9 ~ Knock on the wood
Alors que je prends place dans la salle, je jette un regard en biais à Calum qui sourit de toutes ses dents. La raison était entre ses mains. C’est lui qui avait choisi ce cinéma qui a première vu semblait tout à fait banal jusqu’à ce que je jette un coup d’œil au comptoir à confiseries. A côté des bacs à popcorn se trouvaient des étalages de Cupcakes. Son choix s’était donc révélé évident.
Pendant le film Rudy s’est endormi, à croire qu’il ne dort pas le soir et qu’il se rattrape la journée pendant les cours et les autres activités. Ça m’inquiète un peu, depuis qu’on a commencé les spécialités j’ai l’impression qu’il est assaillit par les devoirs, qu’il n’arrive plus à garder le rythme. Quand je pense que Calum et moi n’avons presque jamais de devoirs, au contraire c’est moi-même qui m’en rajoute en écrivant des lettres à mon voisin.
Le basané à côté de moi vient de finir son troisième cupcake, quand bien même il ne peut pas grossir, je ne comprends pas comment il peut en manger autant sans avoir envie de vomir. Rien que de le regarder manger me donne des hauts le cœur et je reporte mon attention sur l’écran paisible face à nous. Mais bientôt mon attention est attirée par un bruit calfeutré, le bruit d’un téléphone qui vibre, à l'étroit dans une poche.
« - C’est pas vrai –Grogne Calum en tirant un peu son téléphone de sa poche pour voir le prénom ‘Amarande’ briller sur son écran-
-Elle n’est pas censé être en cours ? –Je demande en chuchotant-
-Si mais autant te dire qu’elle n’en fait qu’à sa tête… »
Alors peut-être était-ce un point commun aux musiciens ? Ashton aussi était censé être en cours mais je l’avais entendu sur le balcon avec sa domestique. Est-ce une matière si futile que les élèves peuvent se permettre de sécher le cours ? Je me perds dans mes réflexions avant d’entendre une nouvelle fois son téléphone vibrer contre sa cuisse. Il ne répond pas et je sais qu’il ne répondra pas, sa demi-sœur pourrait être en train d’agoniser qu’il ne l’aiderait sûrement pas.
« - Calum c’est peut-être important, sinon elle aurait arrêté de t’appeler –Dis-je alors qu’elle appelle pour la troisième fois consécutive-
-Je m’en moque elle va attendre que je sorte du cinéma.
-Tu lui as dit que tu étais ici ?
-Oui, elle m’a reproché de ne pas l’amener avec moi mais je lui ai dit que j’y allais déjà avec toi.
-Et ?
-Et elle l’a mal pris. »
Je déglutis, ce n’est rien de plus qu’une sortie entre amis, de plus Rudy est avec nous alors ça ne peut pas être un rendez-vous galant. Je sens mes joues rougir doucement à cette pensée. Je n’aime pas les rendez-vous, je suis si maladroite que je finis toujours par passer pour la gourde de service, détruisant toutes mes chances.
*
Une fois le film fini, Calum se précipite hors de la salle et appelle Amarande qui bien sûr ne répond plus, le mettant dans une colère folle. Elle avait essayé d’appeler au moins une bonne dizaine de fois mais maintenant c’était silence radio et je peux comprendre Calum. Comment aurais-je réagis si Oscar avait été présent et m’avait fait le même coup ? Je m’inquièterais sûrement, mais moi ce serait par peur qu’il lui soit arrivé quelqu’un chose, Calum lui ne ressent aucune affection pour sa petite sœur.
A la pensée de mon jeune frère je sens mon estomac se contracter violement et sors rapidement dehors pour prendre l’air, suivie de Rudy qui n’a de cesse de bailler. Je déteste penser à Oscar, ce n’est pas bon pour moi, ça ne l’a jamais été. Je donne un coup de pied dans un caillou qui part se loger dans la grille d’égout face à moi et fixe mes pieds.
« - Bon je suis désolé je dois rentrer –Intervient Calum me faisant sortir de mon mutisme- Eh Heidi ça va ?
-Ouais ouais, je pense que je vais rentrer moi aussi –Dis-je d’une voix sans teint-
-Tu ne veux pas profiter du reste de l’après-midi ? –Me demande-t-il-
-Non elle veut rentrer pour parler avec son admirateur secret –Plaisante Rudy alors que je le fusille du regard-
-Un admirateur secret ? –Glousse Calum en voyant mon regard noir- c’est qui ?
-Personne. »
Rudy est sur le point de divulguer un autre élément de ma vie privée mais je le stoppe net, écrasant son pied du mien. Je ne veux pas que Calum le sache, je ne veux pas qu’il me reproche de parler avec mon voisin musicien, déjà qu’il doit supporter sa demi-sœur alors si je lui apprend ça, il se sentira cerné.
