Chapitre 30


Partie 2. Chapitre 7.

"Now that I know what I'm without
You can't just leave me
Breathe into me and make me real
Bring me to life"

Alex marchait de long en large dans la salle de cours où ils étaient rentrés quelques minutes plus tôt, vociférant comme un beau diable sur Jared qui ne respectait même pas une relation de plus de deux ans.

Layla, assise sur le bureau sentait son cœur se serrer dans sa poitrine. Une fine couche de sueur se forma sur son front, comme si elle était soudain alitée par la fièvre.

Alex grognait toujours sur Jared, et ses manières, n'en voulant apparemment qu'à lui et pas à Layla.

« C'est un vrai connard ! S'égosilla-t-il. Tu es ma petite amie! Et sous prétexte qu'il est censé être ton âme sœur... il se permet de... »

Il cessa de parler en entendant un bruit sourd. Il se retourna vers Layla qui n'était plus assise sur le bureau mais couchée par terre. Son corps tout entier était secoué de spasmes incontrôlables, en nage.

En un bond, il se retrouva près d'elle.

« Layla ! » L'appela-t-il alors qu'elle convulsait.

Il prit son visage entre ses paumes, pour tenter de la maintenir mais elle se crispait de plus en plus, ses yeux vides de toutes expressions.

Alex se leva d'un geste, et la prit dans ses bras, une main sous sa nuque, l'autre derrière ses genoux. Il avait du mal à la porter tant elle tremblait, mais il réussit à la transporter jusqu'au hall où plusieurs élèves se retournèrent vers eux.

« Allez chercher quelqu'un, bande d'idiots ! » hurla Alex avec force.

Un petit première année se rua dans la Grande Salle en criant.

En un millième de secondes, Drago, Hermione et d'autres professeurs arrivèrent.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? S'inquiéta le professeur Dumbledore en s'avançant vers Alex qui avait posé le corps de Layla à terre.

Drago et Hermione se retrouvèrent à genoux à ses cotés et Ginny fit de même pour l'examiner. Alex expliqua :

« On discutait, et d'un seul coup... elle est tombée dans les pommes ou je ne sais quoi ! Je ne sais pas ce qu'il lui est arrivé... »

Les ongles de Layla griffaient inconsciemment le sol comme si elle se battait avec des ennemis imaginaires et elle se mit à balbutier en une langue que personne ne comprenait.

« C'est du français ? S'étonna Victoire en approchant également avec Franck et Agathe.

- Tu le comprends ? Demanda Ginny en posant ses mains sur le front bouillant de Layla. Je ne sais pas ce qu'il lui arrive... elle... elle n'a aucune blessure... »

Victoire se laissa tomber près de Layla et essaya de comprendre les mots décousus qui sortaient d'entre ses lèvres devenues bleues. Mais un mot - un nom - fut saisi de tous.

« Jared... »

Drago et Hermione échangèrent un regard, et le regard de la lionne s'emplit si brusquement de larmes que ça désarçonna même ses meilleurs amis.

« C'est Jared... c'est Jared qui va mal... » Marmonna Alex, avec stupéfaction.

Il oublia momentanément que celui dont il parlait avait couché avec sa petite amie, trop préoccupé par son état - ou plutôt par celui de cette dernière. Car malgré tout le ressentiment qui lui pesait depuis quelques minutes, il sut qu'il ne le supporterait pas si elle mourait... Car si Jared disparaissait... Layla également.

O0°0O

Théodore Nott fut au ministère en trop peu de temps pour le dire. Les lieux étaient calcinés et même si la plupart des personnes avaient réussi à quitter les lieux sans encombre, il y avait quand même eu des morts. Une dizaine d'après ce que l'on disait dans la rue.

Théo se rua sur un médicomage qui soignait un vieillard.

« Excusez-moi, je suis Théodore Nott. Mon fils travaille ici... »

Le médicomage se tourna vers lui et acquiesça, plein de compassion et de compréhension dans le regard. Il montra d'un signe de tête une tente qui venait d'être dressée et où les blessés les plus graves se faisaient soigner. Tremblant de tous ses membres, Théo se rua à l'intérieur et demanda à une infirmière où il pourrait trouver son fils.

« Il a été transféré à Sainte-Mangouste, Monsieur. Expliqua-t-elle, d'une voix chevrotante, parlant à toute allure. Nous n'avions plus de places au centre de Saint-Piété, nos blessés les plus importants ont été envoyés en Angleterre. Un réseau de cheminées à été installé pour que vous puissiez vous y rendre si vous le souhaiter. »

Théo acquiesça et tenta de trouver ce dont elle avait parlé. Une vingtaine de personnes faisaient déjà la queue pour s'y rendre et il commença à se ronger les ongles, ayant envie d'une cigarette - alors qu'il n'avait pas fumé depuis ses seize ans. Le médicomage à qui il avait parlé lui fit signe.

« Bonjour. Je suis le docteur Maxime Deschamps. Vous êtes le père de Jared Nott ?

- Oui. Il y a un problème ? » S'étonna Théo.

Comment pouvait-il se centrer sur un patient alors qu'il y en avait des centaines ?

« C'est lui qui a fait explosé le bâtiment. Annonça le médicomage. Avec ses pouvoirs... C'était de la défense. Il a pu sauver le ministre, qui est tout de même dans un piètre état. Mais ceux qui attaquaient le bâtiment ont été tués. Une armée d'inferi guidés par une jeune fille qui connaissait apparemment votre fils.

- Mon fils a beaucoup de connaissances chez la gente féminine... Marmonna Théo, inquiet. Va-t-il... avoir des ennuis ?

- Non, je vous rassure. Le ministre l'aidera dans tous les cas. Jared a sauvé la vie de beaucoup de personnes aujourd'hui, monsieur.

- Mais... ceux qui sont... morts ?

- Des gardiens. Ils ont été tués par les inferi, pas par votre fils. Jared a juste blessé beaucoup de personnes, mais il en a sauvé bien d'avantage. »

Théo fronça les sourcils, quelque peu troublé que le médicomage ne parle de Jared qu'en des termes élogieux.

« Il... est-ce qu'il va bien ? » Balbutia-t-il.

Le médicomage se racla la gorge.

« Nous... nous ne comprenons pas exactement ce qui lui arrive. Il... Apparemment, il serait dans le coma, mais il nous est impossible de mesurer l'importance des dégâts qu'ont occasionnés ses pouvoirs sur son cerveau et sur son corps en général. Nous ne pouvons pas le toucher, réellement.

- Comment ça ?

- Nous avons dû le transporter par magie. À chaque fois que nous le touchons... Il émane une telle force de lui... »

Théo enfouit son visage dans ses paumes, les larmes aux yeux. Soudain, il sursauta, une idée lui traversant l'esprit, une chose qu'il avait complètement oubliée.

« Mon fils... est lié à une personne. Balbutia-t-il.

- Lié ? Répéta le médicomage. Que voulez vous dire ?

