Chapitre 8 partie 1 Callidus

Je ne suis même plus sûr de combien de jours sont passés depuis la perte de ma vue. J'ai l'impression d'avancer à travers un épais brouillard, noir et oppressant.

Le vieux mage trouve que Liore et moi nous débrouillons plutôt bien, mais je n'arrive pas tout à fait à visualiser les choses, non par les sens, mais par leur énergie. L'ancien dit que c'est normal... Que si j'avais toujours été non-voyant, je comprendrais mieux ce qu'il sous-entendait par là.

Je suis assis contre l'un des murs de ma cabine et écoute le léger ronflement de l'ainé, étaler sur la petite couchette. Je sais que le prince de Moonleaf est quelque part dans la pièce, mais je ne saurais pas dire où exactement. Pour une raison que je n'arrive pas à saisir, il n'y a que le souffle, le mouvement et l'énergie de la princesse Amnis que j'arrive à distinguer et retrouver... presque comme si je possédais un radar pour la retracer.

Le prince Ester pousse un long bâillement, me permettant de savoir qu'il est à l'opposer de moi. J'entends le frottement de l'édredon que l'on déplace, puis un grognement, sans aucun doute dû à un étirement.

- Aucun changement avec ta vue, me questionne Ester d'une voix pâteuse et endormie. Nous sommes déjà au quatrième jour.

Midas ronfle plus fort, ce qui m'indique qu'il est déjà réveillé, mais veut paresser dans un silence qu'il souhaite complet... ce qu'il fait à chaque début de matinée.

Je repousse la couverture qui m'englobe et la plie avant de la déposer au sol, à côté de moi, geste qui fait soupirer le prince Ester.

- C'est fou à quel point tu es l'opposé de ma sœur, dit-il avec un petit rire. Je plains Liore... elle doit sans doute toujours ramasser derrière elle... bien qu'il ne doive pas y avoir beaucoup de chose.

Le vieillard grogne pour nous faire entendre son mécontentement alors que je me lève lentement en assurant mon équilibre.

- Vous êtes celui qui dort le mieux, vieil homme, marmonne le prince Ester avec agacement. Vous n'êtes pas en droit de vous plaindre.

- Un être puissant a besoin de plus de temps pour recharger ses batteries, réplique l'ancien d'une voix sèche.

- Je n'ai besoin que de cinq heures de sommeil, dis-je en cherchant un instant la poigner de la porte de la cabine.

- Tu n'es plus tout à fait humain, rétorque l'ainé en baillant. Tu es une bête sans émotion.

- Pourquoi le qualifiez-vous de bête, le questionne Ester alors qu'il doit se trouver à quelques pas derrière moi.

- Tu le sauras bien assez tôt, mon garçon.

Lorsque j'arrive finalement à ouvrir la porte, je sais que la princesse Amnis se tient devant moi. Liore doit être quelque part près d'elle. Je baisse la tête et, j'ignore comment, mais je sais que je la regarde droit dans les yeux. Malgré le silence, je sais qu'elle me sourit.

Le prince Ester me bouscule pour passer, ce qui lui vaut une réprimande de sa cadette.

- Je vais aller chercher le déjeuner pour tout le monde, dit Amnis, s'adressant visiblement à moi. Liore et vous pouvez tout de suite vous diriger vers le salon.

Je n'ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit avant qu'elle s'éloigne déjà, ses petits pas claquant contre le bois du navire. Le vent froid souffle sur mes vêtements et dans mes cheveux. Je tourne les talons pour aller me prendre des habits propres dans la petite commode, puis je me dirige vers la salle de nettoyage sans trop paraitre hésiter à chacun de mes pas. De ce que je me souviens, cette pièce se situe à une porte avant le grand salon... ce qui, je pense, constitue en une dizaine de pas... voir peut-être une vingtaine. Celle-ci, presque deux fois plus grande que le salon, se sépare en deux parties distinctes comportant deux portes, dont l'une est gravé du mot homme et l'autre, femme.

Un système d'irrigation a été construit pour l'évacuation de l'eau salie et un autre est utilisé pour filtrer et purifier l'eau de mer pendant la traverser. C'est un mécanisme édifié par un homme savant de Duskstone. Présentement, il est le marchant le plus riche du royaume et, si je me souviens bien, il est même allé jusqu'à s'acheter le titre de comte... chose qui n'était jamais arrivée auparavant.

Lorsque j'entre finalement après avoir tâtonner pour trouver la porte de gauche, j'entends tout de suite le bruit d'éclaboussure qui m'indique la présence d'autres hommes. Je m'approche à pas prudent du grand bassin commun. D'une main tendue, je détecte rapidement les casiers de bois qui sont contre le mur, à ma gauche. Je marche jusqu'au dernier en laissant ma main défilée sur chacun d'eux. J'ouvre la porte rugueuse en reconnaissant la voix du capitaine Poper ainsi que son second, Thay et Yagami Sho.

Le premier m'interpelle alors que je mets mes vêtements propres sur la case du haut, puis me débarrasse de ceux que je porte, les pliants avant de les mettre dans la case du bas. Je referme la porte et me retourne en essayant de percevoir leur énergie.

