Chapitre 14 partie 2 Callidus

Amnis s'arrête et se retourne, comme pour nous attendre. Les deux jeunes hommes à côté d'elle font de même avec un léger retard.

– Vous allez nous guider, nous demande-t-elle lorsque nous arrivons à sa hauteur.

– Coco le fera, lui répond Liore en faisant un geste vers celle-ci.

– J'connais les villes portuaires d'chaque royaume comme ma poche, acquiesce Coco d'un ton qui laisse entendre sa fierté tout en tapotant un doigt contre sa tempe.

– Nous nous en remettons donc à vous, dit Amnis en le remerciant d'un signe de tête.

Coco les contourne pour marcher devant notre groupe, puis elle nous fait signe de la suivre alors qu'elle s'avance à travers une petite foule de marchand. Ils déambulent en criant, essayant d'attirer l'attention des autres qui passent près de leur ravitaillement. Coco nous fait tourner sur une ruelle avant de passer par une avenue plus bruyante.

Une bagarre éclate entre un poissonnier et son client et je guette la réaction d'Amnis. Plutôt que d'être choqué, elle se dirige vers eux pour tenter de calmer la situation. Avant que les autres ne remarque son action, je la suis pour m'assurer que son intervention ne fasse pas envenimer les choses. Je me tiens derrière elle et elle semble sentir ma présence, car elle lève les yeux vers moi et sourit. En sachant que je suis là, Amnis semble se détendre. La princesse de Moonleaf règle rapidement le conflit sans qu'il y ait la moindre blessure grave.

Je me souviens alors que le grand mage avait fait allusion à la capacité de comprendre ce que ressent les autres. Peut-être qu'Amnis se sentait inexplicablement agité et que cet inconfort venait de là. La princesse me prend la main et la serre doucement avant de la relâcher.

Elle se dépêche de rejoindre les autres alors que je la suis tranquillement. Le prince Ison me lance un regard suspicieux alors qu'Amnis se place de nouveau entre son frère et lui. Il se penche vers elle pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille, ce qui la pousse à me regarder par-dessus son épaule avant de secouer négativement la tête.

Amnis réplique quelque chose qui semble assombrir l'humeur du prince de Sunfild. Elle l'observe un moment en fronçant les sourcils avant de soupirer. Son expression s'adoucit et je la vois lui prendre la main avec un sourire hésitant.

Par réflexe, je lève ma main qui a tenu la sienne et la regarde comme si je les sentais encore entrelacer.

– Tu es jaloux, maintenant, ricane Valor en apparaissant soudainement à côté de moi, son grand sourire carnassier coller sur ses lèvres.

Je relaisse mollement tomber ma main et reporte mon attention sur le dieu de l'instinct.

– Ne dites pas des choses que vous savez pertinemment ne pas être le cas, dis-je avec indifférence alors que Liore l'observe tout autant.

– Vous devriez le savoir mieux que quiconque, ajoute ma cousine alors que Valor se met à flotter devant nous, avançant à reculons. Vous êtes venu à nous parce que nous avons perdu tout humanité. Les bêtes se reconnaissent entre elles.

Valor laisse échapper un rire agressant en entendant les mots de Liore.

– Je ne me lasse pas de vous regarder et de vous entendre parler avec cet air si sérieux, avoue Valor en nous dévoilant ses crocs aussi redoutables que la lame de ma rapière ou des dagues qui pendouilles à la ceinture de Liore.

– Cela prouve que vous n'avez jamais rien à faire, ai-je répliqué en reportant mon attention sur la longue chevelure rousse d'Amnis.

– Cela prouve que j'ai tant de temps que vous observez n'en ai pas une perte, me corrige le dieu de l'imprévisible d'un ton plein de fierté alors qu'il croise les bras et lève le nez en l'air. Vous consacrez de l'intérêt, à vous, pauvre créature, est de loin l'activité la plus divertissante et captivante que toutes ces choses mortels dont j'ai pu pratiquer.

– Vos goûts sont uniques, commente Liore d'une voix morne en le regardant avec insignifiance. À votre place, je pense que j'aurais sans doute trouvé cela ennuyeux.

– Hmm, fait Valor en faisant semblant de réfléchir, son sourire bestiale toujours coller à ses lèvres.