- Une histoire compliquée, d'âmes sœurs... de...

- Les Belahans Jiwa. Affirma sérieusement le Médicomage ce qui lui valut un regard surpris de la part de Théo. Il s'expliqua : j'ai fait ma thèse là-dessus. Je vais venir avec vous à Saint Mangouste. »

Il fit signe à un collègue de les laisser passer en priorité, et entrant dans le conduit de cheminée, disparut avec Théo en un souffle.

O0°0O

Dans la salle d'attente du centre Saint Mangouste, les patients se bousculaient. Entre ceux venant pour des blessures graves et d'autres pour de simples bobos, en plus des gens qui les accompagnaient, tout était bondé. Théo marchait dans les couloirs à vive allure, suivant le médicomage.

Drago apparut et fonça sur lui.

« Layla est dans une des chambres... Elle... ne va pas bien du tout.

- Jared non plus. Marmonna Théo en jetant un coup d'œil au médecin qui prit le relais.

- Mr Nott est intouchable. Peut être que si nous examinions votre fille, elle aurait les mêmes blessures que lui. Nous pourrions alors comprendre dans quel état est Jared.

- D'accord... »

O0°0O

Jared et Layla avaient été installés dans la même chambre. Leurs lits à un mètre à peine l'un de l'autre. Ils étaient tout deux plongés dans un profond sommeil réparateur. Dans le coma, comme disaient les médicomages. Ils étaient dans cet état depuis près de deux semaines. Leurs os, brisés par endroits, n'avaient pas tous pu être réparés. Leurs cerveaux paraissaient en bon état, mais rien ne semblait pouvoir les réveiller.

L'électricité présente dans la pièce empêchait la plupart des personnes d'y pénétrer. L'air était irrespirable. Les infirmières se contentaient d'entrer très rapidement pour vérifier les signes vitaux des deux patients avant de ressortir - courant presque - à intervalles réguliers d'une heure - sous les ordres du Médicomage Deschamps.

Mais depuis deux semaines, ils n'avaient pas ouvert un œil, pas bouger un doigt. Les médicomages leur avaient fait passé des dizaines d'examens, allant même jusqu'à utiliser certaines pratiques moldus, mais le pourquoi de leur coma restait un mystère.

Selon Lucius, ils avaient besoin l'un comme l'autre de se retrouver. En tant que Belahans Jiwa, ils avaient besoin l'un de l'autre pour guérir, et Malefoy Senior ne comprenait pas pourquoi les docteurs s'évertuaient à tenter de les réveiller.

Dans la salle d'attente, Narcissa soupira pour la millième fois à son époux:

« Arrête donc de ronchonner. On dirait ton fils.

- Tous des incompétents ! Siffla Lucius en fusillant le médicomage Deschamps du regard.

- Père, arrêtez ! Vous effrayez ce médecin... » Marmonna Drago en passant sa main sur sa nuque.

Gabriel s'était endormi sur la poitrine de sa mère qui était elle-même assoupie sur une des chaises de la salle d'attente. Théo et le médicomage conversaient un peu plus loin, à voix basse pour ne pas se faire entendre des autres. Ils passaient leur temps à faire ça depuis des jours et Drago commençait à en avoir par-dessus la tête de leurs messes basses. Ils savaient peut-être beaucoup de choses sur les Belahans Jiwa, mais eux en étaient ! Il ne voyait pas pourquoi personne ne leur disait rien.

Théo et Maxime Deschamps se tournèrent vers la famille Malefoy en soupirant et Drago les fusilla proprement du regard. Ils étaient censés être amis Théo et lui... Mais cette fois, ils étaient là pour différentes raisons sans se rendre compte que c'était pour la même cause. Théo était là pour son fils, Drago pour sa fille... Et ils avaient presque l'air d'oublier que l'un n'allait pas sans l'autre.

Théo acquiesça à l'adresse de Maxime et tous deux s'avancèrent vers la famille Malefoy en chuchotant, comme s'ils se demandaient ce qu'ils avaient le droit de dire ou non.

« Bonjour, Mr Malefoy. Dit Maxime en s'approchant.

- Bonjour. Dois-je vous rappeler que vous soignez aussi ma fille ? Il serait admirable que vous évitiez les secrets. » Grommela Drago sans aucune politesse.

Théo baissa les yeux, sachant que la réprimande s'adressait aussi à lui. Hermione battit plusieurs fois des paupières avant de se redresser.

« Vous avez du nouveau ? S'enquit-elle.

- Nous n'en savons rien... Avoua le médicomage en rougissant.

- Apparemment vous ne savez pas grand-chose. Remarqua Lucius avec une moue si méprisante que même sa femme - pourtant habituée à toutes sortes de rictus - parut surprise.

- Arrêtez donc, vous deux ! s'exclama Hermione en se levant, Gabriel dans les bras. Dois-je vous rappeler que nous sommes une famille ? Théo et Jared en font partie. La santé de Jared nous importe autant que celle de Layla. Et Théo sait plein de choses sur les Belahans Jiwa. Alors, s'il vous plait... Arrêtez ces réflexions futiles. »

Elle semblait au bord des larmes et Drago passa son bras par-dessus ses épaules pour l'enlacer. Lucius parut gêné, et scruta la sol de son regard grisé, alors que sa femme s'asseyait à nouveau, lasse et épuisée par tout ce qu'il se passait. Théo bafouilla :

« En fait... on a peut-être trouvé quelque chose... Mais nous ne savons pas exactement ce que cela signifie.

- Quoi donc ? » Bredouilla Hermione avec inquiétude.

C'est le médicomage qui prit la parole, d'une voix plus assurée, plus calme, censée être rassurante pour les parents de l'inconsciente.

« Nous avons remarqué quelque chose sur les radios. Quelque chose d'anormal. Qui n'existe chez aucun autre patient connu à ce jour.

- C'est-à-dire ? S'enquit Lucius.

- Un gène, je dirais... Une anomalie médicale située à l'exacte opposé du cœur. Comme un organe. Minuscule. Nous ne l'avions même pas remarqué sur les radios, mais grâce au sortilège de transparence, nous avons pu voir ce qu'il y avait derrière chaque organe... Ce qui est étrange c'est que votre fille et Jared ont exactement le même. Exactement au même endroit. »

Drago se figea.

« Vous voulez dire... le gène des Belahans Jiwa ? Je croyais que c'était... une image... que c'était... une truc génétique ou je ne sais quoi... d'abstrait...

- Nous ne savons pas encore si c'est ça. Rappela Théo. Mr Deschamps voudrait vous examiner, voir si vous possédez chacun le même organe, ce qui confirmerait cette hypothèse. »

Hermione acquiesça avec prudence en jetant un coup d'œil à son époux qui approuva lui aussi d'un signe de tête, songeur. Des milliers de pensées se bousculaient dans son esprit et c'est d'une voix blanche que Lucius posa la question qui leur brûlait les lèvres.

