Chapitre 3 - Voyage, voyage


La question posée par notre proviseur est encore dans tous les esprits. Mes amies me regardent, incrédules, mais je ne peux pas les aider ; je ne comprends pas plus la situation qu'elles. J'en viens même à me demander si ce n'est pas une blague mais je me rappelle vite où nous nous trouvons. L'heure n'est pas à la plaisanterie.

« Vous nous demandez si nous croyons en Dieu ? demande Hiyori, mettant fin au silence gênant qui s'installait dans la pièce. »

Le proviseur sourit et secoue négativement la tête.

« Pas en Dieu, jeune fille, mais aux dieux. Bien sûr, je ne m'attendais pas à une réponse positive de votre part, répond-t-il gaiement. »

Hiro, qui n'a pas bougé depuis le début, pousse un gros soupir. D'un air nonchalant, accoudé au bureau, il dit :

« Forcément, ça ne peut pas être aussi simple... On ne pas juste leur dire qu'elles sont bénies, on les ramène à la IDA et basta. »

Je ne comprends rien à ce qu'il raconte et je ne connais pas le sigle qu'il a utilisé mais, au vu de son fort accent, je dirais qu'il doit être passablement énervé. Pourquoi ? Allez-savoir.

Yue se rapproche d'Hiro, lui prend la main et lui sourit. Il se calme instantanément.

« Désolée, Hiro est un peu sur les nerfs quand on quitte l'académie. Je vous en prie Chercheur-san, continuez, s'excuse Yue. »

Un peu sur les nerfs, c'est pas peu dire. On s'est carrément fait agresser là...

« Merci ma chère. Bien, où en étais-je ? Ah oui ! Les dieux. Mesdemoiselles, que connaissez-vous de la mythologie ?

- Là il faut demander à Aya', répond immédiatement Shigura. »

Voilà que, sans savoir ni comment ni pourquoi, je me retrouve en tant que porte-parole de mes amies...

« Eh bien... Il y a diverses mythologies venant de différentes régions du globe. Ce sont d'anciennes religions plus ou moins oubliées aujourd'hui.

- Plus ou moins ? me demande le seul adulte de la pièce.

- Euh... Oui... La mythologie japonaise, par exemple, est encore pratiquée. C'est plus de la croyance populaire que de la mythologie en fait. »

La religion est un sujet très difficile à aborder. Surtout que je suis athée alors je ne m'y connais pas trop... Je ne sais pas ce que ça fait de croire dur comme fer à un être supérieur... Du coup, parler de croyance devant des japonais me met très mal à l'aise. Heureusement, ils ont l'air d'accord avec ce que je viens de dire.

« C'est exact, néanmoins certains rangent les croyances japonaises avec les autres grandes mythologies à savoir les anciennes religions grecques, égyptiennes et viking. Mais ne parlons pas d'histoire. Parlons du présent, de vous. Vous avez été choisies, comme ces jeunes gens ici présents, par un dieu afin de le représenter sur Terre. »

Il parle avec une voix tellement sérieuse qu'il m'est difficile de ne pas le croire. Pourtant ce qu'il vient de dire est complétement fou.

« Au début, je pensais que seule Ayane était bénie mais je ressens une présence divine autour de vous trois aussi, dit-il en désignant mes amies. »

Devant notre absence de réaction, Yue intervient.

« Je comprends que ça doit être assez difficile à croire mais je vous promets que c'est la vérité. Vous êtes chacune bénie par un dieu. Vous comprendrez mieux en arrivant à l'académie.

- L'académie ? demande Shigura, un peu plus à l'aise que nous.

- L'IDA ou International Divine Academy en anglais, est une école qui permet aux bénis d'apprendre à utiliser leurs capacités, à protéger les humains normaux et à répondre aux attentes des dieux. C'est également le seul établissement où nous pouvons suivre notre destin sans gêner les non-bénis, explique la jeune japonaise.

- Sans oublier que l'IDA nous protège des monstres, ajoute Akito.

- Des... des monstres ? Bégaie Mikka, visiblement apeurée. »

Le blond soupire, se gratte la tête et reprend.

