Chapitre 6 : Le choix

Clarke

Les gardes sont venus me chercher, en ouvrant la porte à grand fracas. J'ai bien essayé de me défendre contre eux, mais des types comme ça, je n'en avais jamais vus. Bon, de toute façon, il faut dire que je n'ai pas vu grand-monde, durant mes dix-sept années d'existence... Même ce connard de Bellamy, qui est pourtant bien bâti, ne ferait pas le poids face à de tels mastodontes. Ils m'ont traînée là, dans cette pièce étanche et sombre, sans que je puisse faire quoi que ce soit. J'ai eu l'impression d'être arrachée à mon propre corps, jusqu'à ce que le combat commence.

Quand Bellamy est entré, je suis restée de marbre. Mais intérieurement, mon cœur a vacillé. Ce duel a été le challenge le plus divertissant et le plus intense de toute ma vie. C'était la première fois que je me battais contre un homme. Et pourtant, pas une seconde, je n'ai douté de moi. Comme si... comme si je connaissais déjà les mouvements, comme si je l'avais dans le sang. Tout ce que je voulais, c'était faire payer Bellamy de m'avoir attachée. Je voulais qu'il souffre pour tout son peuple, pour avoir gâché la vie que j'avais construite. Je voulais le faire tomber.

Mais me voilà, plaquée contre le sol dur et froid, coincée sous le corps musclé de ce brun ténébreux insupportable, avec ses deux prunelles ambrées qui me transpercent de part en part. Je sens son souffle chaud, sa respiration rauque, sur la peau fine de mon cou, et ses grandes mains qui enserrent mes poignets avec férocité.

-Dégage, articulé-je en serrant les dents.

Mais il ne bouge pas d'un pouce. S'il croit qu'il peut me contrôler... Il va vite apprendre que ça ne marche pas comme ça, avec moi ! Je pousse sur mes bras pour tenter de l'écarter de moi, mais rien à faire. Ce salaud est encore plus têtu que moi.

-Laisse-la, Bellamy.

Je crois que c'est la première fois que j'éprouve une once de respect pour la Commandante. Evidemment, le jeune homme n'a d'autre choix que d'obéir... à sa manière. En une fraction de secondes, il m'attrape par le col de ma tunique en lin et me remet sur mes pieds avec autant d'aisance que si j'étais une poupée, et autant de délicatesse que si j'étais un bout de bois. Je le fusille du regard puis, tournant la tête, je me retrouve nez-à-nez avec la fameuse Heda, cette fois. Son regard gris me sonde avec une intensité impressionnante, mais je ne me démonte pas ; je déglutis, simplement, et maintiens la tête haute. Elle n'est pas plus haute que moi et pourtant, il émane d'elle un aura incroyable ; elle ferait s'agenouiller n'importe qui d'un simple coup d'œil.

Si je cède maintenant, je suis foutue.

-Tu n'es pas prisonnière, Clarke, me dit-elle avec un calme plus qu'irritant.

Mais oui, bien sûr... A ces mots, je ne peux retenir un sourire narquois ; je hausse un sourcil moqueur.

-Vraiment ? ironisé-je en croisant les bras sur ma poitrine. Dans ce cas, vous ne verrez pas d'inconvénient à ce que je m'en aille.

La jeune femme sourit à son tour, ce qui a le don de m'agacer.

-Pars, si c'est ce que tu souhaites...

Je serre les poings, exaspérée par son mépris. Toutes ces phrases vagues et mystérieuses qui n'ont ni-queue-ni-tête commencent sérieusement à me taper sur les nerfs. Soudain, la jeune femme fond sur moi à la vitesse de l'éclair ; j'ai à peine le temps de la voir bouger que je sens sa la lame contre ma gorge. Je réprime de justesse un hoquet de surprise et mon cœur s'emballe dans ma cage thoracique. C'est une mode, chez eux, de faire ça ?! La Commandante se penche vers moi et murmure au creux de mon oreille :

-Mais sache qu'il n'y a que les lâches qui fuient.

Mes ongles s'enfoncent dans ma chair tandis qu'une colère sourde et sauvage monte en moi. Elle s'écarte et me défie du regard, ce fichu sourire provocateur toujours collé aux lèvres. Moi ? Lâche ? Certainement pas ; cette femme ne me connaît pas, elle ne sait rien de moi... comment peut-elle penser savoir ce que je suis ?! Je hoche la tête, imperceptiblement ; cela suffit : elle a compris.

-Tu n'as rien à perdre en restant ici, bien au contraire. C'est à toi de décider qui tu souhaites devenir.
-Je le sais déjà, répliquai-je froidement.