« Vous voulez dire qu'il serait possible de se débarrasser du gène des Belahans Jiwa ? »

Théo et Maxime échangèrent un regard hésitant, puis Théo soupira.

« Si c'est bien ce que nous pensons... c'est exactement ce que cela veux dire... »

O0°0O

Vous avez déjà eu le sentiment que vous alliez mourir ?

Le long tunnel... Les plus beaux moments de votre vie qui défilent devant vos yeux à la vitesse de la lumière...

Tout ça, c'est du blabla... Parce que personne n'est jamais revenu d'entre les morts... Personne n'est là pour expliquer ce qu'on ressent exactement au moment où on meurt.

Même pas moi. Ni elle...

Nous ressentons exactement la même chose... vivons ensemble... cohabitons... Drôle de cohabitation. Celle de l'esprit, de l'âme, du cœur... Peut-être même du corps ? Mais je n'en sais rien. Elle non plus. Car je - ou nous - ne sentons plus ni mon corps ni le sien.

Mourir, c'est comme tomber de sommeil... Une chute libre très agréable... Tellement plus simple que la vie où il faut se battre à longueur de temps !

Mais elle est là. Nous sommes là. Tous les deux. Et partageons notre esprit. Notre âme. Notre cœur. Je suis certain que si pendant un instant, je décidais d'abandonner, elle le ferait également...

Alors, je pourrai dire ce que l'on ressent quand on meurt. Sauf que je serai mort, et ne pourrait par conséquent plus rien dire ! Voilà ce qu'elle me siffle à chaque fois que j'y pense.

Parce qu'elle ne veut pas abandonner. Elle n'abandonnera jamais. Quoi que si je l'embête suffisamment...

C'est étrange d'être si proche de quelqu'un. Nous pensons aux mêmes choses, mais pas de la même manière. Nous ressentons les mêmes choses mais les analysons différemment. Nous vivons les mêmes choses, mais il y a une immense différence entre nous.

Elle veut vivre.

Mais je veux mourir.

O0°0O

Ce garçon est un idiot. Oui, normalement, on ne dit pas de mal des morts... Mais je suis dans le même état que lui, alors... j'ai le droit. N'est-ce pas ? Et puis, nous ne sommes pas vraiment morts. Ni vraiment vivants.

Je crois que si l'un de nous pouvait mourir et l'autre vivre quand même... je le tuerai.

C'est de sa faute si je suis là. Mais où ? Je ne le sais même pas... Je suis quelque part. J'entends parfois des voix. Celles de maman, papa...

Je les entend, mais ne peux leur répondre. À cause de lui !

Et puis, il n'y a pas que ça... C'est illogique ce qui nous arrive là... Dans quel monde parallèle j'entendrais et partagerais mon esprit avec lui ?

Il sait tout de moi. Je sais tout de lui.

J'ai même vu des choses que je n'aurais jamais voulu voir. Je crois que c'est aussi pour ça que je lui en veux... Parce qu'il m'en veut. Toutes ces filles... les unes après les autres... Je n'ai pas le droit de juger, je le sais... Mais ne peux m'en empêcher. Parce que j'ai toutes ces images de corps nus dans ma tête. J'ai ces odeurs de cigarettes, d'alcool.

Ses souvenirs deviennent aussi les miens. Et je n'en veux pas.

Sur chaque souvenirs, il y a un nom. Le mien. Car tout... Je dis bien absolument tout ce qu'il a vécu me concerne. Tout est de ma faute. Enfin, c'est ce qu'il pense. Ce que je finis par penser.

Il appelait certaines filles par mon prénom. Quand elles étaient blondes ou aussi petites que moi... Quand elles le comblaient un peu plus que les autres.

Alors oui... tout est de ma faute, je crois.

Je pense que si j'avais encore des yeux - ou du moins si je les sentais encore - je pleurerais... Mais je n'ai même plus le pouvoir de pleurer.

O0°0O

C'est étrange d'être tant aimé... D'aimer autant. Tous ses sentiments sont plus vifs que les miens. Parce qu'elle ne les contrôle pas aussi bien que moi je crois.

Son amour pour Alex par exemple... Il me donne envie de mourir. Beaucoup de choses me donnent envie de mourir de toute façon.

Alex... Cet amour. Cette demande en mariage aussi. Si il avait fait ça devant moi, je lui aurais arraché les yeux ! L'image la dégoûte. Ça me fait sourire. Mais ai-je encore des lèvres ?

Des images m'abîment les yeux. Me brûlent la peau... Lui. Et elle. Dans la salle sur Demande la plupart du temps. Comme c'est le cliché des adolescents.

Et puis il y a notre nuit... Juste la nôtre... Celle qui lui a arraché des larmes, qui m'en a fait verser aussi. Celle qui a tout changé. Pour elle. Pour moi.

Juste cette nuit-là...

Nos peaux qui se frôlaient... Ses ongles dans mon dos ou mes lèvres sur sa nuque. C'est le souvenir le plus vif que nous partageons.

Je m'en rappelle tout le temps et ça la met en colère. Elle ne veut pas s'en souvenir. Parce que ça lui provoque des petits tourbillons dans le ventre - si elle en a encore un. Ça lui donne chaud aussi. Ça la fait sourire. Ça lui donnerai presque envie de m'aimer si elle n'était pas si en colère contre moi...

Elle m'en veut pour un tas de choses. Mais je lui en veux moi aussi. Pour un tas de choses.

Il parait que l'amour se fonde sur la haine...

Elle m'en veut aussi de penser ça.

O0°0O

C'est étrange mais je sens sa peau contre la mienne... J'avais l'impression de ne plus avoir de peau pourtant... C'est peut-être simplement un souvenir.

Notre nuit... elle fait partie de ces souvenirs. Ceux qu'on n'oublie jamais. Comme les mariages, les naissances, les premières fois en tout genre - premiers pas, premiers mots...

Ce qui est plus étrange encore c'est cette facilité avec laquelle il me calme.

Je comprend mieux ce dont mon grand père parlait quand il disait que nous étions liés. Les deux parties d'une même entité. Nous ne partagions pas que notre âme en fin de compte, mais aussi... Notre cœur. Notre esprit. Notre corps...

Jared n'était pas que la moitié de mon âme comme je l'avais dit un jour à Alex. Non, il était bien plus que ça.

Mon souffle s'apaisait en même temps que le sien. C'était étrange de dépendre à ce point de quelqu'un. Il dépendait de moi. Je dépendais de lui.

Alors que le danger était imminent - je ne savais pas exactement quel danger, juste qu'il y en avait un : la mort peut-être ? - je m'apercevais enfin qu'il était moi. Que j'étais lui. C'était peut-être dur à expliquer - et sans doute d'avantage à comprendre pour une personne extérieure mais nous étions là, tous les deux...

La même et unique personne en fin de compte...

Liés pour l'éternité. Liés à tout jamais...

Bêtement je me demandais si nous le serions au-delà de la vie également.