« Oui... On s'en passerait bien mais plus on possède d'énergie divine et plus on attire les monstres... C'est comme ça. »

Le « loup » ! Est-ce que...

Je sors de ma réflexion et croise le regard de Yue qui me sourit d'un air entendu. Alors je n'avais pas rêvé... Est-ce que je dois considérer ça comme une bonne nouvelle ou non ?

Et... Suivre notre destin... Ce qu'il se passe actuellement ressemble plus à une scène de film qu'à une véritable conversation. Pourtant, aucun d'eux ne semblent mentir ou se moquer de nous. Non, ils sont sincères.

« Une petite démonstration vous aidera peut-être à comprendre. Akito ? Tu veux bien ? »

Le jeune blond hoche la tête et s'approche de nous. Il a un air calme et serein qui me met tout de suite en confiance bien que je ne sache pas du tout ce qu'il compte faire.

Akito lève doucement le bras gauche alors qu'une douce brise vient souffler autour de nous. C'est très agréable et relaxant. Ça me donne envie de m'allonger au soleil et de faire une sieste. Le japonais déplace alors son bras plus rapidement et la vigueur du vent augmente elle-aussi. Un petit cri se faire entendre derrière moi et je vois Mikka se tortiller et bondir dès qu'un souffle passe un peu trop près d'elle. Je la plains mais en même temps je ne peux pas m'empêcher de pouffer de rire. Je suis, d'ailleurs, vite suivie d'Hiyori et Shigura qui, elles, éclatent d'un rire franc. Mikka rougie et essaie de se calmer.

Le vent se déplace encore jusqu'à devenir presque visible. Quelques objets volent autour de nous avant de revenir tranquillement à leur place. Puis, tout s'arrête et Akito, dont les muscles s'étaient contractés, se relâche.

« Je suis béni par Fujin, le dieu du vent japonais. Désolée de t'avoir fait peur Mikka.

- Euh... Non, non c'est rien... »

Après cela nous sommes encore restées une bonne demi-heure dans l'administration à poser des questions. Nous avons ainsi appris que le proviseur n'est pas un béni mais un chercheur d'où la façon dont le nomme Yue. Les chercheurs sont des humains particulièrement sensibles à l'énergie divine et qui peuvent donc « détecter » les bénis. Par contre ni lui, ni les transférés n'ont pu nous dire qui nous a béni. « Vous le saurez quand le temps sera venu » qu'ils ont dit. Personnellement, je suis curieuse de connaître ce dieu étant donné que je n'ai pas de capacité particulière.

Nous sommes ensuite rentrés chez nous grâce à une permission de sortie exceptionnelle. C'est bien la première fois que je voyais mon collège nous obliger à sécher.

Quand mes parents sont rentrés, ils n'ont pas posé de questions. Je ne sais pas exactement ce qu'est allée leur raconter la secrétaire mais ils y ont cru.

Deux jours plus tard, toujours consignée chez moi, je reçois une lettre de l'IDA. Dessus se trouve le logo de l'établissement : un blason coupé en quatre parties de quatre couleurs différentes, doré, rouge, violet et vert avec, au centre, les lettres IDA en majuscules.

« Ayane ? Tu t'es faîtes attaquer par le courrier ? »

Mon père et ses blagues à deux balles... Je vous jure...

Je rejoins mes géniteurs dans le salon et leur donne le courrier sauf la lettre de l'académie que je garde en main et ouvre.

« Qu'est-ce que c'est ma chérie ? me demande Leila Agana Béléa. »

Je relève la tête vers elle. Ma mère fixe ma lettre et, en particulier, le logo de l'enveloppe. Elle a l'air inquiète mais ça lui passe très vite et elle me regarde à nouveau en souriant la seconde d'après.

« Tu peux nous lire cette lettre Ayane ? me demande mon père. »

J'hoche la tête et commence ma lecture en espérant qu'il n'y est rien en rapport avec les dieux dedans. Ça m'étonnerait puisque le proviseur nous a bien expliqué que les non-bénis ne doivent en aucun cas être au courant de l'existence des dieux. Un humain conscient est un humain en danger, c'est qu'il nous a dit.

