Comme convenu, nous partons dès l'aube et arrivons un peu plus tard que midi aux portes du château. Je vois dans les yeux des deux princes qu'ils sont surpris de voir le palais de Duskstone en si bon état et tout aussi grand que celui de Moonleaf. Je me rappel lors de mon excursion à Sunfild que le castel et la ville sont construit de manière modeste et presque tous identiques, à quelques exceptions près. Même leur château pourrait presque être considérer comme un manoir. Les habitations des aristocrates ne semblaient pas bien différentes.

Les gardes en surveillance nous ouvrent le portail, puis nous faisons marcher nos étalons sur le sentier légèrement boisé qui mène au jardin et à l'entrée du palais.

Quelques oiseaux passent au-dessus de nos têtes en piaillant, ce qui attire l'attention d'Amnis, assise avec le prince Ison. Elle lève une main et étonnement, l'un d'eux descend jusqu'au creux de sa paume.

Encore une fois, je me dis que c'est cette lumière en elle qui attire les autres, y compris les bêtes sauvages... comme moi.

Je l'observe alors que la princesse de Moonleaf sourit en caressant la tête du piaf doré. Après un moment, elle le laisse s'envoler pour rejoindre ses compagnons.

– C'est toujours aussi joli, commente-t-elle comme si elle y était déjà venue.

L'espionne se retourne et fronce les sourcils en entendant son commentaire.

– Je... je l'ai vu dans un livre, bredouille Amnis alors que je suis persuadé que ce n'est pas le cas.

D'ailleurs, il y a très peu de bouquin sur notre royaume. La plupart d'entre eux son accès sur l'histoire et la politique. Il existe peut-être un ou deux ouvrages dans le monde sur la faune et la flore de Duskstone et cela m'étonnerais qu'Amnis ait pu se les procurer... aussi instruit que soit Moonleaf.

Malgré cette déclaration suspecte, la fureteuse ne dit pas un mot et reporte son attention vers l'avant. Lorsque nous arrivons devant les marches menant aux deux grandes portes du château, quelques écuyers attendent comme s'ils avaient eu vent de notre arriver. Ils se tiennent rigide et m'observent avec crainte et méfiance, comme s'ils croyaient que j'allais les tuer s'ils faisaient un seul geste de travers. Nous descendons de nos montures en les ignorants et entrons à l'intérieur. La réaction des domestiques n'est pas bien différente. Ils murmurent sur notre passage les mêmes mots.

– Le chien du roi est revenu, chuchote l'un deux comme s'il était persuadé que je ne l'entendrais pas.

– C'est le cabot de l'empereur, marmonne un autre.

Lorsque je jette un regard vers Amnis, leurs émotions semblent être un fardeau pour elle. Son expression à lui seul me révèle ce qui se passe dans son for intérieur.

Je ralentis la cadence alors que j'étais en tête avec Liore et l'espionne. D'instinct, je prends sa petite main avec la mienne. La princesse de Moonlleaf regarde un instant nos mains avec surprise avant de lever ses iris clairs vers moi, un sourire aux lèvres. Elle exerce une légère pression en signe de remerciement.

Le prince Ison me regarde avec agacement alors qu'il marche devant nous avec Ester, en arrière de Liore. Je ne la lâche pas jusqu'à ce que nous atteignions les deux grandes portes menant à la salle du trône.

Lorsque nous entrons, Malum est déjà installé sur son siège royal, le duc Darney, son bras droit, à côté de lui. Au moment où il nous voit, ses lèvres s'étirent en un sourire cruel, comme s'il avait prévu depuis longtemps le sort de ses prisonniers.

– Comme toujours, tu as fait un excellent travail, mon cher neveu, dit-il en ouvrant les bras comme s'il était heureux de me voir.

– Et moi, lui demande la fureteuse en attendant de recevoir des éloges. C'est grâce à moi qu'ils ont aussi ramené le premier prince de Sunfild.

Elle le regarde avec adoration alors que, je le vois bien, il la considère dorénavant comme inutile.

– Callidus, commence Malum en l'observant comme un vulgaire insecte. Tue-la.

– Quoi, s'exclame l'espionne en se laissant tomber à genoux près du roi. Pourquoi! J'ai tout fait pour vous, majesté!

Mon corps eut un léger tremblement alors que je tente de résister à son ordre, en vain. Ma main bouge toute seule et va chercher la poignée de ma rapière. Elle sort l'arme de son fourreau au même moment où mes pieds s'avancent d'eux même vers la future victime. Je vois la panique traverser ses iris bruns, mais mon corps ne s'arrête pas... même lorsqu'Amnis tente de m'immobiliser en m'empoignant le bras. Mon corps tressaille un instant, mais je la repousse d'un geste brusque qui la fait presque tomber au sol. D'un geste vif, alors que la fureteuse tente de se sauver, je lui tranche la tête, qui va rouler aux pieds de Malum.