Je le sentis sourire.

O0°0O

« Exactement le même ! S'exclama le médicomage Deschamps. Le même organe au même endroit ! C'est exceptionnel...

- Et cela ne doit absolument pas sortir de ces murs. Objecta Drago. Imaginez que tous les Belahans Jiwa travers le monde veuille se le faire retirer. Il n'en est même pas question.

- Et pourquoi cela ? S'enquit Maxime. Mr Nott m'a dit que ce lien posait problème à vos enfants... Leur vie serait plus...

- Si ce gène est là c'est qu'il y a une raison. Marmonna Drago, la voix tremblante de rage. C'est le destin. Et à ce que je sais, on ne peut échapper à son destin. Si Layla et Jared sont fait pour être ensemble, ils seront ensemble. Ce n'est pas en les séparant d'une part d'eux même que nous pourrons leur rendre la vie plus simple. Ce serait comme leur couper une jambe. »

Hermione acquiesça lentement, l'approuvant en partie. En effet, elle ne pourrait jamais se faire retirer ce gène, cet organe. Il faisait partie intégrante d'elle-même. Après une intense réflexion, ce genre de décision pouvait peut-être être prise. Plus d'électricité, donc plus d'obligation. Mais elle doutait qu'une telle décision puisse être approuvé dans pareilles conditions...

« Et si ça avait une chance de les sauver ? De les réveiller ? Insista le médicomage. Et si en leur enlevant cet organe, on leur sauver la vie ! »

Lucius sortit enfin de sa torpeur. Il avait encore du mal à imaginer qu'il avait quelque chose à l'intérieur de sa poitrine qui n'aurait pas dû y être. Mais l'idée même qu'on enlève cette part d'elle-même à sa petite fille sans connaître quelles conséquences ça aurait lui fit oublier ses soucis et autres réflexions intérieures.

« Et si au contraire, ça les tuait ? »

Théo blêmit brutalement.

« Pourquoi pensez-vous donc que...

- Si on enlève le cœur de quelqu'un, je suppose qu'il décède rapidement. Ironisa Lucius. Nous ne savons pas quel effet ça aura ! Ça pourrait les guérir mais ça pourrait aussi les tuer.

- Alors qu'est-ce qu'on fait ? On attend pendant vingt ans qu'ils veuillent bien ouvrir un œil ? »

Hermione appuya son front sur l'épaule de Drago, qui y déposa un baiser.

« Quand on m'a apposé la marque des Ténèbres, et que Hermione est tombé dans les pommes... Nous étions incroyablement malades tous les deux. Rappela-t-il. Et nous avons passé plus de deux jours entiers sans bouger, à dormir... Tu te souviens ?

- Mais ça fait déjà deux semaines, Drago ! S'exclama Théo avec agacement.

- Mais leurs blessures sont plus graves que l'étaient les nôtres ! »

Lucius et Narcissa échangèrent un coup d'œil, pensant exactement à la même chose. Ils se lancèrent un sourire assez triste, comme un adieu indubitable.

« Vous pourriez essayer sur nous. Proposa sagement Lucius.

- Essayer quoi ?

- L'ablation... L'opération... Je ne sais pas comment vous appelez ça. Soupira Narcissa. Vous pouvez tenter sur nous, voir si ça a un effet négatif... »

Drago se leva d'un bond:

« Vous êtes dingues ?

- Sois réaliste, mon chéri. sourit Narcissa, attendrie. Ton père et moi, nous avons toujours rêvé de voir ce jour arriver. Savoir que nous pourrions...être loin l'un de l'autre, vivre séparés... C'est incroyable pour nous.

- Mais si vous mourrez ? Grommela Drago.

- Alors, nous mourrons. Railla Lucius. Ce n'est pas si grave. Nous sommes vieux. Nous n'avons rien à perdre. Ce sera... nos adieux à la science. »

Maxime esquissa un sourire et Théo jeta un coup d'œil à Drago, qui n'avait pas vraiment son mot à dire mais réfléchissait quand même à ce qui était en train de se passer. Finalement, il acquiesça doucement, pensif et Hermione serra ses doigts dans les siens en souriant.

« Je vais voir comment procéder. » S'enthousiasma le médicomage avant de quitter la pièce d'un pas pressé.

Un silence pesant s'installa dans le bureau où ils avaient passé les tests, découvrant un petit organe. Minuscule. Une âme différente des autres peut-être ? Dans tous les cas, cet organe changeait tout. Il leur donnait le choix. Un choix que personne avant eux dans l'histoire des Belahans Jiwa n'avait eu.

O0°0O

Drago somnolait sur un fauteuil installé dans la chambre de Layla et Jared qui n'avaient toujours pas bougé. Hermione chantonnait une berceuse, marchant de long en large dans la pièce en portant Gabriel qui s'endormait doucement. Elle semblait distraite. Pas autant à cause de l'opération qui se déroulait à quelques étages de cette chambre, mais par son fils qui baillait. Elle s'avança vers son époux et posa sa main sur son épaule, sa secoua avec douceur pour le réveiller.

Il leva son regard gris à moitié endormi vers elle et sourit tristement.

« Tu veux savoir pour Gabriel. Comprit-il car il pensait exactement à la même chose.

- Oui. Je veux savoir pour Gabriel. Voir si cette... malédiction, bénédiction ou je ne sais quoi va poursuivre notre famille pendant des siècles encore... »

Il se leva en baillant, posa ses lèvres froides sur le front bouillant de sa Gryffondor.

« Je vais demander à Théo de regarder. Je ne connais pas bien ce sort...

- D'accord. Sourit-elle. Tu veux savoir toi aussi, n'est-ce pas ? Je ne veux pas t'obliger à prendre cette décision.

- S'il a le gène, il choisira lui-même ce qu'il veut en faire. Je ne ferai subir ça à aucun de mes enfants. »

Il jeta un coup d'œil à sa fille qui dormait toujours, faisant comprendre à Hermione que dans tous les cas, il ne voulait pas que Layla se fasse opérer à moins d'être réveillée. Hermione sembla hésiter pendant un millième de seconde, puis se lança.

« Et si ça leur permettait de se réveiller ? Et si... ça déclenchait quelque chose chez eux ?

- Est-ce que ça te plairait à toi de te réveiller en te rendant compte qu'une part de toi n'est plus là ? »

Hermione releva les yeux, plantant son regard d'or qui bouillonnait en cet instant dans celui givrant de son époux.

« Je préférerai me réveiller sans le gène, mais avec toi. Je préférerai me réveiller sans ce qui nous lie que de me réveiller sans toi... Je préférai me réveiller sans ça mais me réveiller tout de même. »

O0°0O

« Gabriel est un garçon exceptionnel. Il n'a pas pleuré une seule fois. » Sourit le médicomage en rendant le bambin à sa mère.

