Chapitre 9 : Polis au crépuscule


Clarke


Je sens les rayons du soleil couchant caresser mon visage, la brise fraîche mais docile qui frôle ma peau, l'effleurant dans sa course vers l'horizon, tandis que je déambule dans une paix relative à travers le marché de Polis. Je ne me sens pas à ma place parmi tous ces gens qui ont pourtant l'air de me ressembler. Les regards qui se posent sur moi me dérangent, me font baisser les yeux, comme un poids que je dois porter pour avancer. Une semaine est passée depuis l'incident avec les quatre soldats du peuple Azegda, et je n'ai rien entendu à leur sujet ; Bellamy a sûrement étouffé l'affaire. Le calme est revenu dans la tour - guère dans mon esprit. Je n'ai pas reparlé au jeune homme, bien que nos fers se soient croisés plusieurs fois pendant les entraînements quotidiens auxquels je n'ai pas réussi à échapper. Ici, on ne fait pas ce qu'on veut, qui que l'on soit, et même quand on est blessé. J'ai arrêté de protester la quatrième fois que je me suis retrouvée plaquée au sol. Mon épaule se remet doucement. Grâce à l'aide de Bellamy, la blessure cicatrise convenablement et, même si je ne suis pas en possession de toutes mes forces pour combattre quand je m'entraîne, j'arrive au moins à me défendre. J'apprends à faire face, même avec mes faiblesses. Je sais qu'un jour ou l'autre, j'en aurai besoin.

Evidemment, je n'ai pas oublié ce que je me suis promis. Je ne compte pas rester ici éternellement, à obéir sagement aux ordres que je ne comprends pas d'une bande d'inconnus que je ne connais pas. Mais je crois que, pour l'instant, ça me convient. Et je n'ai pas encore trouvé de plan pour approcher le Commandant ou me trouver seule avec elle. Je sais que le seul moyen pour moi de retrouver ma liberté est de la tuer. La tuer, ouvrir le Conclave, éliminer les sang d'ébène et leur règne du sang. Tuer Bellamy et ne plus jamais avoir quelqu'un en travers de mon chemin. Mais, voilà, mon plan n'est pas au point. Alors, pendant que je travaille encore à une stratégie pour mener à bien mon projet, je tente de me fondre dans la masse. J'apprends à vivre différemment. Après tout, je suis nourrie, logée et j'apprends à me battre... je suppose que ça pourrait être pire. Mais, tous ces regards qui me transpercent... Je crois que c'était moins dur d'être cachée. 

- Hey, Clarke !

Je sursaute, tourne la tête machinalement et mes yeux se posent sur Trisha, une Natblida, postée près d'un cheval à la robe de jais. La jeune femme à la silhouette élancée et à la chevelure d'un roux étincelant m'adresse un signe amical de la main ainsi qu'un grand sourire auxquels je ne sais quoi répondre. Je m'apprête à l'ignorer et à poursuivre ma route, mais elle me fait signe d'approcher. Mince. Je sens ma mâchoire se crisper. Maladroitement, je réponds à son salut et me résous à marcher dans sa direction, peu sûre de moi. Est-ce que c'est vraiment une bonne idée... ? 

- Bonjour... Trisha ?

Elle hoche la tête, m'offrant un sourire éclatant découvrant des dents d'une blancheur toute aussi éclatante. Je suis mal à l'aise, et me mets à balancer mon corps d'un pied sur l'autre, ne sachant trop quoi faire ou quoi dire. Le cheval s'ébroue, me faisant sursauter. Telle une sauterelle, je fais un bond de côté et manque de m'étaler dans une flaque de boue, ce qui ne manque pas d'amuser la jeune guerrière, qui éclate de rire. Ouais, c'est super drôle, pesté-je intérieurement. Puis elle reprend son sérieux :

- Dis-moi, tu te débrouilles vraiment bien avec une épée. Où est-ce que tu as appris ça ?

Sa question me désarçonne - sans mauvais jeu de mots. Je relève les yeux, étonnée - quoique flattée - par son compliment, et ne peux retenir un sourire gêné. Je décide d'être honnête :

-  Je ne sais pas, je n'en avais jamais utilisé avant, expliqué-je en haussant les épaules.

Trisha hausse les sourcils, croise les bras et me toise d'un air mi-surpris, mi-amusé. Et puis elle approche son visage du mien et, ses prunelles d'acier se vissant aux miennes, elle susurre :

- Alors tu as ça dans le sang.

