Chapitre 15 partie 1 Amnis
Je me fige en entendant cette voix familière. Incertaine, je lève lentement les yeux pour confirmer que je ne rêve pas... qu'elle est bel et bien là. Ses iris passent de Callidus à mademoiselle Coco, puis d'elle à Liore et moi. Son sourire s'accentue dans une expression sournoise qui me laisse sans voix. Je ne l'aurais jamais soupçonné d'être celle qui a vendu tant d'information à l'empereur de Duskstone. Je croyais qu'elle m'appréciait. Que nous étions en quelque sorte des amies.
– Va... Vanésia, ai-je bredouillé alors que mon corps tremble sous l'impact de cette révélation. Tu...
Elle plisse les yeux et s'incline rapidement, chose qu'elle n'a jamais fait malgré la différence entre nos statues.
– Je suis heureuse de vous revoir en si bonne santé, princesse, déclare mon ancienne servante avec un sourire qui montre qu'en réalité, elle ne le pense aucunement. Notre souverain hésitait à savoir s'il devait vous supprimer ou non, étant donné que vous êtes ni apte à la magie ni capable de la moindre chose. Votre existence même ne lui sert à rien, mais comme je lui ai dit que vous êtes plutôt mignonne, il va juger de votre sort après vous avoir vu de ses propres yeux.
Je baisse les miens vers le sol et m'enlace d'un bras en essayant de contrôler les frémissements désagréables que me prodiguent ses mots autant que sa présence ici. Des larmes me montent aux yeux en pensant qu'elle a participé à l'assassinat de mes parents. Une main se pose sur mon épaule et je sais sans même regarder qu'il s'agit d'Ester.
– Je comprends maintenant pourquoi tu n'as pas empêché Amnis de toucher à des pierres et d'essayer d'apprendre la magie. C'était pour voir à quel point elle est faite fragile. Tu la testais.
– Je n'en attendais pas moins d'un mage tel que vous, cher prince, disciple du dieu de la sagesse, Wise, lui répond Vanésia avec un sourire ravi, ignorant complètement la lame qui est toujours collée contre son cou.
– Eh, qu'est-ce qui s'passe, s'exclame mademoiselle Coco en nous regardant tous, complètement perdu dans cette situation.
– Il semblerait qu'ils se connaissent plutôt bien, lui répond Liore avec son habituelle visage inexpressif alors qu'elle se tient à côté de moi.
– Elle... était à mon service, ai-je dévoilé d'une voix légèrement chevrotante et à peine perceptible dû à mon inconfort. Je... la considérais comme une amie.
– Vous considérez tout le monde comme vos amis, princesse. Réplique Vanésia d'un ton aussi tranchant que la lame qui est contre son cou. Un autre aspect de vous qui vous rend faible et naïve. Mais ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas la seule à être une idiote.
Vanésia fait un geste de la main vers Ison qui fronce aussitôt les sourcils.
– C'est moi qui lui ai envoyé un message pour qu'il fonce bêtement à votre rescousse. Vous faites vraiment les parfaits tourtereaux.
Je rougis devant son allusion et n'ose pas me retourner pour voir l'expression d'Ison. Callidus pose ses iris sombres sur moi et mon cœur se serre pour une raison que j'ignore. Cet inconfort est différent. J'ai l'impression qu'une partie de ma conscience croit avoir fait quelque chose de mal.
Pourtant, ce n'est pas le cas.
– Est-ce... qu'il te menace, ai-je demandé à mon ancienne servante en croisant et décroisant les doigts de mes deux mains.
Je pince les lèvres et l'observe avec hésitation en redoutant d'entendre la réponse. Vanésia baisse les yeux vers l'arme près de son cou, regarde Callidus avant de reporter son attention sur moi.
– Le roi de Duskstone m'a sauvé la vie, finit-elle par nous confier en me regardant droit dans les yeux. Alors, je lui ai juré fidélité.
J'essaie d'imaginer la scène, mais je n'y arrive pas... non pas parce que je n'ai pas vu l'évènement, mais parce que, dans mes souvenirs, le monarque de Duskstone est un homme perfide et cruel. Son esprit entier est sous l'influence du démon Matar, dites l'usurpateur. Ce dieu démoniaque est l'incarnation même du diable, la source la plus puissante et la plus redoutable de la magie noire. Noche et Valor, au contraire de Matar, peuvent avoir des bons côtés... même si c'est infime.
– Vous êtes enfin là, s'exclame une voix grave et masculine, me tirant de mes pensées.
Je lève les yeux pour voir le capitaine Poper Scoop tasser doucement la lame de l'épée de Callidus avec un claquement de langue désapprobateur.
– J'sais qu't'adore ce p'tit chaton, ajoute-t-il en faisant un geste vers moi, ce qui me fait rougir de plus belle. Mais c'n'est pas une raison pour trancher la tête d'tout l'monde.
La main de Callidus eut un léger tremblement, seul signe qui prouve un semblant d'émotion. Ses iris sombre se posent un instant sur moi avant qu'il ne baisse lentement son arme et la range dans son fourreau.