Installé dans la salle d'attente, Théo dormait à point fermé, le front collé à l'épaule de Drago, qui dormait lui aussi. Théo ronflait légèrement. Hermione s'empara de son fils en souriant à Maxime Deschamps.

« Alors ?

- Rien. Absolument rien. S'exclama Maxime. C'est incroyable. Je veux dire... Votre fille a apparemment hérité de votre puissance à votre époux et à vous. Et aussi du gène. Alors que Gabriel... absolument rien. Il est plus puissant que la moyenne. Mais ne semble avoir hérité de rien d'autre. Sauf, éventuellement si le gène n'apparaît qu'à la rencontre des Belahans Jiwa.

- Vous pensez que c'est possible ? S'enquit Hermione, soucieuse en caressant doucement les cheveux de son fils à demi endormi.

- Non. Enfin, c'est scientifiquement possible bien évidemment. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Comme le disait votre époux, c'est le destin. Et notre destin est là avant même notre naissance. »

Hermione acquiesça et le médicomage jeta un coup d'œil aux deux hommes endormis.

« Je vous laisse le soin de leur annoncer.

- Bien sûr. Et... pour mes beaux parents ? Demanda-t-elle, une ride se creusant au milieu de son front.

- Nous avons du mal à leur retirer pour le moment. C'est étrange... Nous vous préviendrons. »

O0°0O

Les néons du couloir grésillaient. Théo, Drago et Hermione dormaient sur ses fauteuils. Ginny était passée prendre Gabriel pour qu'il ne passe pas la nuit à l'hôpital, et l'avait emmené chez elle avec Harry et Agathe.

Le souffle de Hermione balayait les quelques mèches blondes de son époux qui s'était écroulé de sommeil, quelques heures plus tôt, son visage contre le buste de sa femme. Théo, les mains jointes sur son ventre qui se soulevait à chaque inspiration, ronflait.

Le médicomage Deschamps s'approcha d'eux, un sourire éclairant son visage émacié. Il ne s'était pas rasé depuis plusieurs jours, trop préoccupé par cette famille. Il posa sa main sur l'épaule de Théo qui se réveilla d'un bond.

« Des nouvelles ?

- Tout s'est bien passé. Sourit le médicomage. Ils se sont réveillés. Ils sont un peu déboussolés et voudraient voir leur fils, et leur belle-fille. Vous pourriez les réveiller ? »

Théo esquissa un sourire en jetant un coup d'œil à son meilleur ami.

« Il vous fait peur ?

- Il a l'air assez violent... Marmonna Maxime en s'empourprant.

- Il l'est. Mais il ne fait pas de mal. Il y a quelques années, il vous aurait...arraché la tête... ou la langue. Pouffa Théo. Mais maintenant... je crois que sa femme l'en empêcherait. »

Maxime parut rassuré, et en un signe de tête en direction du couple, souffla :

« C'est incroyable de voir, d'admirer de tels liens entre des personnes si différentes. Je sais que c'est l'amie de Harry Potter, alors qu'il était un Mangemort. C'est étonnant de voir ça en vrai. J'ai beau avoir étudié ce phénomène, je n'en reviens toujours pas. Les parents de votre ami semblaient différents...

- Leurs liens le sont... L'étaient. Grimaça Théo. Ils ne s'aiment pas vraiment. »

Le médicomage acquiesça, pensif. Il se demandait si un divorce serait de mise désormais pour le couple. Mais ils avaient plus de soixante ans... Quel aurait été l'intérêt pour eux de se quitter désormais ? Ils avaient passé prêt de quarante années ensemble.

Théo songeait à la même chose et finit par sourire.

« J'espère sincèrement qu'ils resteront ensemble. »

Il réveilla ensuite Drago et Hermione qui suivirent le médicomage en baillant jusqu'à la chambre du couple. Lucius et Narcissa discutaient, chacun adossés à leur propre oreiller sur des lits à quelques mètres l'un de l'autre.

« Vous en avez mis du temps. » Siffla Narcissa d'un ton condescendant en fusillant le docteur du regard comme si la longueur des couloirs était un problème causé par lui-même.

Drago s'approcha de sa mère et embrassa doucement son front avant d'adresser un vague signe de la main son père.

« Comment vous sentez vous ? Demanda Hermione, inquiète et troublée par ce qui s'était passé dans la journée.

- Assez bien. La rassura Narcissa. J'ai l'étrange impression qu'il me manque quelque chose... Mais je devrais survivre. »

Elle souriait en disant cela et Drago la crut sur paroles. Il semblait pourtant assez anxieux. Il avait beau avoir trente-sept ans, il avait du mal à imaginer ses parents séparés. Pour lui, ils étaient fait pour être ensemble. Il avait parfois voulu que son père s'en aille quand il était enfant et adolescent, quand son père criait après sa mère - qui lui répondait alors - ou quand il la frappait - là, elle se taisait, puis plus tard quand il insistait pour qu'il devienne un Mangemort pour suivre ses traces. Drago n'était pas devenu un Mangemort par amour et respect pour son maître mais pour plaire à son père. Et ça, Lucius le savait. Mais le Drago de trente-sept ne voulait bêtement pas que ses parents se séparent. Il aurait l'impression que des milliers de fondations s'écrouleraient alors.

Le fait que ses parents ne soient plus liés lui provoquait déjà assez de frissons de stupeur. Il n'allait pas en plus devoir supporter un divorce. Il songeait aussi que tant que le couple de ses parents fonctionnerait, le sien avec Hermione également, même s'il n'avait rien de comparable. Hermione glissa sa main dans la sienne, comprenant - ressentant - toutes les idées qui lui traversaient l'esprit.

Il n'osait pas demander à ses parents ce qu'ils comptaient faire, alors son épouse le fit à sa place.

« Vous allez tout de même rester ensemble ? »

Un silence de plomb s'installa, un regard fut échangé entre Narcissa et Lucius. Ce dernier toussota après quelques secondes et Narcissa pouffa, comme si la situation était particulièrement amusante.

« Je le supporte depuis quarante années ! Rappela-t-elle en levant les yeux au ciel, ne comprenant apparemment pas comment son fils et sa belle fille pouvaient se poser pareille question. Je peux le supporter encore cent ans si il le faut. Sauf dans le cas où un autre Mage Noir apparaîtrait et qu'il veuille le suivre. Ça, je ne le supporterai pas une fois encore. Mais nous sommes vieux... Je veux simplement profiter des années qu'il me reste en compagnie de celui avec qui j'ai passé les deux tiers de ma vie. »

Lucius acquiesça, approuvant ce qu'elle disait, pensant la même chose. Drago parut soulagé, et Hermione appuya son dos contre son torse, leurs doigts s'entrelaçant mécaniquement. Le médicomage se tourna vers eux.

« Alors... on tente l'expérience sur votre fille et sur Jared ? »

O0°0O

Le danger... On le sent à des kilomètres. En général, je fonce tête baissé dedans, j'ai toujours été ce genre d'homme, déjà quand j'étais enfant.