Il plisse les yeux et baisse la tête.

– Les mortels sont toujours plus intéressant dans leur malheur. C'est là que l'on peut savoir si une personne est forte ou faible. Votre cas est spécial, ce qui est d'autant plus intriguant.

– Nous ne sommes pas des cobayes, réplique Liore alors que nous tournons sur une rue étonnement déserte.

Valor ricane avant de disparaitre dans un tourbillon de vent, de fumé et de poussière. Les quelques personnes qui sont à l'extérieur nous regarde d'un œil noir, comme si notre simple présence les dérangeait.

– Votre roi devrait investir dans l'éducation, dit le grand mage alors que, j'en suis sûr, il caresse sa longue barbe blanche. Les érudits sont plus efficaces que des barbares.

– Cela lui convient ainsi, ai-je platement répondu, ce qui attire le regard du vieillard qui marche devant Liore et moi.

– Les idiots sont plus facile à berner, ajoute ma cousine sur le même ton alors que nous arrivons devant un vieux bâtiment qui se fait manger par des lierres.

– Nous sommes arrivés, s'exclame Coco en se tournant vers nous, puis en faisant un geste vers l'édifice en brique grise et en bois de chêne. Voici l'auberge du Milécueil, le plus réputer de cette ville. Il parait qu'il a été construit depuis près d'un siècle.

– On dirait que vous nous faites une visite touristique, dit Amnis avec un petit rire alors que je m'avance pour entrer le premier dans le vieux bâtiment, Liore à ma suite.

L'entrée est vaste et le comptoir de l'accueil est plutôt éloigné. Une jeune femme se tient derrière avec un air morose. À notre gauche, il y a des tables où quelques ivrognes se sont endormis. À notre droite, des vieilles causeuses sont placées autour d'une cheminé qui renvoie des petites flammes et, un peu avant, des marches mènent vers les étages du haut, ainsi qu'au sous-sol. Derrière la demoiselle, une grande arche est ouverte sur une spacieuse cuisine. Une odeur douceâtre en emmène et vient chatouiller nos narines. Je m'avance vers l'accueil et pose mes yeux sur la grande dame qui m'observe avec ennui.

– Le capitaine Poper Scoop est dans quelle chambre, l'ai-je questionné sans détour.

Elle regarde derrière moi alors que les autres s'approchent avant de reporter son attention sur le bouquin ouvert entre ses mains.

– Dix-sept, troisième étage, finit-elle par répondre sans nous accorder plus d'intérêt.

Je tourne les talons et marche vers l'escalier en mettant d'instinct ma main sur le fourreau de ma rapière. Je jette un regard par-dessus mon épaule avant de commencer mon ascension. Je reste sur mes gardes comme si, inconsciemment, je m'attendais à ce que quelqu'un me saute au visage et m'attaque subitement. Je sors doucement mon arme et tends l'oreille, essayant de percevoir le moindre bruit susceptible d'être alarmant. Seule la cacophonie de nos pas sur les vieilles planches semble montrer une présence humaine.

– Tu n'as aucune raison d'être sur tes gardes, me dit Coco en riant alors que ses doigts me touchent doucement la main, que je chasse pourtant d'un geste brusque.

Mon corps réagit de lui-même et ne suit pas ma conscience, qui semble pourtant ne rien détecter de suspect. Il est rigide, près au combat et quelque chose semble le déranger. Je le sens fourmiller d'une envie familière, comme lorsque Malum me donne un ordre qui doit être fait dans les minutes suivantes. Pourtant, je sais pertinemment qu'il n'est pas ici... que cette force qui m'oblige à obéir ne vient pas de lui. C'est quelque chose de plus grand... qui surpasse même l'obscurité qui m'habite.

Au moment où j'arrive sur le palier du troisième étage, une jeune femme aux cheveux châtain foncé et aux iris brun sombre et chaud apparait subitement devant moi. Machinalement, je porte mon arme contre son cou et ressers ma prise sur la poignée de ma rapière. Elle m'observe calmement alors qu'un sourire pointe lentement aux commissures de ses lèvres.

– Voilà donc à quoi ressemble le chien du roi, dit-elle avec un rictus moqueur alors qu'elle plisse les yeux. Tu es beaucoup moins effrayant que ce que j'ai entendu à ton sujet.

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