera fragile tant qu'il continuera de respirer.
La soirée ne tarde pas à se terminer. La fatigue a emporté Joric. Hadrian et Ezri réfléchissent aux motivations de Lazare sur la route qui mène à leurs tentes. Les denrées alimentaires se font rares et font suite à deux mauvaises récoltes successives. La famine a forcé les Régions au Sud à se révolter. Le Roi étant plus au Nord, il ne subit pas encore la pénurie. La population aisée ne ressent pas la faim, contrairement aux plus pauvres, qui ne peuvent plus compter que sur la chasse pour se nourrir.
Lazare est respecté pour son dévouement au peuple et n'en peut plus de regarder ses proches souffrir, le Roi ne fait rien pour arranger la situation. Joric et Lazare sont cousins, mais ils sont tellement différents sur le plan humain qu'ils ne s'entendront jamais. La rivalité n'a fait qu'accroître avec le temps. Lazare, comme son père avant lui, estime qu'il serait un bien meilleur Roi que son cousin et a donc levé une armée.
Hadrian est soulagé d'avoir gagné cette bataille, mais reste inquiet, tant qu'il respire, il restera une menace. Une fois Joric mort et lui à la tête du royaume, Lazare estimera être le souverain naturel de son cousin. Mais pour Hadrian, il en est hors de question. Il a travaillé si dur pour se faire cette place auprès du Roi. Il ne laissera personne lui voler ce qui lui revient de droit. Alors, ce soir-là avec son ami Ezri, ils réfléchissent à mettre en place une stratégie, qui obligera les autres Régions à rester docile après son couronnement. Après quelques instants, ils se regardent souriants et rassurés. Ils ont trouvé la manière parfaite de garder le contrôle sur le long terme sans éveiller des soupçons. Ils ne leur restent qu'une chose à espérer. Que la mort du Roi Joric arrive vite.
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