Mais ce danger-là... Je n'en voulais pas. Il était trop soudain. Je n'y étais pas préparé.

Je la voulais elle. Layla... Ma Layla. Serait-elle à un autre à partir du moment où nous ne partagerions plus notre âme ? M'appartiendrait-elle encore un peu ?

Elle était silencieuse, ne me disait plus un mot, ne partageait déjà plus ses pensées avec moi... Ou peut-être ne pensait-elle plus ? Elle avait peur, simplement peur. Je le sentais parce que j'étais très anxieux moi aussi. Comme si un serpent énorme - aussi gros qu'un Basilic (la comparaison était la sienne) - s'était insinué dans mon estomac et se faufilait partout où il pouvait passer, brisant tout mes os.

Layla... Il n'était pas question qu'on l'éloigne de moi. Ou si ça se faisait -j 'avais entendu les médicomages en parler - je voulais que ce soit de notre gré. Peut-être pas du mien, mais au moins du sien...

Mon âme ne serait plus la sienne très longtemps... Son avis comptait tant... J'aurais voulu qu'elle me dise... Maintenant... Peut-être aurais-je encore la force d'intervenir ?

O0°0O

Rien... Le vide complet...

Est-ce que vous avez déjà pensé que vous pourriez mourir ? À la seconde où cela se passe, on le sent... Le danger. Une bonne dose d'adrénaline.

Je croyais sentir mes doigts. Un souffle caressait mon visage. Peut-être étais-je déjà morte ? Non, Jared était toujours là, prêt de moi. Mais je sentais que je me réveillais. Le combat n'aurait pas été vain.

Jared bouillonnait. Il voulait intervenir.

Moi non plus je ne voulais pas. Ce serait comme séparer des siamois.

Les choses auraient été si simple si j'acceptais. Pendant un instant, je décidais de me taire. Il doutait lui aussi.

Vivre séparé dans la douleur ou vivre séparé tout court ? Il entrevoyait une autre possibilité cependant... Que nous vivions ensemble.

La cohabitation était assez désagréable depuis ces quelques semaines. Mais rien ne l'empêcher d'espérer encore. L'idée de notre hypothétique couple le faisait survivre. Sans ça, il n'aurait plus rien...

Mon cœur s'affolait alors que je sentais des lumières aveuglantes se poser sur mon visage... Néons d'hôpitaux. Il n'y avait rien de plus désagréable. J'entendais des voix. Celles de mon père, de ma mère, Gabriel . Jared aussi les entendait.

Je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Je voulais avoir réellement le choix.

Alors je le lui dis.

Il rayonnait maintenant.

Je lui laissais le soin de communiquer notre refus aux autres, aux gens encore vraiment vivants. Et il le fit avec fracas. J'étais presque fière.

O0°0O

Dans le couloir de Saint Mangouste, un vacarme assourdissant effraya les patients. Les fenêtres se mirent brusquement à battre entre les murs et certaines portes sortirent de leur gonds. Les néons éclatèrent en des milliers d'éclats de verres, tombant sur deux lits où deux jeunes d'environ dix huit ans étaient allongés. Un vague sourire illumina leurs traits. Ils étaient pourtant presque morts et leurs visages constamment figés depuis une quinzaine de jours.

Drago, Hermione, Théo et le médicomage Deschamps se ruèrent sur eux pour les protéger des éclats de verres, Drago protégeant son fils grâce au sortilège du bouclier qu'il maintenait autour du bambin.

Puis tout cessa, aussi brusquement que ça avait commencé. Les médicomages se ruèrent sur leurs patients pour voir si les débris de verres les avaient touchés. Maxime observa Layla et Jared qui souriaient toujours mais n'avaient pas ouvert les yeux. Théo les scruta également alors que Drago allait récupérer son fils qui pleurait au sol. Hermione poussa un long soupir et Théo éclata de rire. Tous se tournèrent vers lui, se demandant s'il devenait fou. Il n'y avait aucune raison de rire, mais il ne pouvait apparemment pas se retenir. Son rire était nerveux, incontrôlé et incontrôlable. Il posa avec douceur sa main sur le front de son fils et sourit.

« Au moins, on a compris...

- Compris quoi ? S'enquit Hermione, qui justement ne saisissait pas du tout quelle mouche piquait son ami.

- On va les ramener dans leur chambre. Ils ne veulent pas de cette opération. Alors, nous non plus... »

O0°0O

Layla fut la première à ouvrir les yeux, le lendemain matin. Jared lui avait transmis toute son énergie pour qu'elle puisse se réveiller. Ses muscles endoloris lui faisait mal mais elle fut heureuse de les retrouver. Elle resta de longues minutes le regard rivé au plafond, puis tourna la tête vers Jared qui n'avait pas encore ouvert un œil. L'expérience de la veille l'avait épuisé.

Layla étira doucement chacun de ses membres avant de se redresser dans son lit, une douleur lancinante à la tête. Elle craqua un peu, sa colonne vertébrale semblait hurler son mal et elle retint un gémissement de souffrance. Elle inspira profondément avant de se relever à nouveau, prête à affronter la douleur cette fois. Ses pieds nus se posèrent sur le sol froid. Elle ne portait qu'une blouse et un courant d'air glacé s'y faufila. Elle réprima un frisson.

Un seul mètre à franchir et il lui parut insurmontable. Mais avec courage - le courage des Gryffondor - elle se mit debout et tituba jusqu'au lit de Jared où elle s'écroula. Elle le poussa un peu pour se faire de la place.

Il l'avait aidée à se réveiller et elle s'obligea à faire la même chose. Son corps se posa près du sien. Il était froid et pâle. Comme un mort. Les doigts de Layla se glissèrent sur son front - qui était plus chaud, trop chaud même sans doute. Elle caressa ses cheveux mal peignés, se demandant bêtement quelle tête elle devait avoir. Elle avait l'impression - le souvenir même - d'une brosse dans ses cheveux quand elle était endormie, et de sa grand-mère qui lui chuchotait quelques petits mots dès que son grand-père - qui aurait trouvé ridicule de parler à quelqu'un qui dormait - tournait la tête.

« Jared ? »

La voix de Layla était rauque et enrouée et elle dut s'y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à prononcer convenablement le prénom du jeune homme.

Elle était encore étrangement fatiguée, et appuya son visage contre le torse de Jared, après avoir relevé la couverture pour en avoir un peu et ne pas attraper froid. Le corps de Jared se réchauffa à son contact et elle s'endormit peu à peu, sombrant dans un sommeil sans rêve.

O0°0O

Les familles Weasley et Potter arrivèrent en nombre dans la salle d'attente de Sainte-Mangouste. Alex semblait un peu angoissé. Pour la première fois depuis la crise de Layla, il allait la voir... Elle dormirait bien sûr, on l'avait prévenu, mais il avait quand même envie de voir si elle allait bien.

Les Malefoy, et Théo étaient assis dans la même salle d'attente et Hermione se leva d'un bond pour les accueillir. Harry l'enlaça et soupira.