« Chère mademoiselle Ayane Agana Béléa... »

Je n'ai pas eu le temps de continuer que mon père tique déjà.

« Tiens, ils ont utilisé ton second prénom ? C'est étrange. C'est celui que tu préfères mais sur les papiers officiels ça reste ton second prénom.

- Papa, je peux continuer ?

- Euh, oui bien sûr ma chérie. Excuse-moi. »

C'est vrai que c'est étrange mais bon. N'oublions pas qu'il s'agit de l'IDA c'est-à-dire une école crée par les dieux pour des personnes qu'ils ont choisies. Rien ne peut être normal dans ce genre de cas.

« Donc je disais : Chère mademoiselle Ayane Agana Béléa,

Félicitations, vous avez été choisies pour intégrer l'IDA, l'International Developement Academy, pour y terminer votre collège et poursuivre vos études jusqu'au supérieur. Votre établissement actuel a déjà été mis au courant de votre changement de cursus.

Tous vos frais de transport ont été payé et vos affaires de cours et vos uniformes vous attendent déjà dans votre chambre au sein de notre établissement. Ci-joint un billet d'avion à utiliser dans la semaine.

En espérant vous accueillir le plus vite possible parmi nous.

Le proviseur de l'IDA,

Alejandro Alis. »

Je viens à peine de finir de lire que mon père m'arrache presque la feuille des mains.

« Ils sont sérieux ? Et nous n'avons pas notre mot à dire ? On doit laisser notre fille partir dans une académie dont on ne connait rien, on ne sait où ? D'ailleurs, il est pour où ce billet d'avion ? »

Je regarde dans l'enveloppe et en sort un billet. Dessus est écrit :

« Tokyo, Japon. »

Sur le coup, j'ai vraiment cru que mon père allait faire un arrêt cardiaque. Heureusement que ma mère est là pour le calmer.

« Voyons, Frank, cette école est une chance incroyable pour Ayane. Elle est très réputée tu sais. Nous devons la laisser y aller. »

Mon père grogne un peu mais finit par acquiescer. Ma mère me fait un clin d'œil à la dérobée. Si elle savait... Personnellement, je ne sais même pas si j'ai envie ou non d'y aller dans cette école. Je n'y ai pas vraiment réfléchi puisque, de toute façon, je n'ai pas vraiment le choix.

Le lendemain, on se retrouve tous en famille à l'aéroport le plus proche. Je dois préciser qu'il est cinq heures du matin et que j'ai passé toute la journée de la veille à essayer de faire la petite valise qu'on m'a autorisé à emmener. Et, croyez-moi, c'était pas facile de choisir ce que je devais prendre.

Après quelques appels téléphoniques, je retrouve mes trois amies accompagnées de leurs parents. Les japonais nous ont prévenu qu'ils nous attendraient à l'intérieur afin de ne pas éveiller de soupçons. Je trouve que ce sont des précautions inutiles mais soit.

« Alors, les filles, en forme ?

- Pas vraiment. J'ai une boule au ventre depuis ce matin, me répond Hiyori. »

Même si je sais que mon amie angoisse facilement, je comprends son inquiétude. J'ai, moi-même le stress facile et là, je ne me sens pas bien... Devoir quitter ma famille, ma ville, pour un endroit dont je ne connais rien à cause d'un soi-disant dieu que je ne connais même pas. C'est difficile...

« Eh Aya'. Ça va aller, on est toutes là. »

Shigura me sourit et me fait un clin d'œil. Même Hiyori et Mikka qui ne sont pas plus rassurées que moi tentent de m'encourager. J'ai vraiment de la chance de partir avec elles.

Alors que le moment de l'embarquement approche à grands pas, ma mère s'approche de moi et me prend dans ses bras.

« On viendra te voir là-bas, promis. J'ai confiance en toi. Je sais que tu t'en sortiras.

- Merci maman, dis-je en me serrant contre elle. »

Mon père et ma sœur nous rejoignent et m'encouragent à leur tour, bien que j'ai l'impression que Claire se fasse un peu forcer la main.

