Chapitre 1


« BÉRENGÈRE! COURRIER POUR TOI !

- J'ARRIVE TÊTE D'ANCHOIS ! ET ARRÊTE DE CRIER ! »

Bérengère. Prénom féminin datant du moyen-âge. Merci papa de m'avoir fait porter le nom de ta grand-mère. À chaque fois qu'on prononce mon nom entier, je me sens vieille ; alors imaginez quand j'ai appris que j'étais malade (pas un rhume hein, un cancer). Un vrai coup de vieux. Un cancer de vieux, un nom de vieux et même une maison de vieux.

Au début, ça m'a foutu un coup de savoir que les années qu'il me restait à vivre se comptaient sur les doigts d'une main ; mais avec le recul, j'ai réalisé que je devais profiter du temps qu'il me reste.

Deux semaines que j'ai tapé l'incruste chez mon petit cousin, Antoine (aussi appelé Tête d'anchois), parce que selon mes proches, il me faut "un environnement calme pour vivre tranquillement ma maladie". Merci les gars, mais à vingt-six ans je pense savoir me débrouiller seule, j'ai pas besoin d'une baby-sitter. Surtout que là, le baby-sitter est plus jeune que le bébé ; de deux ans seulement, mais deux ans, c'est assez pour que je puisse l'embêter à propos de son âge.

J'arrache l'enveloppe des mains de mon cousin en recevant de sa part un regard noir. Je lui sortis le fameux grand sourire qui donne envie de me défigurer et vais m'affaler dans le sofa.

« Ma chérie,

J'espère que tu vas bien et que ton séjour chez Antoine se passe bien. Paul et moi pensons énormément à toi.

Je t'envoyais cette carte pour te dire que tout allait bien de notre côté et que nous pensons vous rendre visite dès que nous rentrons.

Gros bisous,

Maman qui t'aime »

Le tout sur une carte représentant Manhattan (vue par hélicoptère, attention).

« Manhattan ! Rien que ça ! S'extasia Antoine par dessus mon épaule.

- Merci le soutien, hein...

- Dois-je te rappeler que c'est toi qui lui a demandé de profiter de ses vacances ?

- Non merci, ça va, grommelai-je. Sinon toi, t'as décidé de ce que tu vas faire de ta vie ?

- Non et toi ? Souriait-il, narquois.

- Moi ? Ben je vais crever dans cinq ans.»

Il me répondit par un grognement agacé qui sonnait plus comme un bruit de caverne que comme du mécontentement. Comment mettre un froid dans une conversation ou l'histoire de ma vie.


À peine cinq minutes plus tard, Antoine fit une entrée théâtrale dans ma chambre (la porte qui claque en s'ouvrant sur un grand blond, mains sur les hanches, menton relevé jusqu'à ce que battant de la porte se referme avant qu'il ne puisse faire un pas). Je regardait la scène, bouche-bée, avant d'éclater de rire en entendant le petit « Aïe, mais ça fait mal cette merde ! » de l'autre côté du mur. Je me levai (non sans oublier de mettre en pause ma série une énième fois) et ouvris la porte.

Mon cousin entra dans ma chambre plutôt rapidement mais je parvins à mettre mon pied sur sa route, le faisant tomber sur la moquette taupe de la pièce.

«Ah mais putain t'es con ou quoi ? Ça fait mal tes conneries ! »

Un rictus machiavélique avait pris place sur mon visage et je le regardait se tenir le tibia (tibia qui avait malencontreusement rencontré mon pied).

Je pris place sur mon lit, assise en tailleur, tandis qu'il se relevait et lui demandai :

« Bon, tu voulais quoi ?

- J'ai trouvé ce que je vais faire de ma vie ! »

Silence. Je me levai et commençai à fouiller dans un tiroir avant de finir par trouver ce que je cherchais.

Je m'approchais de lui et lui passais autour du cou une médaille en plastique que j'avais gagnée à la fête foraine (inutile de vous exprimer ma déception lorsque le gars m'a donné ce truc alors que la petite fille avant moi avait eu Buzz l'Éclair en peluche).

« Je vous félicite, vous êtes à présent passé du côté obscur de la vie, dis-je d'une voix que j'espérais solennelle. »

Nous pouffâmes comme des gamins avant qu'il n'interrompe mon rire digne de l'aboiement d'une otarie en fin de vie. Car oui, les otaries aboient.

« Non, sérieusement, j'ai eu une idée.

- Face d'anchois, je posai une main compatissante sur son épaule, je t'ai déjà dit que toiletteur d'éléphant c'est pas poss-

- Non, c'est sérieux cette fois. C'est une idée lumineuse, me dit-il en insistant bien sur « lumineuse ».

- Je t'écoute, répondis-je en insistant sur « t'écoute » de la même façon que lui. »

Il grimpa sur mon lit et se mit face à moi dans une position identique, prit une feuille et un stylo, et tenta d'écrire quelque chose. Tenta. Ayant pris sa cuisse comme appui, le stylo a transpercé la feuille et mon cher blondinet s'est retrouvé avec un trait noir sur la jambe.

Mature comme je suis, je n'ai pas pu m'empêcher de ricaner.

« Roh ça va hein, ça arrive à tout le monde, se défend-il.

- Oui, oui, j'ai rien dit.

- Bon. Il prit une BD, se racla la gorge et planta son regard dans le mien.

- Je t'écoute, répétai-je.

- Alors, on sait aussi bien l'un que l'autre qu'en ce moment c'est pas la joie et on va y remédier. Tout à l'heure, je me suis dit qu'on devrait se lâcher un peu.

- C'est à dire ? dis-je, méfiante.

- Tu te souviens que tu m'avais dit que tu adorerais faire du parapente ? Sauter en parachute ? Taguer un bord d'autoroute ?

- Hmm...

- Eh bah, il marque une pause en commençant à écrire, on va faire une liste. Une liste de trucs marrants à faire.

- Et par « marrant » j'espère que tu n'entends pas « illégal »... » m'assurai-je.

Il sourit malicieusement tout en me lançant un clin d'œil. Au bout de quelques minutes de réflexion, je lui rendis son sourire, sans oublier le clin d'œil.

« - Je sens qu'on va s'éclater, » nous lançâmes en chœur.

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