Et puis elle se redresse, un petit sourire au coin de lèvres, tandis qu'un frisson me parcourt l'échine. Je secoue imperceptiblement la tête, me racle la gorge, pour tenter de dissimuler mon malaise. Je suis encore très mauvaise en ce qui concerne les relations humaines. 

- Et donc... qu'est-ce que tu me voulais ? marmonné-je en triturant une mèche de mes cheveux dont la teinture écarlate commence à s'estomper, révélant la nature dorée de ma chevelure.

A nouveau, ma réponse semble l'amuser. Elle se tourne vers son cheval et, lui caressant distraitement l'encolure en fixant sa robe d'ébène d'un air vague, elle répond :

- Tu sais te battre, mais tu manques d'expérience, de stratégie, et tu ne connais rien aux coutumes de notre peuple. Moi, je connais tout ça par cœur. Je pourrais t'aider à t'imprégner de nos traditions. A devenir vraiment l'une des nôtres.

Je fronce les sourcils et, instinctivement, recule d'un pas. Je ne parviens pas à cerner les intentions de la jeune rousse et ça me déstabilise. Aucune animosité ne semble émaner d'elle, mais ses iris limpides me transpercent comme s'ils cherchaient à sonder mon âme, et je ne sais pas comment réagir. 

- Pourquoi est-ce que tu voudrais m'aider ?

- Qui sait... on pourrait peut-être former une équipe, dit-elle en souriant mystérieusement avant de baisser la voix. Tu sais, Clarke, personne ne gagne jamais seul.

Je retiens mon souffle.

- Le Conclave..., poursuit-elle. Personne n'y survit jamais seul. 

Quelques secondes s'écoulent sans que nous parlions, statiques, au milieu du brouhaha de la ville. Soudain, Trisha rompt l'immobilité solennelle dans laquelle nous nous trouvions, et me tend son bras. 

- Alors, qu'est-ce que tu décides ?

La jeune femme me regarde, attendant visiblement que je réponde à sa poignée de main. Sûrement encore une de leurs habitudes bizarres... Mais alors que je m'apprête à sceller nos deux bras, une voix m'interpelle.

- Clarke !

Réprimant un sursaut, je me retourne et aperçois Bellamy, planté quelques mètres plus loin, au milieu du chemin, les yeux braqués sur moi. Ses yeux projetant des éclairs dans ma direction, il est immobile au milieu de la foule qui s'agite autour de lui. 

Comme un rocher au milieu de l'océan.

- Je peux te parler une seconde ? me lance le jeune homme d'un ton empreint de sévérité.

Je roule des yeux et le fusille du regard sans me détourner, agacée de le trouver encore dans mes pattes. C'est pas vrai... Je m'écarte de Trisha en soufflant, lui adresse un petit mot d'excuse et fais volte-face pour m'approcher du jeune homme. Je commence à le connaître... Je sais qu'il ne me lâchera pas tant qu'il n'aura pas eu ce qu'il veut. L'air volontairement exaspéré, je viens me poster devant lui en croisant les bras. Mais au lieu de prendre la parole, Bellamy m'attrape par le bras et m'entraîne brutalement à sa suite.

- Eh ! protesté-je en me dégageant de son emprise.

Je freine des quatre fers et me stoppe net, l'obligeant à en faire de même. Je l'entends pousser un profond soupir. Puis, le jeune brun se retourne vers moi et me toise d'un agacé, quoique... résigné ?

- il y a quelque chose que je veux te montrer, se contente-t-il de dire en détournant le regard.

Je hausse un sourcil et un rictus étire mes lèvres.

- Et pourquoi est-ce que je devrais te suivre ?

- Eh bien, parce que sinon, tu ne sauras jamais ce que je voulais te montrer, répond-il d'un air goguenard. 

Abruti, pensé-je. Et pourtant, je pouffe de rire et secoue la tête. Ce mec est insupportable mais, étrangement, il est aussi le seul auquel j'arrive à me raccrocher dans ce nouveau monde vertigineux et confus. Distraitement, je regarde autour de nous ; personne ne semble nous remarquer. Trisha a disparu, tout comme son cheval. Bon, après tout, je n'ai rien d'autre à faire, ça ne devrait pas me tuer... si ? Alors, sans savoir véritablement ce qui me pousse à accepter, je finis par lever les mains en signe de capitulation.