Nous rejoignons finalement Yue, Hiro et Akito de l'autre côté, là où les non-voyageurs n'ont plus accès.

« Bien, tout le monde est là. Allons-y, dit Akito tout en se dirigeant vers la porte d'embarquement. »

Onze plus tard, nous nous retrouvons à l'aéroport international de Tokyo, l'aéroport d'Haneda. Heureusement que nos accompagnateurs connaissent le chemin parce que j'aurais vite fait de me perdre. Cet endroit est encore plus grand que l'aéroport Charles de Gaule de Paris d'où nous sommes partis...

Une fois dans le grand hall d'entrée, nous nous dirigeons vers la sortie quand un homme vint se placer en face de nous.

« Je savais que je vous trouverai ici. »

Cette voix... Je fixe le nouveau venu. Je sais que je le connais. Grand, des cheveux châtains clairs, un regard onyx joueur et pénétrant, une carrure imposante. La dernière fois que je l'ai vu il n'était pas aussi grand, ni aussi musclé et sa mâchoire n'était pas aussi dessinée.

« Nathaniel ? »

Celui-ci sourit et acquiesce. Je ne perds pas de temps et me jette dans ses bras. Ça fait tellement longtemps. J'étais encore en primaire quand il est parti étudier dans une école au Japon. Âgé de trois ans de plus que moi, je l'ai toujours considéré comme un grand frère. On jouait souvent ensemble quand on était enfant. Si je me souviens bien, il est parti deux ans avant que je n'entre au collège et rencontre mes amies.

Mais... Attendez une minute...

« Nat' ? Tu es étudiant à l'IDA ?

- Yep ! Je suis en terminale dans le panthéon nordique. D'ailleurs, je suis bien content que vous ayez été choisies tes amies et toi. »

J'allais ajouter quelque chose quand une très belle jeune fille qui devait avoir le même âge que Nat' l'interpelle.

« J'arrive Lu' ! Désolée Aya', on se parlera plus tard, j'ai du boulot. Bon travail au fait, Yue, Hiro et... Euh...

- Akito.

- Ah oui, c'est ça. Bon, bye ! »

Sur ce, il disparut aussi vite qu'il était venu. Ça alors, je n'avais pas du tout fait le rapprochement entre lui et l'IDA. Pourtant, il est lui aussi parti du jour au lendemain au Japon sans aucune raison possible.

Une fois dans la voiture qui nous mènera à l'académie, une très belle voiture d'ailleurs, je ne m'y connais pas mais elle doit valoir extrêmement chère, les questions pleuvent.

« Ce Nathaniel, c'était bien ton ami d'enfance non ? Celui dont tu nous as parlé, me demande Hiyori.

- C'était lui oui. Mais je suis surprise, je ne m'attendais pas à le revoir ici.

- Nathaniel est le leader des bénis de Thor. Un des meilleurs. Il est parti en mission là donc tu ne le reverras peut-être pas avant un moment, explique Yue.

- En mission ? demande Shigura que le terme a l'air d'intéresser.

- Ce ne sont pas des choses que vous avez besoin de savoir. Du moins, pas tout de suite, nous répond sèchement Akito. »

Eh ben, lui qui était si prévenant, qu'est-ce qui lui arrive ?

Yue se rapproche de mon oreille et chuchote.

« Il est vexé que Nathaniel ne se soit pas souvenu de son prénom. »

Je fais de mon mieux pour étouffer mon rire.

Quelques temps plus tard, après avoir traversé des villes et d'innombrables chemins de campagne, nous arrivons devant un immense portail absolument somptueux. Tout en or, il brille de mille feux et, au centre, se dresse le même écusson que sur la lettre d'inscription. Le portail s'ouvre doucement à notre approche et la voiture pénètre à l'intérieur.

Mes amies et moi sommes bouche-bée. Cet endroit n'est pas une école, c'est impossible.

« Les filles, laissez-moi vous souhaiter la bienvenue à la Divine Academy, s'exclame Yue. »


Mikka en média.

PS: Merci beaucoup à mon amie Maureen Daum de m'avoir dessiné le logo de l'IDA.

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