« Toujours rien de nouveau ? »

Elle fit signe que non. Mais les cernes qui s'épanouissaient sous son regard expliquaient les choses à sa place. Drago et Théo se levèrent à son tour pour saluer tout le monde. Hermione regarda Alex en souriant, et lui proposa gentiment.

« Tu veux la voir ? »

Il acquiesça timidement et Agathe, Franck et Victoire se concertèrent du regard avant de demander à leur tour.

« On peut nous aussi ? »

Hermione acquiesça en leur désignant la porte de la chambre de Layla et Jared d'un signe de tête. Les quatre adolescents s'avancèrent alors que les adultes engageaient une conversation.

Agathe poussa rapidement la porte, veillant à ne pas faire trop de bruit et se rua à l'intérieur. Ils se figèrent sur le seuil en découvrant les corps entremêlés de Layla et Jared qui dormaient sur le même lit.

Le manque de réactivité des adolescents alerta Théo qui s'avança vers la porte à son tour et observa à travers l'encadrement. Un instant ébahi, il se figea avant de s'exclamer.

« Elle s'est réveillée ! »

Toutes les personnes présentes accoururent vers la porte et se stoppèrent sur le seuil. Alex maugréa :

« Qu'est-ce qu'elle fait dans son lit ? »

Sa fureur rentrée était palpable et Layla ouvrit doucement les yeux. Hermione se rua sur elle.

« Ma chérie ! Ça va ? »

L'adolescente s'étira, ses os craquant douloureusement. Théo alla chercher le médicomage et Drago s'approcha à son tour de sa fille, Lucius et Narcissa le suivant de peu.

« Comment vas-tu, Layla ?

- Je... »

Sa voix était rauque à nouveau et elle dut se racler la gorge à plusieurs reprises avant de pouvoir articuler.

« Je vais... bien. Mentit-elle. J'ai un peu mal partout... »

Elle se tourna doucement vers Jared, et Alex marmonna quelque chose dans sa barbe inexistante. Layla fit virevolter son regard vers lui, menaçante.

« Ce n'est pas le moment d'être jaloux, imbécile. »

Elle baissa les yeux et chuchota.

« Je ne comprends pas... pourquoi ne se réveille t-il pas ? »

Hermione la serra contre elle.

« Ils auraient dû se réveiller en même temps, non ? Supposa Narcissa avec un rictus inquiet.

- Oui... Que s'est il passé ? Demanda Drago à sa fille.

- Je... Il m'a donné assez de force pour me réveiller. Je pensais qu'en restant près de lui... Il se réveillerait lui aussi... Je ne sais pas ce qu'il se passe. Soupira-t-elle, les larmes lui brouillant déjà la vue.

- C'est vous qui avez empêcher l'opération ? L'interrogea Lucius.

- Non. Grimaça Layla. Jared... enfin, je lui ai dit de le faire... »

Un court silence suivit cette information.

« Comment ça tu lui as dit ? Bredouilla Théo en entrant avec le médicomage Deschamps.

- Je... Nous étions comme... connecté pendant tout le temps où nous étions dans le coma. J'avais accès à tous ses souvenirs, à toutes ses pensées, comme il avait accès aux miennes. Alors, quand on a compris ce que vous alliez faire... »

Alex marmonna :

« Tu n'as pas voulu ? »

Elle se tourna vers lui, hésitante, presque craintive de sa réaction.

« Pas comme ça. Pas maintenant. C'est le genre de choses qui doit se faire au bon moment. Quand je... quand on s'en sentira capable. Quand je n'aurais plus aucun doute sur... nous. Enfin... »

Elle comprit qu'elle avait mal formulé sa phrase en voyant un rictus gêné se dessiner sur le visage de Franck, d'angoisse sur celui d'Agathe, de surprise sur celui de Victoire. Mais plus encore, c'est le masque de tristesse de celui d'Alex qui la marqua.

« Depuis quand est-ce que tu doutes ? Articula-t-il, la rage déformant presque chaque mots.

- Tu ne peux pas m'en vouloir de douter. Répliqua-t-elle sèchement, agacée d'avoir cette conversation dans un moment pareil devant tant de personnes que ça ne concernait en rien et plus encore devant Jared.

- Et pourquoi ne devrais-je pas t'en vouloir ? Parce que là je trouve des milliers de raisons de le faire ! La première étant que tu étais allongée près de lui. »

Agathe se tourna vers son cousin pour le fusiller du regard. Franck baissa la tête vers le sol et Victoire rougit légèrement. Layla jaugea Alex du regard, méprisante dans sa colère.

« Il est sur un lit d'hôpital. Je resterai près de lui tant qu'il en aura besoin. Et si tu n'es pas capable de comprendre ça, il vaudrait mieux que tu t'en ailles. »

Sa voix claqua. Un silence pesant s'installa dans la pièce. Tous les regards étaient fixés sur Alex qui semblait en pleine réflexion un instant. Finalement, il se laissa tomber sur une chaise dans un coin de la chambre. Layla esquissa un sourire, le remerciant silencieusement. Il répondit à son sourire en souriant - de façon forcée. Il acceptait de rester, et ça la comblait. Elle chuchota finalement :

« Merci... »

O0°0O

Pendant près d'une semaine, Layla resta à l'hôpital au chevet de Jared qui n'ouvrait toujours pas un œil. Alex aussi restait près de lui... Pour elle avant tout. Il parlait souvent de l'opération qui leur permettrait d'être en couple sans entrave. Elle ne disait mot. Tant que Jared ne serait pas réveillé, elle ne donnerait aucune réponse. Ce ne serait pas juste son choix. C'était une décision qu'ils se devaient de prendre ensemble.

Appuyée contre le lit de Jared, son visage contre les draps, le bas du corps sur une chaise, Layla dormait à demi. Ses doigts serraient ceux de Jared.

Quand il les bougea, elle ne le sentit pas.

Jared ouvrit doucement les yeux, étonné par la trop forte lumière de la chambre qui l'aveugla. Son regard se posa rapidement sur la jeune fille à son chevet. Elle n'était pas retournée en cours juste pour lui. Son regard parcourut la pièce, et un sourire étira ses lèvres quand il remarqua qu'Alex n'était pas là. Il n'aurait pas supporté ses réflexions cette fois... Il entendait chaque mot qu'il prononçait dans son sommeil, et n'aimait pas l'idée qu'Alex tente d'influencer le choix de Layla. Bien évidement, si elle choisissait l'opération, ce serait d'abord pour lui...

Sa main se leva légèrement et il retint un grognement de douleur. Puis, avec délicatesse, il caressa les boucles blondes de Layla pour la réveiller.

L'adolescente poussa un soupir de plaisir alors qu'une toute nouvelle électricité emplissait la chambre toute blanche. Il sourit à nouveau alors qu'elle ouvrait les yeux. Leurs regards se rencontrèrent et un immense sourire éclaira son visage.