Sur ce, je fais volte-face d'un pas décidé, sans un regard de plus pour eux. Personne ne me retient. Et lorsque je pousse les grandes portes de fer, je souris, moi aussi. Parce que je sais ce que je veux faire, et qui je veux être.

Je les tuerai tous ; je commencerai par leur Commandante... le dernier coup sera pour Bellamy. Et puis, je deviendrai Heda.

Et quand ce sera moi qui régnerai, ils pourront tous aller se faire foutre.

***

La nuit est tombée depuis un bon moment déjà sur cette tour étrange, et ça doit bien faire deux heures que je tourne en rond dans "ma" chambre. En remontant, je n'ai croisé personne, mais j'ai trouvé un plateau garni de fruits, de vin et de poisson sur la table en bois massif qui trône au milieu de la pièce. J'ai d'abord hésité ; je ne voulais rien accepter qui vienne de ces gens. Mais je suis un être humain, faible, vain, inexorablement soumis à ses passions. Je n'ai fait qu'une bouchée du plateau.

Arrêtant finalement de faire les cent pas, je m'approche de la fenêtre, lentement, et contemple longuement l'obscurité infinie et bleutée qui s'étend devant moi. Partout, jusqu'à des kilomètres, des lanternes brillent dans la nuit, faisant des miroirs aux étoiles. Les coudes appuyés contre la balustrade, je pose la tête dans mes mains et continue de songer.

Il y a quelques heures, je voulais absolument partir, mais... maintenant, je n'en suis plus si sûre. Ici, je peux apprendre à me battre. Je suis nourrie, logée, protégée, sans rien devoir en retour. Je n'ai plus à me cacher, parce qu'avec ce peuple, on dirait que j'ai le droit d'exister. Et puis, ici, je peux devenir Heda. J'y ai déjà longuement réfléchi ; si je m'y prends suffisamment discrètement, et habilement, toute cette histoire peut être réglée, sans conclave.

Mais il faut que je le fasse rapidement.

Maintenant.

Sans réfléchir plus longtemps à ce qui pourrait être la meilleure solution, je me retourne et balaie la pièce du regard, en tendant l'oreille. Tout est calme. Je caresse du bout des doigts le poignard accrochée à ma ceinture de cuir. Je ne comprends pas pourquoi ils ne me l'ont pas retirée ; on dirait qu'ils aiment le goût du risque. A pas de loup, je me dirige vers la large porte et la pousse le plus doucement possible, priant pour qu'elle ne grince pas. Ce n'est pas le cas. Ouf ! Je m'engage alors dans le couloir sombre et interminable, seulement éclairé par des lanternes accrochées au mur. Pendant un long moment, je n'entends rien d'autre que le bruit de ma respiration ; tout mon corps est tendu et mes sens, aux aguets. Je marche doucement, prudente, ne sachant pas vraiment où chercher ni comment reconnaître la chambre de la Commandante ; je me laisse guider par mon instinct, simplement, laissant mes yeux vagabonder à travers la pénombre environnante. Je me souviens alors qu'en arrivant, je suis montée, avec l'homme... dans une sorte d'élévateur archaïque. Il faut que je le trouve. 

Pressant le pas, je ne tarde pas à mettre la main sur ce fameux ascenseur, au détour d'un autre corridor ; mais, au moment où je m'apprête à sortir de l'ombre pour avancer vers les portes, celles-ci s'ouvrent sur quatre hommes immenses, armés jusqu'aux dents. Le cœur battant, je me précipite derrière un mur pour ne pas être vue. Lorsqu'ils passent à côté de moi, l'air menaçant, je les détaille du regard en retenant mon souffle : ils portent des tenues de combat sales, épaisses, presque en lambeaux ; sur leurs visages, des peintures de guerre blanches. Je déglutis tandis que mon cerveau s'active ; j'ignore qui ils sont ni où ils vont, mais j'ai le pressentiment qu'ils pourraient m'être utiles.

Une fois qu'ils m'ont dépassée et qu'ils me tournent le dos, je prends une grande inspiration et me décide à les suivre. Mais j'ai à peine posé un pied en avant, qu'une main se plaque brusquement sur ma bouche tandis qu'un bras puissant m'attrape par la taille pour m'entraîner vers les tréfonds obscurs de la tour.

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Heya!

J'espère que ce chapitre (que j'aurais voulu finir beauuuucoup plus vite) vous plaît tout autant que les précédents (enfin... si les précédents vous ont plu XD). Je sais pas vous mais moi, je crois que Clarke file un mauvais coton. N'hésitez pas à me donner votre avis, ou à me poser des questions, je serais ravie de blablater et de débattre avec vous.

xoxo



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