Chapitre 6 partie 1 Callidus

Je me dirige vers le salon avec une assiette de pain, de fromage, de viande sèche et de fruit en main, récupérer aux cuisines quelques minutes plus tôt. J'ouvre la porte en bois et entre à l'intérieur. Mon regard fait le tour de la pièce, se posant sur les vieux tableaux du capitaine Poper, accrochés au mur. Chacun d'eux représente une femme et ou, une jeune fille, entourées de fleur et de tissue chatoyant.

Deux canapés capitonnés pourpre sont placés dans un coin. Sur l'un d'eux, un vieillard à la longue chevelure blanche est couché sur le dos. L'une de ses mains pendouille et frôle le sol en bois du navire.

À l'opposer, il y a un bahut sur lequel traine quelques babioles. Au centre, il y a un grand tapis fait de poile noir qui me semble être de la fourrure d'ours. Sur l'un des murs, il y a quatre hublots qui donne sur la poupe du navire. Une table basse fait de verre est placée près des canapés.

Je me dirige vers celle-ci pour y déposer l'assiette, puis vais doucement secouer l'ancien pour le réveiller. Il papillonne des yeux en grognant, puis passe ses mains squelettiques sur son visage ridé. Il m'envoie un regard agacé, comme si cela ne faisait pas plus de douze heures qu'il était plongé dans la reposante inconscience.

- Pour quelqu'un emprisonner par des chaines démoniaques, tu es étonnement libre, grommelle le vieux mage en se redressant, puis en lissant sa barbe aussi blanche et aussi longue que sa chevelure. Au moins, tu sais comment bien traiter tes prisonniers.

- Vous pouvez donc le voir, dis-je en croisant les bras alors qu'il se met à manger goulûment.

- Je ne le vois pas, je le ressens. Et ce n'est pas du tout une belle chose. Ne plus être ce que la nature vous a offert, c'est scandaleux. Je ne suis pas sûr que ta cousine et toi pouvez encore vous considérer humain. Vous n'avez dorénavant que l'apparence. Au moins, il vous reste une chose qui fait que vous n'êtes pas un objet sans âme.

Je l'observe, attendant qu'il me donne plus de précision, mais l'ainé se contente d'engloutir la nourriture. Il se lèche les doigts, s'essuie sur sa barbe, avant de faire un petit sourire de satisfaction.

- Vous n'êtes peut-être plus vraiment humain, mais vous avez toujours l'instinct... et bien entendu, votre propre conscience.

L'instinct? Sous-entend-t-il que je peux réagir impulsivement?

- On ne peut pas se débarrasser du noyau qui caractérise tout être vivant, ajoute-t-il en caressant sa barbe. Même si cela peut sembler peu probable, les plantes aussi ont un instinct et... présentement, votre nature se rapproche le plus d'elles. Les végétaux vivent de sensation et non d'émotions comme les animaux et les humains. En ce moment, vous êtes au stade d'une petite pousse qui a besoin d'eau, de nutriment et de soleil. Autrement dit, commencez par redécouvrir les sensations.

- Et si je veux simplement que vous m'acheviez en utilisant la lumière divine. Le pourriez-vous?

Il eut un imperceptible sourire, comme s'il s'avait que c'était ce que je cherchais depuis le début.

- Je vois où tu veux en venir, mais même si j'en étais capable, ce n'est pas ma destinée de le faire... et ni la tienne de mourir ici. Il te suffit de suivre mes instructions et tout ira bien.

Je le fixe en essayant de comprendre son intention alors qu'il se lève et s'étire. Ce vénérable homme décrépit est le plus puissant mage de la tour de la capitale de Moonleaf. Il semble être le seul à pouvoir me tuer, mais pour une quelconque raison, il refuse de le faire. Ce n'est pourtant pas quelque chose de difficile à réaliser.

- Pourquoi, lui ai-je demandé au moment où Liore entre dans la pièce.

- Quelle question absurde, me répond le vieillard en secouant la tête, un sourire aux lèvres. Les gens du bien tuent seulement si leur vie est en danger et encore là, ils éviteront au maximum de se retrouver dans ce genre de situation. Cette demoiselle et toi n'êtes pas encore au stade de le comprendre. C'est beaucoup trop tôt.

J'échange un regard avec Liore qui se contente d'un haussement d'épaule. Je reporte mon attention sur l'ancien qui regarde par les hublots.

- Vous avez dit que nous devrions nous concentrer sur les sensations. Comment doit-on procéder?

Il pivote vers nous avec un sourire ravi avant de retourner s'asseoir sur le canapé où il était plus tôt.

- Quoi qu'il advienne, vous ne pourrez pas faire marche arrière. Dès le processus enclenché, vous ne pourrez pas le regretter... alors soyez sûr de votre réponse. Pour arriver à vous libérez de vos chaines, se sera un parcours long et difficile. Cela pourra prendre des mois, voire des années lorsque vous retournerez à votre point naturel.

- La lumière divine n'est-elle pas la seule manière de nous sauver, lui demande Liore avant de me jeter un coup d'œil.

L'ainé eut un sourire mystérieux sans lui fournir une réponse.

- Vous le saurez en temps et lieux, mais pour l'instant, vous êtes loin de la phase finale. Comme je l'ai dit, vous n'êtes qu'au stade de petite pousse.

Le vieux mage nous observe en silence tout en caressant lentement sa longue barbe.

- Votre réponse, nous demande-t-il en levant un sourcil.

Liore et moi échangeons de nouveau un regard avant d'acquiescer. Nous n'avons rien à perdre à essayer. Au bout de la route, se sera ma mort, de toute manière. Cela ne changera pas grand-chose si j'échoue.