« Bonjour... Bien dormi ? Ironisa-t-elle face à l'étrange situation.

- Assez... » articula-t-il difficilement, sa voix se brisant sur chaque syllabe.

Elle se redressa et planta son regard dans le sien. Il comprit qu'elle souhaitait parler, de tout ce qu'ils savaient l'un sur l'autre alors qu'ils auraient tant voulu se cacher certaines choses.

« J'ai... J'ai eu très très peur pour toi. Avoua-t-elle en rougissant. Merci de m'avoir aidée à me réveiller.

- Tu y serais arrivée sans moi. Quoi que sans moi... tu n'aurais même pas eu besoin d'y arriver. Tu serais en bonne santé, dans les bras de ton... fiancé ?

- Je n'ai pas encore accepté. Rappela-t-elle avec amertume.

- Tu l'as congédié avec brutalité. Lui avouer que nous avions fait l'amour toi et moi en pleine demande en mariage ? Ce n'est pas conseillé normalement.

- Nous n'avons rien de gens normaux. Sourit-elle. Et puis... ta perte de contrôle au ministère... C'est aussi de ma faute. Si j'avais été plus calme au moment où c'est arrivé, nous n'aurions eu aucun problème. Nous serions toujours à des centaines de kilomètres l'un de l'autre. Je serais en train de réviser mes ASPIC, parce que c'est dans moins d'un mois...

- Tu as fini ton dossier. Dit-il simplement alors qu'elle l'interrogeait du regard, se demandant comment il le savait. Je t'entendais écrire. C'était assez agréable de t'écouter lire certains passages à haute voix. Surtout ceux où tu parlais des Mangemorts. Tu les rends un peu trop humains selon moi.

- Mon père et mon grand père en sont. Rappela-t-elle. En ont été, plus précisément. Et il n'est pas question que je les enfonce d'avantage. Certains avaient des raisons qui poussent à....

- Controverses. Conclut-il. Je sais, tu me l'as lu... »

Ils restèrent un instant silencieux et elle remarqua qu'elle n'avait toujours pas lâcher sa main. Puis elle engagea une autre conversation.

« Toutes ces filles...

- Désolé. Marmonna-t-il. Je ne voulais pas que tu vois ça...

- Je le sais. J'y ai beaucoup réfléchi. Je suis vraiment désolée de t'avoir forcé à vivre comme ça... Et je te déteste de les avoir parfois appelées par mon prénom. »

Il baissa les yeux, rougissant. Elle le rassura d'un sourire.

« Nous avons tous les deux fait des erreurs. Moi avec Alex, la première fois. Toi avec toutes ses filles. Ensemble lors de notre... seule nuit ensemble. Nous avons fait beaucoup d'erreurs. Elles ne sont pas impossibles à rattraper... »

Elle n'eut pas le temps de finir que la porte s'ouvrait à la volée. Les Weasley et les Potter apparurent, comme tous les vendredi soir - après les cours. Ils se figèrent en remarquant que Jared était réveillé. Théo se rua sur son fils, un grand sourire aux lèvres et s'exclama :

« Tu es réveillé depuis combien de temps ?

- À peine quelques minutes. » Chuchota Layla en se levant, lâchant la main de Jared.

Leurs doigts vides les brûlaient un peu et elle s'avança vers Alex. Il attrapa sa main à son tour, et Jared détourna mécaniquement le regard.

Le médicomage s'approcha de lui et l'ausculta avec douceur en lui posant quelques questions sur son état, sur ses blessures et sur ses souvenirs - qui semblaient intactes.

« Avez-vous entendu les gens parler pendant votre... coma ? Comme Miss Malefoy ?

- Oui. Grimaça-t-il en jetant un regard assassin à Alex qui baissa les yeux.

- Parfait. Et... Pour l'opération ? Nous nous demandions si vous étiez d'accord pour la faire. Au cas où il vous arrive autre chose, ce sera moins dangereux pour Miss Malefoy. Vous pourriez y réfléchir. »

Jared n'avait pas vraiment pensé à cette éventualité. Elle lui donnait presque envie d'accepter l'opération juste pour ne plus faire de mal à Layla. Il sembla réfléchir alors qu'un silence de plomb s'installait dans la chambre. Le médicomage sentit qu'il n'aurait pas dû aborder le sujet mais il était déjà trop tard pour revenir en arrière.

Jared plongea alors son regard étrangement perdu dans celui de Layla. Elle tenta de le regarder sans ciller mais - pour une fois - en fut simplement incapable. Elle comprit ce qu'il allait lui demander avant même qu'il n'ouvre la bouche. Son esprit se dégourdit alors à une allure folle et un million de pensées la traversèrent au même instant - pendant une seconde à peine.

Elle se rendit compte que malgré tout ce qu'elle lui avait fait subir, il lui demandait encore son avis et se souciait peu de son propre bonheur tant qu'elle était heureuse. Elle s'interrogea également : pourquoi était elle incapable de faire de même ? Pourquoi - semblait-il - était-il prêt à faire toutes ces concessions alors qu'elle ne semblait pas capable d'en faire une seule ?

Elle songea aussi à Alex qui derrière elle, à vingt centimètres à peine, respirait plus fort, comme s'il se doutait déjà que les prochaines minutes seraient décisives.

Elle pensa finalement à ce petit plus en elle qui vivait près de son cœur, qui battait peut-être - qu'en savait elle ? - et se demanda à quoi il ressemblait. Elle se dit aussi immédiatement qu'elle n'avait pas le droit de se poser cette question, que c'était comme de vouloir connaître le secret le plus intime et gênant d'un personne inconnue...

Certaines choses se devaient de demeurer un mystère. C'était peut-être ça la magie en fin de compte ? Quelque chose qu'on ne pouvait n'y voir, ni toucher mais qui, au fond de chaque sorcier, battait comme le cœur palpitant d'un nouveau-né.

Elle se rendit compte qu'elle aimait Jared. Et qu'elle aimait Alex. Que l'amour qu'elle éprouver pour l'un n'avait rien de semblable avec celui qu'elle éprouvait pour l'autre. Jared était celui qui allumait le brasier. Alex était là pour le contrôler quand il s'enflammait, prenant tout de même garde à ne pas l'éteindre. Et l'un n'allait pas sans l'autre... Comme le cœur et le corps n'allaient pas sans l'âme. David Herbert Lawrence avait dit un jour que la vie n'était supportable que lorsque le corps et l'âme vivaient en parfaite harmonie.

Et pour la première fois de sa vie, Layla devait réellement choisir, sans possibilité de se défiler, de partir loin, de vivre encore un peu avec les deux...

Alors qu'elle pensait à tout ça, la voix grave, chaude, plus rauque que d'habitude de Jared lui parvint. Les méandres de ses pensées se ternirent peu à peu alors qu'il lui posait enfin une question qui lui brûlait les lèvres.

« Alors, veux-tu de cette opération ? »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top