J'entends leur souffle chaud, leur cœur battre en tandem, mais leur position reste floue.

Je m'avance vers l'endroit du bassin où je crois être le plus éloigner d'eux. Je m'enfonce complètement dans l'eau tiède pour ne pas à avoir à m'impliquer dans leur conversation. Les sons me parviennent de manière brouillon alors que je ferme les yeux pour que le liquide transparent n'y entre pas.

Je fais le vide dans mon esprit en suivant les instructions du vieux mage et essaye de réceptionner cette chose appeler énergie psychique. Une décharge se fait dans ma tête et mes yeux se mettent soudainement à me bruler. Mes oreilles semblent subitement avoir mis tout son en sourdine alors que mon nez continue de repousser l'air de mes poumons.

Je sors vivement ma tête hors de l'eau et cligne plusieurs fois des yeux en passant une main dans mes cheveux presque lice. Je constate que ma vision est revenue, mais le lourd silence que me renvoie mes oreilles me fait comprendre que je suis devenu sourd.

Le capitaine semble me dire quelque chose avant de soudainement m'envoyer une barre de savon. Je l'attrape de justesse, ce qui le fait rire. Je le vois, mais ne l'entends pas.

Je le remercie d'un signe de tête et me nettoie rapidement avant de le lui rendre de la même façon, sans pour autant le prévenir, ce qui le fait un instant sursauter.

Ester entre et se dirige vivement vers moi alors que je sors de l'eau pour aller m'essuyer. Il jette un coup d'œil vers le trio alors que j'enroule une serviette autour de ma taille. Le prince de Moonleaf passe une main devant mes yeux, comme pour s'assurer que ma vue est revenue. Il fait un geste rapide vers son oreille et j'acquiesce pour répondre à sa question silencieuse. Ester pousse un soupir, puis tourne les talons pour sortir de la salle de nettoyage. Je le rejoins rapidement à l'extérieur après m'être accoutrer et avoir laver ma tenue sale.

Le prince de Moonleaf lève un sourcil alors que je m'arrête près de lui. Je me contente de l'observer en silence jusqu'à ce qu'il fasse un geste vers les habits dans mes mains et ceux que je porte. Il semble se demander pourquoi tous mes frusques sont pareilles et défroque, c'est-à-dire, une liquette noire à manche pagode, un gilet, des gants saxes, un fuseau avec une large ceinture pour soutenir le fourreau de ma rapière, ainsi que de lourdes bottes montantes et une cape légère.

Le prince de Moonleaf hausse les épaules avant de se diriger vers le grand salon. Je pars déposer mes vêtements dans ma cabine avant d'aller rejoindre les autres avec le vieux mage. Il se traine à ma suite, ses longs cheveux et sa barbe voltigeant dans tous les sens, causé par la turbulence aérienne.

Je m'arrête un instant devant la porte du salon et lève les yeux vers le ciel. L'humidité parcourt l'air et les secousses des vagues contre le navire se fond plus agiter. L'éther s'assombrit et se parsème de coton gris, annonçant l'approche des éléments déchainés.

- Voilà la raison pourquoi je me sens tout raplapla, grommèle Midas en suivant la direction de mon regard. Que les dieux nous épargnent de leur colère.

Je sais, sans même le voir, qu'il a parlé, mais je n'entends pas les mots. Je le sais seulement au léger changement dans son énergie.

Ses conseils n'ont pas été futile.

Plus je m'attarde sur la présence des autres, plus je les perçois avec netteté... particulièrement grâce à leur force psychique. C'est un peu comme percevoir différentes turbulences. Des petits cosmos qui se regroupent en un macrocosme. Un univers où chaque individu est représenté par une étoile.

L'ancien me tapote l'épaule avant d'entrer dans le grand salon. Je le suis à l'intérieur au moment où le déluge tombe en une robe vaporeuse qui nous englobe de toute part. Lorsque je regarde par les hublots, je constate qu'on ne voit pratiquement plus la poupe du navire et encore moins la mer. La foudre traverse le ciel alors qu'il s'obscurcit de plus en plus. Le vent et la pluie fouette contre les hublots au point de créer des vagues.

Quelqu'un me touche doucement le bras et lorsque je suis des yeux la main jusqu'à son possesseur, je constate qu'il s'agit d'Amnis. D'un léger geste du doigt, elle m'indique un plateau de fruit, de fromage et de pain. Le vieux mage ne s'est pas fait prier pour engloutir les aliments sur le second, poser sur la table basse. Je la remercie d'un signe de tête alors qu'elle me fait un léger sourire.

Je m'assois à même le sol, puis pioche dans l'assiette sans empressement, au contraire de l'ainé. On croirait qu'il n'a pas été nourrit depuis des jours, pourtant, nous mangeons des repas réguliers et bien équilibrer.

Ester lève les yeux avec exaspération, tandis que Liore reste silencieuse, accoter contre le mur près de la porte, les bras croisés. La princesse de Moonleaf se contente de nous observer tour à tour avec sa petite frimousse souriante.

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