Nous marchons tranquillement vers notre résidence et laissons Rudy à l’arrêt de bus le plus proche, il va s’endormir dans le bus, ça se voit dans ses yeux. En arrivant à hauteur du bâtiment je remarque que la baie vitrée de mes voisins est ouverte, ce qui fait battre mon cœur plus rapidement encore. M doit sûrement être rentré de la fac, il m’a peut-être même répondu. Je m’engouffre dans l’ascenseur en compagnie de Calum mais ne dit rien, de peur de trop parler de mon voisin qui à l’heure actuelle occupe toutes mes pensées. Lorsque nous sortons de l’appareil une odeur rance nous prend aux tripes, comme si nous venions de passer un écran de fumée nauséabonde. Je tourne la tête en tout sens pour essayer de voir la boule-puante mais il n’y a rien et plus on se rapproche de la fin du couloir plus l’odeur se fait forte, me piquant même mes yeux.
« - Ne me dites pas que.. »
Calum se précipite devant chez lui et déverrouille sa porte qu’il ouvre à la volée, laissant s’échapper une épaisse fumée verdatre au-dessus de sa tête. L’odeur est telle que je suis obligée de passer ma main contre mon nez et ma bouche, ne voulant pas prendre le risque d’inhaler la fumée écœurante.
« - NON MAIS JE RÊVE ! »
Calum se met à hurler et agrippe ses mains tendues aux extrémités de son crâne, regardant son séjour enfumé. A mesure que l’air circule dans son appartement, les fumées s’éparpillent dans le couloir, déposant une odeur fort désagréable sur les murs, dans l’air, sur le sol. Partout. J’appuie un peu plus mon bras contre mon nez alors que j’entre dans l’appartement de Calum dont le sol est jonché de ce qui semble être de la cendre, l’aidant à ouvrir toutes ses fenêtres.
« - Cette garce s’est fumé un joint dans MON appartement ! – Beugle-t-il alors que je mets enfin un nom sur l’odeur-
-Il faut que tu lui trouves un logement Calum –Dis-je avec difficulté, toussotant lorsque la fumée toxique s’infiltre dans mes poumons par ma bouche ouverte-
-C’est pas un logement dont elle a besoin, c’est d’un refuge, un centre de désintoxication ! »
Je tousse de plus belle et bientôt l’odeur nous insupporte tant que nous plions bagage jusque dans mon appartement. Une fois dedans je laisse échapper un soupire de bonheur en sentant l’odeur de lessive flotter dans les pièces, seule l’odeur imprégnée sur mes vêtement peut me dégouter si bien que je pars rapidement me changer, offrant un t-shirt de Rudy à Calum qui n’a de cesse de bouillonner.
Par réflexe nous ouvrons la fenêtre, histoire de chasser l’odeur gênante qui semblait avoir imprégné mes cheveux. Et Calum se met à mon balcon pour voir le sien, observant les volutes de fumée s'échapper par ses fenêtres ouvertes.
« - Je vais la tuer ! -Grogne-t-il-
-Avant ça Calum tu ferais mieux de la retrouver tu ne penses pas ?
-Je m’en moque, qu’elle se perde et ne revienne jamais, c’est un poids cette fille, un cas social, un vrai rejet de la société !
-Tu exagères un peu –Dis-je en prenant place sur mon canapé d’extérieur, brossant mes cheveux-
-Parfois j’aimerais qu’elle ne soit jamais venu dans ma famille, elle ne me crée que des ennuis ! »
Je vais pour riposter lorsque j’entends un bruit derrière le paravent, un bruit de choc comme si deux matériaux s’étaient cognés l’un contre l’autre. Serait-ce Ashton ou bien M ? Je penche pour cette dernière option, d’après ce que M m’avait dit Ashton était du genre à l’aise à l’oral, il aurait sûrement dit quelque chose, non là je discerne clairement une respiration saccadée qui peine à se faire discrète. Je me redresse et me tourne comme si je pouvais voir au travers de la masse boisée mais je ne vois rien d’autre que la surface froide. Si Calum n’avait pas été présent, j’aurais sûrement tenté une approche, je lui aurai parlé. Mais je ne fais rien, j’attends quelques minutes avant de finalement prendre mon courage à deux mains et de donner deux petits coups rythmés contre la paroi rigide. Je ne pense pas qu’il me répondra, je ne sais même pas s’il est encore derrière mais je tenais à le faire, je n’arriverais sûrement pas à lui parler, mais je voulais qu’il sache que je savais qu’il était là et que sa présence ne me dérangeait pas. Calum me dévisage avec surprise et je baisse la tête pour cacher mes joues rosies. Les gens vont vraiment finir par me prendre pour une folle. Mais soudain un bruit me fait la redresser, ce n’est pas fort, j’ai peut-être même rêvé, mais pourtant il me semble avoir entendu deux petits coups identiques aux miens, à peine plus discrets.