– Quel scène appétissante, dit l'empereur alors qu'Amnis laisse échapper un couinement. Maintenant que cela est réglé et que votre deuxième mission est un excellent succès, Liore et toi devez aller vous préparez pour aller tuer les souverains de Dawnrold et me ramener les héritiers. Vous partirez dès que vous serez prêt.

Liore et moi, nous nous inclinons avant de tourner les talons pour marcher or de la salle du trône.

– Où est-ce que vous allez, s'exclame Ester comme s'il cherchait à nous retenir.

On ne peut rien y faire. L'ordre de Malum incluait que nous partions sur le champ, pour s'en aller d'ici deux ou trois jours. Avant de sortir, je reporte une dernière fois mon attention sur Amnis qui m'observe avec crainte et inquiétude. Elle tente de sourire, mais ses lèvres et les joues perdent de leur force. Je détourne les yeux et sors dans le couloir éclairer par les grandes fenêtres et les torches placées au mur. Liore et moi nous dirigeons vers l'aile ouest où se trouve nos chambres.

– Que crois-tu qu'il leur fera, me demande ma cousine alors que, comme toujours, les domestiques marmonnent et baissent les yeux sur notre passage.

– Je l'ignore, lui ai-je répondu en pensant à Amnis. Il faut s'attendre au pire.

Je ne sais absolument pas ce qu'il a l'intention de faire après avoir supprimer chaque souverain des trois autres royaumes. Ce n'est pas comme s'il pouvait contrôler les territoires du monde entier... à moins qu'il...

À moins qu'il ait l'intention de rendre les héritiers comme Liore et moi... incapable de ressentir quoique ce soit.

– Il a peut-être l'idée de les faire devenir comme nous, puis de régner à travers eux, ai-je ajouté alors que nous arrivons près de nos chambres.

– Tu veux dire, Malum veut les utiliser comme pantin?

Je hoche la tête avant d'entrer dans ma pièce personnelle.

Le silence qui domine la pièce me fait du bien. Un peu comme si je me retrouvais qu'avec moi-même... ce qui est techniquement le cas, puisque je suis seul. Enfin, pas vraiment, puisque le dieu de l'instinct, Valor, flotte dans la pièce comme s'il était chez lui. Pour une fois, il reste silencieux, mais cette douce tranquillité dure qu'un instant avant qu'il se mette à ricaner tout seul... à moins qu'un autre dieu l'accompagne et que je ne peux pas le voir ni l'entendre.

Les longs cheveux argentés de la divinité de l'imprévisible voltigent autour de lui alors que ses yeux carmin, d'un rouge vivace, m'observent avec le même air bestial qui défigure son visage.

– Noche vient de me dire que son pouvoir sera bientôt entièrement réveillé dans l'âme de ta chère petite princesse, ricane Valor en me tournant autour alors que je me débarrasse de mon fourreau et ma ceinture noire, que je dépose sur mon lit. Lorsque tu reviendras de ta mission, vous serez plus proche que jamais.

Je l'observe en essayant de comprendre le sens exact de ses mots alors qu'il ricane devant mon visage sans expression.

– Que voulez-vous dire, lui ai-je demandé en retirant ma cape avant de me diriger vers ma salle de bain. Est-ce parce que je devrais commencer à ressentir des choses?

– En partie, acquiesce-t-il en rigolant. En fait, tu prendras simplement conscience de ce que ton instinct te révèle déjà.

Il y a donc une raison pourquoi je réagis toujours étrangement face à elle... que j'ai des actions illogiques lorsque cela la concerne.

– Tu trouveras ta réponse à ton retour, ajoute Valor avant de s'évaporer avec son rire cristallin.

Je fais couler l'eau dans le bassin et vois mon visage de marbre se refléter sur le liquide translucide. Comme d'habitude, mes cheveux légèrement bouclés sont indisciplinés, tournant dans tous les sens comme si je n'essayais jamais de les coiffés. Je me lave rapidement, puis me change dans des vêtements semblables, car ceux que je porte depuis des jours empestent la sueur.

Je passe une main dans mes cheveux mouillés, puis plie mes habits sales avant de les mettre de côté. Je sais qu'une domestique viendra les chercher seulement lorsque je ne serai plus là.

Je remets ma cape et accroche mon fourreau à ma ceinture. Je sors ensuite de ma chambre dans l'intention d'aller commander de nouveau vêtement chez le couturier qui les fait habituellement pour Liore et moi. Il connait déjà mes mensurations et mes goûts pour les habits simples et légers.

Ma cousine me rejoint à une intersection. Il me semble qu'elle aussi, elle a besoin de faire le plein... étant donné que nos possessions ont été emportées par l'océan lors de la tempête. Nous devons nous procurer de nouveaux vêtements.

– Tu crois qu'il pourra les finir d'ici un jour où deux, me questionne Liore alors que nous sortons à l'extérieur du palais.

– Peut-être, lui ai-je vaguement répondu. Si nous lui mettons un peu de pression. Malum n'est pas quelqu'un de patient.

– Je sais.

Elle reste un moment silencieuse avant de dire :

– J'espère que tout ira bien pour Amnis...