- D'abord, avant de pleinement commencer, il vous faut chacun un assistant du sexe opposé, dit le vieillard avec un sourire fourbe tout en nous pointant. C'est l'une des parties les plus essentiels du processus.

- Nous pouvons nous soutenir mutuellement, dit Liore alors que nous échangeons un coup d'œil. Nous n'avons pas besoin de quelqu'un de l'extérieur.

- Je crains que vous ne puissiez procéder ainsi, rétorque le grand mage en croisant les bras tout en penchant légère la tête sur le côté. Si vous perdiez tous les deux la vue, pourriez-vous être en mesure de guider l'autre?

- Non, dis-je en secouant la tête. Mais ce n'est pas comme si nous allions la perdre.

Le vétéran pousse un long soupir avant de nous regarder fixement.

- Il semblerait que je doive moi-même sélectionner vos partenaires. Comprenez bien que, puisque vous êtes tous les deux prisonniers de la même cage, aucun de vous ne peut aider l'autre à sortir. Il vous faut quelqu'un de l'extérieur pour ouvrir la porte.

C'est vrai que, dans ce sens, je ne peux pas aider Liore et cela va de même pour elle par rapport à moi. Mais le problème n'est pas seulement là. Aucun de nous deux n'a envie de partager ce secret avec n'importe qui.

Je repasse en revue les quelques femmes sur le navire, mais je ne suis proche d'aucune d'elles. Liore a l'embarras du choix étant donné que le trois quart de l'équipage sont des hommes... mais comme moi, aucun d'eux pourrait faire l'affaire. Nous ne pouvons pas choisir n'importe qui au risque que le mot remonte jusqu'aux oreille de Malum. S'il découvrait que nous essayons de briser les sorts, je ne sais pas ce qu'il ferait. Ou plutôt... je le sais trop bien. Il exécuterait sans aucun doute le vieux mage... mais pas seulement cela. Il ferait tuer tous les gens de Moonleaf possédant une infime partie de magie... ce qui viendrait à dire, raser complètement ce royaume de ses habitants.

Personne de l'équipage ne peut être notre compagnon. Ce qui reste... uniquement la princesse et le prince. Mais... la princesse est faible et fragile... et dans le cas du prince... il ne semble pas nous apprécier, ce qui est tout à fait compréhensible.

- La princesse Amnis pourra vous aider, dit l'ancien avec un sourire. Si vous lui expliquez le problème, elle acceptera. Elle arrivera à convaincre le prince de donner un coup de main.

- J'y ai pensé, dis-je en croisant les bras. Mais la princesse est délicate et chétive...

- Oh, mon cher, réplique l'ainé en secouant la tête. Vous ne devriez pas la sous-estimé. Elle est quelqu'un de bien plus forte qu'elle en a l'air. Et, bien qu'il soit entêté et retissant, le prince a bon cœur. Vous pouvez leur faire entièrement confiance.

- Mais ils n'ont pas confiance en nous, dit Liore en me jetant un regard.

- Vous êtes les protecteurs de vos sauveurs. C'est comme le cycle de respiration entre plante et humain. L'un ne peut être sans l'autre. Tôt ou tard, vous comprendrez la signification de ces mots.

- Très bien, dit ma cousine en tournant les talons. Je vais les chercher.

Elle sort silencieusement de la pièce et referme la porte derrière elle. Je regarde le vieux mage en me demandant s'il est vraiment en train de nous aider ou de nous nuire. Bien qu'elle ait accepté mes excuses, j'ai bien vu que la princesse est inconfortable en ma présence. Je marche vers les hublots et regarde à l'extérieur. Le prince Ester est resté étrangement calme tout ce temps et n'a même pas essayé de se débarrasser de Liore et moi.

Est-ce parce qu'il a une quelconque mission à faire à Duskstone?

Est-ce possible que c'est lui qui achèvera Malum?

Ou il sera là pour m'aider à le supprimer?

Quel avenir a-t-il vu pour ne pas au moins avoir essayer de s'échapper dès que sa petite sœur s'est réveillée?

Liore revient quelques minutes plus tard avec la princesse Amnis et le prince Ester. Dès qu'elle voit le vieux mage, la princesse pousse un petit cri surpris.

- Grand-oncle Midas, s'exclame Amnis en courant vers lui avec un sourire rayonnant.

Il la prend dans ses bras alors que Liore et moi échangeons un regard. Ester s'approche d'eux pour s'asseoir sur le bras du canapé capitonné.

- Que faites-vous ici, vieille homme, lui demande le prince en fronçant les sourcils, puis en reportant son attention sur Liore, puis sur moi. Ils vous ont forcer?

- Que ce jeune homme soit venu me chercher ou non, il fallait que je sois ici, lui répond l'ancien en se dégageant de la princesse.

- Vous l'avez vu, dit Ester avec un hochement de tête compréhensif.

Le mage Midas sourit en caressant les longs cheveux roux de la princesse.

- Je suis ici pour vous, mais aussi pour eux, dit-il en faisant un geste vers Liore, puis moi.

- Pour les libérer de la magie noire, l'interroge Amnis en me jetant un rapide coup d'œil, ce qui fait de nouveau Ester froncer les sourcils.

- Qu'est-ce que tu veux dire?

- La princesse fait allusions à cela, dis-je pour attirer leur attention.

J'enlève ma cape, détache les quelques boutons de mon gilet noir pour le retirer, puis ma liquette, dévoilant ainsi mon torse, mon dos et mon ventre... où des runes gravées à l'encre noire parcourent presque chaque recoin de peau.

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