M est là ! Il m’a répondu.
*
En début de soirée Calum et moi commençons à rentrer bien que j’entende toujours la respiration masculine derrière la paroi. Par moments nous tapotions le bois pour nous faire comprendre que nous étions toujours là, nous n’avions pas besoin du langage courant, mais à présent il valait mieux que l’on rentre. L’odeur du joint avait enfin disparu de mes cheveux ainsi que de ceux de Calum, mais il continuait d’arborer une mine sombre. Après tout son appartement allait sentir plusieurs jours.
« - Est-ce que tu veux rester chez moi ce soir encore ? –Je demande timidement-
-Je ne veux pas déranger –Dit-il en fixant nerveusement son téléphone-
-Tu sais je préfère te savoir ici que chez toi où tu vas mourir asphyxié !
-Je dois attendre Amarande.
-Tu l’appelleras demain, ne sois pas stupide, tu as besoin de te reposer, tu as les nerfs à vif ces derniers temps. »
Il fini par accepter et va chercher quelques affaires chez lui. En revenant je comprends à son teint rougeâtre que l’état de son appartement ne s’est pas arrangé. Quelle idée Amarande avait eût de fumer des joints dans l’appartement de son frère, fenêtres fermées. Etait-ce seulement de la provocation ? En attendant Calum se rongeait un peu plus la santé.
*
« -Amarande est comme Daphnée –Soupire Calum en s’allongeant sur le canapé, fixant le plafond de ses yeux noirs-
-Ne me fais pas encore tout un discours sur le laissé aller des musiciens Calum –Dis-je en faisant la vaisselle du soir- tu sais que je ne suis pas d’accord.
-Si seulement ces filles étaient allé en section littéraire, elles seraient sur le droit chemin, l’une comme l’autre !
-Daphnée faisait des âneries ?
-Oh que oui, je crois même qu’elle a blessé un pauvre élève l’an dernier à cause de ses délires !
-Oh qui ça ?
-Un garçon qu’elle connaissait, elle ne m’a rien dit de plus sur lui à part qu’elle devait aller au tribunal du fait qu’il était amoché.
-Mais elle s’est battue ? –Dis-je surprise-
-Elle n’a jamais rien voulu me dire. De toute façon Amarande va finir comme ça si je ne l’en empêche pas.
-Calum tous les musiciens ne sont pas aussi inconscients, elle peut très bien repartir du bon pied.
-Si seulement je pouvais être aussi optimiste que toi. »
Il se redresse et sans que je m’y attende vient enrouler ma taille maigre de ses bras avant de poser sa tête sur mon épaule. Je sens mon teint virer au rouge à mesure que ma respiration se fait plus difficile. Qu’est-ce qu’il lui prend ? Je n’ose plus bouger de peur de faire un geste qu’il pourrait mal interpréter. Je suis tétanisée, en dehors des bras de Rudy je ne suis pas habituée à être dans les bras d’un autre homme et même si c’est Calum, je me sens mal à l’aise.
Au moment où je vais pour me retirer, j’entends la baie vitrée des voisins coulisser et presque automatiquement un papier blanc fait son apparition sur mon balcon, me faisant me détacher de Calum sans hésitations. Une fois la baie vitrée ouverte je récupère le papier en souriant grandement, ne prêtant pas attention à la mine vexée de Calum.
« - Tu m’as laissé en plan pour un bout de papier ? –Me dit-il d’une voix boudeuse-
-Oh pardon Calum, mais ce n’est pas qu’un simple bout de papier –Dis-je en jouant doucement avec la feuille entre mes longs doigts-
-C’est quoi ? C’est ça ton admirateur secret ? Ton voisin ? »
Il se met à ricaner, ce qui me déplait fortement et fait s’évanouir le sourire que le papier m’avait procuré. Je me doutais que Calum ne partagerait pas ma vision des choses mais de là à se moquer, je commence à comprendre son statut au sein des érudits. Je lui accorde un simple bonne nuit avant de prendre une feuille et un stylo, serrant contre ma poitrine la nouvelle lettre de mon mystérieux voisin.
Ce papier n’est pas qu’un simple bout de papier, c’est mon lien avec ce garçon. Certes étrange mais au final cela faisait maintenant une semaine que nous parlions tous les soirs alors je peux considérer ce lien comme stable.
« Salut H, que signifie ce F, ton nom de famille ?
J’ai hésité avant de signer mais je me suis dit que ce n’était pas très cordial de ma part surtout que tu semblais t’ouvrir plus rapidement que moi. En tout cas je suis curieux de connaître ton nom, c’est rare les prénoms qui commencent par un H, surtout pour une fille. Bon finalement j’ai moi aussi décidé de te tutoyer, mais sache que ça n’enlève rien au respect que j’ai pour toi. Les littéraires sont des personnes respectables.