- Très bien, mais dépêche-toi. Je n'aurai pas la force de te supporter toute la journée, ironisé-je.

Ma remarque le fait sourire et il se met en route, moi sur ses talons. Tandis que j'avance, les mains dans les poches, j'observe ce qui m'entoure. En regardant les passants, je ne peux m'empêcher de me demander s'ils ont connu mes parents. Si ceux-ci ont vécu à Polis, côtoyé la tour, traversé la ville, servi un autre Commandant... J'aurais aimé vivre une vie normale à leurs côtés, me dis-je avec un pincement au cœur en regardant un petit garçon courir vers sa mère et se jeter contre ses jambes. Bellamy et moi longeons en silence les échoppes de bois qui sont alignées le long de la route principale de Polis, quand une brochette surgit brusquement devant moi. Je sursaute et, tournant la tête, j'aperçois une jeune femme aux cheveux blonds postée derrière l'un des stands, qui me tend en souriant un morceau de viande grillée. Je m'en saisis et la remercie d'un signe de tête, et puis je poursuis mon chemin derrière Bellamy qui ne s'est même pas aperçu que je m'étais arrêtée.

En mordant dans mon morceau de viande, je m'aperçois que le jeune homme m'emmène à l'écart de la ville. Nous nous éloignons des habitations et des rumeurs du marché, et le chemin se fait plus sinueux. Bientôt, il n'y a plus que lui et moi, deux silhouettes se détachant sur le crépuscule, montant dans le silence de la nuit tombante le long d'une pente escarpée. Une fois ma brochette dévorée, je jette négligemment mon bout de bois par-dessus mon épaule et, en faisant de plus larges foulées, je me débrouille pour arriver à la hauteur de Bellamy, maintenant que le sentier se fait assez large pour deux personnes. Je le vois tourner légèrement les yeux vers moi en arquant un sourcil mais me contente d'avancer en l'ignorant. 

- Quoi ?

Trop occupée à le dévisager, j'oublie de regarder où je marche et trébuche sur un petit rocher ancré dans la terre. Mais j'ai à peine le temps de sentir mon cœur bondir dans ma poitrine que la main de Bellamy s'enroule autour de mon poignet et me remet sur mes pieds. Reprenant mes esprits, je m'arrête un instant et lève les yeux vers son regard noisette. Pendant un instant, j'ai l'impression que la tension entre nous s'apaise quelque peu, et qu'elle est remplacée par une gêne qui irradie mes joues.

- Fais attention, dit-il sans me quitter des yeux avant de reprendre sa marche et de me passer superbement sous le nez.

Je me contente de hausser les épaules et le suis. Je ne sais pas ce qui me prend, ni pourquoi je suis si docile par un garçon qui me met pourtant hors de moi. C'est vrai, après tout, il ne me fait pas peur et pourtant, je l'écoute comme si j'étais sa disciple. Mais c'est comme si une partie de moi avait envie de le tuer violemment à coups de massue, et l'autre...

- On y est.

Je suis soudainement tirée de mes pensées par le jeune homme. Je lève les yeux et l'aperçois un bon mètre au-dessus de moi, perché sur une sorte de plateau verdoyant séparé du chemin par un mur de roche. Je le regarde, un peu perplexe, et pense être au bout de mes surprise, jusqu'à ce que Bellamy me tende la main. Pincez-moi, je rêve !

- Alors, tu viens ? me demande-t-il en me voyant sans réaction.

Je secoue la tête et attrape fébrilement sa main en évitant soigneusement de croiser son regard. Tandis que nos deux mains se serrent et que le jeune homme me hisse sur le plateau, je sens ma peau frissonner et mon cœur s'emballer... et je me fous une énorme gifle mentale. 

En quelques secondes, je me retrouve debout aux côtés de Bellamy. J'époussette distraitement mon pantalon élastique et finis par relever enfin les yeux pour regarder autour de moi.

- Incroyable, soufflé-je.

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Salut la compagnie!

J'aurais voulu mettre tellement moins de temps à écrire ce chapitre!!!!

Alors, d'après vous, qu'est-ce qui peut bien mettre Clarke dans cet état ? Vous êtes plus #TeamClarke ou #TeamBellamy ? Que pensez-vous de cette petite soirée de répit sur le marché de Polis ? Dites-moi touuuuuut !!!

Des bisous ♥


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