VIII. Le grand pas

A 15 heures, Kévin arrive sonner chez moi, un air triomphant sur le visage. Mon père va lui ouvrir car c' est son jour de congé et, après lui avoir dit bonjour, Kévin vient se poster devant moi et attend que je lui donne le départ pour ma balade (forcée). J'ai déjà mis mon manteau, mes gants, mon bonnet et mon écharpe car nous sommes en novembre et qu'ici novembre est déjà très froid. Je jette un coup d'œil à papa, qui s'est remis dans la lecture de son journal et je reporte mon attention sur ce manipulateur qui ne lâchera certainement pas l'affaire. Je fais donc faire un quart de tour à mon fauteuil afin d'être dans la direction de la porte fenêtre ; le seul passage par lequel je peux sortir de la maison car elle est à l'étage avec un garage en dessus et un jardin en pente qui permet la circulation en fauteuil à mon grand malh... oups! Pardon, bonheur...!

    Kévin m'aide à descendre  par le jardin et une fois arrivé dans la rue, il me demande où je veux aller. Plusieurs idées me traversent la tête, le parc au bout de la rue ? Très peu fréquenté en cette période de l'année... mais un peu trop froid. L'autre bout du quartier ? Si je traverse la rue j'arrive dans un quartier où je ne connais personne... mais les maisons... très peu pour moi ! Il ne me reste donc qu'une solution si je ne veux mourir ni de froid ni d'ennuie : la ville ! Je n'ai pas trop le choix donc je lui indique la gauche de ma main.
   - Tu n'es pas si entêter que ce que je pensais ! Me dit-il sur le ton de la moquerie.
   - Je n'ai pas envie que cette promenade s'éternise ! Je sais très bien que tu ne me laisseras pas rentrer tant que tu ne seras pas satisfait !
   - Très juste, tu commences à me connaitre ! Donc allons-y pour le centre-ville ! Tu veux que je te pousse ?
   - Ca va aller merci !!
   - Très bien... comme tu veux...
    Il démarre donc et se dirige vers le petit chemin qui mène à la rue principale. J'entreprends de le suivre mais je reste sur place dans un mélange de boue et de verglas car même si il ne neige pas, comme je l'ai déjà dit, il fait TRES FROID !
Il se retourne et, me voyant essayer de me dépatouiller, il revient m'aider.
   - Besoin d'aide ?ironise-t-il
   - Tu crois ?!
    Il m'aide à me mettre à un endroit plus stable.
   - Je te repose la question : " Veux-tu que je te pousse ?"
   - Oui, s'il te plait...

    Je m'enfonce dans mon fauteuil et remets mes mains dans mes poches.  Je ne sais pas quoi dire et pour la première fois depuis longtemps, nous ne discutons pas. Nous avançons bercés par le bruit du vent dans les arbres. Il finit par engager la conversation quand nous arrivons sur la route principale.
   - Tu sais... Je ne voulais pas que ça te déplaise au point que tu fasses la gueule tout le long de la route...
   - Je ne fais pas la gueule ! C'est...

    Je me tais car je me rends compte qu'il a raison. Je suis d'une humeur massacrante dès que quelque chose me déplaît depuis l'accident et pourtant tout le monde autour de moi essaye de faire en sorte que j'aille bien ! Et moi, qu'est-ce que j'ai fait, hein ?! Je ne suis même pas sûre de les avoir remerciés.
   - Merci...murmurais-je.
   - Quoi ?!
   - Je ne t'avais jamais remercié pour tout ce que tu as fait pour moi alors merci !
   - Ha... De rien alors !
Et il pose sa main sur mon épaule que je recouvre de la mienne avant qu'il ne  se rende compte que ce n'est pas facile de diriger à une main et qu'il la retire pour ne pas m'envoyer dans le décor.
   - Sinon... tu veux aller où ?nous arrivons sur la place et il faut qu'on se décide car il y a 6 rue qui la coupe.
   - Je ne sais pas.
   - Es-tu courageuse ?!
   - De quoi ?
   - Es-tu assez courageuse pour traverser la place et aller jusqu'à la boulangerie qui est en face ? Si tu le fais je t'offre le goûter !
   - Je ne peux dire non à un pain au chocolat !sur quoi nous rions ce qui détend l'atmosphère.