Détrompe-toi, en musique on ne fait pas toujours ce qui nous plait, pour ma part je suis un féru de guitare mais à plusieurs reprises on m’a demandé de changer d’instrument pour que je puisse toucher à tout, pour me spécialiser ensuite. Je n’aime pas ça. Tout ce que vous pensez voir de nous n'est en fait qu’un mensonge, la musique, les styles différents, tout ça creuse des fossés entre nous, désolé si je te déçois.
Tiens quelle est ta couleur de cheveux ? Tu as piqué ma curiosité, tu sembles être une fille douce et calme alors j’ai du mal à t’imaginer avec une couleur flashy. En tout cas je le verrais bien à la soirée d’inté si tu y vas.
Amicalement, MC. »
Comme à mon habitude je ne peux m’empêcher de sourire face à ce petit papier, le respect et l’amitié qui en découlent me touche beaucoup et je pourrais passer mes journées à attendre ses futures lettres. Ce n’est pas un littéraire mais il se débrouille, il y a quelque chose dans ses écrits qui le rend attachant. Je laisse échapper un bâillement et fini par poser la feuille sur ma table basse lorsque je sens que mes yeux se ferment. Une fois ma lampe de chevet éteinte je m’enroule dans mes couvertures, repensant à l’échange tactile que M et moi avions eût au travers du paravent. L’espace d’un instant ça avait été comme s’il n’existait personne d’autre que lui et moi. Mais Calum nous avait vu bien-sûr et il avait vu la lettre, il n’allait pas tarder à comprendre que mon voisin était ce musicien dont je n’avais de cesse de lui parler. Comment réagira-t-il en l’apprenant ?
Je commence à somnoler lorsque j’entends ma porte s’ouvrir lentement, me faisant me crisper malgré la lourdeur de mon sommeil. En me redressant j’arrive à discerner Calum, il fait le tour de la pièce, regarde un peu partout avant de finalement s’allonger à mes côtés. Je laisse échapper un hoquet de surprise et me redresse comme un piquet dans mon lit. Je n’ai jamais dormi avec un garçon auparavant.
« Calum c’est quoi ton problème ? Tu as pissé sur mon canapé ?–Dis-je frustrée de le sentir si près de mon corps peu couvert-
-Non je… Je voulais m'excuser d'avoir rigolé tout à l'heure... Et puis, j’avais pas envie de rester seul cette nuit. Ça te dérange ?
-Un peu –Dis-je d’une voix timide-
-Je ne vais rien te faire promis, mais juste que je ne suis pas contre un vrai lit.
-Oh d’accord je vois. C’est juste que… C’est la première fois que je dors avec un garçon -Je lui avoue-
-Sérieusement ?! –Il se redresse pour essayer de discerner mon visage dans la pénombre-
-Et alors quoi, ça ne veut rien dire ! –Dis-je sur la défensive-
-Pas même avec ton meilleur ami ?
-Si mais lui ça ne compte pas du fait qu’il soit mon meilleur ami. J’ai confiance en lui !
-Heidi je te jure que je ne vais rien te faire, je ne suis pas comme ça –Dit-il en caressant le haut de mon crane- et puis on ne se connait pas suffisamment pour ça, une prochaine fois peut-être –Dit-il en ricanant alors que je grogne- Mais ça veut dire que tu es vier…
-Bonne nuit Hood et si tu ne te tais pas je te fais bouffer un oreiller et te ramène dans ton appart qui pue !
-Très bien capitaine Fauste, je dors, je dors. »
Il glousse avant de poser ses lèvres sur le haut de mon crane, me faisant me crisper un court instant. Je peux avoir confiance en lui, je le dois. Je me détends finalement, relâchant mes muscles tendus et me surprend même à tapoter son crane de ma main en guise de câlin. Certes je suis maladroite, mais je ne m’y connais pas en garçons. ‘Bonne nuit’ me chuchote-t-il alors que je sens que je m’endors enfin, bercée par mes pensées autour de M.
Il allait venir à la soirée dans moins de deux semaines, alors j’allais tout faire pour y aller moi aussi, j’allais tout faire pour pouvoir enfin mettre un visage sur ce personnage maladroit qu’était mon voisin musicien.
Ce voisin à qui j’avais commencé à bizarrement m’accrocher.
~ Bonsoir :) désolée je poste tard je finissais un boulot en marketing avant T-T Désolée pour les fautes je suis très fatiguée et ne corrige pas tout, j'espère que ça ne gêne pas, je reprendrai la correction au calme demain :)
J'espère que vous avez aimé, l'histoire stagne un peu mais je veux que la relation évolue entre M&H avant la soirée d'inté :)
Merci pour votre soutien !
K.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top