XXII.

Les cheveux tachés de sang et le visage en cendres, Gaia peinait à supporter ce qui lui arrivait depuis qu'elle était venue au monde dans cette galaxie.

-Tout va bien se passer, répéta Ben.

Elle s'écarta de lui et plongea son regard dans le sien.

-Et si ce n'était pas le cas ? Et si la vie que nous menons était sans but ? Quelqu'un nous a placés là pour le plaisir et nous observe à la loupe, se délectant de chaque acte que nous commettons, en bien ou en mauvais. C'est comme quand tu lis un livre et que tu t'exaltes sur le destin parfois funeste du héros. Quand tu aimes les tragédies.

Il ne dit rien, comme toujours lorsqu'elle disait une vérité qui sonnait trop bien pour être fausse. Des pas lourds accoururent dans leur direction et Ben, impuissant ne put que dire à Gaia d'essayer de fuir.

-Tu es fou ? Ils vont penser que c'est nous qui l'avons tué ! hurla-t-elle.

Des droïdes militaires firent leurs apparition, blasters en joue. Ils étaient accompagnés d'une iktotchi au teint pourpre. Elle était extrêmement grande et n'avait aucun cheveu sur la tête. Seules ses deux cornes luisaient aux deux côtés de son crâne. Son bras mécanique et son air neutre donnaient l'impression qu'elle était elle aussi un robot.

-Que s'est-il passé ? demanda-t-elle en ne changeant pas d'air.

Ben se leva et répondit furtivement :

-Un garçon vient de tuer cet homme sous nos yeux.

La cape blanche de la femme volait dans le vent et ses yeux étaient rivés sur le cadavre de Markov.

-Qui est la fille ? demanda-t-elle en s'adressant à Ben d'un ton impérial en la désignant du menton.

Il se retourna et la vit contempler toujours et encore le visage statuaire du sage.

-Nous sommes... des voyageurs. Tous les deux.

-Quelle est l'identité du tué ?

-Je ne le connaissais pas vraiment, répondit-il avant de marquer une pause. Elle le connaissait mieux.

Gaia leva la tête et observa l'imposante femme. Le garçon poursuivit :

-Il s'appelait Markov.

La femme habillée de blanc tacha ses bottes de sang en s'approchant du corps du grand être. Cette fois, elle parut surprise. Elle se retourna vers ses officiers et leur fit signe d'approcher.

-C'est bien lui, commença-t-elle, fière. On l'embarque.

Les droïdes s'avancèrent d'une marche constante et répétitive puis empoignèrent Gaia par les épaules pour la retirer du corps de Markov. Elle se débattait et hurlait le nom du marchand de rêves tandis qu'ils le portèrent à plusieurs.

-Lachez-moi ! cria-t-elle, impuissante. Qu'est-ce que vous faites ?

Des cris stridents et pourvus de désespoir sortirent de sa gorge. Ils prirent également Ben qui essayait de défaire les étreintes serrées des robots. Les droïdes traînèrent son cadavre par terre tandis que la femme chauve arborait un sourire malicieux entre les lèvres.

-Markov ! persista-t-elle. Laissez-le reposer en paix, bandes d'ordures sans cœur !

La dame à la cape blanche s'approcha du visage de Gaia et y posa son index muni d'un ongle long et acéré.

-Ma chérie, commença-t-elle avec une fausse compassion, il faut que tu apprennes à souffrir. Ce n'est pas avec cette vulnérabilité que tu t'en sortiras. Cet homme était un criminel, il fallait le débarrasser de ce monde. Et, visiblement, quelqu'un a trempé ses mains dans la crasse et le sang à ma place avant moi et s'est tiré comme ça, alors que sa pauvre tête était mise à prix.

La femme contempla ensuite son doigt taché de sang puis trempa celui-ci dans sa bouche, goûtant le parfum métallique du sang de Markov.

-Nous sommes ceux qui vous hantent lorsque vous croyez être heureux, les démons de ce monde, fit-elle le sourire aux lèvres. Nous sommes les chasseurs de prime.

Gaia bouillonnait et n'allait pas tarder à exploser devant leurs yeux. La jeune fille aurait aimé prendre son sabre laser et les découper en pièces mais elle ne le pouvait pas. Parce que c'était mal. Plus mal encore que leur acte.

Ils s'étaient éloignés avec Markov. Assez pour que les droïdes qui tenaient les Padawan sous couverture lâchent prise en les laissant tomber à terre. Gaia reposait sur le sol de terre à quatre pattes, dégouttante de sang et les yeux toujours en feu. Des petits cris étouffés se frayèrent un chemin dans ses poumons. Ben se releva immédiatement et courut vers elle. Elle hoqueta rapidement et ne put se relever. La douleur était trop immense et intense. Son esprit combattait son corps et cette douleur était suprême par rapport à tout le reste.

-Gaia !

Elle chuchotait le nom du sage en pleurant. Plus rien n'existait dans son cœur brisé depuis si longtemps. La fille brisée tremblait. Ben, impuissant dans sa douleur, la porta encore une fois entre ses bras.

-Ben...

La future Jedi clôt ses paupières puis laissa les dernières larmes de ses yeux s'échapper.

Le garçon se dirigea vers le Repaire Royal avec une mine décontenancée. Il tenait sur ses jambes, à l'inverse de celle qu'il tenait. Ben se tenait devant l'immense bâtiment encore endormi puis se décida à y entrer après une minute d'attente.

Le grand hall était désert, comme toujours à une heure si tardive. Ben prit l'escalier et emprunta le couloir aux portraits de Gungan. Il ne fit pas attention à leurs sourires, à leurs stupides rires qu'il pouvait presque entendre. Le Padawan poussa la porte de leur suite et posa Gaia à terre en silence. Elle peinait à tenir sur ses jambes mais essaya de marcher vers l'extérieur. De sa main fragile couverte de sang, elle poussa la porte-fenêtre puis arriva sur le balcon, seule.

Au-delà du balcon, elle vit l'horizon, à nouveau. Mais cet horizon était obscur et la lumière qui le caressait était trop sombre pour être guérisseuse de l'ombre. Elle resta de longues minutes à songer à tout cela.

Une main chaude s'abaissa sur son épaule rouge. Elle enlaça Ben qui agissait comme un salvateur partiel de ses maux.

-Je te conseille d'aller prendre un bain. Prends un bain. Lave cette nuit. Bois un verre d'eau puis allonge-toi dans le noir. Ferme tes yeux bleus et écoute le silence. Ecoute le son de ton cœur. Toujours en train de battre, toujours en train de se battre. Tu l'as fait, après tout, encore une autre nuit de souffrance et de douleur. Cette fois je te jure que c'était la dernière que tu auras à endurer tout ça. Nous fuirons s'il le faut. Loin de tout cela. 

Elle l'enlaça tendrement et, en une étreinte, elle retrouva une étoile plus brillante que la plupart.

-Je te le promets, tout va rentrer dans l'ordre, maintenant. Et je ne mens pas, cette fois, Gaia.

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