    Nous traversons donc la place et nous dirigeons vers la boulangerie. Arrivés devant, il y a un monde fou. C'est impossible pour moi de rentrer avec mon fauteuil. Kévin me demande si je veux bien attendre un peu toute seule dehors ou si je préfère qu'on aille autre part. Je lui dis que je suis une grande fille capable de rester toute seule ! Il entre donc à l'intérieur me laissant seule face à ma plus grosse peur : le regard des gens !
    J'étais déjà très stressée par ça avant et j'essayais toujours de me fondre dans la masse, mais pas comme un mouton qui copie le style des autres mais plus comme une conformiste qui essaie d'être comme tout le monde mais pas de copier des styles ou des coiffures qui ne lui vont pas ! Je me retrouve donc dans une situation ou même avec la meilleure volonté du monde je ne peux pas être comme tous les autres.
    Un enfant passe et me dévisage mais quand sa mère le voit, elle l'écarte et me regarde en coin. Cette réaction me blesse et c'est pour éviter cela que je ne sors pas. Je sens les larmes monter....    J'entends des pas derrière moi, je pense que c'est Kévin qui revient mais quand je me retourne, j'aperçois Amélie, Marie, Joyce et... Théo qui donne la main à... Chloé... ma pire ennemi !!!
     Je n'en reviens pas ! Il m'a plaqué pour cette peste et mes amies... mes meilleures amies m'ont remplacée par elle !! Marie me voit et vient jusqu'à moi et me serre dans ses bras. Amélie et Joyce en font de même et Théo un peu gêné reste en arrière avec Chloé dont il n'a pas lâché la main et elle me fusille pour avoir accaparé l'attention de ses nouvelles grandes amies ! Je ne me soucie pas d'elle et me concentre sur mes amies.

     Joyce éclate en sanglot quand elle me prends dans ses bras. Je me sens bien dans ses bras avec ses cheveux qui me chatouillent le nez. Ça me rappelle quand nous étions petites et qu'elle me prenait dans ses bras comme une maman quand j'étais triste.
     Elle finit par desserrer son étreinte sans me lâcher du regard. Elle m'examine de la tête au pied pour vérifier que je vais bien.
   - Tu m'as manquée !!! J'étais si inquiète de ne pas avoir de tes nouvelles !!elle refond en larmes et me resserre dans ses bras.
    Je ne comprends pas pourquoi elle s'est tellement inquiétée alors qu'elle aurait pu m'appeler... Je laisse cette pensée de côté, je réglerai ça plus tard. En attendant je serre à mon tour mon amie dans mes bras.
Elle se redresse pour essuyer ses larmes, me laissant enfin respirer et réalise :
- Mais que fais-tu là ?me demande-t-elle
- Je suis venue faire un tour et acheter quelque chose à manger.
- Mais... tu es toute seule ?
- Non je suis avec...un ami.
- Ton nouveau mec ?me demande Marie
-Euh... non... Ce n'est pas ça...
-Il est dans quel lycée ? Il est beau ?me demande Amélie qui a l'air très intéressée
- Je ne sais pas.
- Lycée Du Château.
Je sursaute en reconnaissant la voix : Kévin viens de sortir de la boulangerie et m'a rejointe. Il dépose sur mes genoux un sac contenant deux pains aux chocolats et deux canettes. Je m'apprête à faire les présentations mais Marie me devance et s'empresse de se mettre en avant. Kévin joue le jeu des présentations auquel il est d'ailleurs très doué mais je sens un froid monté entre lui et Théo lorsqu'il fait le rapprochement.
Les filles sont suspendues à ces lèvres et cherchent à l'impressionner. Cette scène a un côté comique mais je plains ce pauvre Kévin qui se fait harceler par mes amies sans que j'essaye de lui venir en aide alors que je sais combien elles peuvent être agaçantes quand elles s'y mettent. Je me décide cependant à faire quelque chose pour lui.
- Laissez le tranquille, le pauvre !
- Qu'est ce qu'il y a Jo ? Tu es jalouse ? Vous ne sortez pas ensemble pourtant !dit Amélie d'un ton sarcastique
Je ne sais plus quoi dire. Je m'enfonce dans mon fauteuil. Kévin croise mon regard et, se tournant vers son public, explique qu'il faut qu'on rentre. Il dit au revoir à tout le monde et chuchote quelque chose à l'oreille de Théo qui le fait pâlir. Les filles viennent me dire au revoir et nous repartons vers la place.

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