– Il n'y a que Vanésia qui va vous accompagner jusqu'à la capitale, nous informe le capitaine en promenant son œil bleu et son œil brun sur chacun de nous. Le Gwalior a fini son travail. Pour l'instant.
– Heiiinnn, fait mademoiselle Coco avec une mine boudeuse alors que le chef de l'équipage ressert sa longue couette brune. J'voulais y faire un tour!
– J'ai déjà sélectionné l'prochain Gwalior... et puis, dois-je t'rappeler qu'nous n'pouvons pas nous permettre de rester au même endroit trop longtemps. Maintenant qu'Sunfild nous a attaqué, nous d'vrons changer l'nom d'notre équipage et modifier notre apparence.
– Beuh...
Elle pose un regard de chiot sur Callidus qui l'ignore superbement.
– Tu l'reverras lorsqu'sa majesté lui donn'ra sa prochaine mission, lui rappelle le capitaine Poper avec un rire bruyant alors qu'il croise ses larges bras tatoués à l'henné qui forme des arabesques complexes.
– J'ai dit à l'empereur que dès que vous arriveriez, nous partirions sur le champ, nous apprend Vanésia et, à son ton, elle semble nous dicter de redescendre jusqu'au rez-de-chaussée.
Je me retourne avec l'intention de descendre, ce qui fait froncer les sourcils d'Ester et d'Ison. Je les observe en souriant alors qu'ils me regardent avec désapprobation. Je les pousse un peu pour qu'ils retournent en bas alors que grand-oncle Midas est déjà en train de s'exécuter.
Nous finissons par sortir à l'extérieur de l'auberge du Milécueil avant que Vanésia se dirige vers des stèles extérieures qui semblent appartenir à un vendeur de chevaux. Elle discute un moment avec un homme grand, large et barbu avant qu'elle ne revienne vers nous avec quatre chevaux. Du coin de l'œil, je vois Callidus chuchoté quelque chose à l'oreille de grand-oncle Midas qui acquiesce avec un léger sourire. Il lui tend quelque chose avant que Callidus marche vers moi et me soulève soudainement.
Je pousse un petit cri de surprise et eus un léger vertige alors qu'il m'installe sur l'une des montures avant même que Vanésia nous ait complètement rejoint. Il monte derrière moi sous les protestations d'Ison et les soupirs d'Ester. Callidus dirige la bête sous le regard légèrement déconcerter de Vanésia.
Mes joues s'empourprent alors que je sens sa chaleur m'encercler, surtout provenant de son large torse contre mon dos.
– J'ai dit à Midas de se cacher dans la capitale, chuchote-t-il de sa voix grave et profonde près de mon oreille, ce qui me fait frissonner. Il est préférable que Malum n'est pas vent de la présence d'un puissant mage parmi nous.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi sa proximité me trouble. Pourquoi je me sens anxieuse d'être si près de lui. Je sais qu'il pourrait devoir me tuer à tout moment et pourtant... malgré le fait que je connais sa nature... que c'est lui qui a tué mes parents... je n'arrive pas à le détester ou à le craindre tout à fait. Je veux me sentir minuscule entre ses bras fort, sentir le réconfort de sa présence étrangement rassurante et... pourtant... j'ai aussi envie de le fuir. Je convoite son toucher, mais je crains son contact. Mes propres émotions me laissent perplexe. Plus j'essaie de me convaincre que son existence ne me rend pas fébrile, plus j'ai l'impression d'avoir conscience de lui.
Je l'observe discrètement par-dessus mon épaule pour constater qu'il ne regarde pas devant nous, mais qu'il me regarde. Mon cœur manque un battement avant de s'accélérer. Je reporte vivement mon attention vers l'avant en sentant mon visage s'enflammer.
Vanésia nous rattrape et prend même la tête de notre petit groupe. J'essaie de regarder en arrière pour voir les autres, mais Callidus est tellement grand et large que je ne vois que lui. Près de lui, j'ai l'impression d'être plus petite et plus fragile que d'habitude. Père et Ester ne sont pas très grand et n'ont aucune robustesse. C'est comme comparer une piqure d'insecte à une morsure de serpent. Père et Ester ne sont pas aussi dangereux pour mon cœur que Callidus et cela, dans tous les sens du terme.
– Nous rendre jusqu'à la capitale devrait nous prendre quatre à sept jours, nous apprend Vanésia en jetant un regard par-dessus son épaule alors que nous sortons de la ville portuaire pour suivre un chemin sinueux à travers une forêt dense.
Je lève les yeux pour essayer de voir le ciel à travers le feuillage des arbres. Ils sont d'un vert, comme les yeux d'Ester.
Comme ceux de père.
La tristesse me submerge, mais je me force de la refouler. Je sais que père et mère ne souhaitent pas me voir dans cet état. Ils ne voudraient pas me voir m'apitoyer sur mon sort. Ils m'ont élevé avec amour et dans un environnement plein de chaleur. Je dois utiliser ce qu'ils m'ont appris et offert à bonne essence. Ma force se cache autant dans la lumière que l'obscurité. Il faut simplement que j'apprenne à le contrôler.
– Princesse, dit la voix de Callidus près de mon oreille, ce qui me fait sursauter.
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